CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 février 2016
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10040 F
Pourvoi n° E 14-29.132
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme [H] [Z], domiciliée [Adresse 1], agissant en qualité d'ayant droit de [B] [V], ayant été domiciliée [Adresse 3], décédée le [Date décès 1] 2015,
contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2014 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 2), dans le litige les opposant à Mme [Q] [S], [Localité 1], prise en qualité d'héritière et de légataire universelle de [M] [Z], décédé, domiciliée [Adresse 3],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], ès qualités, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme [S] ;
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Z], ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille seize.MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [Z], ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Monsieur [M] [Z] est propriétaire de la moitié de la maison du [Adresse 2] et nu-propriétaire de l'autre moitié de l'immeuble ;
AUX MOTIFS QUE le démembrement de la propriété et sa répartition résultent suffisamment des actes du 28/08/1999 et du 29/12/1999 ; que, par l'acte du 28/08/1999, [B] [V] a cédé à sa soeur sa moitié indivise de la nue-propriété de la maison du [Adresse 2] et de la villa appelée « Grain de Sable », ne conservant que sa moitié indivise de l'usufruit des deux immeubles ; que [I] [V], divorcée [Z], est donc devenue propriétaire de la moitié des deux immeubles et nue-propriétaire de leur autre moitié, étant entendu qu'elle s'engageait pour l'avenir à régler les parties B et C du prix de cession ; que, par l'acte du 29/12/1999, [I] [V], divorcée [Z], a fait donation à son fils de la nue-propriété de la maison du [Adresse 2], quoi qu'en dise [M] [Z], des charges qui y étaient attachées, soit, d'une part, le service viager de prestations en nature en la maison du [Adresse 2] – partie B du prix – d'autre part, le versement d'une rente viagère annuelle – partie C du prix ; que l'acte du 29/12/1999 précise d'ailleurs que le service viager de prestations en nature grevant la propriété du [Adresse 2] existe toujours ; que, par ailleurs, au décès de sa mère, le 11/03/2007, [M] [Z] a hérité de celle-ci de sa moitié indivise de l'usufruit de la maison du [Adresse 2], conformément à la donationpartage du 29/12/1999, laquelle stipulait qu'il joindrait la jouissance à la nue-propriété au décès du donateur et d'[B] [V] ; qu'à ce jour, [M] [Z] est donc propriétaire de la moitié de la maison du [Adresse 2] et nu-propriétaire de l'autre moitié de l'immeuble (…) ;
ALORS QUE l'acte de cession du 29 décembre 1999 (pièce n° 2) comportait un paragraphe intitulé « Propriété - Jouissance » aux termes duquel il était stipulé que : « Les donataires auront, à compter de ce jour, la propriété des biens présentement donnés. Ils y adjoindront la jouissance au décès du donateur et de Mademoiselle [B] [O] [Y] dite aussi [K] [Y] [V], sa soeur, en ce qui concerne les biens formant l'article 1 de la désignation. Mademoiselle [V] et le donateur bénéficiaire de l'usufruit successif jouiront de l'usufruit réservé en « bon père de famille » et aux charges de droit, excepté celles de fournir cation et de faire dresser état desdits biens » ; qu'en énonçant qu'au décès de sa mère, le 11/03/2007, [M] [Z] a hérité de celle-ci de sa moitié indivise de l'usufruit de la maison du [Adresse 2], conformément à la donation-partage du 29/12/1999, laquelle stipulait qu'il joindrait la jouissance à la nue-propriété au décès du donateur et d'[B] [V], la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de donation partage régulièrement produit aux débats et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté [B] [V] de sa demande de résolution de la cession résultant de l'acte du 28/08/1999 ;
AUX MOTIFS QUE la demande de résolution de la vente faite par [B] [V] n'est pas exempte de contradiction puisqu'elle invoque tantôt la clause résolutoire figurant dans l'acte du 28/08/1999, tantôt l'article 1654 du Code civil ; que, cependant, outre le visa de ce texte, d'autres éléments permettent de conclure qu'elle a renoncé à ce jour à recourir à la clause résolutoire de plein droit ; qu'elle a certes envoyé à son neveu un courrier daté du 05/10/2009 le mettant en demeure de s'acquitter de la part des soins viagers qu'il lui doit ; mais que, sur la forme, elle ne démontre pas qu'il s'agissait d'une lettre recommandée avec accusé de réception ; que, sur le fond, elle ne précisait pas vouloir faire jouer la clause résolutoire en cas de non exécution des soins viagers ; qu'elle demande à la juridiction de « prononcer » la résolution et non de « la constater » ; qu'en conséquence, on doit conclure qu'[B] [V] entend soumettre sa demande de résolution de la cession du 29/08/1999 à l'arbitrage de la Cour ; que l'article 1654 du Code civil dispose que, si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente ; qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la partie A du prix a été acquittée lors de la passation de l'acte par compensation avec une dette de loyers ; que, s'agissant de la partie B du prix, constituée de l'obligation viagère d'entretien au profit d'[B] [V] s'exerçant dans la maison du [Adresse 2], l'acte du 28/08/1999 précise que la cessionnaire, [I] [V] divorcée [Z], aura la charge d'un service de prestations en nature correspondant aux « soins domestiques et ménagers à assurer au cédant, sa vie durant, en la maison sise [Adresse 4] ; à la préparation des repas quotidiens ; à l'achat des produits alimentaires et de soins ; au chauffage, blanchissage, etc… ; en fait, à tout ce qui sera nécessaire à son existence en ayant pour lui les meilleurs soins et de bons égards » (sic) ; quant aux frais médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques, la cessionnaire n'aura à sa charge que la fraction des frais non remboursés par la Caisse de Sécurité Sociale et, le cas échéant, la mutuelle ; que les prestations seront fournies en fonction des besoins du cédant – lequel s'engage à participer en fonction de ses propres facultés – et des ressources du cessionnaire ; qu'[B] [V] assure, sans le prouver, que, dès 1999, sa soeur et son neveu ne pouvant plus assumer les prestations en nature qui lui étaient dues, celles-ci ont été remplacées, d'un commun accord, par le paiement d'une rente mensuelle viagère de 300 € ; que [M] [Z], tout en contestant le principe de cette rente dans le dernier état de ses écritures, en reconnaît de fait l'existence :d'une part, il précise avoir versé 6.600 € entre avril 2007 et mars 2009 au titre de ladite rente (pièce n° 31), d'autre part, il écrit dans ses conclusions : « il n'est pas contesté que [I] [V] versait à sa soeur [B] chaque mois 600 € en espèces » (sic) ; or, que cette somme de 600 € ne peut qu'être l'addition du loyer mensuel de la villa « Grain de sable » - ainsi que précisé plus bas - et de la rente se substituant à l'obligation d'entretien, comme le soutient [B] [V] ; que l'appelante évalue à 15.411,18 € l'arriéré de ladite rente de substitution au 30/04/2013 ; que, par là-même, elle reconnaît avoir perçu la somme de 30.188,82 € sur le montant total de 45.600 € - mensualités de 300 € - qu'elle aurait dû recevoir depuis septembre 1999 ; que, s'agissant de la partie C du prix, la villa « Grain de sable » a fait l'objet d'une procédure d'expropriation en 2004, à l'issue de laquelle les deux soeurs ont reçu une indemnité d'expropriation, [I] [V] divorcée [Z] en tant que nue-propriétaire, [B] [V] en tant qu'usufruitière ; qu'[B] [V] soutient que sa soeur a continué à lui payer la somme mensuelle de 300 € pour sa part de loyer ; que [M] [Z] prétend quant à lui que, lors du versement de l'indemnité d'expropriation, les deux soeurs ont soldé leurs comptes de ce chef ; or que non seulement il n'en apporte aucune preuve, mais au surplus ses propres écritures quant au versement d'une indemnité de 600 €, rappelées ci-dessus, permettent d'accorder foi aux dires d'[B] [V] ; que celle-ci indique qu'elle a perçu sur la partie C du prix 34.410 € et précise que [M] [Z] lui doit encore 1.720 € de ce chef ; qu'en définitive, [B] [V] reconnaît avoir reçu la totalité de la partie A du prix, les deux tiers de la partie B et la presque totalité de la partie C ; que, dès lors, l'inexécution de ses obligations par l'intimé n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente et [B] [V] sera déboutée de sa demande ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 11), [B] [V] avait exposé qu'elle avait adressé à [M] [Z], le 5 octobre 2009, une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure (pièce n° 25) et, après avoir rappelé les termes de la clause résolutoire insérée dans le contrat, elle indiquait expressément que « c'est cette disposition contractuelle dont Mme [B] [V] veut bénéficier » ; qu'en jugeant néanmoins qu'[B] [V] avait renoncé à recourir à la clause résolutoire de plein droit, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel d'[B] [V] et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ;qu'en se bornant à énoncer, pour juger qu'[B] [V] avait renoncé à son droit de recourir à la clause résolutoire de plein droit, « qu'elle a certes envoyé à son neveu un courrier daté du 05/10/2009 le mettant en demeure de s'acquitter de la part des soins viagers qu'il lui doit ; mais que, sur la forme, elle ne démontre pas qu'il s'agissait d'une lettre recommandée avec accusé de réception ; que, sur le fond, elle ne précisait pas vouloir faire jouer la clause résolutoire en cas de non exécution des soins viagers » et qu'[B] [V] « demande à la juridiction de « prononcer » la résolution et non de « la constater » », la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer d'[B] [V], a privé sa décision de base légale au regard des articles 1656 et 1134 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, selon les conclusions d'appel d'[B] [V] (p. 4, 10 et 11), si Monsieur [M] [Z] lui versait officiellement la somme de 300 euros par mois, il retirait simultanément des comptes de sa tante l'allocation que lui versait la Caisse des dépôts et qu'en conséquence, il restait devoir au titre de la partie C du prix non seulement la somme de 1.720 € mais également celle de 18.468 € ; qu'en énonçant, pour juger que l'inexécution de ses obligations par l'intimé n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente, qu'[B] [V] « indique qu'elle a perçu sur la partie C du prix 34.410 € et précise que [M] [Z] lui doit encore 1.720 € de ce chef » et qu'elle reconnaissait donc avoir reçu « la presque totalité de la partie C », la Cour d'appel a, une nouvelle fois, dénaturé les conclusions d'appel d'[B] [V], en violation des dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile.
ALORS, ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel, [B] [V] avait également demandé la résolution de la vente « en raison de l'ingratitude que son neveu a manifesté et manifeste » et elle avait versé aux débats des documents médicaux (pièces n° 42 et 52) qui attestaient des deux chutes survenues en octobre 2012 et juillet 2013, sans que son neveu ne lui porte secours, ainsi que des photographies (pièces 75) qui rapportaient la preuve des objets appartenant à sa tante vendus par [M] [Z] sur le site eBay ; qu'en se bornant à énoncer que « l'inexécution de ses obligations par l'intimé n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente », sans procéder à aucune analyse, même sommaire, des pièces régulièrement versées aux débats par [B] [V], la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné [M] [Z] à payer à [B] [V] une rente viagère de 300 euros par mois à compter du 01/05/2013, la somme de 14.700 euros, avec intérêt au taux légal, sur 6.900 euros à compter du 23/03/2011, sur euros à compter du 01/05/2013 et la somme de 1.720 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23/03/2011 ;
AUX MOTIFS QUE, sur la somme de 15.411,18 €, [B] [V] ne démontre pas avoir manqué des soins et prestations auxquels elle avait droit – en nature ou sous forme d'une pension – avant le 31/03/2009 ; que c'est à compter de cette date qu'elle dit avoir réglé eau, électricité et gaz – tous éléments ressortissant normalement de l'obligation conventionnelle d'entretien ; qu'elle verse d'ailleurs trois factures de cette époque à son nom – eau le 09/04/2009 pour 116,06 € ; EDF le 28/05/2009 pour 62,77 € ; GDF le 22/09/2009 pour 47,54 € ; que [M] [Z] quant à lui soutient qu'il a réglé les factures d'eau, d'électricité et de gaz jusqu'en mai 2009 mais ne verse aucun justificatif à l'appui de ses dires, produisant au contraire des factures au nom d'[B] [V] ainsi que des courriers qu'il a lui-même écrits et dont il ressort que les prélèvements directs EDF et GDF étaient effectués sur le compte de sa tante ; qu'il reconnaît n'avoir plus rien versé à celle-ci du chef de l'obligation d'entretien depuis avril 2009 ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait droit à la demande d'[B] [V] à hauteur de 14.700 €, soit 300 € par mois entre le 01/04/2009 et le 30/04/2013 ; (…) ;
ET QUE, sur la somme de 18.468 €, [B] [V] ne donne aucune précision ni justificatif :
- quant à son titre de créance sur la Caisse des Dépôts et Consignations,
- quant aux sommes versées par cet organisme,
- quant aux circonstances des prétendus détournements ;
que, devant cette carence massive en preuves, sa demande sera rejetée ;
ALORS, D'UNE PART, Qu'[B] [V] versait aux débats, à titre de justificatifs des dépenses payées par elle, une facture Eau d'octobre 2008 à avril 2009 d'un montant de 116,06 € (pièce n° 66 c) ; qu'en jugeant néanmoins qu'[B] [V] ne démontrait pas avoir manqué des soins et prestation auxquels elle avait droit avant le 31 mars 2009, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis d'une pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, Qu'en application du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 455 du Code de procédure civile, les juges ont l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties et ils doivent motiver leur décision sur ce point ;qu'[B] [V] avait versé aux débats plusieurs pièces qui attestaient des versements effectués par la Caisse des Dépôts, notamment son bulletin de situation du 17 avril 2013 (pièce n° 29), les courriers reçus en septembre et octobre 2009 de cet organisme (pièce n° 32 et 33), ainsi qu'un décompte des sommes versées depuis l'année 2000 (pièce n° 62) ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'[B] [V], que « sur la somme de 18.468 €, [B] [V] ne donne aucune précision ni justificatif : quant à son titre de créance sur la Caisse des Dépôts et Consignations, quant aux sommes versées par cet organisme, quant aux circonstances des prétendus détournements », la Cour d'appel, qui n'a manifestement procédé à aucun examen des pièces régulièrement versées aux débats par [B] [V], a méconnu les textes susvisés.