LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a eu un accident de la circulation alors qu'il conduisait un véhicule de service appartenant à son employeur, la société Jules Caille automobiles ; que celle-ci a saisi la juridiction de proximité d'une demande en paiement à l'encontre de M. X... de la somme de 1 622, 38 euros correspondant au montant de la franchise d'assurance de ce sinistre ; que ce dernier ayant soulevé une exception d'incompétence d'attribution de la juridiction de proximité, celle-ci s'est prononcée sur cette exception ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que la recevabilité du pourvoi est contestée au motif que le jugement attaqué qui rejette une exception d'incompétence puis statue en premier et dernier ressort sur le fond du litige, est susceptible d'appel du chef de la compétence ;
Attendu cependant, que l'application de l'article 78 du code de procédure civile est exclue par les dispositions de l'article 847-5 du même code, faisant interdiction au juge de proximité de statuer sur une exception d'incompétence dont la connaissance doit être renvoyée au juge d'instance qui statue par un jugement rendu exclusivement de ce chef ; que dès lors le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail ;
Attendu que les conseils de prud'hommes sont seuls compétents pour connaître des différends individuels qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre employeur et salarié ;
Attendu que pour retenir sa compétence, le juge de proximité a retenu que la clause dans le contrat de travail du salarié relative à sa responsabilité en cas d'accident de la circulation et à la prise en charge des frais qui en résultent, ne constitue nullement une clause de sanction pécuniaire prohibée, mais renvoie au droit de la responsabilité du conducteur d'un véhicule terrestre auteur d'un accident de la circulation, que selon l'article 5, alinéa 2, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule et le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur, que la société Jules Caille automobiles n'a procédé à aucune retenue sur salaires en cours d'emploi ni au moment de la rupture du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande indemnitaire soumise à la juridiction était née à l'occasion et pendant l'exécution du contrat de travail, le juge de proximité a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en vertu de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige sur la compétence, par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 juillet 2013, entre les parties, par la juridiction de proximité de Saint-Paul de la Réunion ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la compétence ;
Dit que le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion est compétent pour statuer sur le litige opposant les parties ;
Condamne la société Jules Caille automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jules Caille automobiles à payer à la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. X... fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence qu'il avait soulevée ;
AUX MOTIFS QUE sur l'exception d'incompétence : la clause dans le contrat de travail du salarié relative à sa responsabilité en cas d'accident de la circulation et à la prise en charge des frais qui en résultent ne constitue nullement une clause de sanction pécuniaire prohibée, mais renvoie au droit de la responsabilité du conducteur d'un véhicule terrestre auteur d'un accident de la circulation ; article 5 alinéa 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation : lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule ; le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur ; la SAS Jules Caille Automobiles n'a procédé à aucune retenue sur salaires en cours d'emploi ni au moment de la rupture du contrat de travail ; l'exception d'incompétence au profit du conseil des prud'hommes est rejetée ;
1./ ALORS QUE le juge de proximité est tenu de renvoyer au juge d'instance l'examen de toutes les exceptions d'incompétence qui sont soulevées en défense ; que dès lors en écartant l'exception d'incompétence au profit du Conseil des Prud'hommes soulevée par M. X..., au lieu de renvoyer au Tribunal d'instance de Saint-Paul l'examen de cette exception qui échappait à ses attributions, la juridiction de proximité a violé l'article 847-5 du code de procédure civile ;
2./ ALORS, en tout état de cause QUE le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends nés à l'occasion de l'exécution d'un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient ; que dès lors, en se déclarant compétent pour connaître du litige opposant M. X... à la société Jules Caille Automobiles, tout en constatant que ce litige portait sur l'application d'une clause du contrat de travail de M. X... qui stipulait qu'en cas de sinistre dont la responsabilité lui incombait, les charges lui seraient facturées, le juge de proximité, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)M. X... fait grief au jugement attaqué de l'avoir condamné à payer à la société Jules Caille Automobiles la somme de 1 622, 38 ¿ avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement ;
AUX MOTIFS QUE M. X... est à l'origine d'un accident de la circulation survenu le 15 décembre 2011 avec le véhicule immatriculé BN 341 TH qu'il conduisait ; que ce véhicule a été mis à sa disposition par le propriétaire, la SA Jules Caille Automobiles, laquelle a refacturé au conducteur le montant de la franchise laissée à sa charge par son assureur ; que le litige se situe sur le terrain du droit des assurances et non sur celui du lien employeur-salarié qui n'existe plus dans le cadre du contrat de travail, lequel a été rompu ; qu'aucune sanction pécuniaire n'a été appliquée, ni en cours d'emploi ni au moment du solde de tout compte ; que la demande de la SA Jules Caille Automobiles, affranchie de tout lien contractuel, est recevable et fondée ; que M. X... sera condamné à payer à la demanderesse la somme de 1 622, 38 ¿, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement ;
ALORS QUE la clause du contrat de travail relative à la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut s'appliquer qu'en cas de faute lourde de ce dernier ; que dès lors en retenant, pour considérer que la clause qui imposait à l'employé de prendre en charge les frais liés à un sinistre dont la responsabilité lui incombait ne constituait pas une sanction pécuniaire, qu'aucune sanction n'avait été appliquée en cours d'emploi ou au moment du solde de tout compte et que la société Jules Caille Automobiles était à présent affranchie de tout lien contractuel avec M. X..., sans constater que cette clause conduisait pas à engager la responsabilité de M. X..., salarié au moment de la réalisation du sinistre, en l'absence de toute faute lourde de sa part, le tribunal a violé le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde.