LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal, le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde et les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 21 février 2000, en qualité de vendeuse, par M. Y... exploitant un magasin sous l'enseigne « Maison de la Presse » ; que son contrat de travail a été transféré à la société B2C qui a acheté le fonds de commerce le 1er avril 2006 ; que par arrêté préfectoral du 25 mai 2009, publié au registre des actes administratifs le 29 mai 2009, cette salariée a été nommée conseiller du salarié ; qu'elle a été licenciée pour faute lourde le 30 juin 2009, après notification d'une mise à pied conservatoire le 12 juin 2009, sans que l'autorisation de l'inspecteur du travail ait été sollicitée ;
Attendu que pour condamner la salariée à payer à l'employeur des dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, l'arrêt retient que Mme X... a été déclarée coupable de vol de numéraire au préjudice de la société B2C et condamnée à payer à son employeur qui s'était constitué partie civile à des dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral, qu'il ressort de ces décisions que la salariée prélevait illicitement dans la caisse des sommes perçues au titre de la loterie en omettant de les enregistrer, qu'elle avait agi avec une particulière mauvaise foi, par haine et vengeance, qu'après avoir nié tout au long de la procédure de licenciement, elle avait finalement admis qu'à la fin de la journée elle vérifiait sa caisse, prenant ce qui « était en trop », environ 50 euros à chaque vol, que la salariée qui ne pouvait ignorer la gravité de ses actes, commis pendant un laps de temps important, au mépris de la particulière probité requise d'une employée chargée de la responsabilité de la caisse, a de surcroît agi par la suite avec duplicité, qu'en effet elle savait depuis le 4 juin 2009 qu'elle bénéficiait du statut de conseiller du salarié mais n'a pris aucune initiative pour en avertir son employeur, notamment au moment où celui-ci lui a notifié une mise à pied conservatoire et l'a convoquée le 12 juin 2009 à un entretien préalable, ne l'informant de cette désignation que le jour de l'entretien préalable, d'une part verbalement au cours du dit entretien, d'autre part par l'envoi d'une lettre postée de manière à ce qu'elle soit reçue ce même jour, empêchant ainsi son employeur parvenu au stade ultime de la prise de sanction de se renseigner sur le caractère impératif du statut protecteur même en cas de licenciement pour faute lourde d'un salarié protégé et l'amenant à commettre une irrégularité dommageable pour son entreprise, qu'il convient de préciser que les juridictions pénales n'ont été saisies par l'entreprise que de la réparation des pertes matérielles consécutives au vol et du préjudice moral qui découlait de l'infraction mais n'a pas statué sur les conséquences de la déloyauté ; qu'il n'y a donc pas autorité de chose jugée ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail se heurtait à l'autorité de la chose déjà jugée, dès lors que l'employeur avait été indemnisé des préjudices résultant du comportement fautif de la salariée par la juridiction pénale, et, d'autre part, que ne constitue pas une faute le fait, pour un salarié d'aviser son employeur du mandat extérieur qu'il détient au moment de l'entretien préalable au licenciement, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X... à payer à la société B2C, prise en la personne de M. Z..., la somme de 55 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 11 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Madame Nadèje X... au paiement de la somme de 55.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
AUX MOTIFS QUE par arrêt en date du 24 février 2012, confirmant le jugement du 9 juin 2011, la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Dijon a déclaré coupable Nadège X... d'avoir courant mai et juin 2009 frauduleusement soustrait du numéraire au préjudice de la société B2C, l'a condamnée à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 1.000 € d'amende, recevant la constitution de partie civile de ladite société pour lui allouer 691 € au titre de son préjudice matériel et 800 € au titre de son préjudice moral ; qu'il ressort de ces décisions que Nadège X... prélevait illicitement dans la caisse des sommes perçues au titre de la loterie en omettant de les enregistrer, qu'elle avait agi avec une particulière mauvaise foi, par haine et vengeance ; qu'après avoir nié tout au long de la procédure de licenciement alors que lui avait été présenté un enregistrement vidéo effectué par téléphone portable révélant ses agissements, elle a finalement lors de l'enquête, en janvier 2010, admis que depuis environ un an elle ne « tapait pas » toutes les ventes, « surtout les jeux de grattage » et qu'à la fin de la journée elle vérifiait sa caisse, prenant ce qui « était en trop », environ 50 € à chaque vol ; que Nadège X... qui ne pouvait ignorer la gravité de ses actes, commis pendant un laps de temps important, au mépris de la particulière probité requise d'une employée chargée de la responsabilité de la caisse, a de surcroît agi par la suite avec duplicité ; qu'en effet elle savait depuis le 4 juin 2009 qu'elle bénéficiait du statut de conseiller du salarié mais n'a pris aucune initiative pour en avertir son employeur, notamment au moment où celui-ci lui a notifié une mise à pied conservatoire et l'a convoquée le 12 juin 2009 à un entretien préalable, ne l'informant de cette désignation que le jour de l'entretien préalable, d'une part verbalement au cours du dit entretien, d'autre part par l'envoi d'une lettre postée de manière à ce qu'elle soit reçue ce même jour, empêchant ainsi son employeur parvenu au stade ultime de la prise de sanction de se renseigner sur le caractère impératif du statut protecteur même en cas de licenciement pour faute lourde d'un salarié protégé et l'amenant à commettre une irrégularité dommageable pour son entreprise ; qu'il convient de préciser que les juridictions pénales n'ont été saisies par l'entreprise que de la réparation des pertes matérielles consécutives au vol et du préjudice moral qui découlait de l'infraction mais n'a pas statué sur les conséquences de la déloyauté ; qu'il n'y a donc pas autorité de chose jugée ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formulée par Mickaël Z... ès qualités de liquidateur amiable de la SNC B2C et de condamner Nadège X... à lui verser une somme de 55.000 € ; que la compensation sera ordonnée.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'aux termes de l'article L.21221-1 du Code du travail, les parties doivent exécuter de bonne foi le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que Madame X... a été reconnue coupable de faits de vols au détriment de son employeur et a été condamnée de ce chef à indemniser la société SNC B2C des préjudices subis ; que la société SNC B2C n'est en conséquence plus recevable à solliciter l'indemnisation des conséquences de ces actes délictuels ; que pour autant, la société SNC B2C peut se prévaloir de ces comportements pour établir la mauvaise foi de Mme X... dans l'exécution de son contrat de travail, dès lors qu'une telle démarche s'appuie sur un autre fondement juridique et tend aux dédommagements d'autres préjudices que ceux issus du vol ; que les vols répétés reconnus par Mme X... dans son audition et lors des audiences correctionnelles ainsi que la dénonciation tardive de sa situation de salariée protégée constituent de fait une exécution déloyale par Mme X... de son contrat de travail. En effet, en dérobant des espèces régulièrement, Mme X... a indéniablement trompé la confiance de son employeur, au titre d'une vengeance personnelle selon ses propres déclarations aux gendarmes ; qu'elle a également nui aux intérêts de la société qui l'employait, en amoindrissant son patrimoine, et a tardé à mettre en avant son statut protecteur, sans que pour autant ne puisse être retenu un détournement de sa nomination, comme soulevée par la défenderesse ; qu'en conséquence, eu égard au préjudice réellement subi par la société SNC B2C, il y a lieu de condamner Mme X... à payer à M. Mickaël Z..., es-qualité de liquidateur amiable de la société SNC B2C, la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice ainsi subi. Cette somme viendra en compensation des sommes précédemment allouées.
ALORS QUE la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ; que le salarié est en droit de se prévaloir de la protection résultant d'un mandat extérieur à l'entreprise dès lors qu'il en a informé son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement ; que ne peut constituer une faute, ni a fortiori une faute lourde le fait, pour un salarié de n'aviser son employeur du mandat extérieur qu'il détient que lors de l'entretien préalable ; qu'en condamnant la salariée à réparer le préjudice qu'aurait causé cette information au motif qu'elle aurait été tardive et aurait empêché l'employeur de se renseigner pour ne pas violer la loi, la Cour d'appel a violé le principe ci-dessus énoncé selon lequel seule la faute lourde engage la responsabilité de l'employeur, ensemble l'article 1134 du Code civil
ALORS au demeurant QU'après avoir constaté que la société B2C, régulièrement informée du mandat de la salariée, l'avait licenciée en violation de son statut protecteur, et l'avoir condamnée au paiement des sommes dues au titre de la nullité de ce licenciement, la Cour d'appel a cru pouvoir mettre à la charge de la salariée l'indemnisation du préjudice qui serait né de cette condamnation de son employeur en raison de cette information qualifiée de tardive; qu'en affirmant qu'en agissant ainsi, la salariée avait amené l'employeur à commettre une irrégularité dommageable, condamnant la salariée à indemniser son employeur des sommes qu'il lui devait en application de dispositions d'ordre public de la loi, la Cour d'appel a détourné la loi et violé les articles L.1232-14, L.2411-21 et R.2421-3 du Code du travail ensemble les articles 1134 et 1147 du Code civil.
ET ALORS QUE se heurte à l'autorité de la chose déjà jugée la demande d'indemnisation du préjudice résultant d'une infraction pénale au titre de laquelle le juge répressif a déjà alloué une indemnisation tenant compte de l'ensemble des préjudices ; qu'en condamnant Madame Nadèje X... au paiement de la somme de 55.000 euros en réparation du préjudice moral qui aurait résulté d'un vol d'un montant de 691 euros, quand ce préjudice avait été intégralement réparé par la juridiction répressive qui avait condamné la salariée au paiement de la somme de 800 euros en réparation du préjudice moral résultant du vol, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose déjà jugée et l'article 1151 du code civil.