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17/02/2016 | FRANCE | N°14-23994

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 février 2016, 14-23994


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été licenciée pour motif économique le 25 août 2008 par la société Essex qui a décidé la fermeture de son établissement de Chauny ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et obtenir l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ;

Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la

cassation ;
Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en appli...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été licenciée pour motif économique le 25 août 2008 par la société Essex qui a décidé la fermeture de son établissement de Chauny ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et obtenir l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ;

Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que pour condamner la société à payer à la salariée, employée en qualité de responsable administration ressources humaines, des dommages-intérêts pour un préjudice d'anxiété du fait de son exposition à des substances dangereuses, la cour d'appel retient qu'il n'importe que l'entreprise ne figure pas dans un des établissements mentionnés par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et qu'il résulte des attestations et des pièces versées aux débats par la salariée qu'elle s'est trouvée, sur son lieu de travail, directement exposée à des substances dangereuses, en l'espèce de l'amiante ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1988 et l'arrêté ministériel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Essex à payer à la salariée des dommages-intérêts au titre d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 2 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Essex
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société ESSEX à verser à Madame X... la somme de 5.000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements et 200 ¿ sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'ordre des licenciements : Il est de principe que l'ordre des licenciements s'apprécie au niveau de l'entreprise dans son ensemble et pas seulement au niveau d'un service ou d'un établissement. Il ressort en l'espèce du dossier que la société ESSEX n'a pas appliqué les critères d'ordres des licenciements aux établissements de MACON, MEYZIEU et COMPIEGNE, considérant à tort que la fermeture du site de CHAUNY impliquait nécessairement le licenciement de tous les salariés de ce site. En procédant ainsi, la société ESSEX a méconnu le périmètre d'application des critères d'ordre. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef. Le préjudice résultant du non-respect de ces critères d'ordre sera justement indemnisé par une somme de 5.000 ¿ » ;
ALORS QU'un salarié licencié pour motif économique ne peut solliciter la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts au titre de la méconnaissance des critères d'ordre des licenciements que dans la mesure où cette méconnaissance lui a fait perdre une chance de conserver un emploi dans l'entreprise et de ne pas être licencié ; qu'un salarié, licencié pour motif économique, ne subit aucun préjudice du fait de l'absence de mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements lorsqu'à la suite de la suppression de son emploi résultant de la fermeture de l'établissement, celui-ci a refusé une proposition de reclassement sur un même poste que celui qu'il occupait au sein de l'établissement de l'entreprise le plus proche géographiquement de l'établissement fermé ; qu'en allouant la somme de 5.000 ¿ à titre de dommages-intérêts à Madame X..., sans rechercher, comme cela lui était demandé, si du fait du refus exprimé par la salariée d'occuper un emploi au sein d'un autre établissement, la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements au niveau de l'entreprise ne lui aurait pas permis de conserver un emploi et d'éviter d'être licenciée pour motif économique, de sorte que le manquement qu'elle reprochait à l'employeur ne lui avait en réalité causé aucun préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-5 du code du travail et 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société ESSEX à verser à Madame X... une somme de 8.000 ¿ en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité ;
AUX MOTIFS QUE « Sur ce : L'action indemnitaire relative à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, indépendamment de toute maladie professionnelle, relève de la compétence prud'homale. Il n'importe que l'entreprise ne figure pas dans l'un des établissements mentionnés par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998. Le salarié n'invoque pas un préjudice d'anxiété spécifique, découlant de l'inscription sur la liste des établissements susvisés, mais demande la réparation d'un préjudice invoqué comme étant la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. La demande sera désormais jugée recevable. L'obligation de sécurité pesant sur l'employeur est, par application des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, une obligation générale et de résultat. Cette obligation impose à l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs, mesures de prévention, de formation et d'information, et de mettre en place une organisation et des moyens permettant de parvenir à assurer cette sécurité. Il appartient au salarié en l'espèce d'établir qu'il a été exposé à des substances dangereuses dans l'accomplissement de son travail et que le préjudice dont il demande réparation est en lien avec cette exposition. L'employeur doit pour sa part et dans ce cas, apporter la preuve qu'il a assuré l'effectivité de son obligation de sécurité sus exposée. Il résulte des attestations et pièces versées aux débats par le salarié qu'il s'est trouvé, sur son lieu de travail, directement exposé à des substances dangereuses, en l'espèce de l'amiante. Le fait que le salarié se soit trouvé, du fait de son employeur, exposé à des substances dangereuses impose à celui-ci d'apporter la preuve qui lui incombe qu'il avait mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour protéger le personnel, de manière collective et individualisée. Il est constaté que l'employeur ne justifie par aucun document probant avoir mis en oeuvre, pendant la période de travail du salarié, des mesures concrètes et appropriées de protection, collective et individuelle, du salarié, alors qu'il admet qu'étaient présentes dans l'entreprise des installations contenant de l'amiante (notamment dans des fours), et que l'extrême nocivité de ce matériau a imposé une réglementation protectrice des travailleurs dès le début du 20ème siècle. Il n'est pas nécessaire que le salarié se soit vu reconnaître une maladie professionnelle, ni même qu'il présente des troubles de santé, qu'il soit ou non suivi médicalement de manière régulière. C'est la conscience d'être soumis au risque de déclaration à tout moment d'une maladie grave qui fonde l'anxiété invoquée, qui n'est pas contestable et constitue un préjudice indemnisable. La demande du salarié sera désormais accueillie et le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Le préjudice sera réparé par l'allocation de la somme fixée au dispositif de l'arrêt. La société ESSEX, employeur du salarié, sera condamnée au paiement des dommages et intérêts ainsi fixés » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les décisions des juges du fond doivent être motivées à peine de nullité ; que ne motive pas sa décision le juge qui se détermine sur le seul visa de documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'au cas présent, la société ESSEX exposait que Madame X... qui occupait des fonctions d'assistante ressources humaines et n'avait pas été exposée à un quelconque agent nocif et que Madame X... ne produisait aucun document de nature à établir l'existence d'une exposition ; qu'en se bornant à énoncer qu'« il résulte des attestations et pièces versées aux débats par le salarié qu'il s'est trouvé, sur son lieu de travail, à des substances dangereuses, en l'espèce l'amiante » (arrêt p. 11 alinéa 3), sans viser ni analyser aucun élément précis, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat et doit, en toutes circonstances respecter le principe de la contradiction ; qu'il résulte des conclusions de Madame X..., auxquelles la cour d'appel s'est expressément référée pour l'exposé des prétentions et moyens de la salariée (arrêt p. 3 al. 4), qu'elle fondait exclusivement sa prétention sur la remise d'une attestation d'exposition remise par l'employeur (Conclusions de la salariée p. 12) ; que le bordereau annexé à ces conclusions ne fait mention de la production d'aucune attestation d'exposition (Conclusions de la salariée p. 14-15) ; que la société ESSEX exposait qu'elle n'avait jamais remis une telle attestation à la salariée et que celle-ci ne produisait pas un tel document (Conclusions de l'exposante, p. 28) ; qu'en considérant néanmoins que l'exposition serait établie par « des attestations et pièces versées aux débats par le salarié », sans recueillir préalablement les observations des parties sur ces documents, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-23994
Date de la décision : 17/02/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 02 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 fév. 2016, pourvoi n°14-23994


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.23994
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