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13/01/2016 | FRANCE | N°14-20688

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 2016, 14-20688


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 4 juillet 2007 par la société Aplus santé en qualité d'attachée de direction commerciale pour exercer en dernier lieu les fonctions de directrice commerciale d'un établissement, Mme X... a été licenciée pour motif économique par lettre du 27 octobre 2011 après adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réell

e et sérieuse, l'arrêt retient que les bilans comptables de la société Aplus santé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 4 juillet 2007 par la société Aplus santé en qualité d'attachée de direction commerciale pour exercer en dernier lieu les fonctions de directrice commerciale d'un établissement, Mme X... a été licenciée pour motif économique par lettre du 27 octobre 2011 après adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les bilans comptables de la société Aplus santé font apparaître des bénéfices nets pour les exercices clos les 31 mars 2011, 2012 et 2013 et que le rapport de gestion du dirigeant de l'entreprise du 5 septembre 2011 relatif à l'exercice clos le 31 mars précédent explique que la décision de céder ses participations dans cinq sociétés exploitant des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes résultait non pas des difficultés économiques mais d'un changement de stratégie et qu'ainsi la preuve d'une menace pesant sur la compétitivité et justifiant une réorganisation de l'entreprise n'est pas établie ;
Attendu cependant que, lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, des difficultés économiques ou la menace pesant sur la compétitivité ne peuvent justifier un licenciement que si elles affectent le secteur d'activité du groupe dans lequel intervient l'employeur ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, comme il était soutenu, le secteur d'activité du groupe auquel l'entreprise appartient était confronté à des difficultés économiques ou s'il était exposé à une menace pesant sur sa compétitivité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Aplus santé.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la société APLUS SANTE à payer à cette dernière la somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une somme globale de 2.250 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Après entretien préalable du 11 octobre 2011 et adhésion de l'intéressée le 12 octobre 2011 à un contrat de sécurisation professionnelle, la société Aplus Santé a rompu le contrat de travail la liant à Mme X... par lettre du 27 octobre 2011 pour raison économique avec préavis d'un mois et paiement à la salariée de 6 132,64 € à titre d'indemnité légale de licenciement, ce aux motifs essentiels ainsi énoncés :« (...) la société Aplus Santé a enregistré une dégradation de sa situation financière liée notamment aux facteurs suivants : le gel des autorisations d'extension et de création d'établissements nouveaux faisant perdurer des déséquilibres structurels d'exploitation sur des établissements acquis dans l'optique d'en porter la capacité à 80 lits au minimum (...), le retard apporté par les autorités de tutelle (...) à renouveler les conventions tripartites et donc à réactualiser les dotations financières de nos établissements (...), la forte concurrence du domaine privé et public. (¿.) L'activité EHPAD qui représente l'activité la plus importante de la société et du groupe auquel elle appartient, a donc été réduite de moitié en termes de gestion de lits (...) La situation financière a continué de se dégrader (...). Le résultat d'exploitation (...) a atteint au 30 septembre 2011 un montant de 1.000.000 €. (...) Ce résultat démontre (...) un surdimensionnement de notre encadrement par rapport aux lits exploités (...). Dans ce contexte la société et le groupe qui doivent assurer la sauvegarde de la compétitivité et de la pérennité de l'activité de l'entreprise souhaitent adapter leur organisation opérationnelle et leurs effectifs aux besoins réels du marché et ne peuvent assumer des charges des structures surdimensionnées. (...) Dans ce cadre, nous avons dû envisager la suppression du poste de directrice commerciale que vous occupez. Les fonctions de direction commerciale sont considérablement réduites (...) et seront directement assurées par les directeurs régionaux. (...) Votre reclassement s'est révélé impossible» ; or, en contradiction avec ces motifs, sont produits les bilans comptables de la société Aplus Santé faisant apparaître pour l'exercice clos le 31 mars 2011 un bénéfice net de 860.206 €, pour l'exercice clos le 31 mars 2012 un bénéfice net de 21 443 339 €, pour celui clos le 31 mars 2013 un bénéfice net de 1.762.642 €, ces résultats venant donc démentir la réalité des difficultés économiques alléguées de l'entreprise ; Il ressort par ailleurs du rapport de gestion du dirigeant de l'entreprise du 5 septembre 2011 relatif à l'exercice clos le 31 mars 2011 que sa décision de céder ses participations financières dans cinq sociétés exploitant des EHPAD n'est nullement la conséquence de difficultés économiques mais d'un changement de stratégie ainsi exprimé : « nous avons convenu avec le groupe acquéreur un partenariat de développement. Notre activité de gestion va se limiter progressivement en matière d'EHPAD pour laisser la place à une activité de création et de développement axée sur le concept d'EHPAD écologique que nous avons développé. » ; En application de l'article L.1233-2 du Code du travail, si le licenciement économique peut être motivé par une réorganisation préventive pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la preuve d'une menace objective doit être établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; Il ressort par ailleurs des pièces produites qu'en violation de l'article L. 1233-4 du Code du travail, la société Aplus Santé n'a effectué aucune recherche sérieuse de reclassement de Mme X..., soit en son sein, soit au niveau du groupe dont elle dépend, lequel comporte une société mère (FJMN), une vingtaine de filiales exploitant des EHPAD ainsi que les sociétés Aplus Tourisme et SPA Managements ; Ainsi la société Aplus Santé ne justifie d'aucune offre écrite de reclassement proposée à sa salariée, se limitant de ce chef à produire l'attestation de l'un de ses préposés, Mme Sandrine Y..., responsable du recrutement, qui relate avoir eu en septembre 2011 un entretien téléphonique avec Mme X... pour s'enquérir de ses desiderata ; Ces constatations sont suffisantes pour considérer en conséquence que le licenciement litigieux est dénué de cause réelle et sérieuse » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises." L'employeur doit tout mettre en oeuvre pour permettre le reclassement du salarié. L'employeur doit obligatoirement adresser au salarié des offres écrites et précises de reclassement. La société APLUS SANTE a manqué à son obligation de reclassement car elle ne produit aucune offre de reclassement ou courrier démontrant la recherche de reclassement. La Cour de Cassation a estimé que l'écrit était le seul mode de preuve admissible permettant d'apprécier avec certitude la réalité des offres de reclassement (Cass. Soc., 20 septembre 2006, n° 04-45.703). A défaut, quand bien même le salarié aurait eu connaissance, par d'autres moyens, d'offres précises de reclassement le concernant, le licenciement sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. En l'espèce, le Conseil retient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où l'obligation de recherche de reclassement n'a pas été appliquée » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement doivent être appréciées dans le cadre du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise qui licencie ; que la société APLUS SANTE invoquait dans ses conclusions d'appel les difficultés économiques du secteur d'activité du groupe APLUS auquel elle appartient (conclusions d'appel, p. 15) ; qu'elle exposait à ce titre que le secteur d'activité du groupe APLUS - à savoir le secteur de la santé - connaissait une forte dégradation, à l'issue des trois premiers trimestres de l'exercice 2011, ayant engendré un déficit cumulé de - 666.000 € au 30 septembre 2011 ; qu'elle faisait valoir que les difficultés du secteur Santé du groupe étaient dues à un « gel » des autorisations d'extension et de création d'EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de la part des autorités de tutelle ayant entrainé un déséquilibre d'exploitation des résidences du groupe ne disposant pas d'une capacité suffisante d'accueil ; qu'elle invoquait la chute drastique des signatures de conventions tripartites autorisant les ouvertures d'EPHAD et la baisse subséquente des dotations financières accordées au titre de ces conventions ; que la société APLUS SANTE soutenait en outre que les difficultés économiques du secteur Santé du groupe avaient été accrues en raison de la concentration des acteurs majeurs du secteur et de la concurrence des établissements publics subventionnés ; qu'elle indiquait enfin qu'en raison de ces difficultés du secteur Santé du groupe plusieurs projets et/ou chantiers de maison de retraite avaient été arrêtés en 2011 (arrêt des projets d'ouverture du chantier Vital Parc en Champagne Ardenne, arrêt du projet Vital Spa, arrêt du chantier d'une résidence à Bagneux) (conclusions d'appel, p. 18 et s.) ; qu'en se bornant néanmoins, pour écarter l'existence de difficultés économiques justifiant le licenciement de Madame X..., à retenir que les bilans comptables de la société APLUS SANTE étaient bénéficiaires lors des exercices clos de 2011 à 2013 et que n'était pas démontrée « la réalité des difficultés économiques alléguées de l'entreprise », sans rechercher si, comme le soutenait la société APLUS SANTE, le secteur d'activité Santé du groupe APLUS auquel elle appartient ne connaissait pas quant à lui d'importantes difficultés économiques justifiant le licenciement pour motif économique de Madame X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-3 et L.1235-3 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ; que la société APLUS SANTE faisait valoir dans la lettre de licenciement que la réorganisation de son activité - ayant entrainé la cession de cinq de ses établissements et la suppression subséquente du poste de Madame X... - était justifiée par la nécessité d' « assurer la sauvegarde de la compétitivité et la pérennité de l'activité » (lettre de licenciement p. 3 § 4) ; qu'elle invoquait à ce titre la dégradation du secteur d'activité Santé, le « gel » des autorisations d'extension et de création d'EHPAD de la part des autorités de tutelle, le déséquilibre d'exploitation subséquent des résidences du groupe et la baisse des dotations financières en résultant, la concentration des acteurs du secteur leur opposant une forte concurrence et le dumping social des établissements publics ; qu'elle soutenait ainsi que sa réorganisation économique visait à sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité Santé du groupe APLUS ; qu'en se bornant à relever, pour dire le licenciement injustifié, que les résultats des exercices 2011 à 2013 de la société APLUS SANTE étaient bénéficiaires, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, nonobstant ce bénéfice comptable, l'évolution du marché de la Santé, la concentration des acteurs du secteur, le gel des autorisations d'extension et de création d'EHPAD et la chute des dotations en découlant, ne faisaient pas peser une menace sur la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe dans son ensemble imposant la réorganisation de la société APLUS SANTE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-3 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié à la date du licenciement ; que Madame X... ayant été licenciée au mois d'octobre 2011, la cour d'appel ne pouvait en conséquence se fonder, pour écarter l'existence d'un motif économique de licenciement, sur les résultats bénéficiaires ultérieurs de la société APLUS SANTE à la fin des exercices clos les 31 mars 2012 et 31 mars 2013, ce d'autant que le résultat comptable bénéficiaire de l'exercice 2012 ne s'expliquait pas par une amélioration de l'activité du groupe mais uniquement par l'importante cession d'actifs découlant de la vente des cinq établissements du groupe APLUS précisément mise en oeuvre en raison des difficultés économiques du secteur d'activité Santé du groupe ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a donc pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-3 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en l'absence de poste disponible, l'employeur est libéré de son obligation de proposer des offres de reclassement au salarié ; que la société APLUS SANTE soutenait dans ses conclusions d'appel qu'il n'existait, au sein de l'entreprise et du groupe APLUS, aucun poste disponible susceptible d'être proposé à Madame X... (conclusions p. 29 § 1 et 2), et offrait d'en apporter la preuve en produisant les registres du personnel de la société APLUS SANTE, de la société FJMN (maison mère du groupe APLUS), et de la société APLUS TOURISME ET SPA MANAGEMENT (seconde filiale du groupe APLUS) (cf. pièces d'appel n° 29 a, 29 b et 29 c) ; qu'en reprochant néanmoins à la société APLUS SANTE de ne pas justifier de recherches de reclassement écrites, sans vérifier si le reclassement de Madame X... n'était pas impossible faute de poste disponible aussi bien dans l'entreprise que dans le groupe APLUS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail.
ALORS, ENFIN, QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant « en toutes ses dispositions » le jugement de première instance qui avait dit que le licenciement pour motif économique de Madame X... était justifié, après avoir retenu que la société APLUS SANTE n'apportait pas la preuve de l'existence d'un motif économique de licenciement, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-20688
Date de la décision : 13/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jan. 2016, pourvoi n°14-20688


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.20688
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