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11/02/2015 | FRANCE | N°13-24200

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2015, 13-24200


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 juillet 2013) que M. X... a été engagé par la Carpimko en qualité d'analyste informatique suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2007 après deux contrats à travail à durée déterminée à temps partiel du 14 novembre 2005 au 31 mai 2006 et du 4 septembre 2006 au 31 août 2007 ; qu'après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 16 août 2010, il a été licencié pour faute grave par lettre du 9 septembre 2010 ;
Sur l

e premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 juillet 2013) que M. X... a été engagé par la Carpimko en qualité d'analyste informatique suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2007 après deux contrats à travail à durée déterminée à temps partiel du 14 novembre 2005 au 31 mai 2006 et du 4 septembre 2006 au 31 août 2007 ; qu'après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 16 août 2010, il a été licencié pour faute grave par lettre du 9 septembre 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'était pas dû à la dénonciation faite par lui d'un harcèlement moral, et, en conséquence, de rejeter sa demande tendant à voir juger son licenciement nul et à obtenir une indemnité de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts de ce chef, ainsi que le remboursement des sommes retenues au titre de la mise à pied, et les congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi ; que la cour d'appel, qui a constaté que le licenciement, était fondé sur la lettre du 29 juillet 2010 par laquelle M. X... dénonçait notamment « la propension de M. Y... à recourir au harcèlement moral tantôt par maladresse, tantôt adroitement » mais a estimé que le licenciement n'était pas fondé sur ladite dénonciation n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient aux juges de rechercher la cause réelle du licenciement ; qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi ; que le seul fait que l'employeur n'invoque pas la dénonciation du harcèlement ne suffit pas à démontrer que cette dénonciation n'en est pas la cause ; qu'en se fondant seulement sur le fait que, bien que la convocation à l'entretien préalable soit juste postérieure à ladite dénonciation, l'employeur n'en aurait pas fait état, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
3°/ que la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance que les faits dénoncés sont faux ; que la cour d'appel, qui a seulement estimé que les conditions de la dénonciation peuvent susciter des interrogations, mais non que des faits connus comme faux avaient été intentionnellement dénoncés n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions ;
4°/ que la dénonciation de faits de harcèlement à la charge d'une personne dénommée ne suppose pas, pour que le licenciement qui s'ensuit soit nul, que soient cités des agissements précis, ni que des dénonciations préalables aient été faites auprès des instances représentatives du personnel ; qu'en l'exigeant, la cour d'appel a ajouté à la loi et encore violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir abusé de sa liberté d'expression dans une lettre du 29 juillet 2010 qu'il avait adressée à son supérieur hiérarchique et d'avoir ainsi manqué à son obligation de loyauté envers son employeur, la cour d'appel, procédant à la recherche de la véritable cause du licenciement, a retenu que le salarié avait été licencié pour ce seul motif et non pas pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une faute grave et le débouter de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que sauf abus, tout salarié jouit, dans l'exercice de ses fonctions, de sa liberté d'expression à laquelle ne peuvent être apportées de restrictions que justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que ne constitue pas un abus de liberté d'expression, constitutif d'une faute grave le fait pour un salarié de protester auprès de ses supérieurs, même en termes véhéments, contre la rupture des contrats de travail de salariés dont il a eu à apprécier les compétences, et de mettre en garde son employeur contre les risques de ces ruptures ; qu'en statuant autrement la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail ;

2°/ qu'en retenant les critiques invoquées comme excessives et diffamatoires sans rechercher si elles étaient fondées au regard des reproches faits aux salariés licenciés, et des méthodes de travail suivies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
3°/ que ne constitue pas plus une faute grave le fait pour un salarié mis à pied de porter à la connaissance d'un membre de son service, ayant exercé des fonctions de représentant du personnel, et d'autres membres de son service avec lesquels il travaille quotidiennement les raisons de cette mise à pied ; qu'en n'examinant pas, ainsi qu'elle y était invitée, dans quelles circonstances le courrier avait été diffusé aux membres du service, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions ;
4°/ que la lettre du licenciement fixe les limites du litige ; qu'en retenant contre M. X... le courriel adressé au chef du service informatique le 4 août, non visé par la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés que dans sa lettre du 29 juillet 2010 qu'il a diffusée tant auprès de la responsable des ressources humaines que des membres de son service, le salarié avait porté atteinte à l'image de son supérieur hiérarchique en qualifiant de fallacieux les raisons pour lesquelles celui-ci avait pris les mesures dont il contestait le bien fondé, en mettant en cause ses méthodes de travail en des termes excessifs, voire diffamatoires, la cour d'appel a caractérisé un abus de la liberté d'expression ; qu'elle a pu retenir que ce comportement rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... n'était pas dû à la dénonciation faite par lui d'un harcèlement moral, et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul et à obtenir une indemnité de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts de ce chef, ainsi que le remboursement des sommes retenues au titre de la mise à pied, et les congés payés afférents.
AUX MOTIFS QUE au soutien de sa demande de nullité du licenciement, M. X... invoque la dénonciation de faits de harcèlement moral dans un courrier daté du 30 juillet 2010 selon lequel : " Je suis régulièrement témoin d'actes de harcèlement moral de la part de mon responsable hiérarchique, Monsieur Y..., à l'encontre de tout ou partie des membres de l'équipe informatique ". Il ajoute avoir " observé que ces derniers étaient plus fréquents depuis l'initialisation du chantier de migration au 1er avril 2009 " et que " toute tentative de création de cohésion de groupe, de travail en équipe, est systématiquement sabordée par M. Y..., qui agit en représailles contre certains membres de l'équipe ". Au soutien de ses affirmations, M. X... produit une attestation établie par M. Z.... La CARPIMKO soutient essentiellement que le licenciement a été motivé par des faits précis indiqués dans la lettre de licenciement et non sur de prétendus faits de harcèlement moral, notamment au sein du service informatique dont 7 des 12 membres étaient des représentants du personnel, que cette lettre a été envoyée le lendemain du courrier mentionné dans la lettre de licenciement, et qu'elle n'a pas été prise en compte lors de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable. Il résulte des articles L. 1152-2 et L. 1153-3 du code du travail que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis et n'est constituée que lorsque l'intéressé savait que les faits dénoncés étaient faux. Cependant, il convient de rappeler que M. X... a été licencié pour faute grave en raison de l'envoi du courrier en date du 29 juillet 2010 et qu'il n'est aucunement fait référence à la lettre du 30 juillet 2010. S'il appartient aux magistrats de rechercher la cause véritable du licenciement, les éléments objectifs produits permettent de considérer que M. X... n'a pas été, comme il le soutient, licencié en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral. Il convient de noter que la dénonciation, opérée le lendemain d'un courrier mettant ouvertement en cause le comportement et les. décisions de M. Y..., n'est accompagnée d'aucun fait précis ou daté et survient dans un contexte conflictuel alors que M. X... indique que ces actes se sont intensifiés depuis le 1 er avril 2009, et qu'il n'a envoyé aucun courrier depuis ni saisi une instance représentative du personnel, alors que 7 des 12 membres du service informatique sont des représentants du personnel, ou une instance extérieure, telle l'inspection ou la médecine du travail. L'attestation de M. Z... établie le 17 janvier 2012 au soutien des faits de harcèlement moral ne caractérise aucun fait précis et daté et contredit son témoignage produit lors de l'enquête diligentée à la demande du délégué du personnel, M. A..., laquelle conclut qu'" au vu des déclarations du médecin du travail, de la secrétaire du CHSCT, de chacun des salariés du service informatique menées en présence du délégué du personnel, for ce est de constater qu'aucun fait précis caractérisant l'existence d'un harcèlement ou permettant, à tout le moins, de présumer l'existence d'un harcèlement, n'a été révélé au cours de l'enquête. " Enfin, il ressort de la lecture du compte-rendu de l'entretien de licenciement que la lettre du 30 juillet 2010 a été évoquée par M. X... et non par la responsable du personnel qui n'a fondé les griefs que sur le courrier du 29 juillet 2010. Il ressort des éléments produits que le licenciement de M. X... n'est pas fondé sur la dénonciation des faits de harcèlement moral, dont les conditions de dénonciation peuvent susciter des interrogations. La nullité du licenciement n'est donc pas encourue.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... soutient, par ailleurs, que son licenciement serait nul dans la mesure où celui-ci trouverait sa source dans le fait d'avoir témoigné d'agissements de harcèlement moral ou dans le fait de les avoir relatés ; qu'en l'espèce Monsieur X... a effectivement adressé au Directeur des Ressources Humaines de la CARPIMKO, le 30 juillet 2010, soit le lendemain de la lettre adressée à Monsieur Y..., avec copie à ce même Directeur des Ressources Humaines, une lettre censée dénoncer des faits de harcèlement moral, mais sans indiquer aucun nom de victime, sans indiquer aucun nom de coupable et sans citer aucun agissement précis et circonstancié susceptible de constituer un acte de harcèlement moral ; que l'enquête qui sera diligentée les 11, 12 et 20 octobre 2010 ne révélera aucun fait de harcèlement imputable à quiconque ; que le témoignage même de Monsieur Z... du 17 janvier 2012 ne mentionne aucun acte de harcèlement ;
ALORS QU'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi ; que la Cour d'appel qui a constaté que le licenciement était fondé sur la lettre du 29 juillet 2010 par laquelle Monsieur X... dénonçait notamment « la propension de Monsieur Y... à recourir au harcèlement moral tantôt par maladresse, tantôt adroitement » mais a estimé que le licenciement n'était pas fondé sur ladite dénonciation n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail
ALORS encore QU'il appartient aux juges de rechercher la cause réelle du licenciement ; qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi ; que le seul fait que l'employeur n'invoque pas la dénonciation du harcèlement ne suffit pas à démontrer que cette dénonciation n'en est pas la cause ; qu'en se fondant seulement sur le fait que, bien que la convocation à l'entretien préalable soit juste postérieure à ladite dénonciation, l'employeur n'en aurait pas fait état, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail
ALORS aussi QUE la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance que les faits dénoncés sont faux ; que la Cour d'appel qui a seulement estimé que les conditions de la dénonciation peuvent susciter des interrogations, mais non que des faits connus comme faux avaient été intentionnellement dénoncés n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions.
ET ALORS enfin QUE la dénonciation de faits de harcèlement à la charge d'une personne dénommée ne suppose pas, pour que le licenciement qui s'ensuit soit nul, que soient cités des agissements précis, ni que des dénonciations préalables aient été faites auprès des instances représentatives du personnel ; qu'en l'exigeant, la Cour d'appel a ajouté à la loi et encore violé les articles L 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur une faute grave et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande tendant à obtenir une indemnité de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement non causé ainsi que le remboursement des sommes retenues au titre de la mise à pied, et les congés payés afférents.
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement vise expressément le courrier en date du 29 juillet 2010 envoyé par le salarié et remettant en cause certaines décisions de son supérieur hiérarchique. La CARPIMKO invoque les limites de la liberté d'expression, notamment pour un cadre, estime la lettre excessive, voire injurieuse, et invoque l'obligation de loyauté du salarié envers son employeur. Elle reproche également à M. X... l'envoi de ce courrier par messagerie électronique au sein de la structure, et rappelle que les fonctions de M. X... ne sont que techniques sans aucune responsabilité hiérarchique. M. X... invoque la liberté d'expression. Si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs. Il ressort de la lecture du courrier que les termes employés par M. X... sont plus que " véhéments " comme il les qualifie lui-même et peuvent revêtir les qualifications d'excessive et de diffamatoire, notamment : les méthodes de déploiement des postes informatiques sans licence de M. Y... sont décrites comme étant " très loin de l'état de l'art, et génèrent parfois des problèmes de sécurité ", les motifs invoqués par M. Y... dans le cadre du licenciement de M. C..., sont qualifiés de " fallacieux ". La propension de M. Y... à recourir " au harcèlement moral tantôt par maladresse, tantôt adroitement ", la décision de M. Y... de remplacer une baie de production par quelques disques micros n'est prise que " pour se faire rembourser de quelques milliers d'euros ", l'absence de prise au sérieux de M. Y.... La teneur du courriel accompagnant l'envoi électronique de ce courrier le 29 juillet 2010 à 23h28 confirme l'abus de la liberté d'expression, M. X... reprochant à M. Y... de lui causer sur le plan professionnel " des problèmes qui deviennent incommensurables ". Ces termes, qui vont bien au-delà de la liberté d'expression, sont excessifs et diffamatoires, portant atteinte à l'image d'un responsable de service. De même, le courriel envoyé le 4 août 2010 à M. D..., membre du service informatique et représentant du personnel, confirme la notion de la liberté d'expression sans limite de M. X..., celui-ci écrivant " je n'ai peut-être jamais été l'enculé que tu as souvent dépeint ". Enfin, il ressort de la lecture du compte-rendu de l'entretien préalable qui s'est déroulé le 3 septembre 2010 que la directrice des ressources humaines avait déjà indiqué à M. X... de rester à sa place alors qu'il l'informait avoir conclu à l'absence de preuves dans le cadre du licenciement de M. C.... En se justifiant dans le courrier de sa''propre légitimité à intervenir sur le sujet ", M. X... avait conscience du caractère excessif de sa démarche. M. X... a donc abusé de sa liberté d'expression, abus renforcé par l'envoi du courrier à ses collègues et caractérisant un manquement à l'obligation de loyauté du salarié envers son employeur. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail. En l'espèce, la faute grave est parfaitement caractérisée. En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et de dire que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. X... le 9 septembre 2010. Le licenciement pour faute grave étant fondé, il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter M. X... de ses demandes.
ET AUX MOTIFS éventuellement partiellement adoptés QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce le licenciement de Monsieur X... se trouve essentiellement fondé sur la lettre que ce dernier a adressée à son supérieur hiérarchique, Monsieur Y..., Responsable Informatique, le 29 juillet 2010 et sur la diffusion que Monsieur X... a lui-même donné à cette lettre ; que si cette dernière a été précédée d'un courriel, également daté du 29 juillet 2010, adressé à Monsieur Y..., il n'est pas inintéressant de relever que Monsieur X... n'hésite pas à écrire dans ce courriel : « A titre professionnel, vous me causez des problèmes qui deviennent incommensurables. Vous êtes allé trop loin. Comme dirait l'Autre, vous n'avez plus qu'à me virer. » ; que ces propos ne peuvent pas être séparés de ceux de la lettre du 29 juillet 2010, qu'ils éclairent d'une singulière façon ; qu'il est important de relever que Monsieur X... a rédigé la lettre du 29 juillet 2010 alors qu'il était en vacances depuis le 26 juillet 2010 (cf. son courriel du 6 août 2010 adressé à l'équipe informatique), à Corrèze (cf. ce que mentionne la lettre dont il s'agit), et donc éloigné de son bureau depuis trois jours ; qu'on ne peut, dès lors, qu'être saisi que Monsieur X... n'hésite pas à qualifier de fallacieux les motifs invoqués par la société pour mettre fin à la période d'essai de Monsieur F..., tout en précisant que ces motifs sont ceux qui lui ont été rapportés et qu'ils sont peut-être déformés ; que Monsieur X... n'hésite pas davantage à affirmer que la rupture de la période d'essai de Monsieur F... parait peu légitime et n'hésite pas à demander à son supérieur hiérarchique de revoir son jugement et de réintégrer l'intéressé dans les effectifs ; qu'au passage, la partie demanderesse reproche au surplus à Monsieur Y... le fait que le déploiement des postes de travail par « ghost » sont très loin des règles de l'art ; que Monsieur X... ne se contente pas d'adresser cette lettre à Monsieur Y..., mais l'adresse également à Madame G..., Directeur des Ressources Humaines de la CARPIMKO ; qu'il ne peut ignorer que, ce faisant, il nuit nécessairement à son supérieur hiérarchique ; que, quelques jours plus tard, le 6 août 2010, il récidive en adressant la copie de sa lettre du 29 juillet à l'ensemble de l'équipe informatique, soit onze personnes, tout en précisant expressément que ledit courriel était « destiné initialement à Monsieur Y.... » ; que Monsieur X... affirme encore, dans sa lettre du 29 juillet 2010, mais sans aucunement, et pour cause, en rapporter la preuve qu'il aurait dissuadé Monsieur C... d'engager une action prud'homale contre la CARPIMKO et que son témoignage pragmatique serait apprécié dans le cadre de l'instance que Monsieur F... engagerait devant les Tribunaux, instance qui ne l'a jamais été ; que si Monsieur Y... bénéficiait, comme tout salarié, de sa liberté d'expression, celle-ci ne l'autorisait certainement pas à l'exercer de la manière outrancière dont il l'a fait, sans être par ailleurs certain de la véracité de ce qui lui avait été rapporté et sans avoir aucunement cherché à vérifier auparavant cette véracité ; que l'intéressé s'est d'ailleurs senti obligé d'introduire dans sa missive du 29 juillet 2010 un paragraphe intitulé « De ma propre légitimité à intervenir sur le sujet » ; Qu'il suit de tout ce qui précède que le licenciement de Monsieur X... se trouve justifié par une cause réelle et sérieuse du fait du manque de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, mais que néanmoins la faute grave n'est pas caractérisée ;
ALORS QUE sauf abus, tout salarié jouit, dans l'exercice de ses fonctions, de sa liberté d'expression à laquelle ne peuvent être apportées de restrictions que justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que ne constitue pas un abus de liberté d'expression, constitutif d'une faute grave le fait pour un salarié de protester auprès de ses supérieurs, même en termes véhéments, contre la rupture des contrats de travail de salariés dont il a eu à apprécier les compétences, et de mettre en garde son employeur contre les risques de ces ruptures ; qu'en statuant autrement la Cour d'appel a violé les articles L 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail
ALORS surtout QU'en retenant les critiques invoquées comme excessives et diffamatoires sans rechercher si elles étaient fondées au regard des reproches faits aux salariés licenciés, et des méthodes de travail suivies, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés QUE ne constitue pas plus une faute grave le fait pour un salarié mis à pied de porter à la connaissance d'un membre de son service, ayant exercé des fonctions de représentant du personnel, et d'autres membres de son service avec lesquels il travaille quotidiennement les raisons de cette mise à pied ; qu'en n'examinant pas, ainsi qu'elle y était invitée, dans quelles circonstances le courrier avait été diffusé aux membres du service, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions
ET ALORS en tout cas QUE la lettre du licenciement fixe les limites du litige ; qu'en retenant contre Monsieur X... le courriel adressé au chef du service informatique le 4 août, non visé par la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-24200
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2015, pourvoi n°13-24200


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24200
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