LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., associé et gérant de la société Jemi France concept créée le 24 juin 1994, devenue GPH industrie (la société) le 25 novembre 1995, date à laquelle M. X... a été remplacé par Mme Y..., sa compagne devenue son épouse le 3 mars 2001, a bénéficié à partir du 1er avril 1998 d'un contrat de travail en qualité de technico-commercial ; que par jugement du 26 septembre 2001, la société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur, M. Z..., procédant au licenciement économique de M. X... le 14 octobre 2011 ; qu'à la suite de la contestation par le CGEA Ile-de-France Est du statut de salarié de M. X..., celui-ci a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que pour retenir que M. X... était gérant de fait de la société et le débouter de ses demandes au titre d'un contrat de travail et d'un licenciement, l'arrêt retient que si l'adresse de M. X... et de sa compagne Mme Y... à Andrésy figure bien dans les statuts de 1995, M. X... a été par la suite domicilié chez sa mère à Carrières-sous-Poissy suivant les mentions figurant sur les bulletins de paie établis par la société et ce jusqu'à la liquidation judiciaire, que cette domiciliation ne peut servir qu'à dissimuler la relation avec Mme Y... à l'égard des organismes sociaux, que par ailleurs, M. X... est gérant de la société France concept créée le 3 janvier 2000, placée en redressement judiciaire le 19 janvier 2007, radiée le 11 décembre 2009, exerçant une activité de conception, maîtrise d'oeuvre et bureau d'études, et également gérant de la société Sogefibem créée le 1er février 2004, exerçant une activité d'achat, vente, location de tous biens mobiliers et de prestation technique, société dont il est seul associé avec Mme Y... devenue son épouse le 3 mars 2001, que ces sociétés exercent des activités proches de la société GHP industrie qui a pour objet la fabrication, la distribution et l'installation de tous équipements de cuisines professionnelles, ce qui permet de suspecter un cumul d'activité de la part de M. X... qui pouvait développer sa clientèle pour le compte de ses diverses sociétés, rôle qui signifie qu'il exerce également la gestion de fait de la société GHP industrie, que parallèlement, M. X... ne produit aucun élément ayant pour objet de démontrer qu'il était soumis au contrôle et aux instructions de Mme Y... ou de M. A..., directeur commercial, aucune pièce n'étant communiquée à l'égard de celui-ci, dont le nom figure seulement sur les statuts de la société et le contrat de travail de M. X..., et alors qu'il apparaît comme gérant d'une société 2L dont l'activité a commencé le 2 mars 2011, avant la liquidation judiciaire de GHP industrie, que M. X... produit des attestations de deux salariés de la société qui ne font aucune mention de M. A..., qu'il ressort de ces attestations que M. X..., visé comme directeur général, occupait en réalité des fonctions de direction technique, son épouse étant chargée de la gestion des salaires et de la comptabilité, ce qui ne peut pas suffire à constituer le pouvoir de donner des instructions et des directives, M. X... exerçant au contraire au vu des termes de ces attestations, le rôle central dans l'organisation du travail de la société, qu'en définitive, il ressort de ces éléments que M. X... a bien exercé la gestion de fait de la société GHP industrie et qu'il ne peut donc pas bénéficier des dispositions applicables au statut du conjoint salarié de l'article L. 121-4 du code de commerce ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si M. X... accomplissait des actes positifs de gestion et de direction engageant la société et si l'exercice de ces actes se faisait en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa septième branche :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ensemble l'article L. 121-4 du code de commerce ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes au titre d'un contrat de travail et d'un licenciement, l'arrêt retient que faute de lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail, il ne peut pas se voir reconnaître la qualité de salarié de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition d'application des dispositions de l'article L. 121-4 du code de commerce prévoyant le statut de conjoint salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z..., ès qualités, à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, d'AVOIR conclu à l'absence de lien de subordination entre M. X... et la Société GHP Industries, dit que M. X... ne bénéficiait pas du statut de conjoint salarié et en conséquence, de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE : « En droit, la relation de travail suppose l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; la charge de la preuve du contrat de travail incombe à celui qui s'en prévaut. En l'espèce, le CGEA IDF EST et Maître HART DE KEATING soutiennent que Monsieur X... qui tente d'obtenir de manière frauduleuse une indemnisation indue de l'AGS-CGEA, ne justifie pas de l'existence d'un lien de subordination ; qu'il a essayé de dissimuler que Madame Y... est sa compagne, et qu'à partir de la signature du prétendu contrat de travail, il va se domicilier chez sa mère pour éviter d'avoir la même adresse que la gérante ; qu'entre 2000 et 2004, il sera gérant et salarié de 3 sociétés distinctes, GHP INDUSTRIE, FRANCE CONCEPT et SOGEFIBEM. En réplique, Monsieur X... soutient qu'il ne détient plus aucune part sociale depuis 1995, ayant cédé ses parts à Madame Y... qui est devenue gérante de la société GHP INDUSTRIE, l'ayant épousée en 2000 sous le régime de la séparation de biens ; qu'il se trouve donc sous la subordination juridique et sous la dépendance économique de son épouse qui peut le licencier quand elle l'entend ; que ses fonctions de gérant d'autres sociétés ne remettent pas en cause sa qualité de salarié de GHP INDUSTRIE et qu'en tous cas, il bénéficie du statut de conjoint de salarié prévu par l'article L. 121-4 du code de commerce. Il convient en premier lieu de rappeler que la présomption de salariat attachée au statut du conjoint salarié du chef d'entreprise organisé par l'article L. 121-4 du code de commerce, doit être écartée en cas de fraude, s'il apparaît notamment que l'époux chef d'entreprise n'est en réalité qu'un prête-nom faisant écran à la gestion de fait de l'autre époux. Tel est le moyen soulevé par le CGEA IDF EST qui invoque divers éléments pour caractériser la fraude organisée par Monsieur X..., ces éléments devant être examinés au vu des pièces produites. Il apparaît ainsi que Monsieur X... a participé à la création de la société JEMI FRANCE CONCEPT le 24 juin 1994, dont il a été nommé gérant, société qui est devenue GHP INDUSTRIE le 25 novembre 1995, sa compagne Madame Y... en devenant à cette date la gérante, avec acquisition des 30 parts sociales initialement détenues par Monsieur X... associé sortant, qui bénéficiera le 1er avril 1998 d'un contrat de travail en qualité de technico-commercial, consenti par la société, représentée par Monsieur A... directeur commercial. Si l'adresse de Monsieur X... et de sa compagne Madame Y... à ANDRESY figure bien dans les statuts de 1995, Monsieur X... a été par la suite domicilié chez sa mère à CARRIERES SOUS POISSY suivant les mentions figurant sur les bulletins de paie établis par la société et ce, jusqu'à la liquidation judiciaire. Cette domiciliation ne peut servir qu'à dissimuler la relation avec Madame Y... à l'égard des organismes sociaux. Par ailleurs, Monsieur X... est gérant de la société FRANCE CONCEPT créée le 3 janvier 2000, placée en redressement judiciaire le 19 janvier 2007, radiée le 11 décembre 2009, exerçant une activité de conception, maîtrise d'oeuvre et bureau d'études, et également gérant de la société SOGEFIBEM créée le 1er février 2004, exerçant une activité d'achat, vente, location de tous biens mobiliers et de prestation technique, société dont il est seul associé avec Madame Y... devenue son épouse le 3 mars 2001. Ces sociétés exercent des activités proches de la société GHP INDUSTRIE qui a pour objet la fabrication, la distribution et l'installation de tous équipements de cuisines professionnelles, ce qui permet de suspecter un cumul d'activité de la part de Monsieur X... qui pouvait développer sa clientèle pour le compte de ses diverses sociétés, rôle qui signifie qu'il exerce également la gestion de fait de la société GHP INDUSTRIE. Parallèlement, Monsieur X... ne produit aucun élément ayant pour objet de démontrer qu'il était soumis au contrôle et aux instructions de Madame Y... ou de Monsieur A... directeur commercial, aucune pièce n'étant communiquée à l'égard de celui-ci, dont le nom figure seulement sur les statuts de la société et le contrat de travail de Monsieur X..., et alors qu'il apparaît comme gérant d'une SARL 2L dont l'activité a commencé le 2 mars 2011, avant la liquidation judiciaire de GHP INDUSTRIE. Monsieur X... produit des attestations de 2 salariés de la société qui ne font aucune mention de Monsieur A.... Il ressort de ces attestations que Monsieur X..., visé comme directeur général, occupait en réalité des fonctions de direction technique, son épouse étant chargée de la gestion des salaires et de la comptabilité, ce qui ne peut pas suffire à constituer le pouvoir de donner des instructions et des directives, Monsieur X... exerçant au contraire au vu des termes de ces attestations, le rôle central dans l'organisation du travail de la société. En définitive, il ressort de ces éléments que Monsieur X... a bien exercé la gestion de fait de la société GHP INDUSTRIE et qu'il ne peut donc pas bénéficier des dispositions applicables au statut du conjoint salarié de l'article L. 121-4 du code de commerce. Faute de lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail, il ne peut donc pas se voir reconnaître la qualité de salarié de la société GHP INDUSTRIE. Le jugement du 11 juillet 2013 du conseil de prud'hommes de CERGY-PONTOISE qui lui a reconnu cette qualité, doit donc être infirmé. Compte tenu des éléments de la cause, les demandes reconventionnelles présentées au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, seront rejetées ».
1) ALORS QU'en affirmant, pour considérer que M. X... avait tenté de dissimuler sa relation avec Mme Y... que celui-ci avait été à domicilié chez sa mère à Carrières sous Poissy sans préciser sur quels éléments elle s'était fondée pour se déterminer ainsi et alors qu'une telle allégation de l'AGS CGEA Ile de France n'était assortie d'aucun élément matériellement vérifiable, la cour d'appel qui a statué par des motifs purement affirmatifs et péremptoires, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2) ALORS ENCORE ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE les motifs hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu'en retenant, pour déduire la qualité de gérant de fait de M. X..., que l'existence des Sociétés France CONCEPT et SOGEFIBEM permettait de « suspecter un cumul d'activités » de la part de M. X..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3) ALORS EN OUTRE QUE dans ses écritures, M. X... avait précisément expliqué et sans jamais être contesté sur ces points, d'une part, que la Société France CONCEPT ne constituait qu'un bureau d'études ayant son siège à la même adresse que la Société GHP et exerçant une activité complémentaire, d'autre part, que la Société SOGEFIBEM avait été créé en 2004 en vue d'un investissement immobilier dont l'échec avait entraîné sa dissolution la même année, et enfin, qu'il n'avait jamais été contesté qu'il avait effectivement exercé son activité à temps plein pour le compte de la Société GHP ce que la gestion de la Société France Concept ne l'avait aucunement empêché de réaliser ; qu'en se bornant à affirmer que l'existence de ces deux sociétés permettait de suspecter un cumul d'activités sans répondre à ces moyens déterminants dont il résultait que M. X... avait conformément aux dispositions de son contrat de travail, participé effectivement à titre habituel et professionnel à l'activité de la Société GHP en qualité de conjoint salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue un gérant de fait, toute personne physique ou morale qui, sans avoir été régulièrement désignée en qualité de gérant de droit, se sera distinguée par une activité positive dans la direction et la gestion de la personne morale, en toute indépendance, pour influer sur celles-ci de manière déterminante ; d'où il suit qu'en se bornant, pour dire que M. X... exerçait la gestion de fait de la Société GHP, qu'il pouvait développer auprès de la Société GHP sa clientèle pour le compte des Sociétés France Concept et SOGEFIBEM, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres a caractérisé une activité positive, déterminante et exercée en toute indépendance de M. X... dans la direction et la gestion de la Société GHP, a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail, ensemble l'article L. 121-4 du Code de commerce ;
5) ALORS AU SURPLUS QUE M. X... avait pris soin de produire, à l'appui de ses écritures, diverses attestations d'anciens salariés de la Société GHP, de clients ou encore des diverses banques de la Société GHP démontrant que Mme Y... exerçait seule et sans aucune immixtion tierce, la direction et la gestion de la Société GHP, qu'elle était également seule à représenter la Société à l'égard de ses interlocuteurs et disposait seul du pouvoir de l'engager financièrement ; qu'en s'abstenant de procéder à l'analyse même sommaire de ces éléments matériellement vérifiables et non contestés dont il s'évinçait que M. X... n'avait exercé aucune activité positive de direction ou de gestion de la Société GHP, la cour d'appel a derechef violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
6) ALORS ENCORE QU'en affirmant qu'il résultait de deux attestations produites par M. X... que Mme Y... apparaissait comme chargée de la seule comptabilité et de la gestion des salaires quand les dites attestations précisaient expressément à plusieurs reprises que Mme Y... était la seule patronne de la Société GHP, la cour d'appel qui a dénaturé ces documents, a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
7) ALORS ENFIN QU'en application de l'article L. 121-4 du Code de commerce, l'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition nécessaire à l'application du statut de conjoint salarié ; d'où il suit qu'en retenant néanmoins, pour se déterminer comme elle l'a fait, que M. X... ne démontrait pas qu'il était soumis au contrôle et à la direction de Mme Y... ou de M. A..., la cour d'appel a violé le texte susvisé.