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18/06/2015 | FRANCE | N°13-27288

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 juin 2015, 13-27288


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 février 2013), que Mme X... a été engagée, en qualité de vendeur polyvalent par M. Y... selon contrat de travail à durée indéterminée ; que par lettre du 21 décembre 2009, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur lui reprochant notamment le défaut de paiement de ses heures supplémentaires et de ses frais professionnels ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à di

re que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 février 2013), que Mme X... a été engagée, en qualité de vendeur polyvalent par M. Y... selon contrat de travail à durée indéterminée ; que par lettre du 21 décembre 2009, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur lui reprochant notamment le défaut de paiement de ses heures supplémentaires et de ses frais professionnels ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et d'une somme au titre des frais de déplacement ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'il ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, que les tableaux établis par l'exposante et les attestations qu'elle produisait ne permettaient pas d'étayer sa demande et qu'il n'était « pas démontré que les prétendues heures supplémentaires ont été imposées par la nature ou la quantité du travail demandé, ni qu'elles ont été effectuées à la demande ou au moins avec l'accord implicite de l'employeur », cependant qu'il résultait de ses propres constatations que les prétentions de Mme X... se trouvaient étayées par les pièces qu'elle produisait, de sorte qu'il revenait à l'employeur de fournir des éléments de nature à justifier les horaires réellement effectués, ainsi que les circonstances de leur réalisation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que le juge ne peut rejeter une attestation comme non conforme aux exigences de cet article sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ; qu'en se bornant à énoncer que les attestations produites par Mme X... seraient non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile pour rejeter ses demandes tendant au paiement d'heures supplémentaires, cependant que ce défaut de conformité était insuffisant pour les écarter des débats, la cour d'appel a violé l'article 202 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à retenir que « sur les frais de déplacement, Mme X... ne conteste pas l'indemnisation forfaitaire allouée par son employeur et elle ne démontre pas qu'elle pouvait prétendre à plus », sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait sa décision et sans examiner ni s'expliquer, fût-ce de manière sommaire, sur les nombreux éléments versés aux débats par Mme X..., qui établissaient que les indemnités forfaitaires versées ponctuellement par son employeur demeuraient nettement insuffisantes pour couvrir les frais qu'elle était contrainte d'exposer pour effectuer sa prestation de travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu par des motifs non critiqués qu'il n'est pas démontré que les prétendues heures supplémentaires ont été imposées par la nature ou la quantité du travail demandé, ni qu'elles ont été effectuées à la demande ou du moins avec l'accord implicite de l'employeur ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à une recherche qui ne lui était pas demandée, et motivant sa décision, a retenu, par motifs adoptés, que l'employeur avait alloué à la salariée une indemnité forfaitaire afférente à l'utilisation d'un véhicule C 15, et, par motifs propres, que l'intéressée ne démontrait pas qu'elle pouvait prétendre à plus ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de Madame X... ne saurait être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de frais de déplacement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame X... a été placée en arrêt maladie à compter du 2 décembre 2009 ; que M. Y... affirme que le 2 décembre 2009, il a eu un entretien informel avec la salariée au sujet des difficultés économiques qu'il rencontrait et lui a fait part d'un projet de réorganisation de son emploi ; qu'elle a été placée en arrêt pour maladie le même jour ; que la salariée n'évoque pas cet épisode mais ne le conteste pas ; il sera relevé que par courrier du 4 décembre 2009, faisant état de cette conversation du 2 décembre 2009 et de son désaccord sur la diminution de son salaire, elle a sollicité de son employeur un licenciement économique ; que par courrier du 21 décembre 2009, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail après avoir visé plusieurs manquements de son employeur, défaut de paiement d'heures supplémentaires, indemnisation forfaitaire et incomplète des frais de déplacement, décompte des jours non travaillés par suite d'intempéries en jours de congés payés, et défaut d'établissement de l'attestation de salaires pour la CPAM ; que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail peut se définir comme la situation dans laquelle le salarié considère que le comportement de l'employeur rend impossible le maintien du contrat de travail ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ; soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements d'une gravité suffisante ; qu'en l'espèce, les parties s'accordent pour reconnaître que Mme X... ne retient plus, désormais, que deux manquements à l'encontre de M. Y... et a abandonné les autres ; qu'il s'agit du défaut de paiement, d'une part, d'heures supplémentaires et, d'autre part, de frais de déplacement ; que s'il résulte de l'article L.3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que les bulletins de salaire de Mme X... font état du décompte et du paiement d'heures supplémentaires ; que l'employeur conteste qu'il y en ait d'autres ; qu'il n'est pas démontré que les prétendues heures supplémentaires ont été imposées par la nature ou la quantité du travail demandé, ni qu'elles ont été effectuées à la demande ou au moins avec l'accord implicite de l'employeur ; que les tableaux établis par Mme X..., postérieurement et non contradictoirement et les attestations, sans rapport avec un décompte horaire précis et de plus non conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, ne permettent pas d'étayer sa demande à ce titre ; que sur les frais de déplacement, Mme X... ne conteste pas l'indemnisation forfaitaire allouée par son employeur et elle ne démontre pas qu'elle pouvait prétendre à plus ; que même si l'absence de contestation antérieure à la prise d'acte (en l'occurrence la collaboration sans reproche a duré plus de deux ans) n'est pas un motif suffisant pour rejeter cet acte, il n'en demeure pas moins que cet élément peut être pris en considération pour apprécier le fondement de cette démarche ; qu'il n'est pas contesté et cela est démontré notamment par le courrier du 4 décembre 2009, que Madame X... souhaitait quitter l'entreprise ; qu'en l'état, les griefs faits à l'encontre de l'employeur n'étant pas suffisamment établis par la salariée, le jugement déféré en ce qu'il a dit que cette prise d'acte de la rupture ne pouvait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé ; que dès lors, cette prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'une démission, Mme X... sera déboutée de l'intégralité de ses demandes » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'« aux termes de l'article L.3171-4 du Code du travail la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'il appartient cependant à la salariée de fournir les éléments sérieux et de nature à étayer sa demande (Cass. soc. 25 février 2004) ; que Madame X... Denise ne verse pas aux débats tout élément tangible à l'appui de sa demande ; que les décomptes établis par Madame Denise X... à sa seule initiative sur la base d'un tableau qui n'a pas été validé par un supérieur, ne peut valoir comme commencement de preuve ; que les conditions relatives à la fourniture au juge d'éléments sérieux de nature à étayer la demande en heures supplémentaires n'est en l'espèce pas remplie ; qu'en conséquence, le conseil ne fera pas droit à cette demande ; que la législation afférente au droit de la sécurité sociale, applicable en la matière des indemnités kilométriques, dispose que lorsque le salarié utilise son propre véhicule pour des déplacements professionnels, l'exonération des cotisations est admise pour l'employeur sur la base du barème fiscal des indemnités kilométriques établi en fonction de la puissance du véhicule ; que la Cour de cassation se montre stricte pour apprécier les conditions d'exclusion de l'assiette des cotisations ; que selon la législation applicable en la matière il n'existe aucune obligation pour les employeurs d'indemniser leur salarié pour les petits déplacements selon le régime fiscal ; qu'en l'espèce Monsieur Y... Philippe a alloué à Madame Denise X... une indemnité forfaitaire afférente à l'utilisation d'un véhicule de type Citroën C15 ; que Madame Denise X... ne verse aucun élément probant pour étayer sa demande ; qu'en conséquence le conseil ne fera pas droit à sa demande » ;
1°/ ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'il ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, que les tableaux établis par l'exposante et les attestations qu'elle produisait ne permettaient pas d'étayer sa demande et qu'il n'était « pas démontré que les prétendues heures supplémentaires ont été imposées par la nature ou la quantité du travail demandé, ni qu'elles ont été effectuées à la demande ou au moins avec l'accord implicite de l'employeur », cependant qu'il résultait de ses propres constatations que les prétentions de Madame X... se trouvaient étayées par les pièces qu'elle produisait, de sorte qu'il revenait à l'employeur de fournir des éléments de nature à justifier les horaires réellement effectués, ainsi que les circonstances de leur réalisation, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.3171-4 du Code du travail ;
2°/ ALORS QUE les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que le juge ne peut rejeter une attestation comme non conforme aux exigences de cet article sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ; qu'en se bornant à énoncer que les attestations produites par l'exposante seraient non conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile pour rejeter ses demandes tendant au paiement d'heures supplémentaires, cependant que ce défaut de conformité était insuffisant pour les écarter des débats, la Cour d'appel a violé l'article 202 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à retenir que « sur les frais de déplacement, Mme X... ne conteste pas l'indemnisation forfaitaire allouée par son employeur et elle ne démontre pas qu'elle pouvait prétendre à plus », sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait sa décision et sans examiner ni s'expliquer, fût-ce de manière sommaire, sur les nombreux éléments versés aux débats par Madame X..., qui établissaient que les indemnités forfaitaires versées ponctuellement par son employeur demeuraient nettement insuffisantes pour couvrir les frais qu'elle était contrainte d'exposer pour effectuer sa prestation de travail, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-27288
Date de la décision : 18/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jui. 2015, pourvoi n°13-27288


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.27288
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