LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 septembre 2012), que M. X..., âgé de 16 ans, a été engagé à compter du 7 septembre 2009 par la société Garage carrosserie d'Aplemont pour trois ans en qualité d'apprenti ; que par l'intermédiaire de son représentant légal puis par lui-même lorsqu'il a été majeur, il a sollicité de la juridiction prud'homale la résiliation judiciaire de son contrat ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en résiliation judiciaire de son contrat d'apprentissage aux torts de l'employeur et en paiement de ses salaires jusqu'à la date de la rupture et de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que l'inexécution par l'employeur de son obligation contractuelle de fournir du travail à l'apprenti, de le former et, en cas de difficultés, de prendre attache avec le centre de formation par le biais du livret d'apprentissage constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; que dès lors, en constatant que la société n'avait pas satisfait à l'obligation de formation lui incombant faute pour lui d'avoir exécuté un tiers des tâches prévues sur l'année d'enseignement et en déclarant néanmoins que ce manquement n'était pas de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, ainsi, violé les articles L. 1231-1 et L. 6222 du code du travail ;
2°/ que l'inexécution par l'employeur de son obligation contractuelle de fournir du travail à l'apprenti, de le former et, en cas de difficultés, de prendre attache avec le centre de formation par le biais du livret d'apprentissage, constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; que dès lors en s'abstenant de répondre à ses conclusions selon lesquelles l'employeur, qui n'avait jamais informé le centre de formation d'apprentissage de ses prétendues absences ou des soi-disant difficultés rencontrées dans le travail en utilisant le livret d'apprentissage destiné à cet effet, avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'inexécution par l'employeur de son obligation contractuelle de fournir du travail à l'apprenti, de le former et, en cas de difficultés, de prendre attache avec le centre de formation par le biais du livret d'apprentissage constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; qu'en l'espèce, pour exonérer l'employeur de tout manquement, la cour d'appel a énoncé que « le comportement difficile de M. (négligent, peu respectueux, manquant de goût pour le travail) », invoqué par le garage, « correspondait au comportement de l'intéressé dans l'établissement scolaire, tel que décrit au moins par certains de ses professeurs (insolent, distrait, bavard, irrégulier, devant faire preuve de plus de sérieux, devant se mettre au travail) et tels qu'il résulte des relevés de retards et absences injustifiés » ; que dès lors en retenant une partie seulement de ses appréciations et notes et en écartant, sans motif et sans s'en expliquer, les bonnes notes obtenues et les commentaires favorables de ses professeurs qui, au premier semestre avait obtenu une moyenne de 14,31 avec les observations suivantes : « bon travail » en français et en histoire géographie, « assez bien dans l'ensemble » en mathématiques, « un niveau satisfaisant » en sciences physiques, « assez bien » en anglais, « bon travail » en technologie, « très bien » en mécanique auto, puis au second semestre une moyenne de 14,09 avec les commentaires suivants : « bon niveau », « bons résultats », « très bien » et « résultats satisfaisants » dans les mêmes matières, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en déclarant « qu'il résulte des relevés des retards et absences injustifiés » la cour d'appel a dénaturé les bulletins de notes des premier semestre et deuxième semestre portant les mentions suivantes : « Absences justifiées : 0, Absences injustifiées : 0, Retards : 0 » et « Absences justifiées : 23 h, Absences injustifiées : 0, Retards : 4 » d'où il résultait l'absence de retards ou absences injustifiés et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ qu'en déclarant « qu'il résulte des relevés des retards et absences injustifiés » la cour d'appel a dénaturé le livret d'apprentissage confirmant, sur l'ensemble des deux semestres, quatre jours d'absences au CFA et aucun en entreprise et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
6°/ que les faits constitutifs de harcèlement caractérisent un manquement de l'employeur à l'exécution loyale de ses obligations contractuelles justifiant la résiliation judiciaire du contrat ; que dès lors en s'abstenant de rechercher si les pressions exercées sur le salarié à diverses reprises pour obtenir la résiliation amiable du contrat ne caractérisaient pas des faits de nature à faire présumer le harcèlement et, en conséquence, à justifier la résiliation du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1 et L. 6222 du code du travail ;
Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi ou de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve invoqués par les parties au soutien de leur argumentation devant la cour d'appel ; qu'irrecevable en sa dernière branche pour être contraire à la position prise devant la cour d'appel, le moyen qui n'encourt pas les griefs de dénaturation articulés n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat et à obtenir le paiement de ses salaires jusqu'à la date de la rupture ainsi que des dommages intérêts pour le préjudice moral subi ;
Aux motifs que « l'article L. 6222-18 du code du travail applicable en la cause dispose : « Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer » ; que M. X... sollicite la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage en arguant, à l'encontre de l'employeur, de divers torts qu'il appartient à la Cour d'examiner successivement ; qu'il reproche en premier lieu à l'employeur d'avoir manqué aux obligations principales du contrat d'apprentissage, d'une part, en s'abstenant de le former, d'autre part, en le mettant à la porte à plusieurs reprises et en lui refusant tout retour dans l'entreprise sans procédure, sans avertir ses parents et l'école ; que sur ce point, la Cour observe que si l'apprenti a écrit à l'inspection du travail qu'il avait été renvoyé chez lui les 6, 11 et 14 octobre, l'employeur a formellement contesté ces faits dès qu'avisé par ce service de cette dénonciation, en indiquant que c'est M. X... qui avait pris la décision de quitter son lieu de travail sans en avertir ses supérieurs ; que les dires de M. X... ne sont corroborés par aucun élément, tandis que ceux de l'employeur le sont par diverses attestations produites pour la première fois en cause d'appel ; que la Cour relève notamment, d'une part, celle de la secrétaire (Mme Y...) qui atteste de manière particulièrement précise « qu'il quittait l'entreprise parce qu'une remarque lui avait été faite », que « M. et Mme X... ont toujours été prévenus » par l'employeur ou elle-même, qu'ils « étaient contactés par téléphone sur le fixe, les portables ou le travail de Mme X... », d'autre part, celle du maître d'apprentissage M. Z..., qui atteste que « dès qu'il y avait un problème au travail, les parents étaient prévenus » ; que plusieurs autres attestations font état de ce que les parents ont été convoqués à plusieurs reprises ; que la circonstance que ces attestations ont été établies postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes (février et mars 2012) n'est pas par elle-même de nature à remettre en cause leur sincérité, d'autant qu'elles sont toutes rédigées en des termes différents et qu'elles font état d'un comportement difficile de M. X... (négligent, peu respectueux, manquant de goût pour le travail) qui correspond au comportement de l'intéressé dans l'établissement scolaire, tel que décrit au moins par certains de ses professeurs (insolent, distrait, bavard, irrégulier, devant faire preuve de plus de sérieux, devant se mettre au travail) et tel qu'il résulte des relevés de retards et d'absences injustifiés ; qu'en réalité, le seul fait objectivement établi par les mentions du livret d'apprentissage est que l'employeur n'a fait accomplir à l'apprenti que 58 taches sur les 87 auxquelles il devait le former, soit seulement les deux tiers ; que toutefois, compte tenu du comportement adopté par l'apprenti, ces manquements ne sont, en l'espèce, pas de nature à entraîner la rupture du contrat aux torts de l'employeur ; que M. X... reproche, en second lieu, à l'employeur de l'avoir harcelé, en le renvoyant sur la champ à plusieurs reprises, sans procédure, en n'avertissant pas ses parents et l'école, en le menaçant ou en menaçant ses parents absents, en le faisant pleurer, en l'avilissant au point de subir des arrêts médicaux de travail ; que les faits ainsi énumérés ne sont établis par aucun élément, mais reposent sur les seuls dires de l'apprenti auxquels la circonstance qu'ils les a exprimés dans deux lettres adressées à l'inspection du travail n'ôte pas leur caractère de simples allégations devant le juge prud'homal ; qu'il en est ainsi y compris des propos que le père de M. X... a déclaré, dans une main courante, avoir été tenus envers son fils, dès lors que ces propos n'ont pas été tenus en présence du père, ainsi que cela résulte tant de la main courante que de la lettre de l'apprenti à l'inspection du travail (« quand mon père est parti.,. ») ; que certes, des arrêts de travail sont produits ; que toutefois, ces arrêts pour état dépressif ne suffisent pas à établir, à eux seuls, l'existence d'un harcèlement et le fait que le médecin ait indiqué dans un document du juillet 2011 que « l'arrêt de travail du 28 octobre 2010 au 5 septembre 2011 est bien en rapport avec les problèmes rencontrés au sein de son entreprise », constat qui ne pouvait reposer que sur les seules déclarations de l'intéressé, n'est pas de nature à constituer un fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, d'autant qu'un témoin attribue la perturbation à des problèmes familiaux ; qu'il appartient au salarié, en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail d'établir, dans un premier temps, un tel fait ; que le jugement sera infirmé et M. X... débouté de toutes ses demandes » ;
Alors, d'une part, que l'inexécution par l'employeur de son obligation contractuelle de fournir du travail à l'apprenti, de le former et, en cas de difficultés, de prendre attache avec le centre de formation par le biais du livret d'apprentissage constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; que dès lors en constatant que la société Garage Carrosserie D'Aplemont n'avait pas satisfait à l'obligation de formation lui incombant faute pour Ronan X... d'avoir exécuté un tiers des tâches prévues sur l'année d'enseignement et en déclarant néanmoins que ce manquement n'était pas de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, ainsi, violé les articles L. 1231-1 et L. 6222 du code du travail ;
Alors, d'autre part, que l'inexécution par l'employeur de son obligation contractuelle de fournir du travail à l'apprenti, de le former et, en cas de difficultés, de prendre attache avec le centre de formation par le biais du livret d'apprentissage, constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; que dès lors en s'abstenant de répondre aux conclusions de Ronan X... selon lesquelles l'employeur, qui n'avait jamais informé le centre de formation d'apprentissage de ses prétendues absences ou des soit disant difficultés rencontrées dans le travail en utilisant le livret d'apprentissage destiné à cet effet, avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en outre, que l'inexécution par l'employeur de son obligation contractuelle de fournir du travail à l'apprenti, de le former et, en cas de difficultés, de prendre attache avec le centre de formation par le biais du livret d'apprentissage constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts ; qu'en l'espèce, pour exonérer l'employeur de tout manquement, la cour d'appel a énoncé que « le comportement difficile de M. X... (négligent, peu respectueux, manquant de goût pour le travail) », invoqué par le garage, « correspondait au comportement de l'intéressé dans l'établissement scolaire, tel que décrit au moins par certains de ses professeurs (insolent, distrait, bavard, irrégulier, devant faire preuve de plus de sérieux, devant se mettre au travail) et tels qu'il résulte des relevés de retards et absences injustifiés » ; que dès lors en retenant une partie seulement des appréciations et notes de l'apprenti et en écartant, sans motif et sans s'en expliquer, les bonnes notes obtenues par l'intéressé et les commentaires favorables des professeurs sur Ronan qui, au 1er semestre avait obtenu une moyenne de 14,31 avec les observations suivantes : « bon travail » en français et en histoire géographie, « assez bien dans l'ensemble » en mathématiques, « un niveau satisfaisant » en sciences physiques, « assez bien » en anglais, « bon travail » en technologie, « très bien » en mécanique auto, puis au second semestre une moyenne de 14,09 avec les commentaires suivants : « bon niveau », « bon résultats », « très bien » et « résultats satisfaisants » dans les mêmes matières, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, au surplus, qu'en déclarant « qu'il résulte des relevés des retards et absences injustifiés » la cour d'appel a dénaturé les bulletins de notes des 1er semestre et 2ème semestre portant les mentions suivantes : « Absences justifiées : 0, Absences injustifiées : 0, Retards : 0 » et « Absences justifiées : 23 h, Absences injustifiées : 0, Retards : 4 » d'où il résultait l'absence de retards ou absences injustifiés et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
Et alors qu'en déclarant « qu'il résulte des relevés des retards et absences injustifiés » la cour d'appel a dénaturé le livret d'apprentissage de M. X... confirmant, sur l'ensemble des deux semestres, quatre jours d'absences au CFA et aucun en entreprise et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, enfin, que les faits constitutifs de harcèlement caractérisent un manquement de l'employeur à l'exécution loyale de ses obligations contractuelles justifiant la résiliation judiciaire du contrat ; que dès lors en s'abstenant de rechercher si les pressions exercées sur le salarié à diverses reprises pour obtenir la résiliation amiable du contrat ne caractérisaient pas des faits de nature à faire présumer le harcèlement et, en conséquence, à justifier la résiliation du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1 et L. 6222 du code du travail ;