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17/12/2014 | FRANCE | N°13-19623

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 décembre 2014, 13-19623


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 avril 2013),qu'au cours du mois de novembre 2009, la société Clear Channel France a mis en oeuvre un dispositif de départs volontaires concernant uniquement les salariés exerçant les fonctions d' « afficheur colle » dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que M. X..., engagé le 15 avril 1993 et occupant des fonctions d'afficheur-monteur, s'est porté candidat au départ volontaire en présentant une proposition d'embauche en qualité d'afficheur-monteur sous

contrat à durée indéterminée et qu'il a signé une convention de rup...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 avril 2013),qu'au cours du mois de novembre 2009, la société Clear Channel France a mis en oeuvre un dispositif de départs volontaires concernant uniquement les salariés exerçant les fonctions d' « afficheur colle » dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que M. X..., engagé le 15 avril 1993 et occupant des fonctions d'afficheur-monteur, s'est porté candidat au départ volontaire en présentant une proposition d'embauche en qualité d'afficheur-monteur sous contrat à durée indéterminée et qu'il a signé une convention de rupture d'un commun accord le 17 juin 2010, après autorisation de l'inspecteur du travail, l'intéressé étant délégué du personnel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire reste compétent, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, à moins que les manquements invoqués par le salarié aient été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ; qu'en s'étant bornée, pour dire que le principe de la séparation des pouvoirs interdisait au salarié de demander au juge judiciaire de tirer les conséquences sur la rupture de son contrat de travail d'une exécution déloyale du plan de sauvegarde de l'emploi, qu'elle était « antérieure » à la décision administrative d'autorisation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette loyauté avait été prise en compte par l'autorité administrative pour autoriser le départ volontaire de M. X... et si cette autorité ne s'était pas seulement attachée au motif économique autorisant le recours à un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié au regard de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor, et du principe de la séparation des pouvoirs ;
2°/ que le départ volontaire d'un salarié dans le cadre d'un plan de départs volontaires prévu par un plan de sauvegarde de l'emploi n'interdit pas au salarié de contester la cause économique de la rupture ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3°/ que l'employeur qui entend supprimer des emplois pour des raisons économiques en concluant avec les salariés des accords de rupture amiable n'est pas tenu d'établir un plan de reclassement interne « lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois » ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que la société Clear Channel ne s'était jamais engagée à ne pas recourir au licenciement en cas de candidatures insuffisantes dans le plan de départ volontaire, s'était contentée de désigner la catégorie professionnelle visée par la mesure de suppression d'emplois sans préciser le nombre d'emplois supprimés, ne pouvait pas nécessairement laisser craindre aux salariés leur licenciement, dès lors que tous les emplois d'afficheurs monteurs avaient vocation à disparaître, au besoin par la voie du licenciement, ce qui impliquait donc que le plan de sauvegarde de l'emploi comporte des mesures de reclassement interne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail ;
4°/ que la volonté de quitter l'entreprise n'est libre, dans un contexte de difficultés économiques et de réduction d'effectifs, que si l'intéressé est informé de toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe, connaît le nombre de postes susceptibles d'être supprimés, sans craindre un licenciement ultérieur dans le cas où le plan de départ volontaire n'atteindrait pas ses objectifs ; qu'en s'étant bornée à énoncer que ni l'incertitude dans laquelle le salarié se trouvait sur le nombre de postes susceptibles d'être supprimés par départ volontaire dans la catégorie professionnelle définie, ni la transmission aux salariés intéressés d'une lettre type à recopier n'étaient de nature à altérer le consentement du salarié à la rupture d'un commun accord de son contrat de travail, cependant qu'il était acquis aux débats qu'il n'y avait, pour les afficheurs monteurs et techniciens en mobilier publicitaire concernés par le plan de départs volontaires, aucune garantie possible d'emploi pour l'avenir, qu'il était loisible à la société Clear Channel en fonction des résiliations amiables de contrats intervenues et de l'évolution des métiers, d'envisager ensuite de nouvelles suppressions de postes donnant lieu à un autre plan de sauvegarde de l'emploi, tel étant le sens des propos du président du comité d'entreprise le 28 janvier 2010 : « il n'y a pas de garantie car dans la vie économique, il n'y a pas de garantie possible », et que les termes du plan de sauvegarde de l'emploi portant sur les métiers « plus pénibles et fragiles notamment au regard de la réduction de la demande des annonceurs et la forte concurrence que nous connaissons sur nos coûts d'affichage. Le métier d'afficheur monteur traditionnel (« tacherons ») est notamment très impacté par la baisse du nombre de panneaux colle et de la demande des annonceurs pour ces mêmes panneaux » ne pouvaient que convaincre le salarié qu'il risquait d'être licencié, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser en quoi le salarié avait valablement consenti au plan de départ volontaire, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que la rupture du contrat de travail résultait de la conclusion d'un accord de rupture amiable intervenu dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi par départs volontaires, qui n'envisageait aucun licenciement et retenu, d'autre part, par une appréciation souveraine, que le consentement du salarié n'avait pas été vicié du fait du comportement de l'employeur, en sorte que la cause de la rupture ne pouvait être contestée, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauche, alors, selon le moyen, qu'en ayant infirmé sans motif, le jugement qui avait retenu que la société Clear channel France avait violé la priorité de réembauchage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Clear channel France de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, n'a pas statué sur le chef de demande relatif à la priorité de réembauche, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail ;
Aux motifs que dès lors que l'inspection du travail a autorisé la rupture de son contrat de travail d'un commun accord, le salarié ne peut, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, demander au juge judiciaire de vérifier l'existence d'une cause de rupture, la suppression de son poste de travail ou le respect d'une obligation de reclassement interne ; qu'il ne peut davantage lui demander de tirer les conséquences sur la rupture de son contrat de travail d'une prétendue exécution déloyale du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) antérieure à la décision administrative d'autorisation ; que lorsque la rupture résulte d'un départ volontaire dans le cadre de mesures de gestion des effectifs, le salarié ne peut contester la cause de rupture ou se prévaloir de l'absence de suppression de son poste au soutien d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'un plan de reclassement qui ne s'adresse qu'aux salariés dont le licenciement ne peut être évité, n'est pas nécessaire lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs assignés en termes de suppressions d'emplois ; que ni l'incertitude dans laquelle le salarié se trouvait sur le nombre de postes susceptibles d'être supprimés par départ volontaire dans la catégorie professionnelle définie, ni la transmission aux salariés intéressés d'une lettre type à recopier n'étaient de nature à altérer le consentement du salarié à la rupture d'un commun accord de son contrat de travail ; qu'il lui appartenait de ne pas signer la convention de rupture s'il n'avait pu obtenir de la société Pact Pub la prorogation de la durée de validité de la proposition d'embauche au-delà du 1er juin 2010 ; qu'en l'absence de vice du consentement, le salarié doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail ;
Alors 1°) que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire reste compétent, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, à moins que les manquements invoqués par le salarié aient été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ; qu'en s'étant en s'étant bornée, pour dire que le principe de la séparation des pouvoirs interdisait au salarié de demander au juge judiciaire de tirer les conséquences sur la rupture de son contrat de travail d'une exécution déloyale du PSE, qu'elle était « antérieure » à la décision administrative d'autorisation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette loyauté avait été prise en compte par l'autorité administrative pour autoriser le départ volontaire de M. X... et si cette autorité ne s'était pas seulement attachée au motif économique autorisant le recours à un PSE (conclusions d'appel p. 8), la cour d'appel n'a pas légalement justifié au regard de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor, et du principe de la séparation des pouvoirs ;
Alors 2°) que le départ volontaire d'un salarié dans le cadre d'un plan de départs volontaires prévu par un plan de sauvegarde de l'emploi n'interdit pas au salarié de contester la cause économique de la rupture ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Alors 3°) que l'employeur qui entend supprimer des emplois pour des raisons économiques en concluant avec les salariés des accords de rupture amiable n'est pas tenu d'établir un plan de reclassement interne « lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois » ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que la société Clear Channel ne s'était jamais engagée à ne pas recourir au licenciement en cas de candidatures insuffisantes dans le plan de départ volontaire, s'était contentée de désigner la catégorie professionnelle visée par la mesure de suppression d'emplois sans préciser le nombre d'emplois supprimés, ne pouvait pas nécessairement laisser craindre aux salariés leur licenciement, dès lors que tous les emplois d'Afficheurs Monteurs avaient vocation à disparaître, au besoin par la voie du licenciement, ce qui impliquait donc que le PSE comporte des mesures de reclassement interne (conclusions d'appel p. 11), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail ;
Alors 4°) que la volonté de quitter l'entreprise n'est libre, dans un contexte de difficultés économiques et de réduction d'effectifs, que si l'intéressé est informé de toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe, connaît le nombre de postes susceptibles d'être supprimés, sans craindre un licenciement ultérieur dans le cas où le plan de départ volontaire n'atteindrait pas ses objectifs ; qu'en s'étant bornée à énoncer que ni l'incertitude dans laquelle le salarié se trouvait sur le nombre de postes susceptibles d'être supprimés par départ volontaire dans la catégorie professionnelle définie, ni la transmission aux salariés intéressés d'une lettre type à recopier n'étaient de nature à altérer le consentement du salarié à la rupture d'un commun accord de son contrat de travail, cependant qu'il était acquis aux débats qu'il n'y avait, pour les afficheurs monteurs et techniciens en mobilier publicitaire concernés par le plan de départs volontaires, aucune garantie possible d'emploi pour l'avenir, qu'il était loisible à la SAS Clear Channel en fonction des résiliations amiables de contrats intervenues et de l'évolution des métiers, d'envisager ensuite de nouvelles suppressions de postes donnant lieu à un autre PSE, tel étant le sens des propos du président du CE le 28 janvier 2010 : « il n'y a pas de garantie car dans la vie économique, il n'y a pas de garantie possible », et que les termes du PSE portant sur les métiers « plus pénibles et fragiles notamment au regard de la réduction de la demande des annonceurs et la forte concurrence que nous connaissons sur nos coûts d'affichage. Le métier d'afficheur monteur traditionnel (« tacherons ») est notamment très impacté par la baisse du nombre de panneaux colle et de la demande des annonceurs pour ces mêmes panneaux » ne pouvaient que convaincre le salarié qu'il risquait d'être licencié, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser en quoi le salarié avait valablement consenti au plan de départ volontaire, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1231-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts violation de la priorité de réembauchage ;
Alors qu'en ayant infirmé, sans aucun motif, le jugement qui avait retenu que la société Clear Channel France avait violé la priorité de réembauchage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19623
Date de la décision : 17/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 déc. 2014, pourvoi n°13-19623


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19623
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