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18/11/2015 | FRANCE | N°14-23625

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 novembre 2015, 14-23625


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés

entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'AG2R prévoyance...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; que la société Le Quignon rieumois ayant contracté en 2006 auprès d'un autre organisme d'assurance complémentaire a refusé de s'affilier au régime géré par AG2R prévoyance ; que cette dernière, soutenant que l'adhésion était néanmoins obligatoire, a obtenu une ordonnance enjoignant à la société de lui payer un rappel de cotisations ; que celle-ci a formé opposition et a contesté la licéité de la clause de désignation contenue dans l'avenant n° 83 comme contraire aux dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée, sur ce moyen ci-après annexé, qui n'est pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige et l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu que pour débouter AG2R prévoyance de ses prétentions, l'arrêt retient qu'il appartient au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation d'AG2R prévoyance, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite ; en effet, il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE Beaudout du 3 mars 2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique ; qu'en l'espèce, si l'existence d'un fort degré de solidarité ne peut faire débat, force est de constater l'absence de tout contrôle effectif de l'Etat dans la désignation d'AG2R prévoyance et dans les modalités de fonctionnement de ce régime complémentaire ; que la réelle autonomie dont dispose AG2R prévoyance vis-à-vis des autorités étatiques résulte de l'absence de dispositions légales imposant sa désignation en tant que telle ou son acceptation de la mission confiée et ce alors qu'il est constant qu'il existe d'autres institutions de prévoyance et compagnie d'assurances susceptibles de remplir le rôle dévolu à cette dernière ; qu'ainsi, force est de relever qu'une totale opacité demeure sur les modes de désignation d'AG2R prévoyance, sur la marge de négociation dont AG2R a pu disposer quant aux modalités de son engagement et sur la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble, de telle sorte que, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, AG2R prévoyance est une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose ; que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'AG2R est illicite ;
Attendu cependant que la Cour de justice de l'Union européenne a décidé, par un arrêt du 3 mars 2011 (AG2R prévoyance C437/09) que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'elle a jugé, par le même arrêt, pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause devait être qualifiée d'économique, que les articles 102 et 106 du TFUE ne s'opposaient pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; qu'enfin, il résulte des dispositions des articles 102 et 106 du traité qu'elles n'imposent pas aux partenaires sociaux de modalités particulières de désignation du gestionnaire d'un régime de prévoyance obligatoire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, en subordonnant la validité de la clause de désignation à une mise en concurrence préalable par les partenaires sociaux de plusieurs opérateurs économiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 62 de la Constitution, ensemble l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable et l'avenant n° 83 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu que pour rejeter les demandes d'AG2R, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale sur le fondement duquel a été adopté l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie, ont été déclarées, selon décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, inconstitutionnelles ; que si cette décision mentionne que cette déclaration d'inconstitutionnalité n'affecte pas les contrats en cours à la date de publication de cette décision, la notion de contrat en cours ainsi énoncée s'applique exclusivement aux adhésions effectives des entreprises au régime mis en place par AG2R prévoyance ;
Attendu, cependant, que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 juin 2013 a énoncé que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de la publication de la décision et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité ; qu'il en résulte que les contrats en cours sont les actes ayant le caractère de conventions ou d'accords collectifs ayant procédé à la désignation d'organismes assureurs pour les besoins du fonctionnement des dispositifs de mutualisation que les partenaires sociaux ont entendu mettre en place, voire les actes contractuels signés par eux avec les organismes assureurs en vue de lier ces derniers et de préciser les stipulations du texte conventionnel de branche et ses modalités de mise en oeuvre effective ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions d'AG2R prévoyance, l'arrêt rendu le 24 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Le Quignon rieumois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société G2R prévoyance institution de prévoyance
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à la cour d'appel d'Avoir déclaré les conclusions déposées par AG2R Prévoyance le 25 avril 2014 irrecevables et de l'avoir déboutée de l'intégralité de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE «il convient de déclarer les conclusions déposées par l'intimée le 25/04/2014 irrecevables dès lors qu'elles l'ont été postérieurement à l'ordonnance de clôture en date du 20 mars 2014 ; il est constant que l'avenant n° 83 à la Convention Collective Nationale des Entreprises Artisanales de la Boulangerie et de Boulangerie-Pâtisserie, en date du 24/4/2006 et étendu par arrêté ministériel du 16/10/2006, a pour objet de mettre en place un régime conventionnel relatif à des prestations complémentaires au régime obligatoire de sécurité sociale en cas de frais médicaux, chirurgicaux et d'hospitalisation, et ce afin de répondre d'une part à la mutualisation des risques au niveau professionnel, laquelle permet de pallier les difficultés rencontrées par les entreprises, notamment les plus petites, lors de la mise en place d'une protection sociale complémentaire et de garantir l'accès aux garanties collectives, sans considération notamment d'âge ou d'état de santé, et d'autre part aux impératifs de gestion des prestations par les centres de gestion régionaux de l'organisme assureur dont les entreprises dépendent géographiquement. Cet avenant, applicable à compter du 1/1/2007, a, en son article 13, désigné AG2R PREVOYANCE en application des dispositions de l'article L 912-1 du code de la sécurité sociale comme organisme assureur exclusif, et a prévu, en son article 14, une clause de migration, qui reprenant les termes de l'article 2, aux termes de laquelle l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective citée supra au régime "remboursement complémentaire des frais de soins et de santé" et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné, soit en l'espèce AG2R PREVOYANCE, ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet de cet avenant, soit à compter du 1/1/2007, ces dispositions ayant vocation à recevoir exécution obligatoire même à l'égard des entreprises qui auraient un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par cet avenant ; de même, il appartient au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation D'AG2R PREVOYANCE, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite ; en effet , il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE BEAUDOUT du 3/3/2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique ; or, en l'espèce, si l'existence d'un fort degré de solidarité ne peut faire débat dans la mesure où la nature des prestations servies et l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations versées, où les prestations fournies sont dans certains cas indépendantes du paiement des cotisations dues, où il est prévu le maintien de la couverture sociale pendant une certaine période après la rupture, des relations contractuelles liant l'employeur et le salarié et où il est prévu une couverture sociale en faveur des ayants droit en cas de décès du salarié, force est de constater en l'espèce l'absence de tout contrôle effectif de l'Etat dans la désignation D'AG2R PREVOYANCE et dans les modalités de fonctionnement de ce régime complémentaire. Or, seuls les partenaires sociaux ont la faculté de désigner, notamment par le biais de conventions ou d'accords collectifs, l'organisme chargé de la gestion de ce régime complémentaire et les termes de l'avenant en cause confient également aux seuls représentants des employeurs et salariés le soin de réexaminer, dans un délai de 5 ans à compter de la date de prise d'effet de cet avenant, soit du 1/1/2007, les modalités d'organisation de la mutualisation du régime concerné, comme celui de réexaminer le montant des cotisations, et ce sans aucune intervention ou contrôle de l'Etat. De même, la réelle autonomie dont dispose AG2R PREVOYANCE vis à vis des autorités étatiques résultent de l'absence de dispositions légales imposant sa désignation en tant que telle ou son acceptation de la mission confiée et ce alors qu'il est constant et non contesté qu'il existe d'autres institutions de prévoyance et compagnie d'assurances susceptibles de remplir le rôle dévolu à cette dernière ; ainsi, force est de relever qu'une totale opacité demeure sur les modes de désignation D'AG2R PREVOYANCE, sur la marge de négociation dont AG2R PREVOYANCE a pu disposer quant aux modalités de son engagement et sur la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble, de telle sorte que, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, AG2R PREVOYANCE est une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose ; or, faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'AG2R PREVOYANCE est à l'évidence illicite et le jugement entrepris ne pourra qu'être infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de ses dernières en paiement de cotisations ; en outre, et à titre superfétatoire, il sera relevé que les dispositions de l'article L 911-2 du code de la sécurité sociale sur le fondement duquel a adopté l'avenant nº83 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie, et notamment son article 13 désignant l'intimée en qualité d'organisme assureur, ont été déclarée, selon décision du Conseil Constitutionnel en date du 13/6/2013, inconstitutionnelles. Or, si cette décision mentionne que cette déclaration d'inconstitutionnalité n'affecte pas les contrats en cours à la date de publication de cette décision, la notion de contrat en cours ainsi énoncée s'applique à l'évidence et exclusivement aux adhésions effectives des entreprises au régime mis en place par AG2R PREVOYANCE et non aux entreprises qui ont entendu contester le principe de cette adhésion obligatoire, ces dernières étant ainsi placées dans la même situation que les entreprises relevant de cette convention collective et crées postérieurement à la date de publication de la décision du Conseil Constitutionnel ; dès lors, il résulte de ce qui précède que la désignation D'AG2R PREVOYANCE n'est conforme ni au droit européen ni au droit interne de sorte que e jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et que ses demandes ne pourront qu'être rejetées» ;
ALORS QUE les juges ne peuvent déclarer irrecevables comme tardives des conclusions déposées après l'ordonnance de clôture, et ainsi rejeter implicitement une demande de révocation de cette ordonnance, sans s'expliquer sur les causes fondant une telle demande ; qu'AG2R Prévoyance a formé une demande en révocation de l'ordonnance de clôture dans des «conclusions aux fin de révocation de l'ordonnance de clôture »; qu'en se bornant à déclarer irrecevables ses conclusions en ce qu'elles ont été déposées après l'ordonnance de clôture sans examiner les causes invoquées par AG2R Prévoyance à l'appui de sa demande de révocation de clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté AG2R Prévoyance de ses demandes tendant à ce qu'il soit ordonné que la société Le Quignon Rieumois régularise son adhésion et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant numéro 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007,
AUX MOTIFS QUE «il est constant que l'avenant nº83 à la Convention Collective Nationale des Entreprises Artisanales de la Boulangerie et de Boulangerie-Pâtisserie, en date du 24/4/2006 et étendu par arrêté ministériel du 16/10/2006, a pour objet de mettre en place un régime conventionnel relatif à des prestations complémentaires au régime obligatoire de sécurité sociale en cas de frais médicaux, chirurgicaux et d'hospitalisation, et ce afin de répondre d'une part à la mutualisation des risques au niveau professionnel, laquelle permet de pallier les difficultés rencontrées par les entreprises, notamment les plus petites, lors de la mise en place d'une protection sociale complémentaire et de garantir l'accès aux garanties collectives, sans considération notamment d'âge ou d'état de santé, et d'autre part aux impératifs de gestion des prestations par les centres de gestion régionaux de l'organisme assureur dont les entreprises dépendent géographiquement. Cet avenant, applicable à compter du 1/1/2007, a, en son article 13, désigné AG2R PREVOYANCE en application des dispositions de l'article L 912-1 du code de la sécurité sociale comme organisme assureur exclusif, et a prévu, en son article 14, une clause de migration, qui reprenant les termes de l'article 2, aux termes de laquelle l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective citée supra au régime "remboursement complémentaire des frais de soins et de santé" et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné, soit en l'espèce AG2R PREVOYANCE, ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet de cet avenant, soit à compter du 1/1/2007, ces dispositions ayant vocation à recevoir exécution obligatoire même à l'égard des entreprises qui auraient un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par cet avenant ; de même, il appartient au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation D'AG2R PREVOYANCE, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite ; en effet , il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE BEAUDOUT du 3/3/2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique ; or, en l'espèce, si l'existence d'un fort degré de solidarité ne peut faire débat dans la mesure où la nature des prestations servies et l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations versées, où les prestations fournies sont dans certains cas indépendantes du paiement des cotisations dues, où il est prévu le maintien de la couverture sociale pendant une certaine période après la rupture, des relations contractuelles liant l'employeur et le salarié et où il est prévu une couverture sociale en faveur des ayants droit en cas de décès du salarié, force est de constater en l'espèce l'absence de tout contrôle effectif de l'Etat dans la désignation D'AG2R PREVOYANCE et dano les modalités de fonctionnement de ce régime complémentaire. Or, seuls les partenaires sociaux ont la faculté de désigner, notamment par le biais de conventions ou d'accords collectifs, l'organisme chargé de la gestion de ce régime complémentaire et les termes de l'avenant en cause confient également aux seuls représentants des employeurs et salariés le soin de réexaminer, dans un délai de 5 ans à compter de la date de prise d'effet de cet avenant, soit du 1/1/2007, les modalités d'organisation de la mutualisation du régime concerné, comme celui de réexaminer le montant des cotisations, et ce sans aucune intervention ou contrôle de l'Etat. De même, la réelle autonomie dont dispose AG2R PREVOYANCE vis à vis des autorités étatiques résultent de l'absence de dispositions légales imposant sa désignation en tant que telle ou son acceptation de la mission confiée et ce alors qu'il est constant et non contesté qu'il existe d'autres institutions de prévoyance et compagnie d'assurances susceptibles de remplir le rôle dévolu à cette dernière ; ainsi, force est de relever qu'une totale opacité demeure sur les modes de désignation D'AG2R PREVOYANCE, sur ia marge de négociation dont AG2R PREVOYANCE a pu disposer quant aux modalités de son engagement et sur la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble, de telle sorte que, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, AG2R PREVOYANCE est une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose ; or, faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'AG2R PREVOYANCE est à l'évidence illicite et le jugement entrepris ne pourra qu'être infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de ses dernières en paiement de cotisations ; en outre, et à titre superfétatoire, il sera relevé que les dispositions de l'article L 911-2 du code de la sécurité sociale sur le fondement duquel a adopté l'avenant nº83 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie, et notamment son article désignant l'intimée en qualité d'organisme assureur, ont été déclarée, selon décision du Conseil Constitutionnel en date du 13/6/2013, inconstitutionnelles. Or, si cette décision mentionne que cette déclaration d'inconstitutionnalité n'affecte pas les contrats en cours à la date de publication de cette décision, la notion de contrat en cours ainsi énoncée s'applique à l'évidence et exclusivement aux adhésions effectives des entreprises au régime mis en place par AG2R PREVOYANCE et non aux entreprises qui ont entendu contester le principe de cette adhésion obligatoire, ces dernières étant ainsi placées dans la même situation que les entreprises relevant de cette convention collective et crées postérieurement à la date de publication de la décision du Conseil Constitutionnel ; dès lors, il résulte de ce qui précède que la désignation D'AG2R PREVOYANCE n'est conforme ni au droit européen ni au droit interne de sorte que e jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et que ses demandes ne pourront qu'être rejetées» ;
1°) ALORS QUE dans un arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice a ainsi considéré que les clauses de désignation et de migration prévues par l'avenant numéro 83 litigieux ne méconnaissaient pas les articles 102 et 106 du TFUE ; qu'en jugeant néanmoins que la validité de ces clauses n'était pas acquise et dépendait du fait qu'AG2R Prévoyance ne soit pas une entreprise et partant qu'elle soit soumise à un contrôle de l'Etat, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE ;
2°) ET ALORS QUE, subsidiairement, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose avec d'autres entreprises, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté AG2R Prévoyance de ses demandes tendant à ce qu'il soit ordonné que la société Le Quignon Rieumois régularise son adhésion et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant numéro 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007,
AUX MOTIFS QUE « il sera relevé que les dispositions de l'article L.911-2 du code de la sécurité sociale sur le fondement duquel a été adopté l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie, et notamment son article 13 désignant l'intimée en qualité d'organisme assureur ont été déclarées selon décision du Conseil constitutionnel en date du 13 juin 2013 inconstitutionnelles ; or si cette décision mentionne que cette déclaration d'inconstitutionnalité n'affecte pas les contrats en cours à la date de publication de cette décision, la notion de contrat en cours ainsi énoncée s'applique à l'évidence et exclusivement aux adhésions effectives des entreprises au régime mis en place par AG2R Prévoyance et non aux entreprises qui ont entendu contester le principe de cette adhésion obligatoire, ces dernières étant ainsi placées dans la même situation que les entreprises relevant de cette convention collective et crées postérieurement à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel » ;
ALORS QUE la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 n'a prononcé l'abrogation de l'article L.912-1 du code de la sécurité sociale que pour l'avenir, énonçant que « la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité » ; que doivent être considérées comme des « contrats en cours » les conventions collectives imposant l'adhésion par des professionnels d'une branche à un organisme de gestion de prévoyance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 24 avril 2006 étendu par arrêté du 16 octobre 2006, applicable à compter du 1er janvier 2007, avait mis en place un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé et désigné la société AG2R Prévoyance comme assureur ; qu'en énonçant toutefois, pour débouter AG2R Prévoyance de ses demandes de régularisation d'adhésion de la société Le Quignon Rieumois, que la notion de contrat en cours retenue par le Conseil constitutionnel s'appliquait exclusivement aux adhésions effectives des entreprises et non pas aux entreprises qui ont entendu contester le principe de cette adhésion obligatoire, ces dernières étant placées dans la même situation que les entreprises relevant de cette convention collective et crées postérieurement à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-23625
Date de la décision : 18/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 24 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 nov. 2015, pourvoi n°14-23625


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.23625
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