LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 51 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 22 septembre 2003 par la société TCAR assurant une activité de transports urbains de voyageurs pour exercer en dernier lieu les fonctions d'agent commercial au service des fraudes, M.
X...
a été licencié pour faute grave par lettre du 3 août 2011 ; qu'en raison de l'absence d'un représentant du collège des salariés le jour de la séance du conseil de discipline, l'employeur a retiré un membre chargé de représenter la direction afin de permettre le respect des règles de la parité ; qu'à la suite du refus du président du conseil de discipline de communiquer au salarié et à son assistant une copie de la procédure, ces derniers ainsi qu'un représentant du collège « salarié » ont quitté la séance ; que le conseil de discipline, composé à la suite de cet incident d'un membre représentant les salariés et de deux membres représentant l'employeur, a émis un avis préalable à toute sanction ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence de procédure régulière devant le conseil de discipline, l'arrêt retient, après avoir constaté que l'employeur avait, préalablement à la tenue de la séance du conseil de discipline, permis au salarié de prendre connaissance de son dossier et de préparer utilement sa défense et assuré le respect des règles de la parité, que le départ du représentant des salariés chargé de composer cette instance consultative est intervenu avant que le rapporteur communique son rapport et toutes les pièces de l'enquête au conseil et que les débats aient commencé et que l'avis de cette instance représentative a été rendu dans une composition qui n'était plus paritaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur avait respecté les garanties conventionnelles et satisfait à ses obligations, la cour d'appel, qui n'avait pas à lui faire supporter les conséquences d'un incident qui ne lui était pas imputable, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M.
X...
et le syndicat CGT du personnel de la TCAR aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Transports en commun de l'agglomération rouennaise.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la procédure de licenciement prévue par la convention collective n'avait pas été respectée, d'AVOIR dit en conséquence sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé le 3 août 2011, d'AVOIR condamné la société TCAR à verser à Monsieur X... les sommes de 12. 300 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2. 048, 30 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 204, 83 € de congés payés afférents et 3. 207, 63 € à titre d'indemnité de licenciement et d'AVOIR déclaré l'intervention du syndicat CGT de la TCAR recevable et condamné la société TCAR à verser à ce syndicat une somme de 150 € de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE : « 2) Sur la composition du Conseil de discipline Attendu qu'aux termes de l'article 51 de la convention collective, le conseil de discipline comprend : a) trois membres faisant partie du personnel dirigeant (exception faite du chef de service de l'agent) de l'entreprise et désignés par celle-ci ; b) trois membres d'une des catégories du personnel indiqué ci-dessous, élus par les agents de leur catégorie et siégeant pour les affaires concernant lesdits agents. Ils sont élus pour la même durée que les représentants du personnel (...) ; c) un président représentant la direction de l'entreprise. Toutefois, à titre exceptionnel, si pour des raisons d'effectifs du réseau il n'est pas possible de répondre aux conditions ci-dessus : 1° La composition peut être ramenée à deux unités pour l'application des paragraphes a et b susvisés. 2° La composition peut être ramenée à une seule unité en cas d'inapplication du 1°. Etant entendu, dans les cas prévus aux 1° et 2°, que s'il n'existe pas un membre dans la catégorie déférée au conseil de discipline, celui-ci est complété par un membre de la catégorie professionnelle la plus voisine. 3° Si les dispositions prévues aux 1° et 2° sont encore inapplicables, le chef d'entreprise peut, par dérogation au paragraphe c du présent article, présider luimême le conseil de discipline mais exclusivement en vue de satisfaire les 1° et 2° ci-dessus ; 4° si la composition résultant des 1°, 2° et 3° n'est pas encore possible, la décision appartient directement au directeur du réseau sous réserve des dispositions du 5° ci-dessous ; 5° Dans les cas examinés suivant la procédure prévue aux 2°, 3° et 4° ci-dessus, tout agent frappé d'une des sanctions visées aux 8° et 9° de l'article 49 peut présenter un recours à l'inspecteur général du travail et de la main d'oeuvre des transports au ministère chargé des transports ". Que l'article 52 précise que " après délibération, le conseil de discipline émet son avis sur la sanction disciplinaire à appliquer à l'agent qui lui est déféré ". Cet avis est transmis au directeur du réseau qui détermine la sanction à appliquer. Attendu que la consultation d'un organisme chargé en vertu d'une disposition conventionnelle de donner un avis sur une mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue une garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que le conseil ait été consulté et ait rendu son avis selon une procédure régulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ; Attendu qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites en particulier le compte-rendu de la réunion du conseil de discipline du 19 juillet 2011 que lors de l'ouverture de la séance, un des trois membres de la catégorie du personnel, M. Z..., était absent, et qu'un des trois membres faisant partie du personnel dirigeant, M. A..., avait alors quitté la salle ; qu'ensuite, un échange a eu lieu entre l'assistant du salarié et le président du conseil de discipline, le premier reprochant au second l'absence de remise d'une copie des pièces avant la tenue du conseil et également le fait que M. B..., qui présidait le conseil de discipline et qui a mis en oeuvre la procédure de licenciement du salarié, et avant même que le rapporteur communique au conseil de discipline son rapport et toutes les pièces de l'enquête et que les débats aient commencé, le salarié, son assistant et également un des deux membres faisant partie du personnel, Mme C..., ont quitté le conseil de discipline ; Qu'ainsi, le conseil de discipline a poursuivi la procédure et a rendu son avis dans une composition qui n'était plus paritaire ; Qu'ayant rendu son avis en formation non paritaire, le licenciement qui a été prononcé alors que la procédure suivie devant le conseil de disciplinaire est irrégulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ; Que le fait que cette parité n'ait pu être obtenue du fait du départ volontaire et protestataire de Mme C..., membre élu pour siéger au conseil de discipline pour la catégorie du personnel non dirigeant ne dispensait pas l'employeur d'user des dispositions exceptionnelles prévues par l'article 51 2ème alinéa de la convention collective ; Attendu que la décision du conseil de prud'hommes sera en conséquence infirmée, sauf sur le montant des indemnités accordées au titre du préavis et de l'indemnité de licenciement dont le quantum n'est pas contesté par les parties, y compris à titre subsidiaire. Attendu que justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. X... peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse sur le fondement des articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail ; Qu'en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi mais aussi compte tenu des circonstances particulières du litige, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 12. 300 € ; Attendu que le litige porte sur l'interprétation d'une convention collective, et qu'ainsi l'intervention volontaire du syndicat CGT du personnel de la TCAR doit être déclaré recevable ; Que sur le fond, compte tenu des circonstances particulières du litige le préjudice subi ne peut être que limité et sera indemnisé à hauteur de 150 €. Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées elle en sus des dépens. Attendu que le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'Antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ; ».
1. ALORS QU'il résulte de l'article 49 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs que les sanctions du second degré doivent être prises après avis motivé du conseil de discipline ; qu'il résulte des articles 52 et 54 de la convention que l'employeur qui envisage de prendre une sanction du second degré doit, d'une part, mettre le salarié en mesure de prendre connaissance de son dossier préalablement à la réunion du conseil de discipline et, d'autre part, convoquer le conseil de discipline à une réunion dont il fixe l'ordre du jour ; que si l'article 51 prévoit que le conseil de discipline est composé, indépendamment du président qui représente la direction de l'entreprise, de trois représentants du personnel de direction et de trois membres élus par le personnel, aucune disposition de la convention n'impose à l'employeur qui a régulièrement convoqué les membres du conseil de discipline de mettre en oeuvre une nouvelle réunion si ceux-ci ne parviennent pas à émettre un avis motivé ou si l'un des membres du conseil quitte la réunion pour des raisons non imputables à l'employeur sans avoir participé à la délibération ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société TCAR avait permis à Monsieur X... de préparer sa défense en vue du conseil de discipline et avait régulièrement convoqué les membres de ce conseil à une réunion prévue le 19 juillet 2011 (arrêt p. 5-6) ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt attaqué que l'avis du conseil de discipline avait été émis dans une composition qui n'était plus paritaire uniquement en raison « du départ volontaire et protestataire de Mme C..., membre élu pour siéger au conseil de discipline pour la catégorie du personnel non dirigeant » (arrêt p. 6 dernier alinéa) ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement prononcé par le société TCAR, après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 49, 51, 52 et 54 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, ensemble les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE lorsque l'employeur a mis en oeuvre la procédure conventionnelle protectrice des droits du salarié contre le licenciement et que le salarié a été mis en mesure d'assurer utilement sa défense, le pouvoir disciplinaire de l'employeur ne peut être paralysé par les incidents qui affectent la réunion de l'organe consultatif chargé d'émettre un avis sur le licenciement ; que la désignation, par le salarié, de représentants du personnel en nombre suffisant pour siéger au conseil de discipline, comme l'absence de l'un de ces représentants à la réunion du conseil, ne peuvent en conséquence contraindre l'employeur à reporter la réunion du conseil, et par là-même le licenciement, jusqu'à ce que le conseil puisse être composé régulièrement ; qu'en reprochant à la société TCAR qui avait mis en oeuvre la procédure disciplinaire et mis en mesure le salarié de préparer et présenter sa défense devant le conseil de discipline, une irrégularité tenant à l'absence de parité de la formation ayant émis un avis à la suite du départ « volontaire et protestataire » d'un membre du conseil en cours de réunion, la cour d'appel a violé les articles 49, 51, 52 et 54 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs et les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3. ALORS QUE l'article 51 de la Convention collective des réseaux de transports urbains de voyageurs du 11 avril 1986 dispose que le conseil de discipline comprend trois membres faisant partie du personnel dirigeant, trois membres élus faisant partie de la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié et un président représentant la direction de l'entreprise ; que ce texte ne prévoit de dérogations qu'à titre exceptionnel « pour des raisons d'effectifs du réseau » ; qu'en reprochant à la société TCAR de ne pas avoir à la suite du « du départ volontaire et protestataire de Mme C..., membre élu pour siéger au conseil de discipline pour la catégorie du personnel non dirigeant », mis en oeuvre « les dispositions exceptionnelles prévues par l'article 51 2ème alinéa de la convention collective », la cour d'appel a violé ce texte par fausse application.