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30/06/2015 | FRANCE | N°13-28437

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2015, 13-28437


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 25 octobre 2013), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 15 mars 2012, n° 10-27.065), qu'engagé le 5 janvier 1981 par la Société européenne de propulsion en qualité d'agent de service paye, M. X..., qui exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur d'établissement pour le compte de la société Aircelle, a été licencié le 30 décembre 2005 ; que M. X... et son employeur ont le 15 février 2006 conclu une transaction ; qu'invoquant la viola

tion de son statut protecteur résultant de son mandat de conseiller prud'ho...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 25 octobre 2013), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 15 mars 2012, n° 10-27.065), qu'engagé le 5 janvier 1981 par la Société européenne de propulsion en qualité d'agent de service paye, M. X..., qui exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur d'établissement pour le compte de la société Aircelle, a été licencié le 30 décembre 2005 ; que M. X... et son employeur ont le 15 février 2006 conclu une transaction ; qu'invoquant la violation de son statut protecteur résultant de son mandat de conseiller prud'homme, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires pour licenciement illicite et violation du statut protecteur ; que, par arrêt du 28 septembre 2010, la cour d'appel de Rouen a dit le licenciement nul et la transaction valide ; que cette décision a été cassée partiellement en ce que qu'elle a jugé la transaction du 15 février 2006 valablement conclue entre les parties et déclaré irrecevables les demandes indemnitaires formées par le salarié ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire la transaction nulle et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la violation du statut protecteur et de l'illicéité du licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est valable la transaction conclue pour régler les conséquences du licenciement d'un salarié qui, titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise, ne peut se prévaloir de la protection attachée à ce mandat faute d'avoir informé son employeur de l'existence de celui-ci et de rapporter la preuve qu'il en avait connaissance ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise, a énoncé, pour dire la transaction nulle, que peu importait la réalité de la connaissance par l'employeur de la protection dont bénéficiait son salarié au jour du licenciement dès lors que la nullité du licenciement prononcé sans autorisation administrative induisait celle de la transaction, de sorte que les parties ne pouvaient valablement transiger sur les conséquences d'un licenciement dont la nullité avait autorité de chose jugée, a violé l'article L. 1442-19 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
2°/ qu'en application du principe « fraus omnia corrumpit », la fraude du salarié le prive de la protection attachée à son mandat ; qu'en se bornant, pour dire la transaction nulle, à énoncer qu'était atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne pouvait avoir lieu qu'après obtention de l'autorisation administrative et que les parties ne pouvaient valablement transiger sur les conséquences d'un licenciement dont la nullité était acquise aux débats et avait autorité de la chose jugée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le comportement frauduleux du salarié, qui avait délibérément caché son mandat à son employeur afin de pouvoir solliciter la nullité de la transaction conclue pour régler les conséquences de son licenciement prononcé sans autorisation administrative, et, en conséquence, la réparation de ce licenciement, ne l'empêchait pas de se prévaloir de la protection attachée à son mandat et partant de la nullité de cette transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1442-19 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
3°/ que la cassation à intervenir sur le fondement des deux premières branches du moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société Aircelle à payer à M. X... la somme de 170 784 euros à titre de réparation de la violation de son statut protecteur et celle de 42 696 euros au titre de l'illicéité du licenciement dont il avait fait l'objet le 30 décembre 2005 et l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
4°/ qu'en principe, les réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel en matière de question prioritaire de constitutionnalité sont immédiatement applicables dans les instances en cours ; que la cour d'appel en énonçant, pour rejeter la demande de l'employeur fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, que la demande du salarié était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à la décision du Conseil constitutionnel et que peu importait son éventuelle déloyauté à ne pas avoir informé son employeur de la protection dont il bénéficiait, a violé l'article 32-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Mais attendu d'abord que le moyen, dans ses deux premières branches, ne tend qu'à remettre en cause la doctrine de la Cour de cassation, qui a énoncé qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut avoir lieu qu'après obtention de l'autorisation administrative, doctrine à laquelle la cour de renvoi s'est conformée ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a pu retenir que le salarié n'avait pas abusé de son droit d'ester en justice dès lors que sa demande était conforme à l'état du droit lors de la saisine de la juridiction prud'homale et a été accueillie ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses deux premières branches et inopérant par voie de conséquence en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aircelle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Aircelle.
La société Aircelle fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la transaction conclue par les parties le 15 février 2006 était nulle et, en conséquence, de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 170.784 euros à titre de réparation de la violation de son statut protecteur et celle de 42.696 euros au titre de l'illicéité du licenciement dont il avait fait l'objet le 30 décembre 2005 et déboutée de sa demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur la validité de la transaction, pour la reconnaître, la société Aircelle invoque la décision du 14 mai 2012 rendue par le conseil constitutionnel qui a « considéré que la protection assurée au salarié par les dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail (dont celle n°17 de conseiller prud'homme) découle de l'exercice d'un mandat extérieur à l'entreprise ; par suite, ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d'une telle protection dès lors qu'il est établi qu'il n'en a pas informé son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement » ; que cette société soutient ainsi que n'ayant pas été informée par M. X... de l'existence de sa qualité de conseiller prud'homme avant la date de l'entretien préalable à la procédure de licenciement, la protection qu'il revendique ne peut lui être opposée et que la transaction conclue avec un salarié qui ne peut revendiquer la protection qu'il invoque est valable ; qu'en l'état de la procédure, la nullité du licenciement de M. X... pour non respect de la protection s'attachant à la qualité de salarié spécialement protégé a été définitivement jugée, peu important la réalité de la connaissance qu'avait la société Aircelle quant à la protection dont bénéficiait son salarié au jour du licenciement ; que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée non dans leur seul intérêt, mais dans celui de l'ensemble des salariés, en sorte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut avoir lieu qu'après obtention de l'autorisation administrative ; que la société Aircelle et M. X... ne pouvaient valablement transiger sur les conséquences d'un licenciement dont la nullité est maintenant acquise aux débats et a autorité de la chose jugée ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Havre qui a prononcé la nullité de la transaction ; que sur l'indemnisation, M. X... avait interjeté appel du montant des indemnités octroyées par le conseil de prud'hommes du Havre à la suite de la reconnaissance de la nullité de son licenciement ; que la cour d'appel avait infirmé le jugement en « ses autres dispositions » et ainsi, celles concernant l'indemnisation du préjudice de M. X... en faisaient partie ; qu'il convient de statuer sur les réclamations de l'appelant ; qu'en l'absence de demande de réintégration de la part du salarié, celui-ci a droit à une indemnisation pour violation de son statut protecteur ; que celle-ci est égale à la rémunération qu'aurait perçue le salarié depuis sa date d'éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours ; qu'élu en décembre 2002 pour 5 ans, et licencié en décembre 2005, cette protection devait courir jusqu'en décembre 2007 ; que M. X... bénéficiant d'un salaire mensuel de 7.116 euros, il lui sera ainsi accordé la somme de 170.784 euros ; que M. X... réclame en sus l'indemnisation du licenciement illicite dont il a fait l'objet ; que cette indemnité étant au moins égale à celle prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour la fixe à la somme de 42.696 euros ; que la demande de M. X... était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation d'avant la décision du Conseil constitutionnel du 14 mai 2012 et que la cour fait droit à ses demandes ; que peu importe son éventuelle déloyauté à ne pas avoir informé son employeur de la protection extérieure dont il bénéficiait et ainsi, il y a lieu de débouter la SA Aircelle de sa réclamation fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile ;
1°) ALORS QU'est valable la transaction conclue pour régler les conséquences du licenciement d'un salarié qui, titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise, ne peut se prévaloir de la protection attachée à ce mandat faute d'avoir informé son employeur de l'existence de celui-ci et de rapporter la preuve qu'il en avait connaissance ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise, a énoncé, pour dire la transaction nulle, que peu importait la réalité de la connaissance par l'employeur de la protection dont bénéficiait son salarié au jour du licenciement dès lors que la nullité du licenciement prononcé sans autorisation administrative induisait celle de la transaction, de sorte que les parties ne pouvaient valablement transiger sur les conséquences d'un licenciement dont la nullité avait autorité de chose jugée, a violé l'article L. 1442-19 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
2°) ALORS QU'en application du principe « fraus omnia corrumpit », la fraude du salarié le prive de la protection attachée à son mandat ; qu'en se bornant, pour dire la transaction nulle, à énoncer qu'était atteinte d'une nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne pouvait avoir lieu qu'après obtention de l'autorisation administrative et que les parties ne pouvaient valablement transiger sur les conséquences d'un licenciement dont la nullité était acquise aux débats et avait autorité de la chose jugée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le comportement frauduleux du salarié, qui avait délibérément caché son mandat à son employeur afin de pouvoir solliciter la nullité de la transaction conclue pour régler les conséquences de son licenciement prononcé sans autorisation administrative, et, en conséquence, la réparation de ce licenciement, ne l'empêchait pas de se prévaloir de la protection attachée à son mandat et partant de la nullité de cette transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1442-19 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
3°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement des deux premières branches du moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société Aircelle à payer à M. X... la somme de 170.784 euros à titre de réparation de la violation de son statut protecteur et celle de 42.696 euros au titre de l'illicéité du licenciement dont il avait fait l'objet le 30 décembre 2005 et l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en principe, les réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel en matière de QPC sont immédiatement applicables dans les instances en cours ; que la cour d'appel en énonçant, pour rejeter la demande de l'employeur fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, que la demande du salarié était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à la décision du Conseil constitutionnel et que peu importait son éventuelle déloyauté à ne pas avoir informé son employeur de la protection dont il bénéficiait, a violé l'article 32-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-28437
Date de la décision : 30/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 25 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2015, pourvoi n°13-28437


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.28437
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