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14/04/2016 | FRANCE | N°15-14.515

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 14 avril 2016, 15-14.515


CIV. 2

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2016




Rejet non spécialement motivé


M. SAVATIER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10255 F

Pourvoi n° N 15-14.515

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [N] [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 juillet 2015.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S

E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante...

CIV. 2

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2016




Rejet non spécialement motivé


M. SAVATIER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10255 F

Pourvoi n° N 15-14.515

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [N] [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 juillet 2015.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [N] [U], domiciliée chez [Q] [V], [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 mars 2016, où étaient présents : M. Savatier, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Becuwe, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vannier, conseiller, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Boulloche, avocat de Mme [U] ;

Sur le rapport de M. Becuwe, conseiller référendaire, l'avis de M. Lavigne, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à la SCP Boulloche la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les indemnités dues à Mme [N] [U] au titre de la perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle étaient de 80.000 euros ;

Aux motifs propres que « la Civi a retenu que Mme [N] [U] avait obtenu un master de management et marketing des produits de luxe qui, selon elle, lui aurait permis d'occuper des postes à responsabilité rémunérés de 2.500 à 3.000 euros brut par mois alors qu'elle n'a occupé que des postes de vendeuse ou d'assistante procurant un revenu de 43.900 euros jusqu'à janvier 2010 ; que la Civi s'est référée à des articles de journaux spécialisés faisant apparaître un salaire net moyen de 2.500 euros mensuels et une offre à hauteur de 40.000 euros bruts annuels, pour estimer qu'existait une perte de chance suffisante pour allouer 80.000 euros ; que le FGTI fait valoir le caractère théorique du raisonnement de Mme [N] [U], partiellement adopté par la Civi et la différence entre l'obtention d'un diplôme et l'obtention d'un emploi rémunérateur ; qu'il se réfère également aux conclusions de l'expert selon lequel le retard dans le parcours professionnel est pris en compte dans le quantum doloris ; qu'il rappelle que Mme [N] [U] a suivi son compagnon en Angleterre ce qui, selon lui, a nui à la recherche d'emploi ; que les qualités de l'expert dans le domaine médical ne sont pas contestées mais son avis sur l'obtention d'un emploi ne relève pas de sa compétence ; que Mme [N] [U] a obtenu son diplôme de Master malgré le viol qu'elle avait subi avant l'examen et l'impossibilité de suivre certains cours ; que selon elle, ses notes ont été moins brillantes et, selon certains documents médicaux, les examinateurs auraient tenu compte de ce qu'elle avait subi ; que reste l'effort de se soumettre aux épreuves de l'examen malgré ce qu'elle venait de subir ; qu'on peut retenir que Mme [N] [U] ne s'est pas laissée aller à une détresse et qu'elle a continué ses efforts pour trouver un emploi ; que le départ en Angleterre n'est pas dû au viol qu'elle avait subi et a pu perturber momentanément sa recherche d'emploi ; mais qu'aucun problème linguistique n'est invoqué et rien ne permet de retenir que la situation de l'emploi dans ce domaine ait été plus difficile en Angleterre qu'en France ; qu'au surplus, ce départ montre une possibilité d'accepter une expatriation qui n'est pas nécessairement défavorable à l'obtention d'un emploi ; que le type de diplôme dont Mme [N] [U] est titulaire permet généralement l'obtention d'un emploi dans des délais raisonnables ; que le taux de probabilité d'obtenir un emploi était très élevé, la seule incertitude relevant plutôt du délai de premier emploi qui était réduit à quelques mois ; que les documents édités par les écoles et les articles de journaux ne sont pas toujours crédibles mais la perte résultant de la difficulté à trouver un emploi correspondant à sa qualification revêt par hypothèse un caractère théorique ; que le montant retenu par la Civi de 80.000 euros pour cinq années en sus des 43.090 euros effectivement perçus suppose un revenu de 123.090 euros pendant ces cinq années et donc un revenu mensuel net de 123.090/60 = 2.051,50 euros ; que la demande porte également sur le préjudice professionnel, c'est-à-dire sur la dépréciation des possibilités pour Mme [N] [U] de trouver un emploi correspondant à sa formation ; qu'or, en raison du délai entre l'obtention de son diplôme et l'obtention à venir d'un tel emploi, outre le retard de carrière, un préjudice complémentaire est constant ; qu'il peut être chiffré à 15.000 euros ; que la cour retient 80.000 euros décomposés en 65.000 euros de perte de gains professionnels futurs arrêtée en 2010 et 15.000 euros pour la suite et l'avenir ; qu'en retenant le niveau et le type d'études de l'espèce, et la possibilité d'augmentations durant une période de cinq années, la Civi a raisonnablement tenu compte à la fois du niveau de rémunération possible et du faible taux d'incertitude » (arrêt, p. 5 in fine et s.) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Mme [U] sollicite la somme de 84.410 euros au motif qu'elle a obtenu en janvier 2005 un Master de « management et marketing des produits de luxe » et que ce diplôme aurait dû la conduire à occuper des postes à responsabilité rémunérés entre 2.500 et 3.000 euros bruts par mois, que cela n'a pas été le cas et qu'elle n'a été en mesure d'occuper que des postes de vendeuse ou d'assistante et qu'ainsi sur la période de juillet 2005 à janvier 2010 elle n'a perçu que la somme de 43.090 euros ; que le Fonds s'oppose à cette demande et propose 15.000 euros pour la période considérée en rappelant que l'obtention d'un diplôme n'équivaut pas à la certitude d'avoir un emploi rémunéré ; que cependant, au vu des éléments produits par Mme [U] et en particulier du palmarès des écoles publié en février 2010 par l'Expansion.com qui montre qu'un salaire net de 2.500 euros est tout à fait moyen pour un jeune diplômé d'école supérieure de commerce et en considération de l'offre d'embauche précise reçue par la demanderesse pour un salaire de 40.000 euros brut annuel, de son impossibilité de rejoindre ce poste à raison de son état psychologique et de sa peur de s'y rendre, il est établi que suite aux faits dont elle a été victime, elle a perdu une chance réelle d'occuper un meilleur poste professionnel, dès lors il convient de faire droit à sa demande dans la limite de 80.000 euros » (décision p. 4 & 5) ;

Alors, d'une part, qu'il ne peut être fait droit à une demande d'indemnisation d'un événement futur favorable qu'à la condition que cet événement ne soit pas simplement virtuel et hypothétique ; qu'en énonçant, pour fixer à la somme de 80.000 euros la perte de gains professionnels futurs, que, compte tenu du type de diplôme dont elle était titulaire, lequel permet d'obtenir un emploi selon une probabilité « très élevé[e] » la seule incertitude tenant au délai d'obtention du premier emploi « réduit à quelques mois », Mme [U] aurait eu « un niveau de rémunération possible » correspondant au salaire mensuel net moyen de 2.500 euros indiqué dans la presse spécialisée et à une offre de 40.000 euros bruts annuels, la cour d'appel a indemnisé ce chef de préjudice sur la base de revenus hypothétiques, en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

Alors, d'autre part, que la réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage espéré ; qu'en indemnisant Mme [U] au regard d'un salaire net moyen mensuel de 2.500 euros cité dans la presse spécialisé et d'une offre à hauteur de 40.000 euros bruts annuels, soit la totalité de l'avantage espéré par Mme [U] si celle-ci n'avait pas été victime des infractions retenues, la cour d'appel n'a pas indemnisé la perte de gains professionnels futurs à la mesure de la chance perdue, violant ainsi l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

Alors, en tout état de cause, qu'en relevant, pour évaluer le préjudice de perte de gains professionnels futurs, tant un salaire net moyen mensuel de 2.500 euros mentionné dans la presse spécialisée pour le type de diplôme obtenu par la victime, qu'une offre de 40.000 euros bruts annuels, la cour d'appel, qui n'a pas précisé, comme elle y était invitée (concl. p. 7), si l'indemnisation était prononcée sur la base d'une rémunération brute ou nette, seule cette dernière qui aurait été effectivement perçue pouvant être prise en compte, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 15-14.515
Date de la décision : 14/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Deuxième chambre civile, arrêt n°15-14.515 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris C4


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 14 avr. 2016, pourvoi n°15-14.515, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14.515
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