La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2015 | FRANCE | N°13-21744

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mai 2015, 13-21744


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que par une délibération du 27 septembre 2011, le comité d'entreprise de la société Conflans distribution a désigné le cabinet Diagoris, expert-comptable, afin de l'assister en vue de l'examen annuel des comptes 2010, du budget prévisionnel 2011, ainsi que de la réserve spéciale de participation ; qu'après y avoir été autorisé par une ordonnance rendue sur requête, le cabinet Diagoris a fait assigner la société Conflans distribution de

vant le président du tribunal de grande instance, afin d'obtenir en référé la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que par une délibération du 27 septembre 2011, le comité d'entreprise de la société Conflans distribution a désigné le cabinet Diagoris, expert-comptable, afin de l'assister en vue de l'examen annuel des comptes 2010, du budget prévisionnel 2011, ainsi que de la réserve spéciale de participation ; qu'après y avoir été autorisé par une ordonnance rendue sur requête, le cabinet Diagoris a fait assigner la société Conflans distribution devant le président du tribunal de grande instance, afin d'obtenir en référé la communication de l'ensemble des pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société Conflans distribution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'ordonnance de référé ;
Mais attendu que l'employeur est sans intérêt à critiquer le rejet de la demande d'annulation de l'ordonnance de référé par la cour d'appel dès lors que cette dernière, saisie de l'entier litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel prévu par l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, a statué sur le fond du litige ; que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur sous astreinte à remettre à l'expert-comptable, l'ensemble des pièces sollicitées, la cour d'appel retient que l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise pour l'assister dans sa mission d'examen des comptes annuels a accès d'une part aux mêmes documents que le commissaire aux comptes et d'autre part, aux documents économiques, financiers et sociaux qu'il estime utiles à sa mission, qu'il revient à l'expert-comptable d'apprécier les documents sollicités auprès de l'employeur afin de pouvoir mener à bien sa mission, la cour d'appel n'ayant pas à rechercher si les documents sollicités sont nécessaires à l'accomplissement de sa mission d'expert, lequel ne peut se voir opposer le caractère confidentiel des documents réclamés dans la mesure où il est tenu à des obligations de secret et de discrétion en sorte que contrairement à ce qu'elle allègue, la société n'est pas en mesure de contester la liste des documents dont la transmission lui a été demandée au motif qu'elle règle les honoraires ou qu'ils ont déjà été transmis aux membres du comité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions des articles L. 2325-35, 1°, L. 2325-36 et L. 2325-37 du code du travail ne privent pas les parties d'un recours possible au juge pour contester la nature des documents dont la communication est demandée par l'expert dans le cadre de sa mission et d'une vérification de la nécessité de ces documents au regard de la mission confiée par le comité d'entreprise et que n'entre pas dans les prévisions de ces dispositions, le rapport égalité hommes/femmes réalisé sur les trois derniers exercices, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'ordonnance de référé et dit que l'injonction faite à la société Conflans distribution de produire les documents cités ci-dessous est assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et par document, passé un délai de quinze jours suivant la signification du présent arrêt : la base non nominative du personnel avec le sexe, date de naissance, d'entrée, de sortie, fonction, statut, qualification, taux d'activité, salaire de base, primes, brut fiscal, services de rattachement, des trois derniers exercices ; le détail des recrutements des douze derniers mois, par fonction et par service ; le nombre de CDD en équivalant temps plein et salaires versés au cours des trois derniers exercices clos, par catégorie professionnelle, fonction et service ; le nombre d'intérimaires en équivalant temps plein et le montant versé aux entreprises de travail temporaire des trois derniers exercices clos, par catégorie professionnelle, fonction et service ; les activités et services sous-traités avec contrats de sous-traitance des trois derniers exercices ; le rapport égalité hommes/femmes réalisé sur les trois derniers exercices ; les effectifs entrées-sorties, par motif sur les trois derniers exercices ; le détail des documents remis aux représentants des salariés ou dans le cadre de la NAO des trois derniers exercices ; le détail des montants alloués dans le cadre des transactions au cours des trois derniers exercices ; le détail des indemnités de licenciement allouées au cours des trois derniers exercices ; les accords de NAO ; la liste des fournisseurs avec achats par grands comptes sur les trois derniers exercices, l'arrêt rendu le 7 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Cabinet Diagoris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Conflans distribution la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Conflans distribution
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Conflans Distribution tendant à obtenir la nullité de l'ordonnance de référé;
AUX MOTIFS QUE sur la nullité de l'ordonnance de référé ; qu'en application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de 1'homme édictant le droit à un procès équitable, le justiciable a le droit de voir trancher une contestation sur ses droits et obligations par un tribunal impartial ; qu'il en résulte qu'un juge ne peut pas statuer dans deux instances entre les mêmes parties relatives à la même affaire lorsque sa première intervention lui a fait prendre position ou émettre une appréciation qui apparaît objectivement comme susceptible d'avoir une influence sur la seconde décision ; qu'en revanche, si le juge n'a pas été amené, lors de sa première intervention, à préjuger du fond du litige, son impartialité ne peut être mise en cause ; qu'en l'occurrence, il n'est pas démontré que le vice -président du tribunal de grande instance de Briey, qui a statué en référé après avoir autorisé la société cabinet Diagoris à assigner la société Conflans Distribution, a préjugé du fond du litige lors de sa première intervention ; qu'en effet, le juge n'a à aucun moment porté une appréciation sur le bien fondé des prétentions de l'intimée dans la mesure où l'autorisation délivrée ne nécessite pas une telle démarche ; que dans ces conditions, son impartialité ne peut être mise en cause. La demande tendant à la nullité de l'ordonnance de référé est donc rejetée ;
ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial; qu'un doute légitime existe sur l'impartialité du juge, dès lors que celui-ci ne donne pas au justiciable l'apparence d'une impartialité objective ; que ne donne pas une telle apparence d'impartialité le juge qui est amené au cours d'une audience de référé à apprécier les mêmes faits que ceux dont il a précédemment connu en qualité de magistrat appelé, sur requête, à statuer sur une demande d'autorisation préalable d'assigner en référé d'heure à heure, peu important que l'autorisation donnée ne portait pas d'appréciation sur le bien-fondé des prétentions émises; qu'en ce cas, le justiciable peut légitimement craindre que le juge ayant donné son autorisation ne se déjugera pas, et ne pourra se départir, même de bonne foi, d'un préjugé créant un risque objectif de partialité ; qu'au cas d'espèce, la société Conflans distribution faisait valoir qu' « un même juge ne peut à la fois, dans le cadre d'une procédure non contradictoire avoir accès à des informations motivant sa décision et ensuite juger l'affaire en toute indépendance et impartialité » (conclusions d'appel, p. 5, avant dernier §) ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter sa demande tendant à obtenir la nullité de l'ordonnance de référé, qu' « il n'est pas démontré que le vice -président du tribunal de grande instance de Briey, qui a statué en référé après avoir autorisé la société cabinet Diagoris à assigner la société Conflans Distribution, a préjugé du fond du litige lors de sa première intervention » , quand la seule apparence de partialité suffisait à créer un doute légitime et à porter atteinte à l'impartialité objective du tribunal, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné, sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard et par document, la communication par la société Conflans Distribution à la SARL cabinet Diagoris des documents suivants : la base non nominative du personnel avec le sexe, date de naissance, d'entrée, de sortie, fonction, statut, qualification, taux d'activité, salaire de base, primes, brut fiscal, services de rattachement, des trois derniers exercices ; le détail des recrutements des 12 derniers mois, par fonction et par service ; le nombre de CDD en équivalant temps plein et salaires versés au cours des trois derniers exercices clos, par catégorie professionnelle, fonction et service; le nombre d'intérimaires en équivalant temps plein et le montant versé aux entreprises de travail temporaire des trois derniers exercices clos, par catégorie professionnelle, fonction et service; les activités et services sous-traités avec contrats de sous-traitance des trois derniers exercices; le rapport égalité hommes/femmes réalisé sur les trois derniers exercices; les effectifs entréessorties, par motif sur les trois derniers exercices; le détail des documents remis aux représentants des salariés ou dans le cadre de la NAO des trois derniers exercices; le détail des montants alloués dans le cadre des transactions au cours des trois derniers exercices; le détail des indemnités de licenciement allouées au cours des trois derniers exercices; les accords de NAO et la liste des fournisseurs avec achats par grands comptes sur les trois derniers exercices ;
AUX MOTIFS QUE sur le bien-fondé des prétentions de la société cabinet Diagoris et la compétence du juge des référés ; que l'article L.1225-37 de ce même code dispose que pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux même documents que le commissaire aux comptes ; que l'article L.1235-36 précise que la mission de l'expertcomptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'il faut déduire de ces articles que l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise pour l'assister dans sa mission d'examen des comptes annuels a accès d'une part aux même documents que le commissaire aux comptes et d'autre part, aux documents économiques, financiers et sociaux qu'il estime utiles à sa mission ; qu'il revient donc à l'expert-comptable d'apprécier les documents sollicités auprès de l'employeur afin de pouvoir mener à bien sa mission dont l'objet est défini par l'article L1225-35 ; que dès lors, la cour d'appel n'a pas à rechercher si les documents sollicités par la société cabinet Diagoris sont nécessaires à l'accomplissement de sa mission d'expert qui ne peut se voir opposer le caractère confidentiel des documents réclamés dans la mesure où il est tenu à des obligations de secret et de discrétion ; que contrairement à ce qu'elle allègue, la société Conflans Distribution n'est donc pas en mesure de contester la liste des documents dont la transmission lui a été demandée au motif qu'elle règle les honoraires ou qu'ils ont déjà été transmis aux membres du comité ; que l'article 809 du code de procédure civile précise que le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la compétence du juge des référés est justifiée par le refus de l'employeur de produire certains documents qui constitue, compte tenu de la mission qui a été confiée à la société cabinet Diagoris, un trouble manifestement illicite en ce que l'appelante l'empêche de mener sa mission dans les délais qui lui ont été impartis ; que le défaut de transmission des pièces justifie d'assortir la production des documents, dont la liste est dressée dans le dispositif de l'arrêt, d'une astreinte quotidienne de 500 ¿ par jour de retard et par document dont les modalités sont également précisées ci ¿dessous ; que le montant de la provision allouée est justifié au regard de l'évaluation des honoraires qui a été communiquée par courrier de la société cabinet Diagoris en date du 18 novembre 2011 dans le même temps que la demande d'informations et que, par ailleurs, le montant des honoraires n'est pas du ressort du juge des référés ;
1) ALORS QUE s'il appartient à l'expert-comptable, désigné pour assister le comité d'entreprise lors de l'examen du bilan, de déterminer les pièces qu'il juge utile d'examiner, c'est à la condition toutefois qu'il n'excède pas sa mission et que les documents demandés soient nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; que ne caractérise donc pas un trouble manifestement illicite le refus de l'employeur de lui communiquer un document qui n'est pas nécessaire à l'exécution de sa mission telle que confiée par le comité d'entreprise ; qu'en retenant, au cas d'espèce, que le refus de transmission de l'employeur constituait un trouble manifestement illicite au prétexte que l'expertcomptable avait « accès d'une part aux mêmes documents que le commissaire aux comptes et d'autre part aux documents économiques, financiers et sociaux qu'il estime utiles à sa mission » (arrêt, p. 6, § 1er), de sorte que « la cour d'appel n'a pas à rechercher si les documents sollicités par la société cabinet Diagoris sont nécessaires à l'accomplissement de sa mission d'expert » (arrêt, p. 6, § 2), quand il lui appartenait au contraire de rechercher si les éléments sollicités par l'expert comptable étaient nécessaires, au regard de la mission confiée par le comité d'entreprise, à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de la société Conflans distribution, la cour d'appel a méconnu son office et violé les dispositions des articles L. 2325-35, L. 2325-36 et R. 1455-6 du code du travail ;
2) ALORS QUE l'intervention de l'expert-comptable, désigné en vertu de l'article L. 2325-35 du code du travail pour assister le comité d'entreprise lors de l'examen du bilan, ne prive pas les parties d'un recours possible au juge pour contester la nature des documents dont la communication est demandée par l'expert dans le cadre de sa mission, et d'une vérification de la nécessité de ces documents au regard de la mission confiée par le comité d'entreprise ; qu'en décidant le contraire, déniant ainsi à la société Conflans distribution le droit d'exercer ce recours (arrêt, p. 6, § 3), la cour d'appel a, de nouveau, violé les dispositions des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;
3) ALORS QUE la mission de l'expert-comptable, désigné pour assister le comité d'entreprise lors de l'examen du bilan, porte sur les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; que la mission de l'expert-comptable ne peut avoir pour objet l'étude de la situation comparée des hommes et des femmes au sein de l'entreprise, une telle étude n'étant pas nécessaire à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'en ordonnant néanmoins, en l'espèce, la communication à l'expert-comptable du « rapport égalité hommes / femmes réalisé sur les trois derniers exercices » (arrêt, p. 6, § 6 et p. 7, in fine) quand, ainsi que le faisait expressément valoir la société Conflans distribution, l'analyse de ce rapport n'entrait pas dans les prévisions des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, la cour d'appel a, partant, violé ces articles.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21744
Date de la décision : 28/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 07 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mai. 2015, pourvoi n°13-21744


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.21744
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award