LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 juin 2014), que M. X..., engagé le 21 avril 2000 par la société Trans euro frigo iberico (TEFI), dont le gérant est M. Y..., a saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître l'existence d'un lien de subordination l'unissant à la société Ramexport dont le gérant est également M. Y...; qu'il a été licencié par la société TEFI par une lettre envoyée par l'intermédiaire d'un notaire espagnol qu'il a reçue le 18 juin 2011 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Ramexport fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer diverses sommes, alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité, que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs, qu'en décidant, dans le dispositif de sa décision, que le licenciement de M. X... par la société Ramexport était dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir pourtant décidé, dans les motifs de sa décision, que ce licenciement était nul, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, conformément à la demande du salarié, confirmé le jugement en ce qu'il avait dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnisé ce salarié sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, ce qui n'a pas eu pour l'employeur de conséquence défavorable, la cour d'appel ne s'est pas contredite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que le rejet du premier moyen prive de portée ce moyen, pris en sa première branche ;
Et attendu que sous le couvert du grief non fondé de modification de l'objet du litige le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel du préjudice subi par le salarié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ramexport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ramexport à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Ramexport.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société RAMEXPORT, puis d'avoir décidé que cette dernière était l'employeur de Monsieur Jean X... et que le licenciement par la Société RAMEXPORT de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'avoir condamné la Société RAMEXPORT à payer à Monsieur X... les sommes de 4. 437, 44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 443, 74 euros au titre des congés payés afférents, 5. 546, 79 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 17. 749, 76 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice ayant résulté de l'absence d'information sur les régimes complémentaires de retraite ;
AUX MOTIFS QUE le litige portant sur l'existence ou non d'un contrat de travail entre Monsieur X... et la Société RAMEXPORT, et non pas avec la Société espagnole TEFI, le Conseil des prud'hommes de BREST était compétent pour statuer ; qu'il résulte des documents produits que Monsieur X... a été embauché le décembre 1996 par la Société TRANSPORTS YVES Y...et qu'il a démissionné de ce poste le 12 juin 1999, pour y être réembauché du 5 janvier 2000 au 20 avril 2000, selon contrat à durée déterminée ; que la Société RAMEXPORT, créée en 1994 par trois personnes dont Monsieur Yves Y..., a été reprise en 1995 et 1996 par Monsieur Yves Y...et son épouse, Madame Z..., qui en étaient les seuls associés ; que le décembre 1999, Monsieur Yves Y..., a créé une société de droit espagnol, la Société TEFI ; que Monsieur X... a été embauché le 21 avril 2000 par la Société TEFI, qui l'a affilié à la sécurité sociale espagnole et qui éditait toutes ses fiches de paye ; que Monsieur X... soutient, d'une part, qu'entre 2000 et 2010, son véritable employeur était la Société RAMEXPORT, la création de la société espagnole n'étant que fictive, et que, d'autre part, pour la période 2010 et 2011, 1a Société RAMEXPORT ayant repris l'intégralité de l'activité de la Société TEFI, son contrat de travail lui a été intégralement transféré ; que la Société RAMEXPORT soutient que c'est à tort que le Conseil a retenu qu'il avait existé, jusqu'en 2011, une situation de co-emploi au motif que le lieu de travail de Monsieur X... était à Brest et que toutes les instructions auraient été données depuis BREST ; qu'une telle position revient à nier l'existence de deux personnes morales distinctes qui n'avaient aucun lien capitalistique l'une envers l'autre, même si elles avaient les mêmes associés ; qu'en réalité, Monsieur X..., qui déclarait ses revenus en Espagne, était bien salarié de la société espagnole et conduisait des camions immatriculés en Espagne ; que si ces camions étaient effectivement stationnés sur le même site que celui de la Société RAMEXPORT, c'est parce que la Société TEFI, tout comme la Société RAMEXPORT, louait des locaux commerciaux à une société civile immobilière ; que c'est aussi pour cette raison que le salarié a été convoqué en vu d'un entretien préalable à Ploudaniel et le fait que le gérant de la société espagnole ait pu s'entretenir en français avec lui ne saurait être générateur de droit ; que le Conseil a parfaitement établi, par des motifs que la Cour adopte expressément, qu'en réalité, et au-delà de la fiction d'une embauche par la Société TEFI, le véritable employeur de Monsieur X... était la Société RAMEXPORT ; qu'en effet ce salarié, comme d'autres qui en témoignent, prenait son véhicule au siège social de la société à Ploudaniel, et les chauffeurs, censés être salariés de TEFI, recevaient des formations à Landivisiau, et les camions étaient eux entretenus à Brest et Saint Brieuc, et que si les ordres étaient donnés aux chauffeurs par Monsieur Yves Y..., gérant des deux sociétés, c'était toujours depuis le siège social de la Société RAMEXPORT à Ploudaniel ; qu'il apparaît aussi au vu des pièces produites que si des ordres pouvaient aussi être donnés selon un témoin, Monsieur A..., par Monsieur Anthony Y...dont la Société RAMEXPORT soutient qu'il était le salarié de TEFI sur la base d'une traduction de contrat de travail laissée en blanc, sans production d'une copie d'un original signé précisant le nom du salarié, Monsieur Anthony Y..., après avoir été à plusieurs reprises son salarié en contrat à durée déterminée, est depuis le 15 novembre 2010, son salarié en CDI ; que devant la Cour, il n'est produit aucun document sur un éventuel bail commercial conclu par la Société TEFI pour un immeuble de Ploudaniel, document que Monsieur Yves Y...est parfaitement à même de détenir puisqu'il est aussi le gérant de la Société TEFI ; que Monsieur X... établit aussi qu'à compter de 2010, date à laquelle selon lui, Monsieur Y...aurait décidé de fermer la société espagnole, il a poursuivi la même activité avec la Société RAMEXPORT ; qu'il produit pour ce faire deux ordres d'expédition donnés à TEFI, le février 2011 par la Société TERANEO, qui ont été en définitive exécutés par la Société RAMEXPORT, même si l'un d'entre eux a été facturé par TEFI ; qu'il produit aussi les photographies et la liste de deux camions qui selon lui auraient appartenu à la Société TEFI avant d'être immatriculés en France au nom de RAMEXPORT, que l'appelante, qui conteste ce fait, n'apporte pas les éléments pourtant, nécessairement, en sa possession pour démontrer le contraire, cartes grises et bons d'achat, se contentant de soutenir dans un courrier de son conseil que les camions de TEFI étaient cédés au garage DAF de Vannes auprès de qui elle s'approvisionnait ; qu'elle ne dément pas non plus les affirmations du salarié selon lesquelles elle utilise les camions de la Société TEFI ou qu'elle a repris plusieurs salariés de cette société, alors, qu'en 2011, elle a embauché 4 chauffeurs en CDI ce qu'elle n'avait fait que trois fois en 5 ans ; qu'il y a donc lieu aussi de considérer que, de toute façon, le contrat de travail a été transféré par application de l'article L 1224-1 du Code du travail à la Société RAMEXPORT, qui est donc devenue le seul employeur de Monsieur X... ;
1°) ALORS QUE le conseil de prud'hommes est uniquement compétent pour statuer sur les litiges qui peuvent s'élever à l'occasion d'un contrat de travail entre l'employeur, ou son représentant, et le salarié qu'il emploie ; qu'il en résulte que le juge prud'homal ne peut se déclarer compétent pour connaître du litige qu'après avoir constaté que les parties étaient liées par un contrat de travail ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur X... revendiquant un contrat de travail contesté par la Société RAMEXPORT, elle était par là même compétente pour connaître du litige, sans avoir préalablement constaté l'existence de ce contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article L 1411-1 du Code du travail, ensemble l'article 77 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le contrat de travail de Monsieur X... conclu avec la Société TEFI avait été transféré à la Société RAMEXPORT, que l'activité de la Société TEFI avait été transférée à cette dernière, sans caractériser le transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité aurait été poursuivie ou reprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1224-1 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le véritable employeur de Monsieur X... était la Société RAMEXPORT, qu'il existait un lien de subordination entre eux, aux motifs inopérants que Monsieur X... prenait son véhicule au siège social de cette société à Ploudaniel (Finistère), que les chauffeurs de la Société TEFI recevaient des formations à Landivisiau (Finistère), que les camions étaient entretenus à Brest et Saint Brieuc, que si les ordres étaient donnés par Monsieur Yves Y..., gérant des deux sociétés, c'était toujours depuis le siège social de la Société RAMEXPORT à Ploudaniel et qu'il n'était produit aucun document sur un éventuel bail commercial conclu par la Société TEFI pour un immeuble situé à Ploudaniel, sans constater que les directives que Monsieur Y..., qui avait la double qualité de gérant de la Société de RAMEXPORT et de gérant de la Société TEFI, adressait à Monsieur X... ne pouvaient lui être données au nom de la Société TEFI, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1221-1 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le véritable employeur de Monsieur X... était la Société RAMEXPORT, qu'il existait un lien de subordination entre eux, aux motifs inopérants que Monsieur X... prenait son véhicule au siège social de cette société à Ploudaniel (Finistère), que les chauffeurs de la Société TEFI recevaient des formations à Landivisiau (Finistère), que les camions étaient entretenus à Brest et Saint Brieuc, que si les ordres étaient donnés par Monsieur Yves Y..., gérant des deux sociétés, c'était toujours depuis le siège social de la Société RAMEXPORT à Ploudaniel, qu'il n'était produit aucun document sur un éventuel bail commercial conclu par la Société TEFI pour un immeuble situé à Ploudaniel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le pouvoir disciplinaire était détenu non par la Société RAMEXPORT, mais par la Société TEFI, qui avait notifié à Monsieur X... un blâme par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 mai 2011, ainsi que la rupture du contrat de travail le 3 juin 2011, et qui lui avait remis les documents de fin de contrat, ce qui caractérisait un lien de subordination entre la Société RAMEXPORT et Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1221-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur Jean X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'avoir condamné la Société RAMEXPORT à lui payer les sommes de 4. 437, 44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 443, 74 euros au titre des congés payés afférents, 5. 546, 79 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et 17. 749, 76 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, le licenciement prononcé le 18 juin 2011, par une société qui n'était pas l'employeur du salarié, est nul, étant observé d'ailleurs que depuis le jugement du Conseil, la Société TEFI, qui avait poursuivi le salarié pour les mêmes motifs devant le Tribunal correctionnel de Brest, a vu Monsieur X... relaxé et a été condamnée sur la base des articles 472 et 475-1 du Code pénal, le Tribunal ayant considéré qu'il y avait en l'espèce abus de constitution de partie civile ; que l'indemnisation de ce licenciement, qui relève de l'article L 1235-3 du Code du travail, doit être faite par l'octroi d'une somme au minimum équivalente à 6 mois de salaire ; que la somme allouée par le premier juge, apparaît, faute de plus ample justification qu'une copie d'un CDD conclu du 11 juillet 2011 au 3 septembre 2011, justement appréciée et doit être confirmée ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en décidant, dans le dispositif de sa décision, que le licenciement de Monsieur X... par la Société RAMEXPORT était dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir pourtant décidé, dans les motifs de sa décision, que ce licenciement était nul, la Cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(également subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société RAMEXPORT à payer à Monsieur Jean X... la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice ayant résulté de l'absence d'information sur les régimes complémentaires de retraite ;
AUX MOTIFS QUE s'il apparaît que l'affiliation à un régime complémentaire de retraite a été interrompue en 2014, sans qu'il soit justifié de l'accord du salarié sur ce point, cependant, le salarié ne démontre pas en quoi cette affiliation aurait été obligatoire pour l'employeur ; que donc seule l'absence d'information sur ce point doit être réparée par l'allocation d'une somme de 3. 000 euros ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir, sur le premier moyen de cassation, du chef du dispositif de l'arrêt ayant décidé que la Cour d'appel était compétente pour statuer, puis qu'un contrat de travail existait entre Monsieur X... et la Société RAMEXPORT, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt par lequel la Cour d'appel a condamné la Société RAMEXPORT à payer à Monsieur X... des dommages-intérêts en réparation du préjudice ayant résulté de l'absence d'information sur les régimes complémentaires de retraite et ce, en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles résultent des conclusions respectives des parties ; que Monsieur X... ne soutenait pas, devant la Cour d'appel, que la Société RAMEXPORT avait manqué à son égard à son obligation d'information, s'agissant de l'affiliation à un régime complémentaire de retraite, ni que ce manquement lui avait causé un préjudice ; qu'en condamnant néanmoins la Société RAMEXPORT à payer à Monsieur X... la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice né de l'absence d'information sur l'affiliation à un régime complémentaire de retraite, la Cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.