LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° C 14-29.820 et D 14-29.821 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et Mme Y..., engagés respectivement les 24 juin 1991 et 11 mai 1992 par une société du groupe Thomson et dont les contrats de travail ont été transférés dans le cadre d'une réorganisation à la société Thomson vidéo networks au sein de laquelle ils occupaient les fonctions de technicien suivi d'affaires, ont été licenciés le 26 novembre 2010 pour motif économique ; Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l' article L. 1233-5 du code du travail ;
Attendu que pour condamner la société à payer à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent que les jugements seront confirmés en ce qu'ils ont retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de mise en oeuvre des critères de licenciement, que cependant le préjudice résultant de ce non respect a pour conséquence d'aboutir à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque la répartition des salariés techniciens en plusieurs catégories dont certaines avaient un nombre de salariés équivalant au nombre de postes devant y être supprimés a abouti à permettre le licenciement de ces salariés nommément désignés et que c'est donc à ce titre que l'indemnisation doit être accordée ;
Qu'en statuant ainsi ,alors que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que l'inobservation des règles de l'ordre des licenciements constituant une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte de son emploi, lequel doit être intégralement réparé, selon son étendue, par les juges du fond sans cumul possible avec une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu à renvoi ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis adressé aux parties, conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce que les dommages-intérêts sont alloués aux salariés « pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » et en ce qu'ils condamnent la société Thomson vidéo networks à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées aux salariés, les arrêts rendus le 29 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits aux pourvois par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Thomson vidéo networks.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Thomson Vidéo Networks fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 33 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE si le conseil a pu justement retenir que compte tenu de la mise en place d'une cellule de reclassement et d'une proposition faite au salarié, la société avait respecté son obligation de recherche de reclassement, c'est aussi avec raison qu'il a considéré que les modalités d'application des règles relatives à l'ordre des licenciements n'avaient pas été valablement mises en oeuvre ; qu'en effet s'il est possible pour les instances représentatives du personnel de contester dans une action globale des modalités du PSE devant le Tribunal de grande instance compétent, il est aussi possible pour un salarié licencié de contester individuellement les modalités de ce plan ayant abouti son licenciement, que donc c'est à bon droit que le conseil a écarté le moyen tiré du défaut de qualité à agir du salarié ; que, quelque aient été les catégories retenues par le plan, il n'en demeure pas moins que l'application des critères d'ordre de licenciement doit se faire entre salariés exerçant des fonctions de même nature et ayant une formation commune ; que la division entre les techniciens intervenant au soutien des chargés d'affaire et les autres techniciens de la société apparaît parfaitement artificielle ; qu'il ne peut pas non plus sérieusement être soutenu, faute d'une quelconque preuve et en l'état de la radicale évolution des technologies en la matière, que M. X... n'intervenait au soutien des chargés d'affaire que dans des techniques analogiques et était incompétent dans les techniques numériques et dans la diffusion de fichiers Vidéo ; que de toute façon et si tel avait été le cas, vu le caractère périmé des techniques analogiques, la formation aux techniques numériques aurait relevé des obligations de l'employeur ; que dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de mise en oeuvre des critères d'ordre de licenciement ; que cependant le préjudice résultant de ce non respect a pour conséquence d'aboutir à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque la répartition des salariés techniciens en plusieurs catégorie dont certaines avaient un nombre de salariés équivalent au nombre de postes devant y être supprimés a abouti à permettre le licenciement de ces salariés nommément désignés et c'est donc à ce titre que l'indemnisation doit être accordée ; qu'après plus de 19 ans d'ancienneté, M. X..., âgé de 51 ans, a dû créer sa propre entreprise et, même s'il a été aidé en cela par les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, il a rencontré d'importantes difficultés financières et a dû se réinscrire à Pôle Emploi ; il est toujours à la recherche d'un emploi salarié ; que dès lors la somme de 33 000 euros allouée par le conseil apparaît justement évaluée et doit être reprise ;
1°) ALORS QUE l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice réparé selon son étendue par les juges du fond ; qu'en affirmant, pour condamner l'employeur à allouer à M. X... des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le préjudice résultant du non-respect par l'employeur de la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements avait pour conséquence d'aboutir à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que l'indemnité devait être accordée à ce titre, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-5 du code du travail ;
2°) ALORS QUE dans ses écritures (p.24-25), M. X... n'invoquait un non-respect des critères d'ordre du licenciement qu'à l'appui d'une demande de dommages-intérêts à ce titre et non pour contester la cause réelle et sérieuse de son licenciements ; qu'en se fondant sur un non-respect par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié et lui allouer des dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société Thomson Vidéo Networks fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'elle n'avait pas respecté la priorité de réembauchage de M. X... et de l'avoir en conséquence condamnée à lui verser la somme de 16 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de cette priorité de réembauchage ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le conseil a justement considéré qu'à plusieurs reprises en mai et juillet 2011, 1a société avait procédé à des recrutements mais qu'aucun des postes, qui entraient dans les compétences de M. X... ne lui avait été proposé ; que notamment il apparaît au vu des offres de recrutement que le poste de Technicien intégration systèmes, comme les postes de Formateur et de Responsable Assistance Technique, auraient dû lui être proposés, dans la mesure où ils correspondaient à ses qualifications et à son expérience que donc le jugement sera confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE M. X... a fait valoir sa demande de priorité de réembauchage le 28 février 2011 ; que la société Thomson Vidéo Networks offrait des emplois les 20 mai, 04 juillet, 07 juillet, 19 juillet et 22 juillet 2011 qui entraient dans les compétences de M. X..., mais qu'aucun de ces postes ne lui a été proposé ; que par suite, le Conseil considère que la société Thomson Vidéo Networks a failli à son obligation de réembauchage à laquelle elle était tenue à l'égard de M. X... ; qu'en conséquence, la société sera condamnée à indemniser M. X... pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant, pour allouer à M. X... la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage, à affirmer que la société Thomson Vidéo Networks avait failli à son obligation de réembauchage à l'égard de M. X..., sans préciser ni faire apparaître les éléments sur lesquels elle s'était fondée pour justifier le montant de cette indemnité, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.