LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 28 juin 2013) que Mme X... a été engagée par la commune de Saint-Paul en qualité d'agent spécialisé des écoles maternelles dans le cadre d'une succession de contrats emploi consolidé puis de contrats d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée ; que la commune ayant mis fin à la relation contractuelle à l'issue du terme du dernier contrat, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec effet rétroactif au premier jour de l'embauche et le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la commune de Saint-Paul fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de requalification et de la condamner à payer des sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité légale de licenciement et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'une personne publique gérant un service public administratif sont soumis à un régime de droit public, sauf dispositions législatives contraires ; que si, selon les dispositions, alors en vigueur, du code du travail, les contrats emploi consolidé sont des contrats de droit privé et qu'en conséquence, les litiges nés à propos de leur conclusion, leur exécution et leur rupture relèvent en principe de la compétence du juge judiciaire, même lorsque l'employeur est une personne publique, ces dispositions doivent être écartées lorsque les conditions légales pour conclure un contrat aidé ne sont pas remplies ; que notamment si, par suite du défaut de signature préalable d'une convention avec l'Etat, les conditions légales pour conclure un contrat emploi consolidé ne sont pas réunies, le contrat de travail perd son caractère de contrat aidé et n'entre plus dans le cadre des dispositions spéciales relatives à ces contrats ; qu'il ne peut alors être requalifié en contrat de droit commun régi par le code du travail si l'employeur est une personne publique gérant un service public administratif ; que la cour d'appel a estimé que les conditions légales pour que la commune de Saint-Paul puisse conclure un contrat emploi consolidé avec Mme Y... n'étaient pas remplies, faute de signature préalable d'une convention avec l'Etat ; qu'il en résultait que Mme Y..., agent non statutaire d'une personne publique gérant un service public administratif, était soumise à un régime de droit public ; qu'en décidant cependant que le contrat conclu par la commune était un contrat de droit commun, ce dont elle a déduit que le juge judiciaire était compétent pour connaître des demandes en requalification et en indemnités de rupture présentées par l'intéressée, qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions du code du travail relatives aux contrats à durée déterminée, et qu'il convenait, en vertu de ces règles, de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et d'appliquer les règles relatives à la rupture d'un tel contrat, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, l'article L.322-4-8-1 ancien du code du travail et les articles L. 1242-8, L. 1245-1, L.1245-2, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du même code ;
2°/ que si la commune de Saint-Paul soutenait que dans la mesure où le contrat de travail perdait son caractère de contrat aidé en l'absence de convention avec l'Etat préalable à sa conclusion, ce contrat serait alors un contrat de droit public puisque l'employeur est une personne publique gérant un service public administratif, Mme Y... elle-même revendiquait à titre principal l'application des règles relatives aux agents publics ; que l'intimée soutenait, en effet, que la requalification en contrat à durée indéterminée à compter de la septième année était « encourue au premier chef en violation des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 » portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en se fondant sur les dispositions de cette loi relatives à la durée maximale de six ans des contrats à durée déterminée pouvant être conclus par les collectivités territoriales ; qu'en se bornant à affirmer que le contrat de travail litigieux, établi sans que les conditions légales permettant la conclusion d'un tel contrat emploi consolidé soient remplies, est un contrat de droit commun, sans expliquer pourquoi, contrairement à ce que soutenaient à la fois l'appelante et l'intimée, la relation contractuelle ne serait pas régie par les règles légales et jurisprudentielles relatives aux agents contractuels des collectivités territoriales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi du 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, de article L. 322-4-8-1 du code du travail, et des articles L. 1242-8, L. 1245-1, L. 1245-2, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du même code ;
Mais attendu que les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance d'un contrat emploi consolidé ou d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi qui, en vertu de la loi, ont la nature juridique de contrats de droit privé, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; que le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ;
Et attendu qu' après avoir relevé que la salariée qui ne mettait pas en cause la légalité des conventions passées entre l'Etat et son employeur et ne sollicitait pas non plus la poursuite de la relation contractuelle avec la personne de droit public mais seulement l'indemnisation des conséquences de la requalification et de la rupture de son contrat de travail, en a exactement déduit, dès lors que l'absence de convention préalable entre l'Etat et l'employeur était sans incidence sur la nature juridique des contrats litigieux, que le juge judiciaire était compétent pour se prononcer sur le litige relatif à la conclusion des différents contrats aidés et tirer les conséquences de la requalification en un contrat de droit commun à durée indéterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la commune de Saint-Paul fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'exception tirée de la prescription des créances qu'elle avait soulevée, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en tirant de l'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur l'appel en garantie contre l'Etat formé par la commune de Saint-Paul la conclusion qu'il était également incompétent pour statuer pour connaître du moyen tiré de la prescription quadriennale, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inintelligibles et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de ladite loi du 31 décembre 1968 ;
2°/ que la juridiction compétente pour connaître de la demande à laquelle la prescription quadriennale des créances publiques est opposée est compétente pour statuer sur l'exception de prescription ; qu'en refusant d'examiner le bien fondé de l'exception de prescription soulevée par la commune de Saint-Paul, motif pris d'une supposée incompétence du juge judiciaire, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 8 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances publiques ;
Mais attendu que la commune de Saint-Paul qui n'a opposé la prescription quadriennale qu'aux demandes nouvelles présentées par la salariée en cause d'appel, ne justifie d'aucun intérêt à la cassation d'une décision qui lui donne satisfaction en rejetant ces demandes, peu important que la cour d'appel n'ait pas fait droit à la fin de non recevoir tiré de la prescription ; que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Saint-Paul aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile condamne la commune de Saint-Paul à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 000 euros et celle de 3 000 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la commune de Saint-Paul
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié les contrats de travail conclus entre la commune de Saint-Paul et Mme X... en un contrat à durée indéterminée et d'avoir condamné la commune à verser à l'intéressée les sommes de1097 € à titre d'indemnité de requalification, 2.194 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.316,40 € à titre d'indemnité légale de licenciement et 8.500 € à titre l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la commune de Saint-Paul a employé Mme X... en qualité d'agent spécialisé des écoles maternelles dans le cadre de six contrats de travail aidés à durée déterminée successifs d'une durée d'un an chacun, soit cinq contrats emploi consolidé, du 16 août 2002 au 15 août 2007 puis un contrat d'accompagnement dans l'emploi du 16 août 2007 au 15 août 2008 ; que les contrats emploi consolidé et les contrats d'accompagnement dans l'emploi sont des contrats d'insertion réservés aux employeurs du secteur non marchand et destinés à favoriser l'accès à l'emploi ou à la réinsertion professionnelle de certaines catégories de demandeurs d'emploi en difficulté ; que le contrat emploi consolidé, institué par une loi du 29 juillet 1998 complétée par le décret n° 98-11 09 du 9 décembre 1998, est un contrat de travail à temps plein ou à temps partiel, au minimum de 30 heures hebdomadaires, à durée indéterminée ou pour une durée déterminée de 12 mois renouvelable 4 fois, soit 60 mois maximum ; qu'il ne peut être conclu qu'en application d'une convention individuelle signée préalablement entre l'employeur et l'Etat, lequel prend en charge une grande partie de la rémunération du salarié ; que le contrat emploi consolidé a été remplacé par le contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrat à durée déterminée à temps partiel ou à temps complet, créé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui doit également être précédé d'une convention prévoyant les actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation du projet professionnel du bénéficiaire du contrat, que l'employeur s'engage à mettre en oeuvre en contrepartie des aides financières octroyées ; qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que le contrat emploi consolidé conclu pour la période du 16 août 2003 au 15 août 2004 a été établi le 18 juillet 2003 et remis le 25 août 2003, sans que la convention visée par les dispositions de l'article L. 322-8-4-1 ancien du code du travail alors applicable et du décret du 9 décembre 1998 précité ait été conclue puisque cette convention est datée du 16 octobre 2003 ; que les contrats suivants ont de même été établis sans que la convention n'ait été préalablement conclue avec l'Etat ; qu'ils ont donc été signés alors que les conditions légales pour conclure des contrats emploi consolidé et d'accompagnement dans l'emploi n'étaient pas réunies ; que par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés, il s'agit de contrats de droit commun et le juge judiciaire est compétent pour connaître de la demande en requalification présentée ; que par application conjointe des dispositions de l'article L. 322-8-4-1 ancien alors applicable et les articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du code du travail, ces contrats doivent être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée ; que la commune ne conteste pas être à l'origine de la rupture de la relation de travail, laquelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit pour la salariée à l'indemnité légale de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'une personne publique gérant un service public administratif sont soumis à un régime de droit public, sauf dispositions législatives contraires ; que si, selon les dispositions, alors en vigueur, du code du travail, les contrats emploi consolidé sont des contrats de droit privé et qu'en conséquence, les litiges nés à propos de leur conclusion, leur exécution et leur rupture relèvent en principe de la compétence du juge judiciaire, même lorsque l'employeur est une personne publique, ces dispositions doivent être écartées lorsque les conditions légales pour conclure un contrat aidé ne sont pas remplies ; que notamment si, par suite du défaut de signature préalable d'une convention avec l'Etat, les conditions légales pour conclure un contrat emploi consolidé ne sont pas réunies, le contrat de travail perd son caractère de contrat aidé et n'entre plus dans le cadre des dispositions spéciales relatives à ces contrats ; qu'il ne peut alors être requalifié en contrat de droit commun régi par le code du travail si l'employeur est une personne publique gérant un service public administratif ; que la cour d'appel a estimé que les conditions légales pour que la commune de Saint-Paul puisse conclure un contrat emploi consolidé avec Mme X... n'étaient pas remplies, faute de signature préalable d'une convention avec l'Etat ; qu'il en résultait que l'intéressée, agent non statutaire d'une personne publique gérant un service public administratif, était soumise à un régime de droit public ; qu'en décidant cependant que le contrat conclu par la commune était un contrat de droit commun, ce dont elle a déduit que le juge judiciaire était compétent pour connaître des demandes en requalification et en indemnités de rupture présentées par l'intéressée, qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions du code du travail relatives aux contrats à durée déterminée, et qu'il convenait, en vertu de ces règles, de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et d'appliquer les règles relatives à la rupture d'un tel contrat, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, l'article L. 322-4-8-1 ancien du code du travail et les articles L. 1242-8, L. 1245-1, L. 1245-2, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du même code ;
ALORS en outre QUE si la commune de Saint-Paul soutenait que dans la mesure où le contrat de travail perdait son caractère de contrat aidé en l'absence de convention avec l'Etat préalable à sa conclusion, ce contrat serait alors un contrat de droit public puisque l'employeur est une personne publique gérant un service public administratif, l'intimée elle-même revendiquait à titre principal l'application des règles relatives aux agents publics ; que l'intéressée soutenait, en effet, que la requalification en contrat à durée indéterminée à compter de la septième année était « encourue au premier chef en violation des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 » portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en se fondant sur les dispositions de cette loi relatives à la durée maximale de six ans des contrats à durée déterminée pouvant être conclus par les collectivités territoriales ; qu'en se bornant à affirmer que le contrat de travail litigieux, établi sans que les conditions légales permettant la conclusion d'un tel contrat emploi consolidé soient remplies, est un contrat de droit commun, sans expliquer pourquoi, contrairement à ce que soutenaient à la fois l'appelante et l'intimée, la relation contractuelle ne serait pas régie par les règles légales et jurisprudentielles relatives aux agents contractuels des collectivités territoriales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi du 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, de article L. 322-4-8-1 du code du travail, et des articles L. 1242-8, L. 1245-1, L. 1245-2, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit la juridiction judiciaire incompétente pour connaitre de l'exception tirée de la prescription des créances, soulevée par la commune de Saint-Paul ;
AUX MOTIFS QUE la juridiction judicaire est incompétente pour statuer sur une éventuelle responsabilité de l'Etat et par voie de conséquence sur le moyen tiré d'une éventuelle prescription des sommes sollicitées par l'intimé, soulevé par l'appelante sur la base de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription de quatre ans des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
ALORS QU'en tirant de l'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur l'appel en garantie contre l'Etat formé par la commune de Saint-Paul la conclusion qu'il était également incompétent pour statuer pour connaître du moyen tiré de la prescription quadriennale, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inintelligibles et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de ladite loi du 31 décembre 1968 ;
ALORS en tout état de cause QUE la juridiction compétente pour connaître de la demande à laquelle la prescription quadriennale des créances publiques est opposée est compétente pour statuer sur l'exception de prescription ; qu'en refusant d'examiner le bien fondé de l'exception de prescription soulevée par la commune de Saint-Paul, motif pris d'une supposée incompétence du juge judiciaire, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 8 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances publiques.