LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 avril 2013), que M. Michel X... et son épouse, Mme Michèle X..., engagés le 17 janvier 1977 en qualité de compositeurs graphistes par la société La Nouvelle République du Centre Ouest (société NRCO), à Tours, et affectés sur le site de Bourges, ont été licenciés pour motif économique le 30 novembre 2009 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de leur licenciement ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à chacun des salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que ne manque pas à son obligation de reclassement l'employeur qui, ayant interrogé les sociétés du groupe en vue du reclassement du salarié, relancé celles qui n'avaient pas répondu et attendu ayant interrogé les sociétés du groupe en vue du reclassement du salarié, un délai raisonnable avant de licencier le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société avait proposé aux salariés trois postes de reclassement qu'ils avaient refusés, qu'elle leur avait transmis une liste des postes disponibles, et qu'elle démontrait avoir interrogé les onze autres sociétés du groupe en vue du reclassement des salariés par courrier du 24 juillet 2009 et les avoir ensuite relancées par un second envoi du 11 septembre 2009 ; qu'en concluant à la violation de l'obligation de reclassement au prétexte que l'employeur avait procédé au licenciement le 30 novembre 2009 sans attendre l'intégralité des réponses des sociétés du groupe et ne les avait pas relancées de nouveau dans les jours qui ont précédé les licenciements, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ que le refus par le salarié de plusieurs propositions de reclassement portant sur des emplois de même catégorie suffit à établir le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que l'employeur avait proposé à chaque salarié, dont le poste de compositeur graphiste à Bourges était supprimé, un poste de compositeur graphiste équivalent, situé à Tours, puis deux postes d'employés administratifs également situés à Tours, tous postes que les salariés avaient cru devoir refuser et qu'en outre, il leur avait transmis une liste des postes disponibles, sans qu'ils fassent acte de candidature ; qu'en jugeant cependant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ que l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements, à la supposer établie, n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice réparé selon son étendue par les juges du fond ; qu'en jugeant que les licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse pour des motifs relatifs à l'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-5 du code du travail ;
4°/ que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les salariés n'invoquaient un non-respect des critères d'ordre du licenciement qu'à l'appui d'une demande de dommages-intérêts à ce titre et non pour contester la cause réelle et sérieuse de leurs licenciements ; qu'en se fondant sur une prétendue violation de l'ordre des licenciements pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et allouer des dommages-intérêts à ce titre aux salariés, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que la catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et qui sont interchangeables ; que ne sont pas interchangeables deux salariés dont l'un pourrait refuser le poste de l'autre en raison de la modification de son contrat de travail que ce changement impliquerait, notamment parce qu'il est situé dans un secteur géographique différent ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que les critères d'ordres des licenciements ne pouvaient être appliqué à tous les compositeurs-graphistes de l'entreprise, quelle que soit leur implantation géographique mais seulement à ceux d'entre eux qui étaient interchangeables, ce qui supposait que celui dont le poste était supprimé ne puisse refuser le poste de l'autre ; qu'en retenant, pour apprécier le respect de l'ordre des licenciements, une catégorie professionnelle englobant l'ensemble des compositeurs graphistes de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen pris en ses trois dernières branches, la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que la société NRCO avait procédé au licenciement des salariés le 30 novembre 2009, sans attendre l'intégralité des réponses des onze autres sociétés du groupe ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu en déduire que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Nouvelle République du Centre Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Nouvelle République du Centre Ouest.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les licenciements de Monsieur et Madame X... étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamné la société LA NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE OUEST à payer à chacun d'eux une somme de 35. 000 € à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice matériel et moral subi et une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE « la société a fait l'effort de proposer aux deux époux, au total, trois postes, qu'ils ont refusés, prétexte obscur qu'ils ne voulaient pas s'installer à Tours, parce qu'ils n'avaient pas fait leur deuil du décès de leurs mères respectives. Une liste des postes disponibles avait été diffusée en novembre 2009 (et non en novembre 2011, comme les deux salariés l'affirment dans leurs conclusions par erreur) mais aucune preuve n'existe qu'ils ont candidaté pour un de ces postes. La société démontre avoir interrogé les 11 autres sociétés du groupe par courrier du 24 juillet 2009 pour savoir si les époux X..., eu égard à leur passé professionnel, pouvaient être reclassés au sein de leurs établissements. Elle a relancé celles-ci dans un second envoi du 11 septembre 2009, mais a procédé au licenciement le 30 novembre 1009, sans attendre l'intégralité de leurs réponses, puisque les documents produits au dossier démontrent que les courriels ont été échangés jusqu'en janvier 2010 à propos des postes qui seraient susceptibles d'être disponibles est proposés aux deux époux. Elle aurait pu également les relancer utilement dans les jours qui ont précédé les licenciements économiques pour faire le point au plus près de cette rupture, ce qui est insuffisamment démontré. Dans ces conditions, il est clair que tous les efforts de reclassements visés par l'article L 1233-4 du code du travail n'ont pas été suffisamment accomplis, essentiellement avec les sociétés membres du groupe la Nouvelle République, rendant les licenciements non revêtus de cause réelle et sérieuse. Au demeurant, il n'est pas inopportun de s'intéresser, en outre, à la manière dont ont été traités les critères d'ordre des licenciements. En l'espèce, il existait 18 suppressions de postes d'ouvriers compositeurs graphistes sur 63, selon la page 17 du plan de sauvegarde de l'emploi et, en application des critères d'ordre de licenciement, la société devait déterminer l'ordre des salariés dans ta catégorie des compositeurs graphiques. Madame X..., avec une évaluation de 22, 5 est 35ème dans l'ordre des licenciements et Monsieur X..., 18ème avec une évaluation de 19, 5. Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit expressément qu'en cas d'égalité entre plusieurs salariés relevant de ta même catégorie, le critère prépondérant pris en compte sera l'ancienneté. Or Messieurs Éric Y... et Robert Z..., avec une évaluation de 19, 5 sont respectivement 19ème et 20ème sur la liste fixant l'ordre des licenciements alors qu'ils ont une ancienneté de 15, 21 ans pour le premier et 20, 35 pour le second, contre 32 ans pour chacun des deux époux. En outre, La société a bien fourni les évaluations de chacun des 63 salariés compositeurs graphiques mais a omis de préciser les critères retenus pour les évaluations professionnelles de chacun d'eux, en sorte que la cour n'est pas en mesure d'apprécier si ces évaluations professionnelles ont été opérées équitablement. Il s'ensuit que pour ces raisons-là aussi, les licenciements économiques restent dépourvus de cause réelle et sérieuse » ;
1. ALORS QUE ne manque pas à son obligation de reclassement l'employeur qui, ayant interrogé les sociétés du groupe en vue du reclassement du salarié, relancé celles qui n'avaient pas répondu et attendu un délai raisonnable avant de licencier le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société avait proposé aux salariés 3 postes de reclassement qu'ils avaient refusés, qu'elle leur avait transmis une liste des postes disponibles, et qu'elle démontrait avoir interrogé les 11 autres sociétés du groupe en vue du reclassement des salariés par courrier du 24 juillet 2009 et les avoir ensuite relancées par un second envoi du 11 septembre 2009 ; qu'en concluant à la violation de l'obligation de reclassement au prétexte que l'employeur avait procédé au licenciement le 30 novembre 2009 sans attendre l'intégralité des réponses des sociétés du groupe et ne les avait pas relancées de nouveau dans les jours qui ont précédé les licenciements, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
2. ALORS en tout état de cause QUE le refus par le salarié de plusieurs propositions de reclassement portant sur des emplois de même catégorie suffit à établir le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que l'employeur avait proposé à chaque salarié, dont le poste de compositeur graphiste à Bourges était supprimé, un poste de compositeur graphiste équivalent, situé à Tours, puis deux postes d'employés administratifs également situés à Tours, tous postes que les salariés avaient cru devoir refuser et qu'en outre, il leur avait transmis une liste des postes disponibles, sans qu'ils fassent acte de candidature (arrêt, p. 2 et p. 6, § 1 et 2) ; qu'en jugeant cependant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
3. ALORS QUE l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements, à la supposer établie, n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice réparé selon son étendue par les juges du fond ; qu'en jugeant que les licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse pour des motifs relatifs à l'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-5 du Code du travail ;
4. ALORS QUE l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les salariés n'invoquaient un non-respect des critères d'ordre du licenciement qu'à l'appui d'une demande de dommages-intérêts à ce titre et non pour contester la cause réelle et sérieuse de leurs licenciements (cf. leurs conclusions d'appel, p. 18 à 20) ; qu'en se fondant sur une prétendue violation de l'ordre des licenciements pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et allouer des dommages et intérêts à ce titre aux salariés, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
5. ALORS en tout état de cause QUE la catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et qui sont interchangeables ; que ne sont pas interchangeables deux salariés dont l'un pourrait refuser le poste de l'autre en raison de la modification de son contrat de travail que ce changement impliquerait, notamment parce qu'il est situé dans un secteur géographique différent ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que les critères d'ordres des licenciements ne pouvaient être appliqué à tous les compositeurs-graphistes de l'entreprise, quelle que soit leur implantation géographique mais seulement à ceux d'entre eux qui étaient interchangeables, ce qui supposait que celui dont le poste était supprimé ne puisse refuser le poste de l'autre (conclusions d'appel, p. 20 à 22) ; qu'en retenant, pour apprécier le respect de l'ordre des licenciements, une catégorie professionnelle englobant l'ensemble des compositeurs graphistes de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du Code du travail.