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08/12/2015 | FRANCE | N°14-14011

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 décembre 2015, 14-14011


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 septembre 2006 par la société Y... en qualité de chef d'équipe, a saisi la juridiction prud'homale en octobre 2011 aux fins d'obtenir notamment le paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, ce dont il a été débouté par jugement du 5 juin 2012 ; qu'ayant été licencié pour faute grave le 25 juillet 2012, il a contesté son licenciement en cause d'appel ; que la société Y... a été placée en liquidation judiciaire, la soci

été MJ synergie étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 septembre 2006 par la société Y... en qualité de chef d'équipe, a saisi la juridiction prud'homale en octobre 2011 aux fins d'obtenir notamment le paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, ce dont il a été débouté par jugement du 5 juin 2012 ; qu'ayant été licencié pour faute grave le 25 juillet 2012, il a contesté son licenciement en cause d'appel ; que la société Y... a été placée en liquidation judiciaire, la société MJ synergie étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes au titre de l'indemnité de congés payés et de la prime de vacances, l'arrêt retient que le salarié produit la copie de tous les disques "contrôlographe" du véhicule qu'il a utilisé couvrant la période de 2006 à 2011, qu'il s'abstient cependant de présenter leur contenu, de sorte que ceux-ci sont inexploitables en l'état, qu'il prétend seulement, sans en rapporter la preuve, que ceux-ci établiraient qu'il effectuait en moyenne neuf heures par jour, qu'en l'absence de décompte horaire journalier des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées, le salarié ne permet pas à l'employeur de justifier de ses heures effectivement réalisées, alors même que de nombreuses heures supplémentaires avaient été rémunérées, qu'il ne démontre pas davantage que le temps passé à revenir des chantiers n'aurait pas été rémunéré ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit tous les disques chronotachygraphes du véhicule utilisé au cours de la période litigieuse à l'appui du décompte présenté dans ses conclusions concernant les heures de travail qu'il prétendait avoir réalisées et, auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes au titre de l'indemnité de congés payés et de la prime de vacances, l'arrêt rendu le 15 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société MJ synergie, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJ synergie, ès qualités, à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, ainsi que de ses demandes subséquentes au titre de l'indemnité de congés payés et de la prime de vacances ;
AUX MOTIFS QUE monsieur X... sollicite le paiement de la somme de 12.840,50 euros au titre d'heures supplémentaires prétendument accomplies du 4 septembre 2006 à août 2011 ; qu'ayant toutefois saisi le conseil de prud'hommes le 24 octobre 2011 , la demande concernant les heures supplémentaires antérieures au 24 octobre 2006 est irrecevable pour être atteinte par la prescription quinquennale énoncée à l'article L. 3245-1 du code du travail ; que pour étayer sa demande monsieur X... verse aux débats sa lettre en date du 29 août 2011 aux termes de laquelle il sollicitait pour la première fois le paiement d'heures supplémentaires, sans toutefois en préciser le détail, ainsi que ses correspondances ultérieures jusqu'au mois de novembre 2011 ; que la société Y... s'est opposée à ses demandes en lui faisant connaître par lettre du 25 novembre 2011 que les heures supplémentaires effectuées entre janvier et mai 2011 avaient été récupérées au mois de juin 2011 , et que les heures supplémentaires effectuées entre juin et août de 2011 avaient été payées et récupérées ainsi qu'il apparaissait de ses bulletins de salaire ; que le salarié produit encore la copie de tous les disques « contrôlographe » du véhicule qu'il a utilisé couvrant la période de 2006 à 2011 ; qu'il s'abstient cependant de présenter leur contenu, de sorte que ceux-ci sont inexploitables en l'état ; qu'il prétend seulement, sans en rapporter la preuve, que ceux-ci établiraient qu'il effectuait en moyenne neuf heures de travail par jour ; qu'en l'absence de décompte horaire journalier des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées, monsieur X... ne permet pas à son employeur de justifier de ses heures effectivement réalisées, alors même que de nombreuses heures supplémentaires avaient été rémunérées ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaire ; qu'il ne démontre pas davantage que le temps passé à revenir des chantiers ne lui aurait pas été rémunéré ; que, pour n'apporter ainsi aucun élément de nature à établir qu'il aurait effectué des heures supplémentaires impayées, monsieur X... doit être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et le jugement rendu par le conseil des prud'hommes ainsi confirmé ;
1°) ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en affirmant que monsieur X... n'apportait aucun élément de nature à établir qu'il avait effectué des heures supplémentaires, quand elle constatait que le salarié, qui soutenait avoir effectué en moyenne neuf heures de travail par jour, versait aux débats les disques contrôlographes quotidiens du véhicule qu'il avait utilisé pour la période de 2006 à 2011 , la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures travaillées sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°) ET ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en relevant qu'en l'absence de « décompte horaire journalier » des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées, monsieur X... ne permet pas à son employeur de justifier des heures effectivement réalisées, la cour d'appel. qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, a violé l'article L. 3171 -4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de monsieur X... fondé sur une faute grave, et d'AVOIR débouté, en conséquence, le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés et la prime de vacances y afférents, d'indemnité de licenciement et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés et la prime de vacances y afférents ;
AUX MOTIFS QUE par lettre recommandée en date du 25 juillet 2012, la société Y... a notifié à monsieur X... son licenciement pour faute grave en raison de : - son refus d'exécuter certaines tâches contractuelles ; - ses retards systématiques ; - son attitude d'insubordination sur les chantiers ; - ses critiques permanentes envers ses supérieurs et la société ; - une pause d'une durée excessive dans l'entreprise voisine pendant le temps de travail ; que pour démontrer l'existence de la faute grave qu'elle impute au salarié, la société Y... produit de nombreuses attestations faisant état de son insubordination sur les chantiers, de ses critiques et reproches envers ses supérieurs, et de son altercation survenue le 26 juin 2012 avec monsieur Guillaume Y... ; que monsieur Joao Z..., aide-conducteur de travaux, a témoigné de son comportement insupportable en ce qu'il contestait sans arrêt ses ordres ou rechignait à les exécuter, critiquait souvent la direction de la société sans retenue et nuisait ainsi à la bonne entente sur le chantier en disant notamment « c'est une boîte de m...e » ; que monsieur A... chef de chantier, a confirmé qu'il devenait très difficile de travailler avec lui parce qu'il discutait chacune de ses missions, critiquait ses supérieurs hiérarchiques et dénigrait la direction au point qu'un salarié a quitté l'entreprise à cause de ses médisances ; que madame Gilda B..., qui avait fait part de son agacement au gérant de la société par lettre du 21 novembre 2011 au motif qu'elle remettait en cause la qualité de son travail, a témoigné qu' « à chacune des conversations de monsieur X..., il critiquait la direction en disant qu'ils étaient de mauvais gestionnaires, que les conducteurs de travaux étaient des incompétents, que messieurs Y... prenaient de mauvaises décisions » ; qu'elle a en outre attesté avoir été témoin le jeudi 28 juin 2012 d'une altercation entre monsieur X... et monsieur Guillaume Y..., au cours de laquelle monsieur X... est entré dans les bureaux de l'entreprise et a agressé verbalement son supérieur hiérarchique en présence de monsieur Renzo Y... consterné, en hurlant « qu'il voulait que les ordres lui soient donnés par écrit » ; que madame Romy C... a confirmé les faits en précisant que monsieur X... avait pénétré dans les bureaux de la société en hurlant et « était très remonté contre monsieur Guillaume Y... et lui a demandé que journellement les ordres de travail soient donnés par écrit », alors que monsieur Y... « n'a pas répondu à cette demande et s'est contenté de demander à monsieur X... de se remettre au travail le plus rapidement possible » ; que les attestations produites pour sa défense par monsieur X... doivent être écartées pour émaner d'anciens collègues, dont un salarié ayant fait également l'objet d'un licenciement pour faute grave contesté devant les tribunaux ; que ces derniers, qui n'ont pas été témoins des faits reprochés, ne peuvent en témoigner ; que la société Y... rapporte ainsi la preuve de l'ensemble des faits qu'elle reproche à monsieur X... ; que ceux-ci, venant après la mise en demeure adressée le 27 septembre 2011 au salarié, constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même du préavis ; qu'il convient en conséquence de dire que le licenciement prononcé repose bien sur une faute grave et que la mise à pied conservatoire était justifiée ; que monsieur X... doit dès lors être débouté de l'intégralité de ses demandes afférentes à son licenciement présentées en paiement d'un complément de salaire au titre de la mise à pied et des congés payés et prime de vacance correspondants, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés et prime de vacance afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1 °) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'après avoir relevé que le licenciement pour faute grave de monsieur X... était motivé par son refus d'exécuter certaines tâches contractuelles, ses retards systématiques, son attitude d'insubordination sur les chantiers, ses critiques permanentes envers ses supérieurs et la société, et une pause d'une durée excessive dans l'entreprise voisine pendant le temps de travail, la cour d'appel a énoncé que la société Y... rapportait la preuve de l'ensemble de ces faits ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'employeur n'établissait pas les refus d'exécution du travail, les retards systématiques et la pause d'une durée excessive, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE le juge, qui ne peut statuer par voie d'affirmation, est tenu de viser ou d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels il entend fonder sa décision ; qu'en s'abstenant de viser ou d'analyser le ou les éléments de preuve de nature à établir les refus de monsieur X... d'exécuter certaines tâches lui incombant, ses retards systématiques et la pause d'une durée excessive qu'il aurait prise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ET ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que monsieur X... soutenait qu'il recevait constamment des ordres contradictoires émanant des différents dirigeants de l'entreprise (cf. conclusions d'appel page 19) ; qu'en se bornant à retenir que l'insubordination du salarié était caractérisée, sans rechercher s'il n'avait pas fait l'objet d'ordres et de contre-ordres de nature à excuser l'exaspération manifestée au cours de la relation de travail et de l'altercation du 28 juin 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14011
Date de la décision : 08/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 déc. 2015, pourvoi n°14-14011


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14011
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