LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 462 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que dans un litige opposant la société Société générale (la banque) à la société MJ Lex, liquidateur de la société Bonnevie automobiles, un juge-commissaire a admis différentes créances de la banque au passif de la société dont celle au titre des crédits en cours échus pour 94 657, 53 euros à titre chirographaire ; que la banque et le liquidateur ont interjeté appel ; qu'un précédent arrêt a confirmé cette disposition ;
Attendu que, pour accueillir la requête de la banque en rectification pour cause d'erreur matérielle du dispositif de l'ordonnance tendant à voir substituer le terme hypothécaire à chirographaire, l'arrêt retient que la déclaration de la banque comme l'avis d'inscription sur l'état des créances visaient une créance hypothécaire, que l'acte de prêt versé aux débats démontrait que ce prêt était garanti par un privilège de prêteur de deniers inscrit sur les biens immobiliers de la société et enfin que la nature de la créance n'avait jamais été contestée par quiconque ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge-commissaire n'avait examiné aucun de ces éléments et avait retenu la créance à titre chirographaire, la cour d'appel, qui a modifié les droits et obligations des parties, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à rectification d'erreur matérielle ;
Condamne la société Société Générale aux dépens d'appel et de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société générale, la condamne à payer à la société MJ Lex, ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société MJ Lex, ès qualités.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande de rectification d'erreur matérielle formée par la Société Générale et décidé que, dans l'ordonnance d'admission du juge-commissaire du 6 juillet 2010, au lieu de lire : « crédits en cours échus pour 94. 657, 53 euros à titre chirographaire », il convient de lire : « crédits en cours échus pour 94. 657, 53 euros à titre hypothécaire » ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 462 du Code de procédure civile « Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendue ou par celle à laquelle il est déféré selon que ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande » ; qu'il n'est pas demandé à la Cour de rectifier une erreur matérielle qu'elle aurait faite, mais celle qui aurait été faite dans une décision qui lui a été déférée et sur laquelle elle a statué depuis plus d'un an ; que cependant, la Cour d'appel, même après son dessaisissement, reste seule compétente pour réparer une erreur matérielle affectant les dispositions de la décision qui lui avait été déférée et sur lesquelles elle avait statué ; que la demande de rectification d'erreur matérielle est donc recevable ; qu'en l'espèce, la déclaration de créances faite par la Société Générale le 16 décembre 2008 visait, entre autres, une « créance échue » de 94. 654, 53 euros de « qualité hypothécaire » en vertu de « l'inscription de privilège de prêteur de deniers » ; que l'acte de Maître X... du 1er février 1999, versé aux débats, démontre que la Société Générale avait prêté 2. 500. 000 francs à la SARL St Etienne Carrosserie, devenue la SARL Bonnevie Automobiles et que ce prêt était garanti par un privilège de prêteur de deniers inscrit sur les biens immobiliers de cette société ; que l'avis d'inscription sur l'état des créances, délivré par le greffe du Tribunal de commerce le 2 décembre 2009 mentionnait « Pour la somme de 94. 654, 53 euros Hypothèques » ; que la nature de cette créance n'a jamais été contestée par quiconque ; que ce n'est donc que par erreur de plume que le juge-commissaire a, dans son ordonnance du 6 juillet 2010, indiqué que cette créance était chirographaire ; qu'il y a donc lieu de rectifier cette pure erreur matérielle ; que cependant, dans le dispositif de ses conclusions en appel, la Société Générale n'avait pas demandé l'infirmation de l'ordonnance du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Bonnevie Automobiles en date du 6 juillet 2010 en ce qui concernait la nature de cette créance de 94. 654, 53 euros, de sorte que la Cour n'avait pas été saisie de cette question spécifique lorsqu'elle avait rendu son arrêt du 11 octobre 2012 et n'avait donc pas eu à y répondre ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge ne peut, sous couvert de rectification, modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent d'une décision d'admission irrévocable, ni se livrer à une nouvelle appréciation des éléments de la cause pour apprécier si la créance précédemment admise relève du passif chirographaire ou privilégié ; qu'en procédant à une requalification, au vu notamment de l'acte notarié de prêt versé pour la première fois aux débats devant la Cour statuant sur la requête en rectification, de la créance litigieuse, qui avait été expressément admise au passif chirographaire par le juge commissaire et que la Cour décide d'admettre au contraire « à titre hypothécaire », celle-ci excède ses pouvoirs au regard de l'article 462 du Code de procédure civile, violé ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, dès lors que la décision prétendument entachée d'une erreur matérielle a été déférée à la Cour d'appel, il appartenait à la partie qui se prétend victime de l'erreur qui a été commise de solliciter expressément sa rectification à l'occasion de l'instance d'appel ; qu'à défaut de formuler cette demande dans le dispositif de ses dernières écritures d'appel, elle est irrévocablement réputée y avoir renoncé et ne peut trouver dans l'introduction ultérieure d'une procédure en rectification l'occasion de soumettre à la Cour la demande qu'elle a omise de formuler en temps utile ; qu'ayant elle-même relevé qu'à l'occasion de l'instance d'appel, la Cour n'avait été saisie d'aucune demande tendant à la rectification de l'ordonnance du juge-commissaire prétendument entachée d'erreur matérielle, celle-ci ne pouvait néanmoins faire droit au recours en rectification sauf à refuser de tirer les conséquences de ses propres constatations, en violation des articles 462, 561 et 954 du Code de procédure civile.