COUR DE CASSATION 15 CRD 036 Audience publique du 9 février 2016 Prononcé au 8 mars 2016
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Isola, M. Béghin, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :
IRRECEVABILITE du recours formé par M. Eugène X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Rennes en date du 4 mai 2015 qui a déclaré sa requête irrecevable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 9 février 2016, l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Levano avocat au barreau de Paris représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État ;
Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Levano .
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'État et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Attendu que M. X... ne comparaît pas personnellement ; qu'il est représenté à l'audience par Me Levano conformément aux dispositions de l'article R. 40-5 du code de procédure pénale ;
Et, sur le rapport de M. le conseiller Béghin, les observations de Me Levano, avocat représentant le demandeur M. X... de Me Meier-Bourdeau, avocat représentant l'agent judiciaire de l'État, les conclusions de Mme l'avocat général Le Dimna, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que M. X..., né le 9 mars 1941, mis en examen du chef, notamment, de tentative d'assassinat, a été placé en détention provisoire le 18 décembre 2009, puis remis en liberté le 13 décembre 2010 avec assignation à résidence sous surveillance électronique jusqu'au 5 décembre 2011 ;
Qu'après disqualification des faits, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de violences aggravées par deux circonstances, menaces de mort par écrit et faux et usage de faux puis relaxé du chef des violences mais condamné pour les autres délits à un an d'emprisonnement par jugement du 13 décembre 2013, devenu définitif ;
Que par requête du 23 juin 2013, M. X... a sollicité l'indemnisation de ses préjudices pour la période durant laquelle il était placé sous surveillance électronique, réclamant à ce titre les sommes de 24 000 euros au titre du préjudice moral et de 2 000 euros en réparation du préjudice matériel ;
Que par décision du 4 mai 2015, le premier président a déclaré la requête irrecevable, retenant que le régime de la détention provisoire et celui de l'assignation à résidence avec surveillance électronique sont distincts, notamment quant à leurs conditions de durée, et qu'en l'espèce, le délit de menace de mort pour lequel M. X... a été condamné autorisait une détention provisoire d'une durée maximale d'un an qui n'a pas été dépassée, tandis que l'assignation à résidence avec surveillance électronique a pris fin bien avant le maximum légal de deux ans ;
Attendu que par déclaration du 15 mai 2015, M. X... a frappé de recours cette décision ;
Que par conclusions déposées les 9 juillet et 30 octobre 2015, il reprend ses demandes initiales et sollicite la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir, pour l'essentiel au titre du préjudice moral, son préjudice matériel n'étant pas encore arrêté, qu'à raison du placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, il n'a pu s'occuper de son fils mineur ni même le voir normalement ;
Qu'il soutient, sur la recevabilité de sa demande, que l'assignation à résidence avec surveillance électronique étant assimilée par les textes à la détention provisoire, le placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique n'est possible que dans la limite du maximum légal prévu pour la détention provisoire ; que les périodes de privation de liberté successivement subies au titre de ces deux mesures, qui constituent ainsi une période unique, doivent s'entendre comme une période de détention provisoire ; qu'en l'espèce, la période à prendre en considération court du 18 décembre 2009 au 5 décembre 2011, soit deux ans et treize jours, alors que la détention provisoire maximale prévue pour les infractions pour lesquelles il a été condamné était d'un an, de sorte qu'il a été placé de façon injustifiée sous assignation à résidence électronique du 18 décembre 2010 au 5 décembre 2011 ;
Que par ses écritures du 1er septembre 2015, l'agent judiciaire de l'Etat conclut principalement au rejet du recours, la requête ayant été à bon droit déclarée irrecevable par le premier président, subsidiairement, à l'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 5 500 euros et au rejet de la demande au titre du préjudice matériel ;
Qu'il observe que M. X... a été condamné pour menaces de mort et faux et usage, le délit de menaces de mort autorisant une détention provisoire d'une durée d'un an, et l'ensemble des délits, un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique jusqu'à deux ans, durées supérieures à celles respectivement subies en l'espèce en détention provisoire puis sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;
Que le 2 octobre 2015, le procureur général a également conclu au rejet du recours, faisant valoir que M. X... a été condamné pour des faits qui, en fonction de son casier judiciaire, autorisaient une détention provisoire d'un an ainsi qu'une assignation à résidence avec surveillance électronique de deux ans, indépendamment de la détention provisoire effectuée ; qu'il ajoute que les délits pour lesquels M. X... a été condamné autorisaient un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique de deux ans maximum, durée que n'a pas excédé celle subie par le requérant au titre de la détention provisoire et de l'assignation à résidence avec surveillance électronique réunies, cette dernière mesure étant seule concernée par la demande de réparation ;
SUR CE,
Vu les articles 142-10, 142-11 et 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu, selon les troisièmes de ces textes, qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Que, selon le premier, la personne placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique a droit, dans les mêmes cas et selon les mêmes modalités, à la réparation du préjudice subi, l'assignation à résidence avec surveillance électronique étant, selon le deuxième, assimilée à une détention provisoire pour l'imputation intégrale de sa durée sur celle d'une peine privative de liberté ;
Attendu que, par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d'obtenir de l'État réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire et d'une assignation à résidence sous surveillance électronique fondées sur des charges entièrement et définitivement écartées ;
Attendu que les infractions pour lesquelles M. X... a été définitivement condamné autorisaient une détention provisoire maximale d'un an ainsi qu'une assignation à résidence sous surveillance électronique de deux ans ;
Qu'ayant été initialement placé en détention provisoire durant onze mois et vingt-cinq jours, puis sous assignation à résidence avec surveillance électronique pendant onze mois et vingt-trois jours, la durée cumulée de ces mesures successives n'a pas excédé la durée maximale de deux ans, de sorte que la demande en réparation du préjudice subi au titre de l'assignation à résidence sous surveillance électronique n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE irrecevable la demande de M. X... en réparation du préjudice subi à raison d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 8 mars 2016 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.