LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 juin 2013), rendu sur renvoi après cassation (Cass. Soc., 11 janvier 2012, pourvoi n° 10-15.378), que M. X... a été engagé le 1er avril 1974 en qualité de clerc par la société H. Brugerolle-E-Moreau-C. Chirouze-M. Hellegouarch et O. de Rochechouart-Mortemart ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de gratification contractuelle ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le versement d'une prime pendant plusieurs années dont le montant est équivalent au salaire annuel de l'employé suffit à justifier de sa contractualisation ; que M. X... faisait valoir qu'il avait perçu des gratifications, pour une partie en juin et pour l'essentiel en décembre, pendant de nombreuses années, pour compenser l'absence d'augmentation de son salaire fixe de base et qui étaient égales globalement à un an de salaire, ce dont il s'évinçait que les parties étaient convenues d'inclure cet avantage dans la rémunération contractuelle ; qu'en décidant le contraire et en qualifiant ces gratifications de libéralités, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le caractère général de l'usage implique que l'avantage bénéficie à une collectivité de salariés mais pas nécessairement à tous les salariés ; que la cour d'appel a relevé que quatre salariés de l'étude notariale, qui en comptait cinquante, n'avaient pas perçu de gratifications, ce dont il résultait que la grande majorité du personnel avait bénéficié de l'avantage ; qu'en retenant néanmoins que le caractère général de la gratification n'était pas établi, cependant que quarante-six salariés sur les cinquante de l'étude notariale avaient perçu pendant de nombreuses années ces gratifications, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que revêt un caractère de fixité la rendant obligatoire pour l'employeur une prime dont le montant avoisine celui du salaire mensuel ; qu'en retenant qu'aucune fixité dans le montant ni dans le critère des gratifications n'était établie cependant que leur caractère fixe résultait de leur montant comparé au salaire fixe mensuel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la condition de fixité de la gratification n'implique pas nécessairement que son montant soit invariable ; que M. X... faisait valoir qu'entre 1999 et 2004, il avait perçu des gratifications de l'ordre de 62 000 euros par an et qu'elles présentaient donc un caractère de fixité incontestable ; qu'en affirmant qu'il ressortait des pièces produites, et notamment des bulletins de salaires, qu'aucune fixité dans le montant ni dans leurs critères n'était établie, sans préciser exactement sur quelles pièces versées aux débats et notamment sur quels bulletins de salaires elle se fondait pour retenir le caractère non fixe de la gratification, contesté par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé par une appréciation souveraine des éléments de preuve que la prime revendiquée n'avait pas été contractualisée, la cour d'appel, qui a estimé que son versement ne répondait pas aux conditions de fixité et de généralité nécessaires pour caractériser un usage, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement du 6 mars 2008, débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à la condamnation de la SCP Brugerolle, Moreau, Chirouze, Hellegouarch, de Rochechouart-Mortemart au paiement d'une somme de 96.300 euros à titre de rappel sur gratification en deniers ou quittance et d'une somme de 9.630 euros à titre de congés payés correspondant, ce avec intérêt au taux légal à compter de l'introduction de la demande ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de sa demande, Monsieur X... indique qu'il a bénéficié depuis 1990 de gratifications versées en juin et en décembre, constituant ainsi un avantage acquis au sein de l'étude ; il ajoute qu'à l'arrivée de quatre nouveaux associés, ces gratifications représentant environ une année de salaire, ont été baissées pour des raisons économiques en avril 2004 puis diminuées à compter de 2005 pour être supprimées en décembre 2007 ; Monsieur X... soutient que ces gratifications étaient générales car applicables à tous les salariés, constantes car versées chaque année et fixes, à quelques centaines d'euros près ; la suppression de ces gratifications s'analyse donc en la suppression impossible d'un avantage contractuel acquis ; l'Etude s'oppose aux demandes de Monsieur X... indiquant que les gratifications n'étaient pas versées à tous ses salariés et qu'elles n'avaient aucun caractère contractuel, ne résultant ni d'une convention ou accord collectif de travail, ni d'un engagement unilatéral, ni d'un usage ; il convient de rappeler que pour qu'une pratique d'entreprise acquiert la valeur contraignante d'un usage, dont les salariés pourront se prévaloir, elle doit être constante, générale et fixe, ces conditions étant cumulatives et qu'il appartient au salarié qui invoque un usage d'en rapporter la preuve ; dès lors, l'employeur devra établir que l'avantage ne présente pas le caractère d'un usage ; en l'espèce, il n'est pas contesté que les gratifications ne résultaient ni d'une convention ni d'un accord collectif de travail, elles ne résultaient pas plus du contrat de travail ; ce dernier, qui a fait l'objet d'une régularisation formelle en novembre 2001, mentionne, dans le paragraphe consacré à la rémunération, le treizième mois, les titres restaurant et la prise en charge de la moitié du coût de la carte orange mais non les gratifications, alors même que Monsieur X... indique les percevoir depuis 1990 ; ainsi, l'employeur n'a pas voulu contractualiser les gratifications, l'attestation de Mme Y... produite par Monsieur X... confirmant l'absence d'individualisation ; il convient donc de déterminer si ces gratifications étaient générales, fixes et constantes, caractérisant ainsi un usage ; ces trois conditions cumulatives établiront alors la volonté non équivoque de l'employeur d'octroyer un avantage à ses salariés ; le caractère général de l'usage implique que l'avantage bénéficie à l'ensemble des salariés ; Monsieur X... produit à cet effet une attestation émanant de Mme Y... selon laquelle au cours d'une réunion au premier trimestre 2005, le personnel a été informé que le montant des gratifications serait diminué de 20% en raison des travaux effectués dans l'Etude ; cependant l'Etude justifie de l'absence de généralité des gratifications, 4 salariés n'en ayant jamais perçu et 11 autres ne les ayant perçues que de manière intermittente ; en conséquence, le caractère général n'est pas établi ; l'avantage doit présenter un caractère fixe non seulement dans les conditions d'octroi mais également dans les modalités de calcul ; en effet l'avantage ne doit pas relever du pouvoir discrétionnaire de l'employeur ni de conditions aléatoires ; un mode de calcul doit être déterminé ; or, en l'espèce, si pendant plusieurs années, les gratifications ont été versées aux mois de juin et décembre, il ressort des pièces produites, et notamment des bulletins de salaires, qu'aucune fixité dans le montant ni dans leurs critères n'était établie ; deux des trois conditions requises faisant défaut, il n'y a pas lieu à examiner le troisième critère de constance ; en conséquence, les gratifications dont fait état Monsieur X... s'analysent en des libéralités de la part de l'employeur et non en un usage revêtant un caractère obligatoire pour ce dernier ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le versement d'une prime pendant plusieurs années dont le montant est équivalent au salaire annuel de l'employé suffit à justifier de sa contractualisation ; que Monsieur X... faisait valoir qu'il avait perçu des gratifications, pour une partie en juin et pour l'essentiel en décembre, pendant de nombreuses années, pour compenser l'absence d'augmentation de son salaire fixe de base et qui étaient égales globalement à un an de salaire, ce dont il s'évinçait que les parties étaient convenues d'inclure cet avantage dans la rémunération contractuelle ; qu'en décidant le contraire et en qualifiant ces gratifications de libéralités, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le caractère général de l'usage implique que l'avantage bénéficie à une collectivité de salariés mais pas nécessairement à tous les salariés ; que la cour d'appel a relevé que quatre salariés de l'Etude notariale, qui en comptait cinquante, n'avaient pas perçu de gratifications, ce dont il résultait que la grande majorité du personnel avait bénéficié de l'avantage ; qu'en retenant néanmoins que le caractère général de la gratification n'était pas établi, cependant que quarante-six salariés sur les cinquante de l'Etude notariale avaient perçu pendant de nombreuses années ces gratifications, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE revêt un caractère de fixité la rendant obligatoire pour l'employeur une prime dont le montant avoisine celui du salaire mensuel ; qu'en retenant qu'aucune fixité dans le montant ni dans le critère des gratifications n'était établie cependant que leur caractère fixe résultait de leur montant comparé au salaire fixe mensuel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la condition de fixité de la gratification n'implique pas nécessairement que son montant soit invariable ; que Monsieur X... faisait valoir qu'entre 1999 et 2004, il avait perçu des gratifications de l'ordre de 62.000 euros par an et qu'elles présentaient donc un caractère de fixité incontestable ; qu'en affirmant qu'il ressortait des pièces produites, et notamment des bulletins de salaires, qu'aucune fixité dans le montant ni dans leurs critères n'était établie, sans préciser exactement sur quelles pièces versées aux débats et notamment sur quels bulletins de salaires elle se fondait pour retenir le caractère non fixe de la gratification, contesté par Monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.