La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2016 | FRANCE | N°14-10777

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mars 2016, 14-10777


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société GDF Suez de ce qu'elle se dénomme désormais société Engie ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1133-1 du code du travail et les articles 2, paragraphe 5, et 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Attendu, selon l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadr

e général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, que, n...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société GDF Suez de ce qu'elle se dénomme désormais société Engie ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1133-1 du code du travail et les articles 2, paragraphe 5, et 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Attendu, selon l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, que, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., né le 3 février 1951, agent de la société Electricité de France engagé en qualité de mécanicien électricien de garage le 5 octobre 1981 et ayant été muté sur un autre poste le 1er octobre 2001, a, après avoir été en arrêt de travail pour maladie à partir du mois de juillet 2003, été mis en inactivité d'office par lettre du 23 février 2006 avec effet, après prolongation d'un an, au 1er juin 2007 en application du décret n° 54-50 du 16 janvier 1954, de l'annexe 3 du statut des industries électriques et gazières et de la circulaire Pers 70 du 10 février 1967 prévoyant la cessation d'activité à 55 ans des agents ayant vingt-cinq ans de service dont quinze ans de services actifs ;

Attendu que, pour dire que la mise en inactivité d'office de l'intéressé n'était pas constitutive d'une discrimination fondée sur l'âge et le débouter de sa demande indemnitaire, l'arrêt retient que les intimés établissent que cette mesure répondait à un objectif de protection de l'état de santé des salariés, affectés pendant quinze ans à des services actifs, dont il n'était pas contesté qu'ils requéraient de leur part une dépense physique importante, les exposaient à des intempéries ou comportaient des conditions de travail pénibles, que l'intéressé avait été mécanicien garagiste entre 1981 et 2001, soit pendant vingt ans, étant à ce titre amené à soulever des charges lourdes et prendre des postures physiques pénibles, ces critères de pénibilité justifiant d'ailleurs le classement des emplois concernés en " services actifs ", qu'il ne contestait d'ailleurs pas que cet emploi relevait des services actifs, se contentant de préciser que son dernier poste ne relevait pas de cette catégorie, ce qui était cependant sans incidence sur la pénibilité de son travail sur toute la durée de la relation contractuelle, que cette pénibilité avait d'ailleurs vraisemblablement, dès avant sa mise en inactivité anticipée, eu des répercussions non négligeables sur son état de santé, puisqu'il avait été placé en congé de longue maladie pour " neuronite vestibulaire sévère " dès septembre 2004, que la différence de traitement fondée sur l'âge de l'intéressé était donc objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, en l'occurrence la protection de la santé du salarié, que cet objectif à travers ce dispositif appliqué à celui-ci en considération de son âge, de son ancienneté, de son appartenance pendant plus de quinze années aux services actifs et donc de sa santé ainsi que le montant de la pension servie était un objectif légitime et que les moyens mis en oeuvre étaient appropriés et nécessaires ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs hypothétiques, sans rechercher si l'objectif de protection de la santé des agents ayant accompli quinze ans de service actif était étayé par des éléments précis et concrets tenant à la répercussion sur l'état de santé du salarié des travaux accomplis durant ses services actifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes de requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnation des sociétés EDF, GDF Suez, ErDF et GrDF en paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt rendu le 19 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés EDF, GDF, ErDF et GrDF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne également à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Hubert X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à faire reconnaître que la rupture de son contrat de travail est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de condamnation des sociétés EDF et GDF SUEZ, et ERDF et GRDF à lui payer la somme de 500. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, M. X... a été mécanicien garagiste entre 1981 et 2001 soit pendant 20 années, étant à ce titre amené à soulever des charges lourdes et prendre des postures physiques pénibles, ces critères de pénibilité justifiant d'ailleurs le classement des emplois concernes en « services actifs » tels que repris par le décret du 23 septembre 2011 relatif au classement des emplois en services actifs ou insalubres dans le régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières ; que M. X... ne conteste d'ailleurs pas que cet emploi de mécanicien relève des services actifs, se contentant de préciser que son dernier poste ne relevait pas de cette catégorie, ce qui est cependant sans incidence sur la pénibilité de son travail sur toute la durée de la relation contractuelle ; que cette pénibilité a d'ailleurs vraisemblablement, dès avant sa mise en inactivité anticipée, eu des répercussions non négligeables sur son état de santé puisque M. X... a été placé en congé longue maladie pour « neuronite vestibulaire sévère » dès septembre 2004, le médecin traitant indiquant qu'il souffre de « vertiges aux changements de position » ; que la différence de traitement fondée sur l'âge de M. X... était donc objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, en l'occurrence la protection de la santé du salarie ; que par ailleurs les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que M. X... perçoit une pension nette depuis mais 2007 de 1. 376, 52 euros par mois correspondant à 61 % de son salaire, ce qu'il ne conteste pas, que ce niveau de pension ne saurait être considéré comme déraisonnable, son taux étant supérieur à celui du régime général (50 %), l'agent continuant en outre de bénéficier de tarifs particuliers en matière de fourniture d'énergie et de sécurité sociale ce qu'il ne conteste pas ; qu'en définitive l'objectif poursuivi par les intimées à travers ce dispositif, appliqué à M. X... en considération de son âge, de son ancienneté de son appartenance pendant plus de 15 années aux services actifs et donc de sa santé ainsi que du montant de la pension servie est un objectif légitime et les moyens mis en oeuvre par les intimées sont appropriés et nécessaires ; qu'en conséquence il convient de confirmer la décision déférée sur ce point ;

ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE cependant, les objectifs énoncés à l'article 6 de la directive ne sont pas exhaustifs et l'article 2. 5 exclut également les mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique sont nécessaires à la protection de la santé ; que la mise en inactivité d'office de Monsieur Hubert X... se fonde non seulement sur son âge mais également sur l'existence de 15 années de service actifs ; que or, aux termes de la circulaire PERS 226, sont classés en services actifs les emplois qui requièrent de la part des agents qui les exercent, une dépense physique importante, ou qui exposent les agents aux intempéries, ou qui comportent des conditions de travail pénible ; que Monsieur Hubert X... n'en disconvient pas et a d'ailleurs exposé avoir travaillé lors de la canicule de 2003 dans des conditions particulièrement éprouvantes ; que dès lors, il apparaît que le statut particulier de l'agent EDF, en ce qu'il ne prévoit pas une mise en inactivité d'office sur le seul critère de l'atteinte de l'âge de 55 ans mais que celui-ci se combine avec la prise en considération de la pénibilité du travail effectué, vise un objectif de protection de la santé des travailleurs qui est légitime ; que le départ anticipé à la retraite vient compenser la prise en considération des conditions de travail difficiles ; que la disposition vise bien les agents qui ont travaillé dans des conditions de pénibilité ; que la différence de traitement fondée sur l'âge ne constitue pas dans ces conditions une discrimination au sens de la directive européenne mais se trouve justifiée par un objectif légitime ; que concernant la proportionnalité de la mesure aux objectifs à réaliser, suite à sa mise à la retraite de Monsieur Hubert X... perçoit une pension nette de 1. 376, 52 euros par mois correspondant à 61 % de son salaire, ce qui ne peut être considéré comme un niveau de pension " déraisonnable " ; que Monsieur Hubert X... sera donc débouté de ses demandes ;

ALORS QUE l'article 6 § 1 de la directive 2000/ 78/ CE du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail n'admet une différence de traitement fondée sur l'âge que si celle-ci est justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, nécessaire à la sécurité publique et à la protection de la santé et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que nonobstant l'article 2 § 2 les Etas membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de sécurité publique et de protection de la santé, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que, pour dire licite l'application de la mesure, il appartient aux juges de constater concrètement que, pour le salarié concerné et la catégorie d'emploi dont il relevait, la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires ; qu'en se fondant seulement sur ce que l'emploi de mécanicien qu'avait occupé pendant vingt ans Monsieur X..., qui relevait des services actifs ou insalubres, avait « vraisemblablement » eu des répercussions non négligeables sur son état de santé, nonobstant son dernier poste qui ne relevait pas de cette catégorie, puisqu'il avait été placée en longue maladie pour une « neuronite vestibulaire sévère » la Cour d'appel n'a retenu que des motifs dubitatifs, sans les étayer par des éléments précis relatifs à la nature des travaux accomplis par l'intéressé et leurs conséquences sur sa santé, et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1133-1 du Code du travail et des articles 2 § 5 et 6 § 1 de la directive européenne n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000.

ALORS encore QUE en ne se fondant que sur le motif tiré de ce que l'emploi de mécanicien qu'avait occupé pendant vingt ans Monsieur X..., qui relevait des services actifs ou insalubres, avait « vraisemblablement » eu des répercussions non négligeables sur son état de santé, la Cour d'appel a statué par un motif hypothétique équivalant à un défaut de motifs, et a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS surtout QUE Monsieur X... soulignait qu'à aucun moment, comme il résultait de son dossier médical, les conditions de travail n'ont été mises en cause, s'agissant de son état de santé ; qu'en se fondant ainsi sur le lien « vraisemblable » entre une affection virale et les conditions de travail, sans répondre à ce chef déterminant des conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-10777
Date de la décision : 09/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 19 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 mar. 2016, pourvoi n°14-10777


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.10777
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award