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17/03/2016 | FRANCE | N°15-16.307

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 17 mars 2016, 15-16.307


CIV. 1

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2016




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10126 F

Pourvoi n° K 15-16.307







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formÃ

© par la société [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 4 février 2015 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section ...

CIV. 1

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2016




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10126 F

Pourvoi n° K 15-16.307







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 4 février 2015 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Euro Agrar, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 février 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Truchot, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la SCP [I], de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de la société Euro Agrar ;

Sur le rapport de M. Truchot, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP [I] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP [I] ; la condamne à payer à la société Euro Agrar la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la SCP [I]


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 30 avril 2013 en ce qu'il a dit que la société civile d'avocats [I] a commis une faute contractuelle dans le cadre de la contestation du redressement fiscal infligé à la SARL EURO AGRAR et, par infirmation de ce même jugement, d'AVOIR condamné la SCP [I] à payer à la SARL EURO AGRAR la somme de 922.259 € outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2005 sur la somme de 759.475 €, du 21 février 2006 sur la somme de 198.497 € et du présent arrêt pour le surplus ;

AUX MOTIFS QU'ainsi que l'a rappelé le tribunal, l'avocat est tenu d'une obligation de conseil et de diligence lui imposant de soulever les moyens de droit susceptibles de permettre le succès des prétentions de son client ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que Me [I] a été mandaté par la SARL EURO AGRAR le 19 octobre 1998 pour l'assister dans le cadre du redressement fiscal dont elle faisait l'objet, l'administration fiscale lui ayant refusé l'application du taux de TVA réduit de l'article 278 bis 5° du code général des impôts pour quarante sept produits phytosanitaires à usage agricole qu'elle importe d'Allemagne et commercialise en France, au motif que ces produits n'avaient fait l'objet d'aucune homologation ou autorisation de mise sur le marché délivrée par le ministre de l'agriculture ; qu'or aux termes d'un arrêt en date du 11 mars 1999 (n° C-100/96, British Agrochemicals Association Ltd), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que :
"Lorsqu'une autorité compétente d'un État membre conclut qu'un produit phytopharmaceutique importé d'un État membre dans lequel il bénéficie déjà d'une autorisation de mise sur le marché conformément à la directive 91/414, sans être en tous points identique à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'État membre d'importation, à tout le moins,
- a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule,
- a été fabriqué en utilisant la même substance active et
- a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles phytosanitaires environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit,
ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de la santé humaine ou animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent, pouvoir bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée dans l'État membre d'importation" ;

que la Cour a en effet estimé (considérant 32) "qu'en présence de deux AMM délivrées conformément à la directive, les objectifs de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement que poursuit celui-ci ne s'imposent pas de la même manière. Dans une telle situation, l'application des dispositions de la directive relatives à la procédure de délivrance d'une AMM irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs et risquerait de se heurter sans justification, au principe de libre circulation des marchandises énoncé à l'article 30 du traité" ; qu'il est constant que la SARL EURO AGRAR avait communiqué cet arrêt à son conseil mais que celui-ci a refusé d'en tenir compte, estimant selon courrier du 23 avril 1999, que cet arrêt s'inscrivait dans la ligne de la jurisprudence antérieure et qu'il n'était pas favorable aux intérêts de la SARL AGRAR ; que Me [I] a ainsi développé, tant à l'appui de sa réclamation auprès de la direction régionale des services fiscaux, que devant les juridictions administratives, une argumentation exclusivement fondée sur la directive 91/414/CEE et sur l'absence de nécessité d'une autorisation de mise sur le marché, sans soulever la question de la conformité au droit communautaire de la procédure d'autorisation française résultant du décret du 5 mai 1994 pris pour l'application de la directive 91/414/CEE, s'agissant des importations parallèles, au regard du principe de libre circulation des marchandises résultant des articles 28 à 30 du traité instituant la Communauté européenne ; que la SCP [I] soutient à tort que ce moyen aurait été inopérant, dès lors que la SARL EURO AGRAR ne démontrerait pas son éligibilité à une procédure simplifiée, alors que, comme l'a exactement relevé le premier juge, c'est justement l'absence d'une telle procédure d'autorisation simplifiée en matière d'importations parallèles qui est en cause et qui prive de fondement le redressement opéré sur la base de l'article 278 bis 5° du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige ; que ce texte soumettait en effet au taux de TVA réduit les importations intracommunautaires de produits antiparasitaires, sous réserve qu'ils aient fait l'objet soit d'une homologation, soit d'une autorisation de vente délivrée par le ministre chargé de l'agriculture, alors qu'en matière d'importation parallèle il incombait à l'État français de prévoir une procédure spécifique distincte de celle applicable à la mise sur le marché de produits importés afin de vérifier la similitude des produits et de permettre la libre circulation des produits ; qu'il ne peut dès lors être fait grief à la SARL EURO AGRAR de ne pas démontrer qu'elle était éligible à une procédure simplifiée qui était inexistante ; qu'il ne saurait être utilement tiré argument à cet égard de la procédure simplifiée instaurée postérieurement par le décret du 4 avril 2001 ; que le caractère pertinent du moyen est suffisamment démontré par les décisions versées aux débats par l'intimée, notamment neuf décisions de dégrèvement prises par différentes directions régionales des services fiscaux pour la période postérieure au 27 juillet 1993, date d'entrée en vigueur de la directive 91/414/CEE, dans des situations similaires, ces décisions s'appuyant toutes sur la jurisprudence précitée et étant motivées par le fait que la procédure d'homologation nationale est contraire au droit communautaire et que des produits similaires avaient fait l'objet d'une homologation dans un autre État membre ; que l'appelante affirme, sans le démontrer, que ces décisions de dégrèvements concerneraient exclusivement des sociétés ayant justifié qu'elles étaient éligibles à une procédure d'autorisation simplifiée ; qu'au contraire, il résulte explicitement de certaines de ces décisions ou de décisions judiciaires ou administratives concernant ces mêmes sociétés que certaines d'entre elles (les sociétés Esba, Bourdon, Phyteron international) n'avaient formulé aucune demande d'autorisation de mise sur le marché, de sorte que la similitude des produits, dont l'appréciation incombe au demeurant à l'autorité compétente, ne pouvait à ce stade être vérifiée ; que la pertinence du moyen a enfin été implicitement admise par Me [I], qui dont un courrier du 7 mai 2010, estimait que le refus du Conseil d'État de tenir compte des dispositions de l'article 30 du Traité de Rome, cette juridiction ayant en effet considéré que le moyen était irrecevable comme nouveau en cassation, était susceptible d'engager la responsabilité de l'État français ; que c'est tout aussi vainement que la SCP [I] fait valoir qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir tenu compte de décisions postérieures, ce qui ne lui est nullement reproché, ces décisions se fondant sur l'arrêt précité du 11 mars 1999 qui lui avait été communiqué ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que la SCP [I] avait commis une faute en s'abstenant de soulever une argumentation de nature à permettre le succès des prétentions de la SARL EURO AGRARD ; que le tribunal a exactement analysé le préjudice subi par la SARL AGRAR en une perte de chance d'avoir pu voir son recours prospérer ; qu'au vu des décisions de dégrèvement produites et en considération de l'aléa inhérent à toute procédure judiciaire ou administrative, cette perte de chance peut être estimée à 90 % ; que s'agissant des montants mis en compte, dont la SARL EURO AGRAR justifie du paiement, le tribunal a retenu à bon droit, s'agissant des intérêts, pénalités et frais de cautionnement bancaire, qu'ils étaient la conséquence du redressement et de la procédure de contestation engagée laquelle n'a pas abouti du fait de la faute reprochée à la SCP [I] ; que ces montants doivent donc être pris en compte au titre de la perte de chance ; que c'est donc un montant de 1.024.732,50 x 90/100 = 922.259 € qui sera mis à la charge de la SCP [I], outre intérêts au taux légal à compter du paiement soit du 12 décembre 2005 sur la somme de 759.475 €, du 21 février 2006 sur la somme de 198.497 €, le jugement n'étant pas critiqué sur ce point, et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

ET AUX MOTIFS DU TRIBUNAL QU'en vertu des dispositions de l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que la société EURO AGRAR, filiale du groupe allemand RAIFFEINSEIN, a pour activité le négoce de produits phytosanitaires à usage agricole qu'elle acquiert auprès de fournisseurs étrangers, en particulier, auprès de la société RKW RAFFEISEN, membre du groupe ; que les produits qui sont vendus en France sont tous autorisés en Allemagne ; que la société EURO AGRAR les a facturés en France au taux réduit de TVA à 5,5 % ; que la société EURO AGRAR a subi du 30 juin 1997 au 16 septembre 1997 une vérification de comptabilité portant sur la période du 14 avril 1994 au 31 décembre 1996 ; qu'à la suite de cette vérification, la direction générale des impôts a notifié le 16 décembre 1997 à la société EURO AGRAR un redressement ayant pour objet des compléments de TVA, pour un montant de 759.475,24 € ; que l'administration fiscale, se fondant sur les dispositions de l'article 278 bis 5° du code général des impôts, qui réservent l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux produits antiparasitaires utilisés en agriculture ayant fait l'objet, soit d'une homologation, soit d'une autorisation de vente délivrée par le ministère de l'agriculture, a estimé que la société EURO AGRAR avait à tort appliqué cette TVA à taux réduit sur les ventes de différents produits phytopharmaceutiques achetés auprès de fournisseurs étrangers et revendus sur le marché français, alors qu'elle n'avait pas demandé les autorisations ou homologations prévues par ce texte ; que l'administration des impôts s'est fondée également sur les dispositions de la directive 91/414/CEE qui dispose dans son article 6-1 que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché ni utilisés que s'ils ont fait l'objet d'une autorisation préalable et dans son article 10-1 que l'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique déjà autorisé dans un autre Etat membre est accordée sans exiger la répétition des tests et analyses déjà effectués pour l'autorisation dans l'autre Etat membre dans la mesure où le demandeur établit d'une part que chaque substance active contenue dans le produit est inscrite sur la liste communautaire des substances actives et d'autre part que les conditions agricoles sont comparables dans les régions concernées ; qu'elle en déduit qu'une requête du demandeur en vue de voir autoriser la mise sur le marché est nécessaire et obligatoire, ce que la société EURO AGRAR n'a pas fait, et précise qu'il n'y a pas d'autorisation de mise sur le marché automatique même pour des produits ayant les mêmes substances actives que celles contenues dans des produits similaires autorisés ; que la société EURO AGRAR a sollicité l'assistance de Maître [I] dans le cadre de la contestation de ce redressement fiscal ; qu'il n'est pas contesté que la mission de Maître [I] a commencé le 19 octobre 1998 ; que le 9 décembre 1999, Maître [I] établit un projet de réclamation auprès du directeur des services fiscaux de [Localité 3] ; qu'il y développe que la demanderesse n'avait pas à solliciter une autorisation de mise sur le marché en ce qu'elle n'était pas responsable de la première mise sur le marché des produits en France, les produits importés ayant déjà été commercialisés antérieurement par d'autres entreprises qui ont obtenu l'autorisation nécessaire et en ce que la jurisprudence de la cour de justice concernant la mise sur le marché des médicaments considère qu'une telle autorisation n'est pas nécessaire lorsque le produit est déjà autorisé dans l'Etat membre d'importation, ce qui permet un raisonnent par analogie ; qu'il a également été soutenu que la société EURO AGRAR aurait obtenu les autorisations préalables si elle avait eu l'obligation de les solliciter, en application du principe de la reconnaissance mutuelle, fondé sur l'article 10-1 de la directive 91/414/CE, transposée par le décret du 5 mai 1994 ; que le 7 juin 2000, le directeur régional des impôts a rejeté la réclamation présentée, au motif que la requérante n'avait pas respecté les dispositions de l'article 278 bis 5° du code général des impôts en ne sollicitant pas d'homologation ou d'autorisation de mise sur le marché de ses produits ; que le 24 juillet 2000, le défendeur a rédigé un recours pour excès de pouvoir contre la décision de rejet du 7 juin 2000, fondé également sur les dispositions de la directive 91/414/CE du 15 juillet 1991 et du décret de transposition du 5 mai 1994 ; que par jugement du 9 décembre 2004, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête, estimant que la requérante ne remplissait pas les conditions posées aux articles 278 bis du code général des impôts, à la directive 91/414/CE du 15 juillet 1991 et du décret du 5 mai 1994 ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 24 mai 2007 ; que par arrêt du 12 mars 2010, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de la demanderesse ; que la demanderesse reproche à Maître [I] d'avoir failli à ses obligations contractuelles ressortant du double mandat qui lui avait été confié, portant sur l'assistance et la représentation de la société EURO AGRAR dans le cadre de son redressement fiscal et de conseil dans le cadre des démarches à accomplir pour obtenir des autorisations de mise sur le marché pour les importations parallèles ; que, sur la responsabilité de la défenderesse dans le cadre de la contestation du redressement fiscal, la société EURO AGRO fait valoir que Maître [I] n'a pas mis en oeuvre l'argumentation qui lui aurait permis d'échapper au redressement fiscal, alors même qu'elle lui avait remis un arrêt rendu par la cour de justice des communautés européennes le 11 mars 1999, dont le fondement a permis à d'autres importateurs de produits phytopharmaceutiques d'obtenir un dégrèvement fiscal ; qu'il a de même ignoré la parution d'un avis aux importateurs du 7 août 1999 pris à la suite de cette jurisprudence ; qu'elle soutient que s'agissant d'importations parallèles de produits déjà autorisés dans l'Etat d'origine et donc les substances actives, les formules et les effets sont identiques à ceux d'autres produits qui sont déjà autorisés dans l'Etat membre de destination, les dispositions de la directive 91/414/CE qui ne visent que les importations de produits autorisés seulement dans l'Etat d'origine, n'avaient pas à s'appliquer, que les dispositions résultant de l'article 278 du code général des impôts, contraires aux articles 28 puis 30 du Traité de Rome sur la libre circulation des marchandises, ne pouvaient fonder le redressement fiscal, l'Etat français n'ayant pas mis en oeuvre une procédure simplifiée pour l'autorisation des importations parallèles ; que lorsque cette argumentation a été soulevée, les services fiscaux ont abandonné les redressements de TVA ; que de façon générale, la jurisprudence a retenu que la France, en n'instituant pas une procédure simplifiée pour les importations parallèles, avait manqué aux règles communautaires et engageait sa responsabilité ; que la défenderesse soutient qu'il appartenait à la société EURO AGRAR de rapporter la preuve qu'elle remplissait bien les conditions des importations parallèles et donc de la procédure simplifiée ; qu'elle n'avait en effet vocation à bénéficier de la procédure simplifiée qu'autant qu'elle justifiait qu'une autorisation de mise sur le marché du produit importé avait été accordée dans le pays d'origine et que le produit importé étant essentiellement semblable à un produit qui a déjà reçu une autorisation de mise sur le marché dans l'Etat de destination ; que la demanderesse n'a cependant jamais rapporté cette preuve, de sorte qu'elle ne justifie pas qu'elle aurait pu tirer parti du manquement de la France ; qu'elle soutient que le redressement fiscal infligé ne résulte pas d'une faute de l'Etat français, mais seulement du comportement fautif de la société EURO AGRAR qui a procédé à la vente en France de produits phytopharmaceutiques sans déclaration ni contrôle, que les décisions sur lesquelles s'appuie la demanderesse concernent l'importation et la commercialisation de produits dont la composition est parfaitement établie, contrairement aux produits qu'elle commercialisait sans autorisation depuis 1994 et dont elle ne justifiait pas, voire ignorait la substance active ; qu'elle fait valoir par ailleurs que la société EURO AGRAR ne peut lui reprocher d'avoir méconnu une jurisprudence qui n'a pas été publiée antérieurement à l'arrêt de la cour administrative de Nancy du 24 mai 2007, qui a mis fin à son intervention judiciaire, la responsabilité d'un avocat ne s'appréciant qu'au regard du droit positif existant à l'époque de son intervention ; qu'elle soutient qu'elle n'a pas méconnu la portée de l'arrêt de la CJCE du 11 mars 1999 dans la mesure où la demanderesse n'a jamais été en mesure de justifier de la réalisation des conditions posées dans cette décision et notamment de la substance active des produits qu'elle importait et qu'elle diffusait en France ; qu'il est constant que la mission de l'avocat comporte une obligation générale d'information et de conseil de son client ; que dans le cadre de son obligation de conseil, l'avocat doit conseiller l'argumentation et les moyens les plus pertinents pour permettre le succès de ses prétentions ; qu'il n'est pas contesté que la société EURO AGRAR a remis à Maître [I] l'arrêt rendu le 11 mars 1999 par la cour de justice des communautés européennes, par laquelle cette juridiction interprète les dispositions de la directive 91/414/ du 15 juillet 1991 ; qu'il est ainsi indiqué que "lorsqu'une autorité compétente d'un Etat membre conclut qu'un produit phytopharmaceutique importé d'un Etat de l'espace économique européen dans lequel il bénéficie déjà d'une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991, sans être en tout point identique à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'Etat membre d'importation, à tout le moins :
- a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule,
- a été fabriqué en utilisant la même substance active et
- a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit,
ce produit doit, à moins que les considérations tirées de la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent, pouvoir bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée dans l'Etat membre d'importation ;
que la cour de justice a en effet estimé qu'en présence de deux autorisations de mise sur le marché délivrées conformément à la directive, l'application des dispositions de la directive relative à la procédure de délivrance d'une autorisation de mise sur le marché irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement et risquerait de se heurter, sans justification, au principe de libre circulation des marchandises énoncé à l'article 30 du traité de Rome ; que par lettre du 23 avril 1999, Maître [I] a estimé que cette décision s'inscrivait dans la ligne de la jurisprudence antérieure et n'était pas favorable à la société EURO AGRAR, qui n'avait aucun intérêt à s'en prévaloir, en ce qu'elle souligne la nécessité d'une autorisation de mise sur le marché et que les critères qu'elle pose pour déterminer le caractère identique de deux produits ne sont pas remplis par la société ; que la demanderesse produit des décisions de renonciation à des redressements dont des sociétés avaient fait l'objet dans les mêmes circonstances que la société EURO AGRAR ; qu'ainsi, par lettre du 17 août 1999, la direction régionale des impôts du [Localité 1] a décidé d'abandonner les rappels de TVA notifiés à une société Surcouf portant sur la période postérieure à l'entrée en vigueur de la Directive et concernant des produits phytosanitaires non homologués en France dès lors que sur la base de l'arrêt du 11 mars 1999 de la CJCE, la procédure nationale d'homologation est contraire au droit communautaire et que des produits similaires ont fait l'objet d'une homologation dans un autre Etat membre de la communauté ; qu'elle justifie également de ce que 8 autres décisions de dégrèvement ont été rendues en 1999 par différentes Directions régionales des impôts au bénéfice de sociétés ayant de même soulevé que la règlementation française n'était conforme aux dispositions communautaires telles qu'interprétées par la CJCE dans son arrêt précité ; qu'il a ainsi été estimé que les redressements de TVA pour une période antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de la Directive relevaient licitement du droit interne ; que les dispositions de l'article 278 bis-5 du code des impôts s'appliquant, les importateurs devraient pour bénéficier du taux réduit de TVA justifier d'une demande d'homologation ou d'autorisation de mise sur le marché ; que pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la Directive, ces dispositions de droit français ne pouvaient plus être appliquées dès lors que la procédure nationale d'homologation était contraire au droit communautaire et que des produits similaires avaient fait l'objet d'une homologation dans un autre Etat membre ; qu'il est par exemple retenu par la direction générale des impôts d'[Localité 2] dans une décision du 31 août 1999 rendue au bénéfice de la SA Jean Bourdon que "le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques qui fixe notamment la procédure d'homologation de ces produits en France ne prévoit pas de procédure simplifiée pour les importations parallèles "de produits phytopharmaceutiques déjà homologués dans un autre Etat. Dans ces conditions, les rappels dont la société Jean Bourdon a fait l'objet au titre de la période postérieure à l'entrée en vigueur de la directive n° 91/414/CEE pour avoir acquis et revendu des produits phytopharmaceutiques sans avoir fait de demande d'homologation en France sont abandonnés dès lors que la procédure nationale d'homologation est contraire au droit communautaire et que les produits similaires ont fait l'objet d'une homologation dans un autre Etat membre" ; que ce moyen tiré du non-respect du principe de libre circulation des marchandises a de même été retenu par des décisions civiles ou pénales versées aux débats par la demanderesse ; que les cas d'abandon de redressement de TVA obtenus en 1999 peuvent être transposés à la situation de la société EURO AGRAR ; que la défenderesse ne peut à cet égard soutenir que la demanderesse ne pouvait se prévaloir de l'arrêt de la CJCE du 11 mars 1999 dans la mesure où elle n'avait pas justifié d'une demande d'autorisation de mise sur le marché et qu'elle ne pouvait démontrer la similitude des produits homologués en Allemagne qu'elle importait avec des produits autorisés en France dans la mesure où c'est précisément l'absence de procédure d'autorisation simplifiée qui pouvait être reproché à l'Etat français ; qu'il appartient aux autorités compétentes de chaque Etat membre d'évaluer la similitude des produits ; qu'il appartenait en toute état de cause à l'avocat de soulever cet argument, dont la pertinence avait de grande chances d'être retenue ; qu'elle ne peut de même se retrancher derrière le fait que Maître [I] ne pouvait être en mesure de connaître les décisions non publiées dont se prévaut la demanderesse, car il n'est pas argué d'un revirement ou d'une modification de la jurisprudence dont il ne pouvait être informé ou qu'il ne pouvait prévoir, mais de conséquences mises en évidence par un arrêt de la CJCE qui lui avait été remis ; qu'il ne peut aussi être soutenu que la mission relative à la contestation du redressement fiscal relevait seulement du droit national et ne nécessitait pas de compétences particulières en matière de droit communautaire, dans la mesure où étaient invoqués une Directive européenne et un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes ; que le mauvais choix fait par un avocat dans son argumentation juridique constitue une faute contractuelle dans l'exécution de son mandat, engageant sa responsabilité ; qu'il sera retenu que le fait pour Maître [I] de ne pas avoir soulevé la non-conformité de l'article du code des impôts sur lequel l'administration fiscale a fondé le redressement fiscal avec le droit communautaire, s'agissant d'importation de produits homologués en Allemagne, est de nature à engager sa responsabilité ; qu'il sera à cet égard relevé que dans son arrêt du 12 mars 2010 rejetant le pourvoi de la société EURO AGRAR contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 24 mai 2007, l'argument tiré de la violation de l'article 30 du Traité, articulé par l'avocat aux Conseils, n'a pu être examiné, le Conseil relevant qu'il est nouveau en cassation et donc irrecevable ; que la société EURO AGRAR n'a pu voir sa cause examinée sous cet angle, faute pour le défendeur de l'avoir soutenu ; que cependant, contrairement à ce que soutient la demanderesse, cette faute, qui consiste dans le fait de n'avoir pas soulevé un argument de droit qui pouvait prospérer, ne génère qu'une perte de chance de voir ses prétentions retenues et ne peut conduire à la réparation intégrale du préjudice occasionné ; que compte tenu des décisions de dégrèvement produites, il est établi que cette perte de chance est réelle et sérieuse ; qu'il existe néanmoins, un aléa quant à la décision qui aurait été prise par l'administration fiscale sur recours et par les juridictions saisies. Cet aléa est celui qui est d'une part inhérent à toute procédure contentieuse. Il résulte d'autre part du fait que les décisions produites par la demanderesse retiennent pour certaines dans leur motivation que les conditions posées par l'arrêt précité de la CJCE pour que le produit importé soit éligible à la procédure simplifiée étaient remplies par les sociétés concernées, qu'il ne peut être démontré avec certitude que l'argument, qui devait être soulevé, aurait abouti dans le cas de la société EURO AGRAR, qui n'a effectivement pas justifié de ce qu'elle remplissait ces conditions ; qu'il ne peut par ailleurs être soutenu par la défenderesse que le dommage allégué procède du seul fait de la demanderesse, qui n'aurait pas sollicité d'autorisation de mise sur le marché des produits qu'elle a importés, dans la mesure où le préjudice provient d'une taxation sans base légale et non d'une importation sans autorisation ; que l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2009 concernant la société Phytoservice sur lequel elle se fonde ne vise pas une indemnisation du fait d'un redressement sans base légale, mais l'indemnisation d'un préjudice lié au manque à gagner subi au titre des produits phytopharmaceutiques qu'elle a importés sans autorisation et qu'elle n'a pas pu commercialiser ; que par ailleurs, elle ne peut pour contester le préjudice arguer de ce que la demanderesse pourrait engager la responsabilité de l'Etat, le préjudice démontré ayant été causé par la faute de la défenderesse ; que la demanderesse met en compte au titre de son préjudice la somme de 759.475 € au titre du redressement maintenu, la somme de 198.497 € au titre des intérêts de retard payés à la DIORCOFI le 21 février 2006, la somme de 39.296 € au titre de l'amende de 5 % outre les intérêts sur ces sommes, la somme de 27.464,50 € au titre des frais de cautionnement bancaire mis en place au profit de la DIRCOFI entre 2000 et 2006, la somme de 15.200 € au titre du remboursement des honoraires et 2.700 € au titre des honoraires de l'avocat aux Conseils d'Etat ; que la défenderesse soutient que le tribunal de céans est incompétent pour connaître d'une demande de remboursement des honoraires qui relève des dispositions de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; qu'il n'est pas justifié du montant des intérêts de 198.497 € qui ne procède que de ses atermoiements à payer le principal ; qu'il sera relevé que la demande porte sur des dommages et intérêts compensant les honoraires versés pour une procédure à laquelle la demanderesse avait de sérieuses chances d'échapper si la défenderesse avait articulé d'autres moyens de contestation ; qu'elle ne s'analyse pas en une demande de contestation d'honoraires qui relèverait de la compétence ordinale dont il est fait état ; que la juridiction de céans est donc compétente pour en connaître ; que par ailleurs, la demande portant sur les intérêts de retard fait partie du préjudice subi par la société EURO AGRAR, le délai mis pour le paiement du redressement s'expliquant par la contestation en cours ainsi que par le montant important du différentiel de TVA à acquitter ;

ALORS D'UNE PART QU' un avocat n'engage pas sa responsabilité professionnelle en ne soulevant pas un moyen de défense inopérant ; qu'ainsi, prive sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil la Cour d'appel qui se borne à affirmer que l'absence d'une procédure d'autorisation simplifiée en matière d'importations parallèles, prévue par le droit communautaire, privait de fondement le redressement et que Me [I] avait commis une faute en ne soulevant pas ce moyen pris de la non-conformité du droit français au droit communautaire résultant de la directive 91/414/CEE, telle qu'interprétée par la jurisprudence de la CJCE, quand ce moyen n'était de nature à priver le redressement de fondement qu'à la condition qu'il soit préalablement démontré que l'activité de l'assujetti, la société EURO AGRAR, relevait du périmètre de ladite directive, ce qu'il avait toujours refusé de démontrer pour des raisons tenant au secret de fabrication, ainsi que Me [I] le soutenait dans ses conclusions d'appel (p. 6, 7 & 11) ;

ALORS D'AUTRE PART QUE ne tire pas les conséquence légales de ses propres constatations en violation de l'article 1147 du Code civil, la Cour d'appel qui constate, par motifs adoptés (jugement, p. 8, al. 3), que la société EURO AGRAR ne justifiait pas de ce qu'elle remplissait les conditions posées par l'arrêt de la CJCE du 11 mars 1999 pour que les produits importés soient éligibles à la procédure simplifiée, de sorte qu'il s'en déduisait qu'elle ne justifiait pas être éligible au droit communautaire dont elle revendiquait pourtant l'application et ne pouvait de ce fait subir un préjudice pour s'être vue refuser son application.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 15-16.307
Date de la décision : 17/03/2016
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°15-16.307 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 17 mar. 2016, pourvoi n°15-16.307, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16.307
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