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02/12/2015 | FRANCE | N°14-17571

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2015, 14-17571


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 juin 2013), que la société de portage Autrement 10 a conclu le 7 mars 2008 une convention avec la société ASL bâtiment, ayant pour activité la construction de maisons individuelles, selon laquelle elle assurerait des prestations de recherche de clientèle par l'intermédiaire de M. X..., également partie au contrat ; que ce dernier, affirmant avoir effectué de la prospection de mars 2008 à mars 2009 sans être rémunéré, a saisi la juridi

ction prud'homale pour voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 juin 2013), que la société de portage Autrement 10 a conclu le 7 mars 2008 une convention avec la société ASL bâtiment, ayant pour activité la construction de maisons individuelles, selon laquelle elle assurerait des prestations de recherche de clientèle par l'intermédiaire de M. X..., également partie au contrat ; que ce dernier, affirmant avoir effectué de la prospection de mars 2008 à mars 2009 sans être rémunéré, a saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail avec la société ASL bâtiment et demander la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement de diverses sommes ; que par jugement du 5 mars 2010, la société ASL bâtiment a été déclarée en liquidation judiciaire, Mme Y... étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, un contrat de portage salarial doit, pour être licite, s'inscrire dans le cadre d'un contrat de travail entre le salarié porté et la société de portage ; qu'en retenant en l'espèce la licéité de la convention de portage conclu le 7 mars 2008 entre la société de portage Autrement 10 et la société ASL bâtiment tout en considérant que M. X... bénéficiait de l'indépendance du travailleur indépendant, qu'il n'était soumis à aucune contrainte de nature salariale et qu'il ne pouvait exister aucune relation de nature salariale entre M. X... et la société Autrement 10, la cour d'appel a violé les articles L. 8231-1 du code du travail ainsi que l'article L. 8241-1 du même code dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à la loi précitée du 25 juin 2008 ;
2°/ que les contrats de portage salarial conclus antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 sont soumis aux règles d'ordre public du droit du travail ; que la société de portage, en sa qualité d'employeur, doit donc fournir du travail au salarié porté ; qu'en retenant en l'espèce que, le contrat de portage n'ayant en réalité reçu aucun commencement d'exécution, le moyen de M. X... « selon lequel le contrat de portage serait en réalité un contrat de prêt de main d'oeuvre illicite devant être requalifié en contrat de travail » était sans fondement et que la société Autrement 10 n'avait pas à fournir du travail ni à payer M. X..., la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1211-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir exactement retenu, par motifs adoptés, que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif, la cour d'appel, qui, peu important la qualification de la convention retenue par les parties, a relevé que ni la société Autrement 10, ni la société ASL bâtiment n'avaient exercé, à l'égard de M. X..., un quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de sanction, n'a pas violé les dispositions légales applicables en la cause ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il a été convenu, le 07 mars 2008, selon une convention intitulée "convention CP 20000008/1" entre la société AUTREMENT 10 et la société ASL BATIMENT que : "AUTREMENT 10 assurera les prestations suivantes par l'intermédiaire de M. Christian X... : Recherche de clientèle Durée de la convention : trois mois renouvelables par tacite reconduction Facturation de la prestation : 5,5 % du montant total HT des travaux facturés payés aux clients. Facturation par Autrement 10 sur demande par courrier, fax ou mail de la société ASL ; facturés réglables au comptant à réception". Monsieur X... était présent lors de la signature de cette convention qu'il a signée en ajoutant la mention "et payés" dans la phrase "5,5 % du montant total hors taxes des travaux facturés et payés aux clients. L'activité de portage salarial, qui n'a été véritablement réglementée qu'à compter de la loi du 25 juin 2008, se caractérise par une relation triangulaire entre une société de portage, une personne dénommée "porté" et une entreprise cliente. La personne dénommée "porté" a normalement pour mission de prospecter de la clientèle de négocier la prestation et son prix et de fournir la prestation à l'entreprise cliente. Un contrat de prestation de services est ainsi signé entre la société de portage et l'entreprise cliente et c'est l'entreprise de portage qui encaisse les honoraires versés par l'entreprise cliente. Par la suite, l'entreprise de portage reverse au "porté" une rémunération sous forme de salaire après avoir retenu des frais de gestion et la totalité des cotisations sociales. L'activité de portage salarial est expressément reconnue par l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 puis a été légalisée par la loi du 25 juin 2008. Désormais, l'article L 1251-64 du code du travail définit le portage salarial comme "un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clients comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle". Il doit être observé que la pratique du portage salarial existait avant la loi du 25 juin 2008.
Certaines juridictions considéraient qu'il convenait de retenir le caractère salarial de la relation entre le porté et les entreprises de portage alors que d'autres décidaient qu'en l'absence de lien de subordination le caractère salarial devait être écarté. Monsieur X... soutient que la convention conclue le 7 mars 2008 est illicite car elle constitue un prêt de main-d'oeuvre. Antérieurement à la loi du 25 juin 2008, la convention de portage ne présentait pas de caractère illicite. L'examen des pièces produites aux débats par les parties ne permet aucunement de considérer que la société AUTREMENT 10 ou la société ASL BATIMENT aient pu exercer un quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de sanction vis-à-vis de Monsieur X.... Il ressort de la convention de portage que Monsieur X... avait la mission de chercher lui-même des affaires auprès d'entreprises clientes, de négocier sa prestation et les conditions d'exécution et de la réaliser directement auprès de la cliente. Il bénéficiait de l'indépendance du travailleur indépendant et n'était soumis à aucune contrainte de nature salariale. Les seules obligations de Monsieur X... consistaient donc à recherche de la clientèle pour la société ASL BATIMENT pour la conclusion de marchés. Or, il n'est aucunement démontré que Monsieur X... ait, à un quelconque moment entre le mois de mars 2008 et le mois de mars 2009, informé la société Autrement 10 des différentes démarches qu'il effectuait et ce n'est que, près d'un an et demi après la signature de la convention, qu'il s'est alors rapproché de cette sociétés pour lui apporter une liste de clients qu'il affirmait avoir prospectés. La juridiction prud'homale a considéré que selon les éléments versés aux débats par Monsieur X... il n'était pas prouvé par ce dernier l'existence de réelles démarches ayant pu aboutir à la conclusion d'un chantier. En effet, les seuls documents versés aux débats par l'appelant ne permettent pas d'établir un quelconque commencement d'exécution du contrat de portage salarial. Aucune véritable prestation n'a été effectuée par Monsieur X... susceptible de pouvoir entraîner l'établissement d'une facturation. Aucune signature de contrat ou de documents ne démontre la réalisation de démarches précises et circonstanciées ayant pu aboutir à la conclusion d'un chantier. La société ASL BATIMENT n'a établi aucune facture concernant des chantiers qui aurait été apportés par Monsieur X.... Il convient dès lors de retenir comme l'a, à juste titre, affirmé le conseil de prud'hommes que le contrat de portage salarial n'a jamais eu de réel commencement d'exécution.
Monsieur X... ne pouvait en conséquence être rémunéré pour des prestations qu'il n'avait pas accomplies. Dès lors, le moyen opposé par l'appelant selon lequel le contrat de portage serait en réalité un contrat de prêt de main-d'oeuvre illicite devant être requalifié en contrat de travail est sans fondement puisque le contrat de portage n'a en réalité reçu aucun commencement d'exécution. Il ne pouvait en tout état de cause exister aucune relation de nature salariale entre Monsieur X... et la société Autrement 10 dans le cadre d'un contrat de portage salarial. Cette dernière société n'avait donc pas à fournir du travail ni à payer Monsieur X... dans le respect des règles du droit du travail. Par ailleurs, la demande de condamnation solidaire de la société ASL BATIMENT au paiement de salaire ne repose sur aucun fondement juridique au regard de la convention du 7 mars 2008 dont il doit être réaffirmé qu'elle n'a pas été exécutée l'appelant n'ayant pas accompli les prestations qu'il se devait de réaliser dans le cadre de ladite convention. Il convient, dès lors, de confirmer, en toutes ses dispositions, la décision déférée. » (cf. arrêt p. 4 à 6).
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article L1251-64 du Code du travail stipule "le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprise clientes, composant pour la personne portée, le régime du salariat et de la rémunération de sa prestation chez le client, par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle ; que selon l'article 2 du Code civil "la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a pas d'effet rétroactif ; que Mr X... a signé une convention de portage salarial avec la Ste AUTREMENT 10 et la Ste A.S.L. Bâtiment, le 07/03/2008, qui permettait à Mr X... d'effectuer de la recherche de clientèle pour la Ste A.S.L Bâtiment ; que cette convention, signée antérieurement à la loi n° 2008-789 du 25 juin 2008-Art 10, est régie par l'application des anciens textes de loi ; que Mr X... n'a jamais été sous le lien de subordination de la Ste AUTREMENT 10, comme il le reconnaît dans ses conclusions ; qu'en l'espèce, aucun des documents, contrat devis factures, produits par Mr X..., pour justifier son travail auprès de la A.S.L. Bâtiment, ne sont établies à l'entête de A.S.L. Bâtiment ; que la convention de portage salarial prévoyait une rémunération pour Mr X... de 5,5% des travaux facturée et payés, comme l'avait ajouté Mr X... sur la convention ;
que suivant les éléments versés aux débats, Mr X... ne démontre pas que les démarches, dont il prétend être l'auteur, ont abouti à la conclusion de chantier ; que cependant, pendant un an et demi, en l'absence de justification de facture et de preuves de paiements par les clientes de A.S.L. Bâtiment, fourni par Monsieur X... à la Ste AUTREMENT 10, cette dernière n'a été en mesure de facturer des prestations à A.S.L. Bâtiment ; que de plus, les documents, remis en Bureau de Jugement, ne permettent pas à la Ste AUTREMENT 10 de procéder à une facturation ; qu'enfin, les pièces versées aux débats par Mr X... démontrent qu'avant même avoir pris attache avec la Ste AUTREMENT 10, Mr X... travaillait déjà pour le compte de A.S.L. Bâtiment, que de ce fait, il était en contact avec elle ; que de ce fait, A.S.L. Bâtiment étant le client de Mr X..., ce dernier connaissait le gérant et était le seul à être en contact avec lui ; Attendu que Mr X... n'apporte aucun élément démontrant l'étendue de son préjudice ; qu'en l'état, le Conseil, appréciant souverainement les éléments versés aux débats et notamment les nombreux devis manuscrits, tous rédigés à l'entête de Mr X..., déboute Mr X... de l'ensemble de ses demandes. (cf. jugement p. 3)
ALORS D'UNE PART QU'antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, un contrat de portage salarial doit, pour être licite, s'inscrire dans le cadre d'un contrat de travail entre le salarié porté et la société de portage ; qu'en retenant en l'espèce la licéité de la convention de portage conclu le 7 mars 2008 entre la société de portage AUTREMENT 10 et la société ASL BATIMENT tout en considérant que Monsieur X... bénéficiait de l'indépendance du travailleur indépendant, qu'il n'était soumis à aucune contrainte de nature salariale et qu'il ne pouvait exister aucune relation de nature salariale entre Monsieur X... et la société AUTREMENT 10, la Cour d'appel a violé les articles L 8231-1 du code du travail ainsi que l'article L 8241-1 du même code dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à la loi précitée du 25 juin 2008.
ALORS D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE les contrats de portage salarial conclus antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 sont soumis aux règles d'ordre public du droit du travail ; que la société de portage, en sa qualité d'employeur, doit donc fournir du travail au salarié porté ; qu'en retenant en l'espèce que, le contrat de portage n'ayant en réalité reçu aucun commencement d'exécution, le moyen de Monsieur X... « selon lequel le contrat de portage serait en réalité un contrat de prêt de main d'oeuvre illicite devant être requalifié en contrat de travail » était sans fondement et que la société AUTREMENT 10 n'avait pas à fournir du travail ni à payer Monsieur X..., la Cour d'appel a violé ensemble les articles L 1211-1 et L 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-17571
Date de la décision : 02/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 25 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2015, pourvoi n°14-17571


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.17571
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