CIV. 2
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 mars 2016
Rejet non spécialement motivé
M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10223 F
Pourvoi n° V 15-18.363
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Christian Lacout, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
contre l'arrêt rendu le 5 février 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 mars 2016, où étaient présents : M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depommier, conseiller rapporteur, M. Laurans, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Ricard, avocat de la société Christian Lacout, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France ;
Sur le rapport de Mme Depommier, conseiller, l'avis de Mme Lapasset, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Christian Lacout aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Christian Lacout et la condamne à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Christian Lacout
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 27 janvier 2011, déclaré l'opposition à contrainte formée par la SARL Christian Lacout recevable mais mal fondée, validé la contrainte signifiée le 19 février 2010 et émise le 17 février 2010 à la requête de l'URSSAF pour le recouvrement de 17 097 euros, soit 15 615 euros représentant le montant des cotisations dues pour le deuxième trimestre 2009 et le mois de mars 2009 ainsi que les années 2006 et 2008, et 1 482 euros au titre des majorations de retard, sous réserve des majorations de retard complémentaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles sont considérées comme rémunérations, toutes les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail et tous les avantages en argent et en nature : qu'il résulte de ce texte que les avances en compte courant consenties par une société à son gérant, s'analysent comme des avantages en espèces entrant dans le champ d'application de ce texte : que par ailleurs les dispositions de l'article 51 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, modifiée par la loi n° 88-15 du 5 janvier 1988, abrogée par l'Ordonnance 2000-912 2000-09-18 article 4, selon lesquelles, il est interdit à peine de nullité du contrat, aux gérants d'une société à responsabilité limitée, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement ( ... ) ; qu' en l'espèce il est constant que le compte courant de Monsieur LACOUT, gérant minoritaire, présentait au 31 décembre 2008, un solde débiteur de 38°545,03 euros résultant d'une prime d'émission dont le solde n'avait pas encore été versé à la société ; que le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 18 mars 2008 tenue par les associés prévoit deux augmentations de capital, dont une procédant de la création et de l'émission de 100 parts sociales nouvelles, dont la souscription est réservée exclusivement à Monsieur LACOUT, le montant des souscriptions ayant été libéré, pour partie, par compensation avec une créance détenue par Monsieur LACOUT sur la société et portée au crédit de son compte courant d'associé à concurrence de 67°000 euros, et, pour partie, par en numéraire à hauteur de 33°000 euros; qu'il en résulte que l'inscription sur un compte courant d'associé d'une prime d'émission de 38°545,03 euros, portée au débit de ce compte courant, s'analyse en une opération de prêt consentie par la société au gérant, celui-ci réalisant l'économie d'un apport préalable en numéraire, cette opération s'analysant indépendamment du droit de différer le paiement d'une prime d'émission revendiqué par la société appelante ; qu'il s'en suit que cette opération, ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal, doit être considérée comme un avantage en espèces et réintégrée dans l'assiette des cotisations en vertu de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale et que le jugement doit être confirmé et la SARL CHRISTIAN LACOUT déboutée de son appel ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE vu l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte des éléments de la cause que la s.a.r.l. Christian LACOUT a fait l'objet d'un contrôle d'assiette au cours de l'année 2009 pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; que la société a reçu une lettre d'observations le 10 novembre 2009 au titre de neuf chefs pour un redressement envisagé à hauteur de 44°237,00 euros; que le 10 décembre 2009, la société a fait valoir ses observations; que le 14 décembre 2009, l'inspecteur du recouvrement a ramené le redressement à la somme de 15°756,00 euros; que le 15 décembre 2009, l'inspecteur du recouvrement a transmis son procès-verbal à I'U.R.S.S.A.F.; que l'inspecteur du recouvrement a pu notamment constater que le compte courant ouvert au nom du gérant minoritaire de la société, Christian LACOUT, présentait un solde débiteur de 38°545,03 euros au 31 décembre 2008 alors qu'il était créditeur antérieurement ; qu'il a estimé que cette somme constituait une avance consentie à l'intéressé ; que ce chef de redressement (n°5) a été chiffré à 14°769,00 euros; que la société a reçu une mise en demeure le 31 décembre 2009 pour la somme de 15°756,00 euros augmentée de 1°480,00 euros au titre des majorations de retard ; que le 13 janvier 2010, la société a contesté ce redressement ; que la société a fait valoir que le compte courant débiteur du gérant minoritaire ne constituait pas une mise à disposition de fonds mais le solde non versé de la prime d'émission décidée le 18 mars 2008 dans le cadre d'une augmentation de capital qui lui était réservée, laquelle avait été débitée sur son compte courant (100°000,00 euros, soit 1°524,50 euros en augmentation de capital et 98°475,50 euros en prime d'émission) ; que le 28 janvier 2010, l'inspecteur du recouvrement a rejeté cette contestation comme tardive et a invité la société à saisir la commission de recours amiable ; qu'une seconde mise en demeure a été adressée à la société le 28 septembre 2009 aux fins d'obtenir le paiement des cotisations du deuxième trimestre 2009 et du mois de mars 2009; que la société a saisi la commission de recours amiable le 2 février 2010; qu'une contrainte a été signifiée au titre des deux mises en demeure le 19 février 2010, pour la somme de 15°754,00 euros en cotisations outre 1°482,00 euros en majorations de retard; que la société a formé opposition à cette contrainte en faisant valoir qu'elle avait contesté le cinquième chef du redressement en cause relatif au compte courant d'un associé devant la commission de recours amiable de l'union pour le recouvrement ; que la commission de recours amiable, par décision du 27 janvier 2011, a rejeté le recours de la société et maintenu l'intégralité du redressement ; qu'en droit, en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les sommes mises effectivement à la disposition d'un gérant de société à responsabilité limitée par inscription à son compte courant d'associé constituent des avantages soumis à cotisations ; qu'en l'espèce, l'assiette du cinquième chef de redressement a été calculée en fonction de l'apparition d'un solde débiteur du compte courant du gérant minoritaire au 31 décembre 2008, de 38°545,03 euros, à la suite d'une augmentation de capital de la société; que la société se prévaut de cette augmentation de capital pour soutenir que cette mise à disposition de fonds ne doit pas s'analyser comme un avantage en espèces puisqu'il s'agit d'un apport et non d'un prélèvement ; qu'en effet, l'assemblée générale extraordinaire du 18 mars 2008 a prévu une seconde augmentation de capital par la création et l'émission de cent parts sociales nouvelles dont la souscription était réservée exclusivement à Christian LACOUT, lequel devait se libérer par compensation avec des créances « certaines, liquides et exigibles » détenues sur la société et/ou en numéraire ; que, même si aucune disposition légale n'impose la libération intégrale de la prime d'émission lors de la souscription de parts sociales nouvelles pour une société à responsabilité limitée, cette même assemblée a toutefois « constaté » que les parts nouvelles avaient été « immédiatement » souscrites par Christian LACOUT par compensation avec une « créance certaine, liquide et exigible » détenue sur la société et portée au crédit de son compte courant d'associé (67°000,00 €) et en numéraire (33°000,00 €) ; qu'il est pourtant constant que le compte courant de Christian LACOUT était débiteur au 31 décembre 2008 de 38 545,03 euros ; que compte tenu de son montant et de sa répartition entre parts sociales et prime d'émission, l'augmentation de capital par prélèvement sur un compte courant insuffisamment créditeur constitue de fait une mise à disposition de fonds pour le gérant qui a été ainsi dispensé d'acquitter effectivement l'ensemble de l'opération d'augmentation du capital de façon immédiate qui lui était réservée ; que l'opération revient à la mise à disposition du gérant d'une somme qu'il a aussitôt réinvestie dans la société; que cette immédiateté n'est qu'apparente ; que cette opération se révèle être formellement une opération de prêt consentie par la société au gérant ; qu'il ne peut donc pas être simplement soutenu qu'il s'agit, sous couvert d'une simple écriture comptable, d'un apport pour la société sans occulter l'apport préalable opéré au profit du gérant, les dispositions du Plan Comptable Général et de l'article 1843-3 du code civil étant indifférentes à l'espèce ; qu'en conséquence, cette opération doit s'analyser comme un avantage en espèces entrant dans le champ de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ; que le chef de redressement contesté doit être confirmé ; qu'il s'ensuit que la contrainte doit être validée pour la somme de 17°097,00 euros, sous réserve des majorations de retard complémentaires dues jusqu'au jour du règlement, ainsi qu'aux frais de signification de la contrainte ;
ALORS QUE sont considérés comme des rémunérations soumises aux cotisations de sécurité sociale les avantages en argent ; qu'un compte courant d'associé débiteur ne peut s'analyser comme un avantage en espèces soumis à cotisations que s'il correspond à une mise à disposition de l'associé par la société de fonds en vue d'un usage personnel ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que le montant débiteur de 38°545,03 eurosp du compte courant d'associé de M. Lacout correspondait à la quote-part non libérée immédiatement de l'augmentation de capital par la création et l'émission de 100 parts sociales dont la souscription était exclusivement réservée à M. Lacout pour un montant de 100°000 euros décidée par l'assemblée générale extraordinaire du 18 mars 2008 ; qu'en décidant néanmoins que relevait du régime appliqué aux avantages en espèces soumis à cotisations le solde débiteur du compte courant d'associé, sur la base d'une simple écriture comptable traduisant la libération différée de l'apport en capital, sans que les fonds de la société n'aient eu à subir de la part de son gérant le moindre prélèvement, la cour d'appel a violé l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QU'aucune disposition légale n'impose la libération intégrale de la prime d'émission lors de la souscription de parts sociales nouvelles à l'occasion d'une augmentation de capital, pour une société à responsabilité limitée ; qu'en qualifiant d'opération de prêt et en soumettant à cotisations le solde débiteur du compte courant d'associé correspondant à la part de libération pour partie différée de la prime d'émission lors de la souscription des parts sociales de la SARL Christian Lacout, la cour d'appel a méconnu cette possibilité reconnue au souscripteur de différer le versement de la prime d'émission et violé l'article L 223-32 du code de commerce et l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale.