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15/01/2015 | FRANCE | N°13-23799

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-23799


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er février 1986 en qualité de pharmacienne assistante par Mme Y... et dont le contrat de travail, qui comportait une clause de non-concurrence ne prévoyant pas de contrepartie pécuniaire, a été transféré à la société D...
Y... Caroline pharmacie, a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 février 2011 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est mani

festement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Vu la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er février 1986 en qualité de pharmacienne assistante par Mme Y... et dont le contrat de travail, qui comportait une clause de non-concurrence ne prévoyant pas de contrepartie pécuniaire, a été transféré à la société D...
Y... Caroline pharmacie, a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 février 2011 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article R. 5015-59 du code de la santé publique, alors applicable ;
Attendu que l'examen du pourvoi, qui soutient qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle comporte une contrepartie financière et qu'il en résulte qu'aucune disposition réglementaire ne saurait autoriser valablement un employeur à imposer une obligation de non-concurrence à un salarié sans prévoir le versement d'une contrepartie financière, nécessite que soit posée la question de l'appréciation de la légalité du texte réglementaire susvisé, laquelle soulève une difficulté sérieuse ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt en ce qu'il dit le licenciement justifié par une faute grave et, en conséquence, rejette les demandes de la salariée en paiement d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
RENVOIE l'une ou l'autre des parties à saisir la juridiction administrative aux fins d'appréciation de la légalité de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique, alors applicable ;
SURSOIT A STATUER sur le second moyen du pourvoi jusqu'à la décision qui sera rendue par la juridiction administrative sur la requête de l'une ou l'autre des parties ;
Réserve les dépens ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé le licenciement prononcé pour faute grave de Mme Z... justifié par une faute grave et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS PROPRES QUE, Sur le bien-fondé du licenciement : même si le courrier de licenciement confond la date de l'erreur commise et celle du retour du patient à la pharmacie, le grief est clairement rapporté et identifiable ; cette lettre est suffisamment motivée et exempte d'ambiguïté ; le 21 janvier 2011, M. A... a présenté à Mme Laurence Z... une prescription d'un service d'imagerie médicale lui demandant de se procurer en pharmacie :-2 flacons Omnipaque,-2 flacons Micro paque scanner,- « N ACETYICYSTEINE PER OS » ; le document précisait expressément : « prescription de l'ACETYICYSTEINE uniquement si dosage de la clairance MDR entre 30 et 60 ml/ mn si clairance MDR inférieure à 30 ml/ mn, contacter le médecin pour confirmer la nécessité d'une injection " ; la salariée avait à sa disposition l'analyse de M. A... qui indiquait expressément que le MDRD s'élevait à 42 ; il appartenait donc à Mme Laurence Z... de délivrer le produit, conformément aux indications du médecin ; elle ne l'a pas fait, de sorte que le scanner n'a pu être réalisé, faute d'injection du produit ; l'erreur a été décelée grâce à la vigilance l'infirmière du service de l'imagerie médicale ; en s'abstenant de délivrer un produit pourtant clairement prescrit suivant des indications explicites, Mme Laurence Z... a fait preuve d'une légèreté inacceptable pour un professionnel de santé ; la salariée a manqué à la mission de base de sa profession : la délivrance de produits, conformément aux prescriptions données par un médecin ; la vigilance de la salariée aurait due être accrue, eu égard à l'âge M. A..., et à sa lourde pathologie ; ce manquement de la salarié est d'une gravité telle qu'il rendait impossible le maintien de son contrat de travail, en ce compris pendant la durée du préavis, d'autant qu'elle avait déjà fait l'objet auparavant d'un avertissement pour des erreurs répétées ; il s'en déduit que le licenciement est fondé sur une faute grave ; le jugement entrepris sera donc confirmé ;
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, la lettre de licenciement en date du 17 février 2011 est ainsi notifiée : « Le vendredi 28 janvier 2011, vous avez commis une erreur qui aurait pu être lourde de conséquences. Vous avez fait une mauvaise lecture du bilan sanguin de Monsieur A.... En effet, selon le résultat du bilan sanguin, il fallait décider de la délivrance ou non d'Acétylcystéine pour la réalisation du scanner du patient. La mauvaise lecture du bilan sanguin a entraîné la non délivrance de ce médicament. La non prise de ce médicament aurait pu avoir pour conséquence le blocage de l'unique rein du patient (...). Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture » : il y a lieu de considérer que les faits reprochés datent bien du 21 janvier 2011 et non du 28 janvier comme mentionné dans la lettre de licenciement, le cachet de la pharmacie faisant foi ; l'ordonnance précitée comporte bien la prescription de trois médicaments dont l'acétyleysteine dont l'usage est confirmé par le certificat d'analyse des laboratoires de biologie médiale de Dunkerque daté du 20 janvier 2011 ; les faits, cependant contestés par Mme Z... sont attestés par Mesdames B... et C... préparatrices dans la même officine ; la mauvaise lecture de l'ordonnance entraînant la non délivrance du médicament constitue une faute professionnelle d'une gravité telle que la vie du patient, sans la vigilance du Centre Hospitalier, aurait été mise en danger ; il convient de dire que le licenciement de Madame Laurence Z... pour faute grave est justifié, et qu'il y a lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts formulée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, les demandes d'indemnités au titre de la mise à pied et du préavis sont dénuées de fondement ; la faute grave est privative de l'indemnité compensatrice de congés payés, il y a lieu de débouter Mme Z... de cette demande.
ALORS D'UNE PART QUE, la lettre de licenciement doit comporter des griefs précis et matériellement vérifiables qui fixent les limites du litige et si la datation des faits n'est pas exigée, la mention d'une date précise fixe alors les limites du litige ; que pour juger que le licenciement de Mme Z... était justifié par une faute grave et débouter celle-ci de ses demandes, la Cour d'appel a affirmé que même si le courrier de licenciement confond la date de l'erreur commise et celle du retour du patient, le grief est clairement rapporté et identifiable ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la lettre de licenciement mentionnait le 28 janvier 2011 comme date des faits et que les juges ont retenu des faits prétendument commis le 21 janvier 2011, les juges du fond ont méconnu les principes susvisés et violé l'article L. 1232-6 du Code du travail.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, Mme Z... a fait expressément et précisément valoir que le Code de la santé publique faisait interdiction au pharmacien de délivrer un médicament si celui-ci n'a pas été préalablement prescrit par un médecin et que, par conséquent, il ne pouvait lui être reproché de n'avoir pas délivré le 21 janvier 2011 un médicament (Acétycystéïne) sans prescription médicale, sur simple présentation du résultat d'une analyse de sang ; que pour juger que le licenciement de Mme Z... était justifié par une faute grave, les juges du fond se sont contentés d'affirmer qu'elle avait à sa disposition l'analyse de sang de M. A... et qu'il lui appartenait donc de délivrer le produit, conformément aux indications du médecin ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond se sont abstenus de toute réponse au moyen explicite et sérieux des conclusions de Mme Z... et ont violé l'article 455 du Code de Procédure civile ;
ALORS encore QU'il n'était pas reproché à Mme Z... d'avoir délivré un médicament dangereux, mais au contraire de n'avoir pas délivré un médicament nécessaire à une analyse qui n'a pas été effectuée ; qu'en disant qu'elle avait mis en danger la santé d'un patient, sans caractériser en quoi le seul report de l'examen constituait un danger pour la vie du patient, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR jugé que la clause de non installation stipulée dans le contrat de Mme Z... était valable et, en tout état de cause, de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 30 000, 00 Euros en réparation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait de cette clause illicite.
AUX MOTIFS PROPRES QUE, Sur les demandes de la salariée relatives à la clause de non installation : le contrat de travail de Mme Laurence Z... dispose : « En application de l'article R. 5 015-59 du code de la santé publique, en cas de rupture de contrat par l'une ou l'autre des parties pour quelque cause que ce soit, Mme Laurence Z... s'engage à ne pas exercer en qualité de titulaire (propriétaire, copropriétaire ou associé) dans un rayon de 1 km de l'officine de Mme Y... pendant deux années à compter de la date effective de la cessation de ses fonctions. Toutefois, un aménagement à cette disposition peut intervenir d'un commun accord entre les parties » ; ces dispositions contractuelles entrent dans le cadre des articles R. 4235-37 et R. 5015-59 du code de la santé publique qui instaurent pour les pharmaciens collaborateurs une interdiction d'exploiter une officine pendant 2 ans en un lieu « où sa présence permet de concurrencer directement le confrère secondé " ; une installation de Mme Laurence Z... dans un périmètre restreint de 1 km a pu être jugée par les parties concurrentielle à l'activité de l'employeur ; en tout état de cause, la salariée pouvait saisir son ordre pour trancher un éventuel litige sur ce point ; la définition d'un périmètre géographique à cette clause n'a pas pour effet de placer les parties en dehors de prescriptions légales qui ne prévoient pas de contrepartie financière ; il s'en déduit que Mme Laurence Z... doit être déboutée de ses demandes ;
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, Mme Laurence Z... réclame 30 000 Euros au titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail. Au contrat de travail il est stipulé : « En cas de rupture de ce contrat par l'une ou l'autre des parties pour quelque cause que ce soit, Melle X... s'engage à ne pas exercer en qualité de titulaire (propriétaire, copropriétaire ou associé) dans un rayon de un kilomètre de l'officine de Mlle Y... pendant deux années à compter de la date effective de la cessation de ses fonctions. Toutefois un aménagement à cette disposition peut intervenir d'un commun accord entre les parties ». A l'époque de la signature, en 1986, la jurisprudence ne prévoyait aucune contrepartie financière pour la clause de non concurrence. A ce sujet, le contrat de travail n'a pas été réactualisé. En outre, il convient de déclarer nulle la distance imposée de un kilomètre interdisant une éventuelle activité. Cette clause particulière au contrat de travail doit être considérée nulle, il convient de débouter Mme Laurence Z... de sa demande de dommages et intérêts.
ALORS D'UNE PART QUE, en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, de l'article L. 1121-1 du Code du travail et de l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, toute clause de non concurrence n'est licite qu'à la condition, notamment, de comporter une contrepartie financière ; qu'il en est ainsi y compris lorsque la clause du contrat ne fait que reprendre l'interdiction de concurrence d'un texte législatif ou réglementaire qui n'exige pas expressément une telle contrepartie ; que pour débouter Mme Laurence Z... de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait d'une clause de non-concurrence illicite, faute de contrepartie financière, la Cour d'appel a affirmé que l'interdiction de non concurrence était prévue par des prescriptions légales qui ne prévoient pas de contrepartie financière ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, l'article L. 1121-1 du Code du travail, ensemble l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.
ALORS D'AUTRE PART QUE, l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répondant à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle et l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit, un salarié peut invoquer l'illicéité de sa clause de non-concurrence du fait de l'absence de contrepartie financière, même quand la clause de non concurrence a été convenue à un moment où cette contrepartie n'était pas exigée ; que débouter Mme Laurence Z... de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait de sa clause de non-concurrence illicite, faute de contrepartie financière, les juges du fond ont également affirmé qu'à l'époque de la signature de la clause de non-concurrence, en 1986, la jurisprudence ne prévoyait aucune contrepartie financière ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont, de nouveau, violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.
ALORS, AUSSI QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que pour débouter Mme Laurence Z... de ses demandes, la Cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'une installation de celle-ci dans un périmètre restreint de 1 Km a pu être jugée par les parties concurrentielle à l'activité de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, alors qu'outre le fait qu'elle ne comportait pas de contrepartie financière, la clause de non concurrence avait une durée de deux ans, la Cour d'appel, qui aurait dû rechercher si la clause ne portait pas une atteinte excessive à la liberté professionnelle de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du Code du travail ;
ET ALORS QU'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la nullité de la clause de non concurrence crée nécessairement un préjudice au salarié à qui elle est imposée ; qu'en refusant d'indemniser la salariée après avoir constaté que la clause était nulle quant à la distance imposée, les juges du fond ont violé les principes susvisés ensemble l'article L 1121-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-23799
Date de la décision : 15/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2015, pourvoi n°13-23799


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.23799
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