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25/11/2015 | FRANCE | N°14-20739

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-20739


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Air France de son désistement de son pourvoi provoqué éventuel ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 19 janvier 1984 en qualité d'officier pilote de ligne par la société Air France, et exerçant en dernier lieu les fonctions de commandant de bord, s'est vu notifier le 9 janvier 2009 la rupture de son contrat de travail, avec effet au 30 avril 2009, sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile ; que le salarié a saisi la

juridiction prud'homale de demandes au titre de la discrimination en ra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Air France de son désistement de son pourvoi provoqué éventuel ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 19 janvier 1984 en qualité d'officier pilote de ligne par la société Air France, et exerçant en dernier lieu les fonctions de commandant de bord, s'est vu notifier le 9 janvier 2009 la rupture de son contrat de travail, avec effet au 30 avril 2009, sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la discrimination en raison de l'âge ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié, pris en ses trois premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 6, paragraphe 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;
Attendu que pour dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et débouter le salarié de ses demandes fondées sur la nullité de la rupture, l'arrêt retient que des impératifs liés à l'emploi, alors qu'il était constaté que la crise de l'aéronautique d'alors privait d'emploi 1 200 pilotes, avaient conduit le gouvernement à baisser l'âge limite pour piloter de 65 à 60 ans et à adopter l'article L. 421-9 critiqué afin de favoriser l'embauche de jeunes pilotes, non seulement en 1995 avec un objectif de 130 à 150 pilotes, mais également pour les années à venir, que l'objectif tenant à la politique de l'emploi était doublé de l'impératif pour les jeunes pilotes d'achever leur formation qualifiante lors d'une première embauche sur un avion de transport de passagers, qu'en 1995, le « relèvement » de la limite d'âge en cause, inscrite à l'article L. 421-9 dans sa version critiquée, constituait une mesure appropriée qui avait été directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi, du marché du travail, au sens de l'article 6§1 de la directive communautaire précitée, et qu'aucun élément produit aux débats ne permettant de démentir le caractère légitime de cet objectif, il n'y avait pas lieu de remettre en cause celui-ci jusqu'au changement de législation ; que le législateur a pu décider de différer l'application de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, sans davantage commettre de discrimination illicite ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la différence de traitement fondée sur l'âge instituée par l'article L. 421-9, I du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable à la date des faits, constituait un moyen approprié et nécessaire à la réalisation de l'objectif de politique d'emploi et de marché du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi principal du salarié et sur le pourvoi incident de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Condamne la société Air France à payer à M. X... la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture de la relation de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir débouté M. X... de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la rupture du contrat de travail de M. X... s'analyse en un licenciement nul et à ce que la société Air France soit condamnée à le réintégrer à son poste ;
AUX MOTIFS QUE M. Dominique X... a été engagé par la SA Air France suivant un contrat à durée indéterminée en date du 19 janvier 1984, en qualité d'officier pilote de ligne ; (...) que, né le 2 avril 1949, il a atteint l'âge de 60 ans le 2 avril 2009 ; que, sur la rupture du contrat de travail, le principe de non-discrimination en fonction de l'âge est un principe général du droit de l'Union européenne, qui est mentionné à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont la valeur juridique est celle des traités depuis le 1er décembre 2009 ; que, plus particulièrement, la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a pour objet d'assurer la mise en oeuvre, au plus tard le 2 décembre 2003, dans les Etats membres, du principe de l'égalité de traitement, en luttant contre les discriminations fondées notamment sur l'âge ; que le même texte autorise, en son article 2 § 5 les « mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aussi son article 4 § 1 dispose-t-il que « les Etats membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l'un des motifs visés à l'article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée » ; que, plus spécifiquement, l'article 6 § 1 autorise les Etats membres à prévoir « que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires » ; qu'il convient d'examiner la conformité à ces dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile introduit par la loi de n° 95-116 du 4 février 1995, qui dispose, dans sa version critiquée, antérieure à la loi du 17 décembre 2008, que « le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 dont fait partie M. X... ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de co-pilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de 60 ans....Toutefois, le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert » ; (...) que la cour relève, en premier lieu, et contrairement à ce que soutient la SA Air France, que le juge national a l'obligation d'écarter l'application d'une norme interne contraire à une règle communautaire, au profit de cette dernière, ce en application du principe de primauté du droit communautaire ; qu'en l'espèce, l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, qui prescrit l'interdiction de pilotage pour les pilotes de ligne, au-delà de l'âge de 60 ans, établit une mesure discriminatoire du fait de l'âge, peu important que la rupture de leur contrat de travail provienne non seulement de cet âge atteint mais également de l'impossibilité de procéder à leur reclassement ; qu'il convient dès lors d'examiner si cette mesure de restriction constitue, au regard de la directive 2000/78 précitée, une exception possible, au titre de ses articles 2.5, 4.1 et 6.1, d'interprétation stricte, et donc, si concrètement elle constitue : - une mesure nécessaire à la sécurité publique, et à la protection de la santé (article 2.5), - une mesure relevant d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée, - une mesure objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; (...) qu'une règle interne qui fixe de manière absolue, et sans exception possible, à 60 ans l'âge limite à compter duquel les pilotes ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle alors que les réglementations communautaire et internationale fixent cet âge à 65 ans, n'institue pas une mesure nécessaire à la sécurité publique et à la protection de la santé au sens de l'article 2 § 5 de la directive précitée, pas plus qu'elle n'instaure une restriction légitime, en raison de la nature de l'activité professionnelle en cause ou des conditions de son exercice, cette limite d'âge à 60 ans n'en constituant pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l'article 4 § 1 de la même directive ; qu'en revanche, il résulte de la réponse ministérielle publiée au JO du 30 mars 1995, du rapport réalisé au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social annexé au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1994, du rapport réalisé par l'Assemblée Nationale, sur le même texte, que des impératifs liés à l'emploi, alors qu'il était constaté que la crise de l'aéronautique d'alors privait d'emploi 1.200 pilotes, avait conduit le gouvernement à baisser l'âge limite pour piloter de 65 à 60 ans et à adopter l'article L. 421-9 critiqué afin de favoriser l'embauche de jeunes pilotes, non seulement en 1995 avec un objectif de 130 à 150 pilotes, selon les débats se déroulant au Sénat publiés le 16 novembre 1994 au JO mais également pour les années à venir. En outre, selon la réponse ministérielle publiée au JO du 30 mars 1995, l'objectif tenant à la politique de l'emploi est doublée de l'impératif pour les jeunes pilotes d'achever leur formation qualifiante lors d'une première embauche sur un avion de transports de passagers, à défaut de laquelle ils « risquent de perdre le bénéfice de leur scolarité » ; qu'en outre, selon la réponse ministérielle publiée dans le JO du 23 septembre 2008, ce sont, outre l'évolution des législations communautaire et internationale, ces mêmes préoccupations de politique de l'emploi qui ont conduit le gouvernement, constatant « une véritable pénurie » du personnel navigant, à augmenter ladite limite d'âge en la portant de 60 à 65 ans à certaines conditions en modifiant l'article L. 421-9 précité par la loi du 17 décembre 2008 ; qu'il résulte donc de ces éléments sérieux qui sont versés aux débats et qui méritent donc d'être retenus, qu'en 1995, le relèvement de la limite d'âge en cause, inscrite à l'article L. 421-9 dans sa version critiquée, constitue une mesure appropriée qui a été directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi, du marché du travail, au sens de l'article 6 § 1 de la directive communautaire précitée ; qu'aucun élément produit aux débats ne permettant de démentir le caractère légitime de cet objectif, il n'y a pas lieu de remettre en cause celui-ci jusqu'au changement de législation ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que, pour la période concernée par la rupture de la relation de travail de M. X..., l'article L. 421-9 dans sa version critiquée, instaure une différence fondée sur l'âge, conforme à l'article 6 §1 de la directive précitée, qui ne constitue pas une discrimination illicite, ce dont il se déduit également que le législateur a pu décider de différer l'application de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, sans davantage commettre de discrimination illicite, ce sans qu'il puisse lui être reproché une quelconque mauvaise foi dans son refus opposé à la proposition de M. X... d'entreprendre un congé sabbatique jusqu'au 31 décembre 2009 pour bénéficier de la loi nouvelle à compter du 1er janvier 2010 ; qu'il s'ensuit que la SA Air France a pu faire application de cette disposition à M. X... dont il convient, en conséquence, d'examiner la régularité du reclassement ;
1°) ALORS QUE le I de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2008 est entré en vigueur le 1er janvier 2009 et le II de l'article 91 de la même loi s'applique aux contrats de travail concernés jusqu'au 1er janvier 2010 ; qu'en jugeant que le législateur avait décidé de différer l'application de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, la cour d'appel a violé les articles 91 et 92 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
2°) ALORS QUE le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 du code de l'aviation civile ayant atteint l'âge de soixante ans au cours de l'année 2009 est régi par le I de l'article L. 421-9 du même code et le II de l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 ; qu'en jugeant qu'était applicable à la situation de M. X... l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile introduit par la loi de n° 95-116 du 4 février 1995, dans sa version antérieure à la loi du 17 décembre 2008, la cour d'appel a violé les articles 9I et 92 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
3°) ALORS QUE les articles 91 et 92 de la loi du 17 décembre 2008 interdisent qu'un salarié, en congé sabbatique jusqu'en 2010, soit licencié au motif qu'il a atteint en 2009 l'âge de 60 ans et qu'un reclassement au sol n'est pas possible ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ces textes ;
subsidiairement
4°) ALORS QU 'en se fondant sur les circonstances, respectivement inopérante et insuffisante, tirées du caractère approprié, en 1995, de la limite d'âge impérative fixée à 60 ans et de ce que le caractère légitime de l'objectif de politique de l'emploi, du marché du travail, au sens de l'article 6 § 1 de la directive communautaire précitée n'était démenti par aucun élément produit aux débats, sans constater qu'à la date du licenciement, la différence de traitement instituée par la loi du 17 décembre 2008 était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
5°) ALORS QU 'en jugeant que le législateur de 2008 avait pu différer l'application du relèvement de la limite d'âge impérative à soixante-cinq ans, après avoir relevé que cette modification avait été décidée par le gouvernement qui avait constaté une pénurie de pilote, ce dont il résultait que le maintien de la discrimination fondée sur l'âge n'était pas un moyen approprié et nécessaire dans le cadre d'une politique de l'emploi, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
6°) ALORS QU 'en tout état de cause, en se bornant, pour retenir que l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 décembre 2008, était compatible avec les dispositions de l'article 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, à relever que la différence de traitement fondée sur l'âge était une mesure appropriée directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi, du marché du travail, au sens de l'article 6 § 1 de cette directive, sans constater que ces moyens étaient nécessaires pour réaliser cet objectif, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR dit que la rupture de la relation de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Air France à verser au salarié les sommes de 703 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement, 138.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 16.973 au titre du non-respect du droit individuel à la formation et ordonner d'office le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QU'« en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile le contrat de travail du pilote est rompu en cas d'impossibilité de le reclasser au sol. Les recherches de reclassement par l'employeur doivent être sérieuses et loyales. La charge de la preuve en incombe à l'employeur. Le licenciement prononcé en violation des dispositions de l'article précité est dépourvu de caractère réel et sérieux. M. X... estime que cette obligation de reclassement ne se limite pas aux termes du texte précité aux seuls emplois situés au sol mais plus largement, et d'abord sur le fondement de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail incombant à l'employeur, à tout autre emploi, y compris de pilote, et notamment au sein des filiales du groupe Air France situées à l'étranger. Il relève notamment qu'aucune recherche a été entreprise en ce sens auprès de la société Cityjet, filiale irlandaise de Air France qui emploie des pilotes âgés de plus de 60 ans. M. X... ajoute que la société Air France n'a pas davantage mené de recherches de reclassement au sol qui soient sérieuses, concernant au besoin des emplois justifiant la mise en oeuvre d'une formation complémentaire, alors, en outre, qu'il offrait également la qualification d'instructeur au sol. Exposant que l'obligation de reclassement instituée par le texte précité était spécifique et non comparable avec celle imposée à l'employeur dans le cadre d'autres modes de rupture, la Sa Air France se prévaut de ce qu'il s'agit en tout cas d'une obligation de moyen et non de résultat, qui porte sur la catégorie des seuls emplois au sol et qui est préalable à la rupture. Elle précise avoir mené des recherches sérieuses de reclassement au sol au terme desquelles il est apparu qu'aucun emploi correspondant aux compétences de M. X... n'était disponible. En premier lieu, la cour relève que, compte-tenu de ce qui précède, l'article L. 421-9 ne saurait, au risque de caractériser une discrimination illicite, priver, en l'absence de contre-indication médicale, un pilote âgé entre 60 et 65 ans, de la possibilité d'être reclassé comme pilote au sein d'une filiale située à l'étranger où ces vols sont autorisés. Elle en déduit en second lieu que la Sa Air France qui n'a, au vu de ses explications mêmes, pas procédé à une quelconque recherche de reclassement de M. X... comme pilote au sein d'une filiale étrangère dépendant du même groupe que celui auquel elle appartient, a manqué à son obligation de reclassement. Il s'ensuit que la rupture de la relation de travail s'analyse, non en un licenciement nul, mais en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. X... ne peut donc qu'être débouté au titre de ses demandes pour licenciement nul. La rupture du contrat de travail intervenue en application de I'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, en raison de la limite d'âge, et faute de reclassement, donne lieu au profit du salarié dont le contrat prend fin, au versement d'une indemnité de départ calculée conformément aux dispositions de l'article L. 423-1 du même code. L'atteinte de la limite d'âge, non suivie de reclassement, constitue donc une cause spécifique de rupture, donnant lieu au paiement d'une indemnité de départ spécifique, qui la distingue du licenciement intervenant pour une autre cause, au titre duquel l'article 7 du contrat de travail de M. X... prévoit le paiement d'une autre indemnité distincte et exclusive de la précédente. Compte-tenu, au vu de ces éléments, qu'il n'est pas contesté que M. X... a reçu la somme de 179.213 € au titre de l'indemnité spécifique de départ, il convient de déduire cette somme de celle de 179.916 € qu'il réclame sans être contredit au titre de l'indemnité de licenciement. Il reste donc dû à ce titre à M. X..., la somme de 703 €. Cette situation donne, en outre, droit à M. X... à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats, notamment de l'ancienneté de M. X... en sachant qu'il dispose d'ores et déjà d'une pension de retraite pleine, est en mesure de fixer à 138. 000 €. Compte-tenu de ce que la rupture du contrat de travail de M. X... est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et contrairement à ce que soutient Air France, M. X... bénéficie des dispositions relatives au droit individuel à la formation, ce dont il résulte qu'en ne lui notifiant pas ses droits à ce titre, la société Air France a commis un manquement engendrant pour son salarié un préjudice que la cour, compte-tenu du nombre d'heures acquises, est en mesure d'évaluer à la somme de 16.973 ¿. Corrélativement, il convient d'ordonner d'office, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sa Air France de toutes les indemnités de chômage payées à M. X.... Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions ».
ALORS QU'aux termes des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile telles qu'issues des lois du 4 février 1995 et du 28 juillet 2004 exclusivement applicables jusqu'au 1er janvier 2010, l'employeur était seulement tenu d'une obligation de reclasser le pilote ayant atteint l'âge de 60 ans dans un emploi au sol ; que pour dire que la société Air France avait méconnu son obligation de reclassement à l'égard du salarié dont la rupture du contrat de travail est intervenue par lettre recommandée du 9 janvier 2009, la cour d'appel a uniquement reproché à l'employeur de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement du salarié dans un emploi de pilote au sein d'une filiale étrangère qui permettait l'exercice des fonctions de pilote jusqu'à l'âge de 65 ans ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de rechercher si l'employeur avait respecté son obligation de reclassement du salarié dans un emploi au sol, la cour d'appel a violé l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile dans sa rédaction en vigueur ;
ALORS, à titre infiniment subsidiaire, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que l'exigence de motivation requière que le juge analyse même sommairement l'ensemble des éléments de preuve versés aux débats par les parties au soutien de leurs prétentions et s'explique sur les éléments de preuve qui fondent sa décision ; que pour fixer à 138.000 euros le montant de l'indemnité à verser au salarié pour réparer le préjudice résultant de la rupture jugée illicite de son contrat de travail, la cour d'appel s'est bornée à viser « les éléments produits aux débats »; qu'en statuant ainsi sans analyser même sommairement ni s'expliquer sur les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée pour déterminer une telle somme, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-20739
Date de la décision : 25/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 2015, pourvoi n°14-20739


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.20739
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