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10/02/2016 | FRANCE | N°14-26909

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2016, 14-26909


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° P 14-26. 909 à U 14-26. 914 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 24 septembre 2014), que M. X... et quarante-sept salariés ont été engagés par la société nationale des poudres et explosifs (SNPE), aux droits de laquelle viennent également les sociétés Eurenco, Manuco et Hérakles, au cours de périodes variables de 1972 à 1992 ; que par arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, le site SNPE, s

itué à Bergerac, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° P 14-26. 909 à U 14-26. 914 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 24 septembre 2014), que M. X... et quarante-sept salariés ont été engagés par la société nationale des poudres et explosifs (SNPE), aux droits de laquelle viennent également les sociétés Eurenco, Manuco et Hérakles, au cours de périodes variables de 1972 à 1992 ; que par arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, le site SNPE, situé à Bergerac, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA pour la période de 1972 à 1992 ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir réparation de leurs préjudices d'anxiété et de trouble dans leurs conditions d'existence ;
Sur la demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne :
Attendu que les employeurs demandent que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « l'article 5 de la directive 89/ 391, tel qu'il est exclusivement applicable aux faits de l'espèce, doit-il être interprété en ce sens qu'il imposait aux entreprises une obligation de résultat quant à la préservation de la santé mentale de leurs employés ? » ;
Mais attendu que selon son article 1, § 3, la directive 89/ 391/ CEE ne porte pas atteinte aux dispositions nationales et communautaires existantes ou futures, qui sont plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ; qu'il n'y a pas lieu à saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, et le second moyen des pourvois n° P 14-26. 909 et Q 14-26. 910 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, et le troisième moyen des pourvois n° R 14-26. 911, S 14-26. 912 et T 14-26. 913 et la quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi n° R 14-26. 911 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, et le second moyen du pourvoi n° U 14-26. 914 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, des pourvois n° P 14-26. 909, Q 14-26. 910 et U 14-26. 914, et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, des pourvois n° R 14-26. 911, S 14-26. 912 et T 14-26. 913 :
Attendu que les employeurs font grief aux arrêts de les condamner à verser une somme à chacun des salariés en réparation d'un préjudice d'anxiété alors, selon le moyen, que c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer qu'ils auraient manqué à leur obligation de résultat et pour les déclarer responsables en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, que M. Georges X... avait quitté l'entreprise le 28 septembre 1992 (pourvoi n° P 14-26. 909), que le contrat de travail s'est arrêté pour tous en 1992 (pourvoi n° Q 14-26. 910), que le site a été classé seulement pour la période 1972-1992 (pourvoi n° R 14-26. 911), que le site a été classé seulement pour la période 1972-1992 (pourvois n° S 14-26. 912 et T 14-26. 913) ou que les défendeurs au pourvoi avaient quitté l'établissement en 1992 (pourvoi n° U 14-26. 914), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
Mais attendu, d'une part que la santé mentale est une composante de la santé, d'autre part que la cour d'appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait des employeurs, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une telle maladie, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen additionnel du pourvoi n° Q 14-26. 910, concernant MM. Y... et Z... :
Attendu que la SNPE fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à MM. Y... et Z... une somme en réparation d'un préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen, que l'octroi d'une somme de 10 000 euros à ces deux défendeurs est en contrariété directe avec les motifs du jugement et de l'arrêt selon lesquels les deux intéressés ne sont pas recevables à agir à l'encontre de la société SNPE du fait de l'accord transactionnel qui est intervenu le 30 août 1993 ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'une contradiction entre deux chefs du dispositif d'une décision pouvant, en application de l'article 461 du code de procédure civile, donner lieu à une requête en interprétation, ne peut ouvrir la voie de la cassation ;
Et attendu qu'une contradiction est avérée tant entre les motifs qu'entre les chefs du dispositif de l'arrêt ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés SNPE, Eurenco, Manuco et Hérakles aux dépens afférents à leurs pourvois ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNPE à payer à M. X... la somme de 1 000 euros (pourvoi n° P 14-26. 909) et à M. A... et onze autres défendeurs (pourvoi n° Q 14-26. 910) également la somme de 1 000 euros ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eurenco à payer MM. B..., C... et D... la somme de 1 000 euros (pourvoi n° R 14-26. 911) et à M. E... et vingt-cinq autres défendeurs (pourvoi n° S 14-26. 912) également la somme de 1 000 euros ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Manuco à payer la somme de 1 000 euros à MM. F... et G... (pourvoi n° T 14-26. 913) ;
Vu l'article 700 du code procédure civile, condamne la société Hérakles à payer la somme de 1 000 euros à MM. H... et I... (pourvoi n° U 14-26. 914) ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits aux pourvois n° P 14-26. 909 et Q 14-26. 910 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils pour la société SNPE
Pourvoi n° P 14-26. 909 :
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(la faute prétendue)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SNPE à verser une somme de 10. 000 € à Monsieur Georges X... en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas sérieux pour la SNPE de prétendre que les pièces à l'origine de l'enquête ayant abouti au classement amiante du site SNPE de Bergerac pour la période de 1972 à 1992 ne lui seraient pas opposables, dans la mesure où le salarié demandeur avait quitté son emploi avant la création de la société Bergerac NC. Alors qu'il ressort des conclusions mêmes de la SNPE que jusqu'en 1992, l'ensemble des salariés du site travaillait pour le compte de la SNPE et que Bergerac NC est une des filiales du groupe SNPE ; que c'est bien à la suite du décès en juin 2002 d'un salarié retraité, mort d'un mésothéliome, cancer inhérent à l'exposition à l'amiante, qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise SNPE, durant la période de 1972 à 1992 qu'une des filiales du groupe SNPE, ayant son activité sur le site de Bergerac, Bergerac NC, a saisi le 21 août 2002 la direction du travail dans le cadre du classement amiante du site SNPE. Le secrétaire du CHSCT dans ce courrier fait état : de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints dans des plaques de supranite sans protection, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse de film mais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise. » ; que le 13 juin 2002, Monsieur J... (responsable de cette filiale) adressait des consignes en matière d'amiante, en indiquant : « comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de vous équiper des moyens de nettoyage adaptés » ; que la SNPE ne produit aucune pièce, aucune note, aucune directive, permettant d'établir que durant toutes ces années, les salariés du site de Bergerac exposés au risque d'amiante, notamment Monsieur X..., ont bénéficié de protection individuelle ou collective d'information ou de formation sur les risques encourus en cas d'inhalation d'amiante ni même qu'elle a pris les mesures édictées par le décret du 17 août 1977, telles que la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle, la mise à disposition des salariés d'équipements de protection collective et/ ou individuelle afin de pallier les conditions de travail nocives ayant justifié l'inscription de la SNPE, site de Bergerac sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs à l'amiante ; que l'employeur ne peut non plus utilement invoquer l'absence de mise en garde contre l'utilisation de l'amiante pour s'exonérer de sa propre responsabilité alors qu'il ne justifie pas avoir mis en place les dispositifs de protection individuelle et collective ni les mesures d'empoussièrement qui relevaient de sa seule responsabilité, en application du décret du 17 août 1977 ; qu'alors bien même que cette entreprise de taille importante disposait d'un département juridique et d'un service de médecine légale, et avait donc eu ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels étaient exposés les salariés au contact de l'amiante ; que dès lors, la cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la cour adopte a dit que l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger, du risque auquel étaient exposés les salariés de l'établissement de Bergerac n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver et a donc failli à son obligation de sécurité et de résultat en violation de l'article L. 4121-1 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « pour apprécier le manquement de la société SNPE à l'exécution de son obligation de résultat de sécurité, il convient de se référer à la connaissance du risque par celle-ci ; que le risque pour une personne de développer dans certaines conditions une affection respiratoire à la suite de l'inhalation de fibres d'amiante était connu en France depuis 1906, date d'un rapport de l'inspecteur du travail, Denis K..., qui faisait référence à la cinquantaine de décès survenus en cinq ans à l'usine de filature d'amiante de Condé sur Noireau ; que dès le décret du 11 mars 1894, une réglementation était intervenue sur la prévention de l'inhalation de poussières de toute nature. Ainsi l'article 6 de ce décret prévoit notamment que les poussières seront évacuées directement au dehors de l'atelier au fur et à mesure de leur production... et l'air des ateliers sera renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers ; qu'en 1945, est intervenue une prise en charge spécifique au titre des maladies professionnelles par la création du tableau n° 30 concernant les affections respiratoires liées à l'amiante, complété par la suite ; que le 17 août 1977 a été édicté un décret applicable à toutes les entreprises où les salariés étaient exposés à l'inhalation de poussières d'amiante, précisant les obligations de l'employeur qui est tenu :- de contrôler l'atmosphère des lieux de travail au moins une fois par mois par le nombre de fibres dans l'air, la fréquence pouvant n'être qu'une fois tous les trois mois, s'il n'y avait pas plus d'une fibre par centimètre cube d'air,- de conditionner et traiter les déchets de toute nature et les emballages vides susceptibles de dégager des fibres d'amiante, de manière à ne pas provoquer d'émission de poussières pendant leur manutention leur transport et leur stockage,- de vérifier au moins une fois par semaine, les installations de captage, de filtration et de ventilation collective des salariés afin de s'assurer qu'elles soient en parfait état de fonctionnement,- d'attribuer personnellement à chaque salarié exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, des équipements respiratoires individuels et des vêtements de protection,- l'employeur est tenu de remettre des consignes écrites à toute personne exposée à l'inhalation de poussières d'amiante de manière à l'informer des risques auxquels son travail peut l'exposer et des précautions à prendre pour éviter ces risques ; qu'au terme d'une évolution législative limitant toujours plus les conditions d'utilisation et d'exposition à l'amiante un décret du 24 décembre 1996 a finalement interdit toute fabrication, transformation, vente, importation, mise sur le marché français et cession de toutes variétés de fibres d'amiante ; que les maladies provoquées par l'inhalation de fibres d'amiante sont de deux types : les fibroses et les cancers et ne font l'objet, en l'état actuel des données de la science d'aucune thérapeutique efficace. La durée de latence des maladies est de 20 à 40 ans. Ces maladies sont à l'origine d'un risque sanitaire de portée nationale voire européenne qui ne fait plus débat du fait de la dangerosité de l'amiante ; que diverses pièces ont été produites aux débats relatives au traitement de l'amiante dans l'entreprise et il convient de les examiner pour apprécier le respect de l'obligation de sécurité de résultat ; qu'alors même que la fabrication et le traitement d'amiante ne faisaient pas l'objet de l'activité principale de l'entreprise, il est constant que divers matériaux contenant de l'amiante étaient utilisés dans certaines parties de l'entreprise ; que Monsieur Georges X... a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs d'amiante ; que les pièces afférentes à la société Bergerac NC ne peuvent être exploitées dès lors qu'elles font référence à des faits survenus après 1996 propres à cette société et que monsieur X... n'a jamais été le salarié de la société Bergerac NC ; que cependant il y a lieu de retenir un mail du 13 juin 2002 de Monsieur J... (Bergerac NC) qui adresse des consignes au chef du service AR, Monsieur L..., en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante.. les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de nous équiper des moyens de nettoyage adaptés. " Ce mail révèle les conditions de travail sur le site SNPE depuis trente ans et est donc applicable au site de la société SNPE ; que l'examen des jugements du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Dordogne du 13 mars 2008, du 15 mai 2008 et du 8 avril 2010 révèlent que plusieurs décès sont survenus pour des salariés de la SNPE (ZZ..., XXX..., BBB...) à la suite de cancers broncho pulmonaires et que d'autres (CCC..., EEE..., FFF..., GGG..., HHH..., III...
JJJ...), ont déclaré des maladies liées à l'appareil respiratoire ; que le tribunal a retenu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de ces maladies professionnelles ; qu'il ressort des pièces produites par Monsieur X... qu'il a été employé à la PNB du 21 mars 1972 au 30 septembre 1972, à la SNPE du 1'octobre 1972 au 31 décembre 1972 et du 3 janvier 1983 au 28 septembre 1992 en qualité d'ouvrier qualifié ; que par lettre du 12 août 2008, la CPAM de la Dordogne l'a informé du bénéfice du suivi médical post professionnel dans le cadre de l'amiante, sans faire l'avance des frais ; que le médecin du travail, le Dr N..., a établi un certificat le 27 mai 2008, selon lequel, Monsieur X... a été amené à travailler de 1987 ou 1988 à 1991 à la chaufferie où il y avait beaucoup d'amiante et où les opérateurs effectuaient des tâches qui libéraient des fibres d'amiante ; que les attestations de collègues produites aux débats, également parties dans le même procès ou dans un autre procès à l'égard d'un autre employeur du même site SNPE de Bergerac, si elles sont ainsi croisées, sont corroborées par un certificat du médecin du travail attestant de l'exposition à l'amiante. Par ailleurs, étant leurs collègues les plus proches, ils sont les premiers témoins des activités exercées dans les lieux et des conditions de travail. Ces attestations sont, en outre, conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ; que ces attestations de collègues (F..., O...) révèlent que Monsieur X... était ouvrier d'entretien à la chaufferie ou il y avait de l'amiante sous forme de tresses et de plaques et que les outils employés étaient la meuleuse, la scie et la soufflette et le travail portait sur le changement des tresses et des joints, la remise en état des vannes vapeur dont les garnitures intérieures étaient en amiante, sans aucune protection ; qu'il s'agit, en conséquence, d'une exposition à l'amiante professionnelle du fait de la manipulation de produits amiantés ; que la simple exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, en l'absence même de toute déclaration de maladie professionnelle, caractérise le manquement au résultat de sécurité » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en adoptant les « justes motifs » du jugement selon lesquels « les pièces afférentes à la société BERGERAC NC ne peuvent être exploitées » par Monsieur X... qui n'a jamais été le salarié de cette société BERGERAC NC (page 5 alinéa 12), la cour d'appel se met en contradiction, en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile, avec l'affirmation selon laquelle il ne serait « pas sérieux » de prétendre que lesdites pièces ne seraient pas opposables à la SNPE (page 4 alinéa 7) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE viole également l'article 455 du Code de Procédure Civile la cour d'appel qui estime pouvoir retenir, parmi les pièces susvisées, le courriel de Monsieur J... (BERGERAC NC) faisant état de poussières résiduelles d'amiante qui auraient « plus de 30 ans », sans répondre aux conclusions de l'exposante qui faisaient valoir (pages 6 et 7) que ce courriel du 13 juin 2002 ne concernait que des poussières retrouvées dans des bâtiments d'entretien, entièrement étrangers à l'activité de Monsieur Georges X... et que, de surcroît, cette pièce ne pouvait prévaloir sur la décision administrative qui avait réglementairement limité la période d'exposition à l'année 1992 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur le classement amiante du site SNPE et sur l'appartenance de Monsieur Georges X... au régime ACAATA pour en déduire qu'il aurait été nécessairement exposé à l'amiante dans des conditions fautives ouvrant droit à une indemnisation pour préjudice d'anxiété, tandis que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a pour unique objet de faciliter un accès à une prestation de Sécurité Sociale spécifique (l'allocation), sans avoir à démontrer une faute quelconque de l'emprunteur, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du Code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer que la société exposante aurait manqué à son obligation de résultat et pour déclarer celle-ci responsable en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, que Monsieur Georges X... avait quitté l'entreprise le 28 septembre 1992 (page 6 alinéa 2), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE l'attestation délivrée dans les conditions prévues par l'article D. 461-25 du Code de la Sécurité Sociale à la demande du salarié pour lui permettre de bénéficier éventuellement d'une surveillance médicale s'inscrit dans une procédure purement préventive, uniquement destinée à procurer au salarié qui quitte l'entreprise une prestation supplémentaire de Sécurité Sociale ; qu'en visant de tels documents pour leur donner la valeur d'une preuve de droit commun dans le cadre d'une action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, tant au regard du texte susvisé que de l'article 16 du Décret du 7 février 1996, que de l'annexe IV de l'arrêté d'application du 13 décembre 1996 et des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SNPE à verser une somme de 10. 000 € à Monsieur Georges X... en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... justifie donc avoir été victime d'une exposition à la fois professionnelle et environnementale à l'amiante sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace. Il justifie donc se trouver par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, et subir de ce fait, un préjudice spécifique d'anxiété qui n'a pas été indemnisé par l'ACAATA ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la Cour évalue la réparation de son préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 ¿ de dommages et intérêts, étant précisé que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans pertes ni profits pour quiconque, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder par lui-même à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en affirmant, sans la moindre constatation pertinente, que l'intéressé se trouverait dans une situation d'inquiétude permanente, constitutive d'un préjudice spécifique d'anxiété, le juge prud'homal, qui se substitue ainsi aux autorités médicales seules compétentes en la matière, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en s'abstenant de toute recherche sur l'état psychique individuellement ressenti par le défendeur au pourvoi, sur la date à laquelle il aurait ressenti l'anxiété litigieuse, sur les capacités de son entourage à assumer la prise en charge de l'apparition d'une éventuelle maladie, la cour d'appel qui - de ce fait - procède à une indemnisation purement forfaitaire, prive sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et des articles 1147 et 1149 du code civil.
Pourvoi n° Q 14-26. 910 :
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(la faute prétendue)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SNPE à verser une somme de 10. 000 € à chaque défendeur au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas sérieux pour la SNPE de prétendre que les pièces à l'origine de l'enquête ayant abouti au classement amiante du site SNPE de Bergerac pour la période de 1972 à 1992 ne lui seraient pas opposables, dans la mesure où le salarié demandeur avait quitté son emploi avant la création de la société Bergerac NC. Alors qu'il ressort des conclusions mêmes de la SNPE que jusqu'en 1992, l'ensemble des salariés du site travaillait pour le compte de la SNPE ; que c'est bien à la suite du décès en juin 2002 d'un salarié retraité, mort d'un mésothéliome, cancer inhérent à l'exposition à l'amiante, qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise SNPE, durant la période de 1972 à 1992 qu'une des filiales du groupe SNPE, ayant son activité sur le site de Bergerac, Bergerac NC, a saisi le 21 août 2002 la direction du travail dans le cadre du classement amiante du site SNPE. Dans ce courrier adressé par le secrétaire du CHSCT il était fait état : de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints dans des plaques de supranite sans protection, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse de film mais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise. » ; que le 13 juin 2002, Monsieur J... (responsable de cette filiale) adressait des consignes en matière d'amiante, en indiquant : « comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de vous équiper des moyens de nettoyage adaptés » ; que la SNPE ne produit aucune pièce, aucune note, aucune directive, permettant d'établir que durant toutes ces années, les salariés du site de Bergerac exposés au risque d'amiante ont bénéficié de protection individuelle ou collective d'information ou de formation sur les risques encourus en cas d'inhalation d'amiante ni même qu'elle a pris les mesures édictées par le décret du 17 août 1977, telles que la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle, la mise à disposition des salariés d'équipements de protection collective et/ ou individuelle afin de pallier les conditions de travail nocives ayant justifié l'inscription de la SNPE, site de Bergerac sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs à l'amiante ; que, dès lors, l'employeur ne peut utilement invoquer l'absence de mise en garde contre l'utilisation de l'amiante pour s'exonérer de sa propre responsabilité alors qu'il ne justifie pas avoir mis en place les dispositifs de protection individuelle et collective ni les mesures d'empoussièrement qui relevaient de sa seule responsabilité, en application du décret du 17 août 1977 ; qu'alors même que cette entreprise de taille importante disposait d'un département juridique et d'un service de médecine légale, et avait donc eu ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels étaient exposés les salariés au contact de l'amiante ; qu'il s'ensuit que la cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la cour adopte a dit que l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger, du risque auquel étaient exposés les salariés de l'établissement de Bergerac n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver et a donc failli à son obligation de sécurité et de résultat en violation de l'article L. 4121-1 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « pour apprécier le manquement de la société SNPE à l'exécution de son obligation de résultat de sécurité, il convient de se référer à la connaissance du risque par celle-ci ; que le risque pour une personne de développer dans certaines conditions une affection respiratoire à la suite de l'inhalation de fibres d'amiante était connu en France depuis 1906, date d'un rapport de l'inspecteur du travail, Denis K..., qui faisait référence à la cinquantaine de décès survenus en cinq ans à l'usine de filature d'amiante de Condé sur Noireau ; que dès le décret du 11 mars 1894, une réglementation était intervenue sur la prévention de l'inhalation de poussières de toute nature. Ainsi l'article 6 de ce décret prévoit notamment que les poussières seront évacuées directement au dehors de l'atelier au fur et à mesure de leur production... et l'air des ateliers sera renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers ; qu'en 1945, est intervenue une prise en charge spécifique au titre des maladies professionnelles par la création du tableau n° 30 concernant les affections respiratoires liées à l'amiante, complété par la suite ; que le 17 août 1977 a été édicté un décret applicable à toutes les entreprises où les salariés étaient exposés à l'inhalation de poussières d'amiante, précisant les obligations de l'employeur qui est tenu :- de contrôler l'atmosphère des lieux de travail au moins une fois par mois par le nombre de fibres dans l'air, la fréquence pouvant n'être qu'une fois tous les trois mois, s'il n'y avait pas plus d'une fibre par centimètre cube d'air,- de conditionner et traiter les déchets de toute nature et les emballages vides susceptibles de dégager des fibres d'amiante, de manière à ne pas provoquer d'émission de poussières pendant leur manutention leur transport et leur stockage,- de vérifier au moins une fois par semaine, les installations de captage, de filtration et de ventilation collective des salariés afin de s'assurer qu'elles soient en parfait état de fonctionnement,- d'attribuer personnellement à chaque salarié exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, des équipements respiratoires individuels et des vêtements de protection,- l'employeur est tenu de remettre des consignes écrites à toute personne exposée à l'inhalation de poussières d'amiante de manière à l'informer des risques auxquels son travail peut l'exposer et des précautions à prendre pour éviter ces risques ; qu'au terme d'une évolution législative limitant toujours plus les conditions d'utilisation et d'exposition à l'amiante un décret du 24 décembre 1996 a finalement interdit toute fabrication, transformation, vente, importation, mise sur le marché français et cession de toutes variétés de fibres d'amiante ; que les maladies provoquées par l'inhalation de fibres d'amiante sont de deux types : les fibroses et les cancers et ne font l'objet, en l'état actuel des données de la science d'aucune thérapeutique efficace. La durée de latence des maladies est de 20 à 40 ans. Ces maladies sont à l'origine d'un risque sanitaire de portée nationale voire européenne qui ne fait plus débat du fait de la dangerosité de l'amiante ; que diverses pièces ont été produites aux débats relatives au traitement de l'amiante dans l'entreprise et il convient de les examiner pour apprécier le respect de l'obligation de sécurité de résultat ; qu'alors même que la fabrication et le traitement d'amiante ne faisaient pas l'objet de l'activité principale de l'entreprise, il est constant que divers matériaux contenant de l'amiante étaient utilisés dans certaines parties de l'entreprise ; que les demandeurs ont tous bénéficié de l'allocation de cessation anticipée sauf Messieurs P... et M... ; que les pièces afférentes à la société Bergerac NC ne peuvent être exploitées dès lors qu'elles font référence à des faits survenus après 1996 propres à cette société et que les demandeurs ont tous quitté leur emploi avant la création de la société BERGERAC NC, à l'exception de Monsieur A... ; que cependant il y a lieu de retenir un mail du 13 juin 2002 de Monsieur J... (Bergerac NC) qui adresse des consignes au chef du service AR, Monsieur L..., en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante.. les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de nous équiper des moyens de nettoyage adaptés. " Ce mail révèle les conditions de travail sur le site SNPE depuis trente ans et est donc applicable au site de la société SNPE ; que l'examen des jugements du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Dordogne du 13 mars 2008, du 15 mai 2008 et du 8 avril 2010 révèlent que plusieurs décès sont survenus pour des salariés de la SNPE (ZZ..., XXX..., BBB...) à la suite de cancers broncho pulmonaires et que d'autres (CCC..., EEE..., FFF..., GGG..., HHH..., III...
JJJ...), ont déclaré des maladies liées à l'appareil respiratoire ; que le tribunal a retenu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de ces maladies professionnelles ; qu'il ressort de l'examen des attestations des salariés, qui seront exposées plus précisément dans le cadre de la détermination du préjudice, que ceux-ci travaillaient dans des locaux dan lesquels étaient localisées des poussières d'amiante et que celles-ci étaient « nettoyées » avec des soufflettes à air comprimé, sans masques ; que la simple exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, en l'absence même de toute déclaration de maladie professionnelle, caractérise le manquement au résultat de sécurité ; que le fait que la réglementation en la matière ne soit devenue de plus en plus contraignante qu'à la suite d'une évolution dans le temps ne pouvait dispenser l'employeur de s'interroger et de s'informer sur les dangers en matière de santé que son activité pouvait faire courir à ses salariés ; l'employeur ne peut s'exonérer par le fait qu'aucun organisme de prévention des risques ne s'est manifesté auprès de lui pour l'alerter ou le mettre en garde contre l'utilisation du produit aujourd'hui incriminé dès lors qu'il est tenu à une obligation de résultat qui conduit à une présomption de responsabilité qui ne peut être renversée par une simple abstention ; qu'en l'espèce, la SNPE ne justifie par aucun document : notes de service, compterendus de CHSCT, qu'elle a respecté la réglementation en mettant en oeuvre des mesures de protection individuelles et collectives ; que le comportement de l'employeur a donc eu pour conséquence d'exposer les salariés au risque d'inhalation des poussières d'amiante dont le caractère dangereux est avéré ; que compte tenu de ces éléments, la défaillance de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat doit être retenue en l'espèce à l'égard des demandeurs dont la recevabilité de l'action n'est pas en cause et dont l'exposition à l'amiante est caractérisée » ; et QUE (p. 10) « Les attestations de collègues produites aux débats, également parties dans le même procès ou dans un autre procès à l'égard d'un autre employeur du même site SNPE de Bergerac, si elles sont ainsi croisées, et pour certaines dans des termes identiques, sont corroborées le cas échéant, par un certificat du médecin du travail attestant de l'exposition à l'amiante » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en adoptant les « justes motifs » du jugement selon lesquels « les pièces afférentes à la société BERGERAC NC ne peuvent être exploitées » par les défendeurs au pourvoi qui n'ont jamais été salariés de cette société BERGERAC NC (pages 4 et 6), la cour d'appel se met en contradiction, en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile, avec l'affirmation selon laquelle il ne serait « pas sérieux » de prétendre que lesdites pièces ne seraient pas opposables à la SNPE (page 4 alinéa 7) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE viole également l'article 455 du Code de Procédure Civile la cour d'appel qui estime pouvoir retenir, parmi les pièces susvisées, le courriel de Monsieur J... (BERGERAC NC) faisant état de poussières résiduelles d'amiante qui auraient « plus de 30 ans », sans répondre aux conclusions de l'exposante qui faisaient valoir (pages 6 et 7) que ce courriel du 13 juin 2002 ne concernait que des poussières retrouvées seulement dans des bâtiments d'entretien, et que cette pièce ne pouvait prévaloir sur la décision administrative qui avait réglementairement limité la période d'exposition à l'année 1992 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur le classement amiante du site SNPE et sur l'appartenance des défendeurs au pourvoi au régime ACAATA pour en déduire qu'ils auraient été nécessairement exposés à l'amiante dans des conditions fautives ouvrant droit à une indemnisation pour préjudice d'anxiété, tandis que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a pour unique objet de faciliter un accès à une prestation de Sécurité Sociale spécifique (l'allocation), sans avoir à démontrer une faute quelconque de l'emprunteur, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel ; qu'étant constant que Messieurs P... et M... ne bénéficiaient pas de l'ACAATA (jugement page 8, arrêt page 8), de sorte que leur situation par rapport au texte susvisé n'avait pas été vérifiée, la cour de BORDEAUX prive sa décision de base légale au regard de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 en admettant leur droit à réparation d'un préjudice d'anxiété ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du Code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer que la société exposante aurait manqué à son obligation de résultat et pour déclarer celle-ci responsable en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, que « le contrat de travail s'est arrêté pour tous en 1992 » (jugement page 6), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE l'attestation délivrée à certains salariés dans les conditions prévues par l'article D. 461-25 du Code de la Sécurité Sociale à leur demande pour leur permettre de bénéficier éventuellement d'une surveillance médicale s'inscrit dans une procédure purement préventive, uniquement destinée à procurer au salarié qui quitte l'entreprise une prestation supplémentaire de Sécurité Sociale ; qu'en visant de tels documents pour leur donner la valeur d'une preuve de droit commun dans le cadre d'une action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, tant au regard du texte susvisé que de l'article 16 du Décret du 7 février 1996, que de l'annexe IV de l'arrêté d'application du 13 décembre 1996 et des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SNPE à verser une somme de 10. 000 € à chaque défendeur au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE « Messieurs Alain A..., Guy-José Q..., Pierre Patrick R..., Patrick Y..., Serge S..., Gérard T..., Bernard U..., Armand V..., Jean-Pierre Z..., Michel W..., Valentin XX..., et Jean Pierre YY..., justifient avoir bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; que Messieurs P..., Jean-Claude et M... Alain A..., Guy-José Q..., Pierre Patrick R..., Patrick Y..., Serge S..., Gérard T..., Bernard U..., Armand V..., Jean-Pierre Z..., Michel W..., Valentin XX... et Jean-Pierre YY... justifient tous avoir été exposés, soit directement en manipulant les produits amiantés soit en inhalant les poussières d'amiante sur le site de Bergerac, et donc été victime d'une exposition professionnelle et/ ou environnementale à l'amiante sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace. Ils justifient se trouver par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, et subir de ce fait, un préjudice spécifique d'anxiété qui n'a pas été indemnisé par l'ACAATA ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la Cour évalue la réparation de leur préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 ¿ de dommages et intérêts, chacun, étant précisé que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans pertes ni profits pour quiconque, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder par lui-même à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en affirmant, sans la moindre constatation pertinente, que l'intéressé se trouverait dans une situation d'inquiétude permanente, constitutive d'un préjudice spécifique d'anxiété, le juge prud'homal, qui se substitue ainsi aux autorités médicales seules compétentes en la matière, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en s'abstenant de toute recherche sur l'état psychique individuellement ressenti par le défendeur au pourvoi, sur la date à laquelle il aurait ressenti l'anxiété litigieuse, sur les capacités de son entourage à assumer la prise en charge de l'apparition d'une éventuelle maladie, la cour d'appel qui - de ce fait - procède à une indemnisation purement forfaitaire, prive sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et des articles 1147 et 1149 du code civil.
Moyen additionnel du pourvoi n° Q 14-26. 910 :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SNPE à verser à Messieurs Y... et Z... la somme de 10. 000 € en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE « la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la cour adopte a dit qu'ils n'étaient pas recevables à agir, après avoir signé le 30 août 1993 avec la SNPE, un accord de transaction stipulant qu'ils se déclaraient remplis de leurs droits relevant tant de leur contrat de travail, que du droit commun ou de la convention collective de la chimie. Dès lors, confirme l'irrecevabilité de leurs demandes » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Messieurs Y... et Z... ont signé chacun avec la SNPE le 30 août 1993 un accord de résiliation amiable pour motif économique en vertu duquel ils était prévu que chacun se déclare rempli de tous les droits qu'il pouvait tenir tant de son contrat de travail que du droit commun ou de la convention collective de la chimie et que, en conséquence, moyennant l'exécution de l'accord, les parties renoncent à exercer toute instance ou action relative à l'exécution qu'à la cessation du contrat de travail les ayant liées ; que du fait de cette clause inscrite dans la transaction, Messieurs Y... et Z... ont définitivement renoncé à toutes réclamations de quelque nature qu'elles soient alors même qu'en 1993, ils n'avaient pas connaissance de leur préjudice dont ils réclament réparation dix-huit ans après. Ils ne sont donc plus recevables à agir à l'encontre de la SNPE » ;
ALORS QUE l'octroi d'une somme de 10. 000 € à ces deux défendeurs est en contrariété directe avec les motifs du jugement et de l'arrêt selon lesquels les deux intéressés ne sont pas recevables à agir à l'encontre de la société SNPE du fait de l'accord transactionnel qui est intervenu le 30 août 1993 ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.
Moyens produits aux pourvois n° R 14-26. 911 et S 14-26. 912 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils pour la société Eurenco
Pourvoi n° R 14-26. 911 :
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EURENCO à verser une somme de 10. 000 € à chaque défendeur au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété, ainsi qu'une somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas sérieux pour Eurenco de prétendre que les pièces à l'origine de l'enquête avant abouti au classement amiante du site SNPE de Bergerac pour la période de 1972 à 1992 ne lui seraient pas opposables au motif que les salariés demandeurs Messieurs Christian B..., Gilles C... et Michel D... étaient affectés au secteur des poudres et explosifs et non à celui des nitrocelluloses (Bergerac NC), alors qu'il ressort des conclusions même d'Eurenco que jusqu'en 1992 l'ensemble des salariés du site travaillait pour le compte de la SNPE ; que c'est bien à la suite du décès, en juin 2002 d'un salarié retraité qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise SNPE. durant la période de 1972 à 1992, mort d'un mésothéliome, cancer inhérent à l'exposition à l'amiante, qu'une autre des filiales du groupe SNPE, avant son activité sur le site de Bergerac, Bergerac NC a saisi le 21 août 2002 la direction du travail, dans le cadre du classement amiante du site SNPE. Le secrétaire du CHSCT dans le courrier adressé à ce service fait état : de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints sans protection dans des plaques de supranite, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse dei % niais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise ; que le 13 juin 2002, Monsieur J... (responsable de cette filiale) adressait des consignes en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de vous équiper des moyens de nettoyage adaptés " ; que Eurenco, filiale de la SNPE, ne produit aucune pièce, aucune note, aucune directive, permettant d'établir que durant toutes ces années, les salariés du site de Bergerac exposés au risque d'amiante ont bénéficié de protection individuelle ou collective d'information ou de formation sur les risques encourus en cas d'inhalation d'amiante ni qu'elle a pris les mesures édictées par le décret du 17 août 1977 telle la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle et la mise à disposition des salariés d'équipements de protection collective et individuelle. QUE L'employeur ne peut utilement invoquer l'absence de mise en garde contre l'utilisation de l'amiante pour s'exonérer de sa propre responsabilité alors qu'il ne justifie pas avoir mis en place les dispositifs de protection individuelle et collective ni les mesures d'empoussièrement qui relevaient de sa seule responsabilité, en application du décret précité. Alors même que cette entreprise de taille importante dispose d'un département juridique et d'un service de médecine légale, et a donc eu ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels étaient exposés les salariés au contact de l'amiante ; que dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la Cour adopte a dit que l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger, du risque auquel étaient exposés les salariés de l'établissement de Bergerac n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver et a donc failli à son obligation de sécurité et de résultat visée à l'article. L. 4121-1 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « diverses pièces ont été produites aux débats relatives au traitement de l'amiante dans l'entreprise et il convient de les examiner pour apprécier le respect de l'obligation de sécurité de résultat ; qu'alors même que la fabrication et le traitement d'amiante ne faisaient pas l'objet de l'activité principale de l'entreprise, il est constant que divers matériaux contenant de l'amiante étaient utilisés dans certaines parties de l'entreprise ; que les pièces afférentes à la société Bergerac NC ne peuvent être exploitées dès lors qu'elles font référence à des faits survenus après 1996 propres à cette société et que les demandeurs de la présente espèce n'ont jamais été salariés de cette société ; que cependant il y a lieu de retenir un mail du 13 juin 2002 de Monsieur J... (Bergerac NC) qui adresse des consignes au chef du service AR, Monsieur L..., en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de nous équiper des moyens de nettoyage adaptés. " Ce mail révèle les conditions de travail sur le site SNPE depuis trente ans et est, donc, applicable au site de la société EURENCO, sa filiale ; que l'examen des jugements du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Dordogne du 17 mars 2011 révèle que des salariés de la société EURENCO (KKK..., LLL... et MMM...) ont déclaré des maladies liées à l'appareil respiratoire ; que le tribunal a retenu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de ces maladies professionnelles au vu de l'exposition aux poussières d'amiante au séchoir, à la chaudronnerie, à l'habillage d'amiante qui se délitait et eu égard au nettoyage des poussières à la soufflette ; que les documents produits à l'appui des demandes des salariés révèlent les faits suivants : Les demandeurs ont tous bénéficié de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs d'amiante. Monsieur Christian B... : employé à la SNPE du 26 avril 1976 au 31 décembre 2002, à la SME du 1er janvier 2003 au 31 janvier 2004, à EURENCO FRANCE Bergerac du 1er février 2004 au 31 mars 2009 et à EURENCO Bergerac du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010, en qualité de technicien méthodes, sécurité, réglementation. Par lettre du 30 septembre 2010, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Dordogne l'a informé du bénéfice du suivi médical post professionnel sans l'avance de frais, dans le cadre de l'amiante. Le médecin du travail, le Dr N..., a certifié le 9 novembre 2010 que Monsieur B... avait pu être en contact avec des fibres d'amiante lorsqu'il était pompier sur le site de la poudrerie de Bergerac de 1979 à 2002, les tenues anti-feu comportant de l'amiante et les interventions se passaient dans des bâtiments contenant de l'amiante, ce qui est confirmé par des collègues (NNN..., OOO...). Monsieur Gilles C... : employé à la poudrerie de Bergerac du 13 au 30 septembre 1972, à la SNPE du 1er octobre 1972 au 31 décembre 2002, à la SME du 1er janvier 2003 au 31 janvier 2004, à EURENCO FRANCE Bergerac du 1er février 2004 au 30 novembre 2006, date à laquelle il était acheteur d'établissement. Les attestations de collègues (PPP..., QQQ...) révèlent que certains toits d'ateliers étaient en éverite, le calorifugeage du chauffage à vapeur fait avec des tresses d'amiante et que Monsieur C... a dû être en contact avec l'amiante lors de son passage en fabrication pour effectuer des relevés de fabrication. Monsieur Michel D... : employé à la SNPE du 6 février 1978 au 31 décembre 2002, à la SME du 1er janvier 2003 au 31 janvier 2004, à EURENCO FRANCE Bergerac du 1er février 2004 au 31 mars 2009 et à EURENCO Bergerac du 1er avril 2009 au 31 juillet 2010 en qualité de responsable d'atelier. Le médecin du travail, le Dr N..., certifie le 14 avril 2011 que Monsieur D... a occupé divers postes notamment dans les ateliers EC. Les attestations de collègues révèlent que l'amiante était présente dans les toitures et le calorifugeage et que les moyens de nettoyage étaient les soufflettes ; que ces éléments traduisent la présence de poussières d'amiante dans les locaux, sans protection individuelle ni collective et la manipulation d'objets amiantés pour Monsieur B... ; que la simple exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, en l'absence même de toute déclaration de maladie professionnelle, caractérise le manquement au résultat de sécurité ; que le fait que la réglementation en la matière ne soit devenue de plus en plus contraignante qu'à la suite d'une évolution dans le temps ne pouvait dispenser l'employeur de s'interroger et de s'informer sur les dangers en matière de santé que son activité pouvait faire courir à ses salariés ; l'employeur ne peut s'exonérer par le fait qu'aucun organisme de prévention des risques rie s'est manifesté auprès de lui pour l'alerter ou le mettre en garde contre l'utilisation du produit aujourd'hui incriminé dès lors qu'il est tenu à une obligation de résultat qui conduit à une présomption de responsabilité qui ne peut être renversée par une simple abstention ; qu'en l'espèce, la société EURENCO venant aux droits de la SNPE ne justifie par aucun document : notes de service, compte-rendus de CHSCT qu'elle a respecté la réglementation en mettant en oeuvre des mesures de protection individuelles et collectives ; que le comportement de l'employeur a donc eu pour conséquence d'exposer les salariés au risque d'inhalation des poussières d'amiante dont le caractère dangereux est avéré ; que compte tenu de ces éléments, la défaillance de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat doit être retenue en l'espèce à l'égard des demandeurs » ;
ALORS QU'en se fondant sur des faits postérieurs à l'année 1992 et, donc, sur une période d'exposition à l'amiante différente de celle fixée par l'arrêté de classement du site de BERGERAC, qui seul, en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, détermine les conditions justifiant la reconnaissance d'un préjudice d'anxiété, et en refusant, de surcroît, de tenir compte, comme elle y était invitée, de la décision ministérielle expresse, datée du 24 décembre 2010, de refuser de proroger la période d'exposition au-delà de ladite année 1992, la Cour de BORDEAUX qui a substitué son appréciation à celle de l'administration, a violé ensemble l'article 41 susvisé, la loi des 17-24 août 1790, et l'article 92 du Code de Procédure Civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EURENCO à verser une somme de 10. 000 € aux défendeurs au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété ainsi qu'à une somme de 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QU'« en l'espèce, les trois salariés justifient avoir travaillé dans cet établissement entre 1972 et 1992. Etablissement qui par arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1972 à 1992 ; que Messieurs Christian B..., Gilles C... et Michel D... tous employés durant la période de 1972 à 1992, justifient avoir bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'ils justifient ainsi avoir tous été exposés, directement en manipulant les produits amiantés ou en inhalant les poussières d'amiante sur le site de Bergerac, été victime d'une exposition professionnelle et/ ou environnementale à l'amiante, sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace. Ils justifient se trouver, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, et subir de ce fait, un préjudice spécifique d'anxiété qui n'a pas été indemnisé par l'ACAATA ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la Cour évalue la réparation de leur préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 € de dommages et intérêts, chacun, étant précisé que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence ; qu'en conséquence, réforme la décision attaquée en ce qui concerne le préjudice des salariés demandeurs » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT (page 13) QUE « les médecins du travail, le Dr N..., a certifié le 9 novembre 2010 que Monsieur B... avait pu être en contact avec des fibres d'amiante lorsqu'il était pompier sur le site de la poudrerie de Bergerac de 1979 à 2002, les tenues antifeu comportant de l'amiante et les interventions se passaient dans des bâtiments contenant de l'amiante, ce qui est confirmé par des collègues (NNN..., OOO...) » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur le classement amiante du site SNPE et sur l'appartenance des défendeurs au pourvoi au régime ACAATA pour en déduire qu'ils auraient été nécessairement exposés à l'amiante dans des conditions fautives ouvrant droit à une indemnisation pour préjudice d'anxiété, tandis que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a pour unique objet de faciliter un accès à une prestation de Sécurité Sociale spécifique (l'allocation), sans avoir à démontrer une faute quelconque de l'emprunteur, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du Code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer que la société exposante aurait manqué à son obligation de résultat et pour déclarer celle-ci responsable en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, que « le site a été classé seulement pour la période 1972-1992 » (jugement page 6), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'attestation délivrée à certains salariés dans les conditions prévues par l'article D. 461-25 du Code de la Sécurité Sociale à la demande du salarié pour lui permettre de bénéficier éventuellement d'une surveillance médicale s'inscrit dans une procédure purement préventive, uniquement destinée à procurer au salarié qui quitte l'entreprise une prestation supplémentaire de Sécurité Sociale ; qu'en visant de tels documents pour leur donner la valeur d'une preuve de droit commun dans le cadre d'une action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, tant au regard du texte susvisé que de l'article 16 du Décret du 7 février 1996, que de l'annexe IV de l'arrêté d'application du 13 décembre 1996 et des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN et SUBSIDIAIREMENT, QU'aucune attestation d'exposition n'était versée aux débats pour Messieurs C... et D..., de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait à l'égard de l'ensemble des demandeurs, la cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EURENCO à verser une somme de 10. 000 € aux défendeurs au pourvoi et ainsi qu'une somme de 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QUE « les salariés justifient se trouver par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et subir de ce fait un préjudice spécifique d'anxiété ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la cour évalue la réparation de leur préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 € de dommages et intérêts chacun, et d'en préciser que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement de leurs conditions d'existence ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exposante avait fait valoir (page 6) qu'au-delà de leur présentation collective, les prétentions des salariés demeuraient des litiges individuels ; qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans pertes ni profits pour quiconque, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder par lui-même à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en affirmant, sans la moindre constatation pertinente, que l'intéressé se trouverait dans une situation d'inquiétude permanente, constitutive d'un préjudice spécifique d'anxiété, le juge prud'homal, qui se substitue ainsi aux autorités médicales seules compétentes en la matière, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en s'abstenant de toute recherche sur l'état psychique individuellement ressenti par le défendeur au pourvoi, sur la date à laquelle il aurait ressenti l'anxiété litigieuse, sur les capacités de son entourage à assumer la prise en charge de l'apparition d'une éventuelle maladie, la cour d'appel qui ¿ de ce fait ¿ procède à une indemnisation purement forfaitaire, prive sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et des articles 1147 et 1149 du code civil.
Pourvoi n° S 14-26. 912 :
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EURENCO à verser une somme de 10. 000 € à chacun des 26 défendeurs au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété, ainsi qu'une somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« au vu des nombreuses pièces produites par les parties, il ressort que pour éviter le risque de prise de feu, de fusage dans la fabrication des nitrocelluloses, le calorifugeage, l'isolation thermique des tuyaux, des conduites de vapeur et d'eau chaude, des chaudières séchoirs étaient réalisés, au sein de l'établissement avec de l'amiante, plus particulièrement avec des joints découpés dans l'amiante pour la chaudière, les étuves, ou encore des tresses d'amiante pour les tuyaux, tresses et joints que les employés devaient découper et changer ; qu'il faudra attendre le décès en juin 2002 d'un salarié, retraité qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise, d'un mésothéliome, cancer inhérent à l'exposition à l'amiante, pour que l'entreprise, comme l'a justement relevé le premier juge, prenne enfin des mesures édictées par le décret du 17 août 1977, telle la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle et la mise a disposition d'équipements de protection collective et individuelle ; qu'ainsi, il était encore constaté par le CHSCT le 11 juin 2002 que de nombreuses installations comportaient encore des joints en amiante et que subsistaient encore des plaques de supranite ; que le 13 juin 2002, Monsieur J... (Bergerac NC) adressait des consignes en matière d'amiante, en disant : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de vous équiper des moyens de nettoyage adaptés " ; que le même jour, le secrétaire du CHSCT sollicitait la prise de mesures en urgence pour la décontamination complète des bâtiments 630 et 636 par une entreprise habilitée ; que le 26 juin 2002, une réunion dans la société BERGERAC NC était tenue sur les actions urgentes à entreprendre et il était consigné des mesures de protection individuelle pour les manipulateurs de produits amiantés ; que le 11 juillet 2002, devant le refus du personnel de manipuler ces produits sans équipements adapté, il a été décidé le recours à une entreprise extérieure spécialisée ; que le 21 août 2002, dans une lettre adressée à l'inspecteur du travail, dans le cadre du classement amiante du site SNYE, le secrétaire du CHSCT faisait état : « de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantes jusqu'en. 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints sans protection dans des plaques de supranite, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse de film mais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise. » ; que le 11 février 2003, aucune mesure n'avait été prise pour la protection des salariés lors du décalorifugeage de la chaudière alors qu'il était décelé la présence d'amiante sur les joints ; que durant toutes ces années, les salariés du site de Bergerac n'ont donc bénéficié d'aucune protection individuelle ni collective ni d'aucune information ni formation sur les risques encourus en cas d'inhalation d'amiante. Ces conditions de travail nocives ont d'ailleurs justifié l'inscription de la SNPE, site de Bergerac sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs à l'amiante ; que l'employeur ne peut utilement invoquer l'absence de mise en garde contre l'utilisation de l'amiante pour s'exonérer de sa propre responsabilité alors qu'il ne justifie pas avoir mis en place les dispositifs de protection individuelle et collective ni les mesures d'empoussièrement qui relevaient de sa seule responsabilité, en application du décret du 17 août 1977 ; et ce, bien que cette entreprise de taille importante dispose d'un département juridique et d'un service de médecine légale, et a donc eu ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels étaient exposés les salariés au contact de l'amiante ; que dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la Cour adopte a dit que l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger, du risque auquel étaient exposés les salariés de l'établissement de Bergerac n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver et a donc failli à son obligation de sécurité et de résultat visée à l'article L. 4121-1 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « les procès-verbaux des réunions du CHSCT de BERGERAC NC révèlent le 29 janvier 1996 « la présence de panneaux d'amiante à la DC (déshydratation en continu) et que ceux-ci vont donc être progressivement remplacés par un autre matériel en commençant par ceux qui sont détériorés » ; le 17 octobre 1996, « il est précisé que dans le secteur collodion le démontage des plaques d'amiante n'est pas réalisé ; qu'une note interne du 17 juillet 1998 de BERGERAC NC fait état des résultats du diagnostic amiante et de préconisations tels que l'élimination des matériaux dans le bâtiment 71 et le contrôle de matériaux dans les bâtiments 71, 73, 630, 78 et 61 ; qu'une note de service de BERGERAC NC du 5 mars 2002 déclare que depuis le 5 mars 2002, il est mis à la disposition du service C/ NM bourrellerie deux sacs big bag pour le rangement des chutes de joints en supranite et uniquement ces déchets ; que le 11 juin 2002, il est relaté au CHSCT de la société BERGERAC NC, le décès suite à l'amiante d'un salarié retraité qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise SNPE, à la suite d'un mésothéliome. Le métier de bourrelier consistait, entre autres, à découper des joints dans des plaques d'amiante ou contenant de l'amiante. Il est constaté par le CHSCT que de nombreuses installations comportent encore des joints en amiante, que subsistent encore des plaques de supranite et qu'un salarié en avait entrepris la découpe jusqu'à ce qu'une entreprise spécialisée intervienne pour évacuer les plaques ; qu'une note de service de BERGERAC NC du 11 juin 2002 rend l'information des salariés obligatoire sur les risques et précautions liés à l'amiante ; que par mail du 13 juin 2002, Monsieur J... (BERGERAC NC) adresse des consignes au chef du service AR, Monsieur L..., en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de nous équiper des moyens de nettoyage adaptés. " ; que le même jour, le secrétaire du CHSCT sollicitait la prise de mesures en urgence pour la décontamination complète des bâtiments 630 et 636 par une entreprise habilitée ; que le 26 juin 2002, une réunion dans la société BERGERAC NC était tenue sur les actions urgentes à entreprendre et il était consigné des mesures de protection individuelle pour les manipulateurs de produits amiantés ; que le 1er juillet 2002, devant le refus du personnel de manipuler ces produits sans équipements adaptés, il a été décidé le recours à une entreprise extérieure ; que le 21 août 2002, dans une lettre à l'inspecteur du travail, dans le cadre du classement amiante du site SNPE par le secrétaire du CHSCT, il est fait état de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints sans protection dans des plaques de supranite, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse de film mais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise ; que le 11 février 2003, il a encore été constaté qu'aucune mesure n'avait été prise pour la protection des salariés lors du décalorifugeage de la chaudière alors qu'il était décelé la présence d'amiante sur les joints ; qu'il résulte de l'ensemble de ces pièces des manquements à la réglementation relative à la prévention à l'exposition à l'amiante dès lors que l'entreprise a attendu 2002, date à laquelle le décès d'un salarié est intervenu à la suite d'un mésothéliome, cancer inhérent à l'exposition à l'amiante, pour prendre des mesures édictées par le décret du 17 août 1977 telle la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle et la mise à disposition des équipements de protection collective et individuelle auprès des salariés. Par ailleurs, la décontamination des locaux a débuté en 1996 et ne s'est achevée qu'en 2003. Le mail du 13 juin 2002 susvisé est suffisamment éloquent pour stigmatiser que la prévention à l'exposition à l'amiante, voire même la propreté du site, ne constituaient pas la préoccupation essentielle de la direction ; qu'en outre, il ressort de l'examen des attestations des salariés, qui seront exposées plus précisément dans le cadre de la détermination du préjudice que non seulement les salariés ne disposaient pas de protection individuelle lors de la manipulation de matériaux amiantés, mais que les locaux poussiéreux étaient nettoyés à l'aide d'un balai et les machines à l'aide d'une soufflette à air comprimé et que l'aspiration des machines utilisées étaient inefficaces, favorisant ainsi la stagnation des poussières d'amiante dans les locaux. De même, le traitement des déchets amiantés n'était pas organisé et leur traitement comme leur conditionnement ne faisaient pas disparaître le risque d'exposition et au contraire l'aggravait parfois telles l'incinération en plein air des déchets (attestations RRR..., SSS...) ou le jet des joints en amiante usagés dans de simples caisses en bois ; que la simple exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, en l'absence même de toute déclaration de maladie professionnelle, caractérise le manquement au résultat de sécurité ; que le fait que la réglementation en la matière ne soit devenue de plus en plus contraignante qu'à la suite d'une évolution dans le temps ne pouvait dispenser l'employeur de s'interroger et de s'informer sur les dangers en matière de santé que son activité pouvait faire courir à ses salariés ; l'employeur ne peut s'exonérer par le fait qu'aucun organisme de prévention des risques ne s'est manifesté auprès de lui pour l'alerter ou le mettre en garde contre l'utilisation du produit aujourd'hui incriminé dès lors qu'il est tenu à une obligation de résultat qui conduit à une présomption de responsabilité qui ne peut être renversée par une simple abstention ; que le comportement de l'employeur a donc eu pour conséquence d'exposer les salariés au risque d'inhalation des poussières d'amiante dont le caractère dangereux est avéré ; que compte tenu de ces éléments, la défaillance de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat doit être retenue en l'espèce ; qu'il est médicalement déterminé que les maladies consécutives à l'inhalation de fibres d'amiante surviennent plusieurs années après la contamination ; qu'il s'ensuit que tous les salariés, ayant une parfaite connaissance de leur contamination par l'inhalation de fibres d'amiante, sont confrontés au risque de voir apparaître à plus ou moins brève échéance une pathologie douloureuse mettant en jeu leur pronostic vital ; qu'ils se trouvent tous, dans ces conditions, par le fait de l'employeur qui a failli à l'obligation de sécurité de résultat lui incombant, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et sont amenés à subir des examens de contrôle réguliers ou ponctuels propres à réactiver cette angoisse étant observé qu'une telle surveillance médicale post professionnelle, destinée à prendre le relais de la médecine du travail, relève de leur propre chef et n'est pas obligatoire ; qu'il ne s'agit pas simplement d'un préjudice moral résultant d'une angoisse mais d'un trouble compromettant la quiétude et la sécurité résultant des circonstances particulières à un risque grave, identifié et avéré » ;
ALORS QU'en se fondant sur des faits postérieurs à l'année 1992 et, donc, sur une période d'exposition à l'amiante différente de celle fixée par l'arrêté de classement du site de BERGERAC, qui seul, en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, détermine les conditions justifiant la reconnaissance d'un préjudice d'anxiété, et en refusant, de surcroît, de tenir compte, comme elle y était invitée, de la décision ministérielle expresse, datée du 24 décembre 2010, de refuser de proroger la période d'exposition au-delà de ladite année 1992, la Cour de BORDEAUX qui a substitué son appréciation à celle de l'administration, a violé ensemble l'article 41 susvisé, la loi des 16-24 août 1790, et l'article 92 du Code de Procédure Civile ;
ALORS, DE SURCROIT ET DE TOUTES FACONS, QUE la cour de BORDEAUX qui s'abstient d'indiquer quels postes occupaient chacun des défendeurs au pourvoi au cours des opérations de désamiantage intervenues après l'année 1992 et qui déduit cependant de telles opérations ponctuelles un droit collectif des défendeurs au pourvoi d'invoquer un préjudice d'anxiété, prive sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EURENCO à verser une somme de 10. 000 € à chacun des défendeurs au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété ainsi qu'à une somme de 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QU'« en l'espèce, tous les salariés M. E..., M. AA..., M. BB..., M. CC..., M. DD..., TTT..., M. EE..., M. FF..., Mme FF..., M. GG..., M. O..., M. HH..., M. II..., M. JJ..., M. KK..., M. LL..., M. MM..., à M. NN..., à M. OO..., à M. PP..., M. QQ..., M. RR..., M. SS..., M. TT..., Mme UUU..., M. UU..., (à l'exception de M. VV... dont la demande a été déclarée irrecevable) justifient avoir travaillé dans cet établissement entre 1972 et 1992. Etablissement qui par arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1972 à 1992 ; que M. E..., M. AA..., M. BB..., M. CC..., M. DD..., M. WW..., M. EE..., M. FF..., Mme FF..., M. GG..., M. O..., M. HH..., M. II..., M. JJ..., M. KK..., M. YYY..., M. ZZZ..., à M. NN..., à M. OO..., à M. PP..., M. QQ..., M. RR..., M. AAA..., M. TT..., Mme UUU..., M. UU..., tous employés durant la période de 1972 à 1992, justifient avoir bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Ils justifient ainsi avoir tous été exposés, directement en manipulant les produits amiantés ou en inhalant les poussières d'amiante sur le site de Bergerac, et donc été victimes d'une exposition professionnelle et ou environnementale à l'amiante, sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace. Ils justifient, se trouver, par le fait de l'employeur, dans. une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, et subir de ce fait, un préjudice spécifique d'anxiété qui n'a pas été indemnisé par l'ACCATA » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT (page 13) QUE « les attestations de collègues produits aux débats, également parties dans le même procès ou dans un autre procès à l'égard d'un autre employeur du même site SNPE de BERGERAC, si elles sont ainsi croisées, et pour certaines dans des termes identiques, sont corroborées le cas échéant, par un certificat du médecin du travail attestant de l'exposition à l'amiante » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur le classement amiante du site SNPE et sur l'appartenance des défendeurs au pourvoi au régime ACAATA pour en déduire qu'il aurait été nécessairement exposé à l'amiante dans des conditions fautives ouvrant droit à une indemnisation pour préjudice d'anxiété, tandis que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a pour unique objet de faciliter un accès à une prestation de Sécurité Sociale spécifique (l'allocation), sans avoir à démontrer une faute quelconque de l'emprunteur, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du Code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer que la société exposante aurait manqué à son obligation de résultat et pour déclarer celle-ci responsable en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, que « le site a été classé seulement pour la période 1972-1992 » (jugement page 6), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE l'attestation délivrée à certains salariés dans les conditions prévues par l'article D. 461-25 du Code de la Sécurité Sociale à la demande du salarié pour lui permettre de bénéficier éventuellement d'une surveillance médicale s'inscrit dans une procédure purement préventive, uniquement destinée à procurer au salarié qui quitte l'entreprise une prestation supplémentaire de Sécurité Sociale ; qu'en visant de tels documents pour leur donner la valeur d'une preuve de droit commun dans le cadre d'une action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, tant au regard du texte susvisé que de l'article 16 du Décret du 7 février 1996, que de l'annexe IV de l'arrêté d'application du 13 décembre 1996 et des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EURENCO à verser une somme de 10. 000 € à chacun des défendeurs au pourvoi et d'AVOIR refusé de réduire à de justes proportions les indemnités allouées à Messieurs E..., DD..., TTT..., O..., II..., KK..., PP... et UU..., ainsi que d'AVOIR alloué à tous les défendeurs au pourvoi une somme de 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QUE « les salariés justifient se trouver par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et subir de ce fait un préjudice spécifique d'anxiété ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la cour évalue la réparation de leur préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 ¿ de dommages et intérêts chacun, et d'en préciser que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement de leurs conditions d'existence ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exposante avait fait valoir (page 15) qu'au-delà de leur présentation collective, les prétentions des salariés demeuraient des litiges individuels ; qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans pertes ni profits pour quiconque, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder par lui-même à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en affirmant, sans la moindre constatation pertinente, que l'intéressé se trouverait dans une situation d'inquiétude permanente, constitutive d'un préjudice spécifique d'anxiété, le juge prud'homal, qui se substitue ainsi aux autorités médicales seules compétentes en la matière, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en s'abstenant de toute recherche sur l'état psychique individuellement ressenti par le défendeur au pourvoi, sur la date à laquelle il aurait ressenti l'anxiété litigieuse, sur les capacités de son entourage à assumer la prise en charge de l'apparition d'une éventuelle maladie, la cour d'appel qui ¿ de ce fait ¿ procède à une indemnisation purement forfaitaire, prive sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et des articles 1147 et 1149 du code civil.
Moyens produits au pourvoi n° T 14-26. 913 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils pour la société Manuco
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MANUCO à verser une somme de 10. 000 € aux défendeurs au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété, ainsi qu'une somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« au vu des nombreuses pièces produites par les parties, il ressort que pour éviter le risque de prise de feu, de fusage dans la fabrication des nitrocelluloses, le calorifugeage, l'isolation thermique des tuyaux, des conduites de vapeur et d'eau chaude, des chaudières séchoirs étaient réalisés au sein de l'établissement avec de l'amiante, plus particulièrement avec des joints découpés dans l'amiante pour la chaudière, les étuves ou des tresses d'amiante pour les tuyaux, tresses et joints que les employés découpaient et changeaient. Il faudra attendre le décès en juin 2002 d'un salarié retraité, d'un mésothéliome cancer, inhérent à l'exposition à l'amiante, qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise, pour que celleci prenne enfin des mesures édictées par le décret du 17 août 1977 telles que la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle et la mise à disposition d'équipements de protection collective et individuelle. Ainsi, il était encore constaté par le CHSCT le 11 juin 2002 que de nombreuses installations comportaient des joints en amiante, et que subsistaient encore des plaques de supranite. Le 13 juin 2002, Monsieur J... (Bergerac NC) adressait des consignes en matière d'amiante, en disant : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les-parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de vous équiper des moyens de nettoyage adaptés ". Le même jour, le secrétaire du CHSCT sollicitait la prise de mesures en urgence pour la décontamination complète des bâtiments 630 et 636 par une entreprise habilitée. Le 26 juin 2002, une réunion dans la société Bergerac NC était tenue sur les actions urgentes à entreprendre et il était consigné des mesures de protection individuelle pour les manipulateurs de produits amiantés. Le 11 juillet 2002, devant le refus du personnel de manipuler ces produits sans équipements adaptés, il a été décidé le recours à une entreprise extérieure spécialisée. Le 21 août 2002, dans une lettre adressée à la direction du travail, dans le cadre du classement amiante du site SNPE, le secrétaire du CHSCT faisait état de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints sans protection dans des plaques de supranite, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse de film mais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise. Le 11 février 2003, aucune mesure n'avait été prise pour la protection des salariés lors du décalorifugeage de la chaudière alors qu'il était décelé la présence d'amiante sur les joints. Durant toutes ces années, les salariés du site de Bergerac n'ont donc bénéficié d'aucune protection individuelle ni collective ni d'aucune information ni formation sur les risques encourus en cas d'inhalation d'amiante. Ces conditions de travail nocives ont d'ailleurs justifié l'inscription de la SNPE, site de Bergerac sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs à l'amiante. L'employeur ne peut utilement invoquer l'absence de mise en garde contre l'utilisation de l'amiante pour s'exonérer de sa propre responsabilité alors qu'il ne justifie pas avoir mis en place les dispositifs de protection individuelle et collective ni les mesures d'empoussièrement qui relevaient de sa seule responsabilité, en application du décret du 17 août 1977. Et ce, bien que cette entreprise de taille importante dispose d'un département juridique et d'un service de médecine légale, et a donc eu ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels étaient exposés les salariés au contact de l'amiante. Dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la Cour adopte a dit que l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger, du risque auquel étaient exposés les salariés de l'établissement de Bergerac n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver et a donc failli à son obligation de sécurité et de résultat visée à l'article L. 4121-1 du code du travail » (...) Les deux salariés justifient avoir bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Ils justifient ainsi avoir été exposés, en travaillant dans des ateliers contenant des calorifugeages en amiante, des installations avec des joints amiantes, ou en conduisant des séchoirs isolés en amiante, d'avoir inhalé des poussières d'amiante sur le site de Bergerac, et ainsi été victimes d'une exposition professionnelle et/ ou environnementale à l'amiante, sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « Diverses pièces ont été produites aux débats relatives au traitement de l'amiante dans l'entreprise et il convient de les examiner pour apprécier le respect de l'obligation de sécurité de résultat. Les pièces relatives à la société Bergerac NC peuvent être retenues en l'espèce dès lors que la société MANUCO, créée en 2003, a pris la suite de la société Bergerac NC dans la fabrication des nitro celluloses sur le même site. Alors même que la fabrication et le traitement d'amiante ne faisaient pas l'objet de l'activité principale de l'entreprise, il est constant que divers matériaux contenant de l'amiante étaient utilisés dans certaines parties de l'entreprise. Les procès-verbaux des réunions du CHSCT de Bergerac NC révèlent le 29 janvier 1996 " la présence de panneaux d'amiante à la DC (déshydratation en continu) et que ceux-ci vont donc être progressivement remplacés par un autre matériel en commençant par ceux qui sont détériorés " ; le 17 octobre 1996, " il est précisé que dans le secteur collodion le démontage des plaques d'amiante n'est pas réalisé ". Une note interne du 17 juillet 1998 de Bergerac NC fait état des résultats du diagnostic amiante et de préconisations tels que l'élimination des matériaux dans le bâtiment 71 et le contrôle de matériaux dans les bâtiments 71, 73, 630, 78 et 61. Une note de service de Bergerac NC du 5 mars 2002 déclare que depuis le 5 mars 2002, il est mis à la disposition du service C/ NM bourrellerie deux sacs big bag pour le rangement des chutes de joints en supranite et uniquement ces déchets. Le 11 juin 2002, il est relaté au CHSCT de la société Bergerac NC, le décès suite à l'amiante d'un salarié retraité qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise SNPE, à la suite d'un mésothéliome. Le métier de bourrelier consistait, entre autres, à découper des joints dans des plaques d'amiante ou contenant de l'amiante. Il est constaté par le CHSCT que de nombreuses installations comportent encore des joints en amiante, que subsistent encore des plaques de supranite et qu'un salarié en avait entrepris la découpe jusqu'à ce qu'une entreprise spécialisée intervienne pour évacuer les plaques. Une note de service de Bergerac NC du 11 juin 2002 rend l'information des salariés obligatoire sur les risques et précautions liés à l'amiante. Par mail du 13 juin 2002, Monsieur J... (Bergerac NC) adresse des consignes au chef du service AR, Monsieur L..., en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de nous équiper des moyens de nettoyage adaptés. " Le même jour, le secrétaire du CHSCT sollicitait la prise de mesures en urgence pour la décontamination complète des bâtiments 630 et 636 par une entreprise habilitée. Le 26 juin 2002, une réunion dans la société Bergerac NC était tenue sur les actions urgentes à entreprendre et il était consigné des mesures de protection individuelle pour les manipulateurs de produits amiantés. Le 1er juillet 2002, devant le refus du personnel de manipuler ces produits sans équipements adaptés, il a été décidé le recours à une entreprise extérieure. Le 21 août 2002, dans une lettre à l'inspecteur du travail dans le cadre du classement amiante du site SNPE par le secrétaire du CHSCT, il est fait état de la décontamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Par ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints sans protection dans des plaques de supranite, outre l'atelier de couleuse de film. Le personnel concerné est celui des ateliers de réparation et de la couleuse de film mais également l'ensemble du personnel vu la polyvalence au sein de l'entreprise. Le 11 février 2003, il a encore été constaté qu'aucune mesure n'avait été prise pour la protection des salariés lors du décalorifugeage de la chaudière alors qu'il était décelé la présence d'amiante sur les joints. Des prélèvements effectués le 29 juillet 2008 dans les locaux de l'entreprise MANUCO : peseuse Nord, Sud, autoclave Nordet autoclave Sud ont révélé la présence résiduelle de poussières d'amiante. Il ressort des documents produits, à l'appui des demandes par salarié, les éléments suivants : Monsieur F... : employé en qualité de conducteur d'ensemble de fabrication expérimenté par Manuco du 18 janvier 1982 au 31 décembre 2005. Le médecin du travail, le Dr N... a certifié le 16 novembre 2006 et le 3 mars 2011, que Monsieur F... a travaillé de 1982 à 2005 dans des ateliers des secteurs EC pouvant contenir des calorifugeages en amiante et sur des installations contenant des joints amiantés. Par lettre du 29 décembre 2006, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Dordogne l'a informé du bénéfice du suivi médical post-professionnel sans avance de frais. Les attestations de collègues (VVV..., WWW...) révèlent que les locaux comportaient des tresses et plaques en amiante et que les toitures en éverite étaient dégradées. Monsieur G... : employé en qualité de conducteur d'ensemble de fabrication par Manuco-groupe SNPE du 7 mars 1983 au 31 décembre 2007. Les attestations de collègues (XXXX..., T...) révèlent qu'il a été conducteur de séchoir à la nitration, que l'isolation des séchoirs était en amiante non protégée et que la toiture était en éverite. Ces documents traduisent une exposition aux poussières d'amiante dégagées par les locaux et les matériels présents. Il s'agit pour les deux salariés d'une exposition à l'amiante environnementale » ;
ALORS QU'en se fondant sur des faits postérieurs à l'année 1992 et, donc, sur une période d'exposition à l'amiante différente de celle fixée par l'arrêté de classement du site de BERGERAC, qui seul, en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, détermine les conditions justifiant la reconnaissance d'un préjudice d'anxiété, et en refusant, de surcroît, de tenir compte, comme elle y était invitée, de la décision ministérielle expresse, datée du 24 décembre 2010, de refuser de proroger la période d'exposition au-delà de ladite année 1992, la Cour de BORDEAUX qui a substitué son appréciation à celle de l'administration, a violé ensemble l'article 41 susvisé, la loi des 16-24 août 1790, et l'article 92 du Code de Procédure Civile ;
ALORS, DE SURCROIT ET DE TOUTES FACONS, QUE la cour de BORDEAUX qui s'abstient d'indiquer quels postes occupait chacun des défendeurs au pourvoi au cours des opérations de désamiantage intervenues après l'année 1992 et qui déduit cependant de telles opérations ponctuelles un droit collectif des défendeurs au pourvoi d'invoquer un préjudice d'anxiété, prive sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MANUCO à verser une somme de 10. 000 € à chacun des défendeurs au pourvoi en réparation d'un préjudice d'anxiété ainsi qu'à une somme de 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QU'« En l'espèce, les deux salariés justifient avoir travaillé dans cet établissement entre 1972 et 1992. Etablissement qui par arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1972 à 1992. Les deux salariés justifient avoir bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Ils justifient ainsi avoir été exposés, en travaillant dans des ateliers contenant des calorifugeages en amiante, des installations avec des joints amiantes, ou en conduisant des séchoirs isolés en amiante, d'avoir inhalé des poussières d'amiante sur le site de Bergerac, et ainsi été victimes d'une exposition professionnelle et/ ou environnementale à l'amiante, sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT (page 6) QUE « le médecin du travail a certifié le 16 novembre 2006 que Monsieur F... a travaillé de 1982 à 2005 dans des ateliers et secteurs pouvant contenir des calorifugeages en amiante et sur des installations contenant des joints en amiante » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur le classement amiante du site et sur l'appartenance des défendeurs au pourvoi au régime ACAATA pour en déduire qu'ils auraient été nécessairement exposés à l'amiante dans des conditions fautives ouvrant droit à une indemnisation pour préjudice d'anxiété, tandis que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a pour unique objet de faciliter un accès à une prestation de Sécurité Sociale spécifique (l'allocation), sans avoir à démontrer une faute quelconque de l'emprunteur, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du Code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer que la société exposante aurait manqué à son obligation de résultat et pour déclarer celle-ci responsable en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, que « le site a été classé seulement pour la période 1972-1992 » (jugement page 6), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'attestation délivrée à certains salariés dans les conditions prévues par l'article D. 461-25 du Code de la Sécurité Sociale à la demande du salarié pour lui permettre de bénéficier éventuellement d'une surveillance médicale s'inscrit dans une procédure purement préventive, uniquement destinée à procurer au salarié qui quitte l'entreprise une prestation supplémentaire de Sécurité Sociale ; qu'en visant de tels documents pour leur donner la valeur d'une preuve de droit commun dans le cadre d'une action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, tant au regard du texte susvisé que de l'article 16 du Décret du 7 février 1996, que de l'annexe IV de l'arrêté d'application du 13 décembre 1996 et des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS ET ENFIN SUBSIDIAIREMENT QU'aucune attestation d'exposition n'était versée aux débats pour Monsieur G..., de sorte qu'en allouant à ce dernier une indemnité pour un prétendu préjudice d'anxiété, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MANUCO à verser une somme de 10. 000 € à chacun des défendeurs au pourvoi et ainsi qu'une somme de 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QUE « les salariés justifient se trouver par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et subir de ce fait un préjudice spécifique d'anxiété ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la cour évalue la réparation de leur préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 € de dommages et intérêts chacun, et d'en préciser que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement de leurs conditions d'existence ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exposante avait fait valoir (page 5 et 6) qu'au-delà de leur présentation collective, les prétentions des salariés demeuraient des litiges individuels ; qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans pertes ni profits pour quiconque, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder par lui-même à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en affirmant, sans la moindre constatation pertinente, que l'intéressé se trouverait dans une situation d'inquiétude permanente, constitutive d'un préjudice spécifique d'anxiété, le juge prud'homal, qui se substitue ainsi aux autorités médicales seules compétentes en la matière, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en s'abstenant de toute recherche sur l'état psychique individuellement ressenti par le défendeur au pourvoi, sur la date à laquelle il aurait ressenti l'anxiété litigieuse, sur les capacités de son entourage à assumer la prise en charge de l'apparition d'une éventuelle maladie, la cour d'appel qui ¿ de ce fait ¿ procède à une indemnisation purement forfaitaire, prive sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et des articles 1147 et 1149 du code civil.
Moyens produits au pourvoi n° U 14-26. 914 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils pour la société Hérakles
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(la faute prétendue)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société HERAKLES à verser une somme de 10. 000 €, chacun, à Messieurs H... et I... en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas sérieux pour Hérakles de prétendre que les pièces à l'origine de l'enquête ayant abouti au classement amiante du site SNPE de Bergerac pour la période de 1972 à 1992 ne lui seraient pas opposables, dans la mesure où les salariés demandeurs, Messieurs H... Christian et I... Pierre étaient affectés au secteur des poudres et explosifs et non à celui des nitrocelluloses (Bergerac NC), alors qu'il ressort des conclusions mêmes d'Hérakles que jusqu'en 1992, l'ensemble des salariés du site travaillait pour le compte de la SNPE ; que c'est bien à la suite du décès, en juin 2002 d'un salarié retraité, mort d'un mésothéliome, cancer inhérent à l'exposition à l'amiante, qui occupait la fonction de bourrelier dans l'entreprise SNPE durant la période de 1972 à 1992, qu'une autre des filiales du groupe SNPE, ayant son activité sur le site de Bergerac, Bergerac NC, a saisi le 21 août 2002 la direction du travail, dans le cadre du classement amiante du site SNPE. Le secrétaire du CHSCT dans ce courrier fait état : de la contamination des bâtiments en 1998 mais de la subsistance de poussières et de joints amiantés jusqu'en 2002. Pa r ailleurs, les ateliers concernés sont signalés comme les ateliers de réparation, services infrastructure, électrique, chaufferie, bourrellerie, magasins généraux, chaudronnerie, entretien d'armax, meulage de joints sans protection dans des plaques de supranite, outre le 13 juin 2002, Monsieur J... (responsable de cette filiale) adressait des consignes en matière d'amiante, en indiquant : « comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante. Les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de vous équiper des moyens de nettoyage adaptés ; qu'Hérakles (venant aux droits de SME, filiale de la SNPE jusqu'en 2011), ne produit aucune pièce, aucune note, aucune directive, permettant d'établir que durant toutes ces années les salariés du site de Bergerac exposés au risque d'amiante ont bénéficié de protection individuelle ou collective, d'information ou de formation sur les risques encourus en cas d'inhalation d'amiante ni même qu'elle a pris les mesures édictées par le décret du 17 août 1977 telle que la mesure de l'empoussièrement des locaux pour apprécier la quantité d'amiante résiduelle, la mise à disposition des salariés d'équipements de protection collective et individuelle afin de pallier les conditions de travail nocives ayant justifié l'inscription de la SNPE, site de Bergerac sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs à l'amiante ; que l'employeur ne peut non plus utilement invoquer l'absence de mise en garde contre l'utilisation de l'amiante pour s'exonérer de sa propre responsabilité alors qu'il ne justifie pas avoir mis en place les dispositifs de protection individuelle et collective ni les mesures d'empoussièrement qui relevaient de sa seule responsabilité, en application du décret du 17 août 1977 ; qu'alors bien même que cette entreprise de taille importante disposait d'un département juridique et d'un service de médecine légale, et aurait dû avoir conscience des dangers auxquels étaient exposés les salariés au contact de l'amiante ; que dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la Cour adopte a dit que l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger, du risque auquel étaient exposés les salariés de l'établissement de Bergerac n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver et a donc failli à son obligation de sécurité et de résultat visée à l'article L. 4121-1 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE « que diverses pièces ont été produites aux débats relatives au traitement de l'amiante dans l'entreprise et il convient de les examiner pour apprécier le respect de l'obligation de sécurité de résultat ; qu'alors même que la fabrication et le traitement d'amiante ne faisaient pas l'objet de l'activité principale de l'entreprise, il est constant que divers matériaux contenant de l'amiante étaient utilisés dans certaines parties de l'entreprise ; que Monsieur Georges X... a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs d'amiante ; que les pièces afférentes à la société Bergerac NC ne peuvent être exploitées dès lors qu'elles font référence à des faits survenus après 1996 propres à cette société et que monsieur X... n'a jamais été le salarié de la société Bergerac NC ; que cependant il y a lieu de retenir un mail du 13 juin 2002 de Monsieur J... (Bergerac NC) qui adresse des consignes au chef du service AR, Monsieur L..., en matière d'amiante, en relatant les termes suivants : " comme vous le savez, nous avons utilisé pendant de nombreuses années des matériaux contenant de l'amiante.. les ateliers d'entretien étaient très sales malgré de nombreux balayages, il reste dans tous les recoins des joints ou des morceaux de ces matériaux ; plus de la poussière qui a plus de trente ans, je vous demande de faire procéder à des prélèvements de poussières dans toutes les parties des bâtiments de l'entretien, ainsi que de nous équiper des moyens de nettoyage adaptés. " Ce mail révèle les conditions de travail sur le site SNPE depuis trente ans et est donc applicable au site de la société SNPE aux droits de laquelle se trouve désormais la société Hérakles pour les demandeurs ; que l'examen des jugements du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Dordogne du 13 mars 2008, du 15 mai 2008 et du 8 avril 2010 révèlent que plusieurs décès sont survenus pour des salariés de la SNPE (ZZ..., XXX..., BBB...) à la suite de cancers broncho pulmonaires et que d'autres (CCC..., EEE..., FFF..., GGG..., HHH..., III...
JJJ...), ont déclaré des maladies liées à l'appareil respiratoire ; que le tribunal a retenu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de ces maladies professionnelles ; que les attestations de collègues produites aux débats, également parties dans le même procès ou dans un autre procès à l'égard d'un autre employeur du même site SNPE de Bergerac, si elles sont ainsi croisées, émanent de collègues les plus proches et sont donc les premiers témoins des activités exercées dans les lieux et des conditions de travail. Ces attestations sont, en outre, conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ; que Monsieur Pierre I... : employé à la Poudrerie Nationale de Bergerac du 1er février 1968 au 30 septembre 1972, à la SNPE du 1er octobre 1972 au 31 décembre 2002, à la SNPE Matériaux Energétiques (SME) du 1er janvier 2003 au 15 mars 2003, date à laquelle il occupait la fonction de conducteur d'ensemble de fabrication expérimenté ; que le médecin du travail, le Dr N..., dans un certificat du 19 juillet 2011, donne la liste des emplois occupés par monsieur I... à l'atelier de stabilisation, finissage moderne, puis EC ; que l'attestation de monsieur St Jean doit être écartée dès lors que celui-ci décrit ses postes de travail, sans aucune référence à celui de Monsieur I... ; que la propre attestation de Monsieur I... ne peut être retenue dès lors qu'elle constitue une preuve à lui-même ; que l'attestation de Monsieur Claude DDD... fait état du travail aux côtés de Monsieur I... au finissage moderne où les joints des cuiseurs étaient en amiante, et précise la présence d'étuves et de séchoirs en amiante et ajoute que le nettoyage des locaux se faisait au balai et à la soufflette ; qu'ainsi, les demandeurs travaillaient dans des locaux dans lesquels étaient localisées des poussières d'amiante et celles-ci étaient « nettoyées » avec des soufflettes à air comprimé, sans masques ; qu'il s'agit, en conséquence, d'une exposition à l'amiante environnementale, la manipulation d'objets amiantés, compte tenu des fonctions occupées, n'étant pas avérée ; que la simple exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, en l'absence même de toute déclaration de maladie professionnelle, caractérise le manquement au résultat de sécurité ; que le fait que la réglementation en la matière ne soit devenue de plus en plus contraignante qu'à la suite d'une évolution dans le temps ne pouvait dispenser l'employeur de s'interroger et de s'informer sur les dangers en matière de santé que son activité pouvait faire courir à ses salariés ; l'employeur ne peut s'exonérer par le fait qu'aucun organisme de prévention des risques ne s'est manifesté auprès de lui pour l'alerter ou le mettre en garde contre l'utilisation du produit aujourd'hui incriminé dès lors qu'il est tenu à une obligation de résultat qui conduit à une présomption de responsabilité qui ne peut être reversée par une simple abstention ; qu'en l'espèce, la SNPE ne justifie par aucun document : notes de service, compte rendus de CHSCT qu'elle a respecté la réglementation en mettant en oeuvre des mesures de protection individuelle et collectives ; que le comportement de l'employeur a donc eu pour conséquence d'exposer les salariés au risque d'inhalation des poussières d'amiante dont le caractère dangereux est avéré ; que compte tenu de ces éléments, la défaillance de l'employeur, la société Hérakles, venant aux droits de la SNPE puis de la SME, à son obligation de sécurité de résultat doit être retenue en l'espèce à l'égard des demandeurs » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en adoptant les « justes motifs » du jugement selon lesquels « les pièces afférentes à la société BERGERAC NC ne peuvent être exploitées » par les demandeurs qui n'ont jamais été les salariés de cette société BERGERAC NC (page 5 alinéa 12), la cour d'appel se met en contradiction, en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile, avec l'affirmation selon laquelle il ne serait « pas sérieux » de prétendre que lesdites pièces ne seraient pas opposables à la SNPE (page 4 alinéa 7) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE viole également l'article 455 du Code de Procédure Civile la cour d'appel qui estime pouvoir retenir, parmi les pièces susvisées, le courriel de Monsieur J... (BERGERAC NC) faisant état de poussières résiduelles d'amiante qui auraient « plus de 30 ans », sans répondre aux conclusions de l'exposante qui faisaient valoir (pages 6 et 7) que ce courriel du 13 juin 2002 ne concernait que des poussières retrouvées dans des bâtiments d'entretien, ne pouvait valoir pour les tous ateliers et que, de surcroît, cette pièce ne pouvait prévaloir sur la décision administrative qui avait réglementairement limité la période d'exposition à l'année 1992 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le juge n'est pas fondé à appliquer une présomption légale en dehors de son objet propre, de sorte qu'en se fondant sur le classement amiante du site SNPE et sur l'appartenance des défendeurs au pourvoi au régime ACAATA pour en déduire qu'ils auraient été nécessairement exposés à l'amiante dans des conditions fautives ouvrant droit à une indemnisation pour préjudice d'anxiété, tandis que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a pour unique objet de faciliter un accès à une prestation de Sécurité Sociale spécifique (l'allocation), sans avoir à démontrer une faute quelconque de l'employeur, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE c'est seulement la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 modifiant l'article L. 4121 du Code du travail qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » de ses salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation pour affirmer que la société exposante aurait failli à son obligation de résultat et pour déclarer celle-ci responsable en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, tout en ayant relevé, par ailleurs, les défendeurs au pourvoi avaient quitté l'établissement en 1992 (page 6 alinéa 1), la cour d'appel retient une faute par rapport à une obligation qui n'était pas encore née et viole ainsi, par fausse application, les textes susvisés ainsi que l'article 2 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SNPE à verser une somme de 10. 000 € chacun à Messieurs H... et I... en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QU'« il est indéniable que les maladies consécutives à l'inhalation de fibres d'amiante surviennent plusieurs années après l'exposition. Les salariés qui ont été exposés, sur le site de Bergerac à l'inhalation de poussières d'amiante sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace, sont confrontés au risque de voir apparaître une maladie douloureuse, mettant en jeu leur pronostic vital. Ils se trouvent donc par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, propre à caractériser un préjudice spécifique d'anxiété répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence. En l'espèce, les deux salariés justifient avoir travaillé dans cet établissement entre 1972 et 1992, avoir tous deux été exposés, directement en manipulant les produits amiantés et ou en inhalant les poussières d'amiante sur le site de Bergerac, en qualité de pompier, de vérificateur ou ouvrier fabriquant des étuis, combustibles, et donc été victimes d'une exposition professionnelle et environnementale à l'amiante sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective efficace. Ils justifient, se trouver, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, et subir de ce fait, un préjudice spécifique d'anxiété qui n'a pas été indemnisé par l'ACAATA ; qu'au vu des pièces et arguments produits par les parties, la Cour évalue la réparation de leur préjudice d'anxiété à la somme de 10. 000 € de dommages et intérêts, chacun, étant précisé que cette somme répare tous les troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans pertes ni profits pour quiconque, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder par lui-même à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en affirmant, sans la moindre constatation concrète, que les intéressés subiraient un trouble d'anxiété identique appelant une même réparation à hauteur de 10. 000 €, le juge prud'homal, qui se substitue ainsi aux autorités médicales seules compétentes pour mesurer une atteinte à la santé mentale, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en s'abstenant de toute recherche sur l'état psychique individuellement ressenti par les défendeurs au pourvoi, sur la date à laquelle ils auraient éprouvé l'anxiété litigieuse, sur les capacités de leur entourage à assumer la prise en charge de l'apparition d'une éventuelle maladie, la cour d'appel, qui s'abstient de toute analyse des pièces qu'elle mentionne et qui - de ce fait - procède à une indemnisation purement forfaitaire, prive sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et des articles 1147 et 1149 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-26909
Date de la décision : 10/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Hygiène et sécurité - Principes généraux de prévention - Obligations de l'employeur - Protection de la sécurité et de la santé du salarié - Santé mentale de l'intéressé - Prise en considération - Fondement - Détermination

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Caractérisation - Critères introduits par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 - Absence d'influence - Portée

La santé mentale est une composante de la santé. Doit dès lors être rejeté le moyen qui, dirigé contre un arrêt ayant admis la caractérisation d'un préjudice spécifique d'anxiété lié à l'amiante, invoque le fait que c'est seulement la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 qui, en modifiant l'article L. 230-2 du code du travail, devenu l'article L. 4121-1 du même code, a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé mentale des travailleurs


Références :

Sur le numéro 1 : articles 1, § 3, et 5 de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail
Sur le numéro 2 :

article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999
Sur le numéro 2 : article L. 230-2 du code du travail, devenu l'article L. 4121-1 du même code, modifié par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 24 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 fév. 2016, pourvoi n°14-26909, Bull. civ. 2016, chambre sociale, n° 931
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, chambre sociale, n° 931

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Beau
Rapporteur ?: M. Rinuy
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.26909
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