LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1351 du code civil, 480 et 638 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, et que la cassation d'une décision investit sur les chefs cassés la juridiction de renvoi d'une plénitude de juridiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 18 janvier 2012, n° 10-11.719), que M. X... a été engagé à compter du 15 janvier 1997 au service de Mme Y... aux fins d'assurer l'entretien et le gardiennage de sa propriété en contrepartie notamment de l'attribution d'un logement de fonction ; qu'après le décès de Mme Y..., le contrat de travail s'est poursuivi avec son fils, M. Nicolas Y..., avec lequel les relations de travail se sont envenimées à compter de juillet 2004 et de nombreux courriers ont été échangés sur le départ éventuel du salarié ; que reprochant un certain nombre de manquements à son employeur, ce dernier a saisi le 8 juillet 2005 la juridiction prud'homale de demandes en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de diverses sommes avant qu'il soit licencié pour faute grave le 20 juillet suivant ; que l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 13 mai 2009, qui a déclaré le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur au paiement de diverses sommes, a été partiellement cassé par arrêt du 18 janvier 2012 avec renvoi devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Attendu que sur la demande du salarié en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, l'arrêt retient que ce dernier soutient que le salarié a manifesté de manière libre, consciente, licite, claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail dès le mois de juillet 2004 confirmé par écrit le 9 décembre suivant, que ce point est formellement contesté par la partie adverse, que toutefois il ne peut qu'être constaté que, dans son arrêt du 13 mai 2009, la cour d'appel a définitivement statué sur ce point puisqu'il n'a pas fait l'objet du pourvoi en cassation ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les motifs de l'arrêt du 13 mai 2009 concernant la démission du salarié n'étaient pas repris dans le dispositif et n'avaient donc pas l'autorité de la chose jugée, d'autre part, que la cassation de cet arrêt avait investi la juridiction de renvoi de la connaissance du chef de litige relatif à la rupture dans tous les éléments de fait et de droit, de sorte qu'il appartenait à la cour de renvoi de réexaminer la question de la démission du salarié afférente à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et fixé la date de la rupture au 22 juillet 2005 et d'AVOIR condamné M. Y... à verser à M. X... les sommes de 4.681,25 euros au titre du maintien du salaire pour la période du 24 février 2005 jusqu'au jour de la rupture du contrat de travail, 1.186,90 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 497,65 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE sur la rupture du contrat de travail, à titre principal, M. Nicolas Y... soutient que M. Christian X... a manifesté de manière libre, consciente, licite, claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail ce dès le mois de juillet 2004 confirmé par écrit le 9 décembre suivant ; que ce point est formellement contesté par la partie adverse ; que toutefois il ne peut être que constaté que dans son arrêt du 13 mai 2009, la cour d'appel a définitivement statué sur ce point puisqu'il n'a pas fait l'objet du pourvoi en cassation ;
1°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce qui est tranché dans le dispositif du jugement, et non pas dans ses motifs ; qu'il en résulte, notamment, qu'une partie ne peut former de pourvoi que contre le dispositif d'une décision, et non pas contre ses motifs ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 13 mai 2009, la cour d'appel - hormis l'octroi d'un rappel de salaire - a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué diverses sommes au salarié à ce titre, sans à aucun moment trancher la question du caractère équivoque ou non de sa démission, seulement abordée dans ses motifs ; qu'en jugeant pourtant que la cour d'appel avait définitivement statué sur ce point dans son arrêt du 13 mai 2009 puisqu'il n'avait pas fait l'objet du pourvoi en cassation, quand l'arrêt du 13 mai 2009 n'avait nullement tranché le point en question dans son dispositif, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles 480 et 609 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la cassation d'une décision investit, sur les chefs cassés, la juridiction de renvoi d'une plénitude de juridiction, celle-ci pouvant connaître de tous moyens afférents aux chefs cassés, et non pas seulement des questions tranchées par la Cour de cassation ; qu'en l'espèce, la question du caractère équivoque ou non de la démission du salarié n'a été abordée par l'arrêt de la cour d'appel du 13 mai 2009 que dans les motifs, la cour d'appel se fondant sur ces motifs pour considérer que le contrat de travail s'était poursuivi et n'avait été rompu que par le licenciement ultérieurement prononcé, qu'elle a jugé dans son dispositif sans cause réelle et sérieuse ; que dans son arrêt du 18 janvier 2012, la Cour de cassation a censuré l'arrêt du 13 mai 2009 concernant le licenciement du salarié ; qu'en considérant qu'en l'état de cette cassation, l'employeur ne pouvait plus discuter la question de la démission non équivoque du salarié devant la juridiction de renvoi, la cour d'appel a violé l'article 638 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et fixé la date de la rupture au 22 juillet 2005 et d'AVOIR condamné M. Y... à verser à M. X... les sommes de 4.681,25 euros au titre du maintien du salaire pour la période du 24 février 2005 jusqu'au jour de la rupture du contrat de travail, 1.186,90 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 497,65 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de résiliation judiciaire il ressort de l'examen des faits de l'espèce que M. Christian X... et non Nicolas Y... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre du 27 juin 2005 ; qu'il a été licencié par courrier du 20 juillet posté le 22 juillet 2005 ; qu'en application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire le jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture ; que par ailleurs, par requête du 08 juillet 2005, M. Christian X... et non Nicolas Y... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail ; qu'il ne peut être que constaté que son licenciement est intervenu postérieurement à la demande de résiliation judiciaire ; que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit en premier lieu être examinée ; qu'à cet égard M. Christian X... et non Nicolas Y... reproche plusieurs manquements à son employeur qu'il convient donc d'examiner point par point ; que sur le grief de non déclaration à l'URSSAF, M. Christian X... indique qu'il n'a pas été déclaré pendant plus de quatre ans ; que pour sa défense, M. Nicolas Y... reconnaît qu'après le décès de sa mère, il n'a pas pensé à effectuer les formalités particulières auprès de l'URSSAF ; que toutefois il justifie cette situation par un concours de circonstances indépendant de sa volonté ; qu'il en résulte néanmoins que M. Nicolas Y... reconnaît ainsi ne pas avoir rempli ses obligations légales en matière de déclaration à l'URSSAF ; qu'à cet égard, il ne peut valablement se retrancher sur l'allégation d'un concours de circonstances alors qu'il n'a pas rempli une obligation essentielle pesant sur lui en sa qualité d'employeur et qu'il ne pouvait ignorer ; qu'ainsi bien que la situation ait été régularisée au bout de quatre années sur l'insistance de M. Christian X..., ce comportement constitue effectivement un manquement répréhensible de l'employeur ; que sur le non paiement du salaire, M. Nicolas Y... allègue qu'il n'avait pas été stipulé de versement de salaires dans le contrat de travail alors que M. Christian X... disposait d'une maison composée de trois pièces outre commodités, garage et jardin potager à titre d'avantage en nature ; qu'il doit toutefois être rappelé dans son arrêt que la cour s'est prononcée sur une demande de salaire pour la période du 1er juillet 2001 au 23 février 2005 ; que la cour de cassation n'a pas eu à statuer sur le bien fondé de la réclamation de ce chef ; qu'il a donc été statué définitivement sur ce point et qu'il en résulte donc que le grief de non paiement des salaires est parfaitement établi ; que sur la non délivrance des bulletins de paie, M. Nicolas Y... expose que M. Christian X... n'a jamais réclamé aucun bulletin de salaire ; que ce moyen de défense est pour le moins étonnant dans la mesure où on peut difficilement reprocher au salarié de ne pas avoir réclamé des bulletins de paie pour des salaires qu'il n'avait pas perçus ; qu'en toute hypothèse ce moyen est parfaitement établi puisqu'en corrélation avec le précédent, relatif au non paiement des salaires ; qu'enfin, sur le refus de déclaration d'accident du travail, M. Christian X... soutient avoir été victime d'un tel accident le 23 février 2005 alors qu'il travaillait sur la propriété de M. Nicolas Y... ; que ce dernier se contente d'indiquer qu'il a contesté la réalité de cet accident ; qu'il ressort effectivement des pièces versées aux débats qu'en dépit d'un certificat médical d'arrêt de travail et de la demande de M. Christian X... de remplir la déclaration, M. Nicolas Y... a refusé de la remplir en sous-entendant que l'accident n'en serait pas un et en invoquant une démission ; qu'ainsi l'accident n'a pas été immédiatement pris en compte ce qui a nécessairement causé un préjudice à M. Christian X... ; qu'en effet ce n'est qu'à la suite d'une procédure de référé initiée par M. Christian X... le 08 mars 2005 que son dossier a pu être régularisé ; que là encore, il ne peut être que constaté un manquement de M. Nicolas Y... à ses obligations légales, ce dernier pouvant effectivement contester la nature de l'accident mais non refuser d'une faire la déclaration auprès de la CPAM ; qu'ainsi la réitération des manquements mais également leur nature et leur gravité justifient amplement que la résiliation du contrat de travail ayant lié les parties soit prononcée aux torts de M. Nicolas Y... et non seulement constaté ainsi que l'ont admis à tort les premiers juges, le jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 23 mai 2007 étant infirmé sur ce point ; qu'en l'état de bien fondé de la demande de résiliation judiciaire, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le bien fondé du licenciement prononcé ultérieurement ni sur les demandes subsidiaires présentées au titre de l'indemnisation de ce chef ; que toutefois sur les conséquences de la résiliation judiciaire en raison d'un licenciement ultérieur, la date de la rupture du contrat de travail doit être fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement soit le 22 juillet 2005 ; qu'ainsi sur la demande de rappel de salaire il doit donc être fait droit à la demande en paiement de chef à concurrence de la somme de 4.681,25 euros bruts pour la période du 24 février 2005 jusqu'à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'il convient également de faire droit à la demande au titre de l'indemnité légale compensatrice de préavis à hauteur de la somme de 1.186,90 euros bruts et de 118,69 euros bruts au titre des congés payés ; que d'autre part, en considération de la date de la fixation de la rupture, il sera accordé à M. Christian X... le paiement de la somme de 497,65 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ; qu'enfin, sur la demande de paiement de dommages et intérêts que compte tenu de l'âge de M. Christian X... au moment de la rupture du contrat de travail, de son ancienneté, de sa qualification et de sa rémunération telle que retenue, il lui sera justement accordé le paiement de la somme de 5.000,00 euros en application de l'article L. 1235-5 du code du travail ; qu'il convient d'ordonner la remise des bulletins de salaire pour la période du 1er juillet 2001 jusqu'à la date de rupture du contrat de travail telle que fixée par la présente décision aux conditions qui seront précisées au dispositif mais sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte » ;
1°) ALORS QUE le juge qui prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur doit caractériser des manquements suffisamment graves, imputables à ce dernier ; qu'à cet égard, le non-paiement d'un salaire accessoire ne constitue pas un manquement suffisamment grave lorsque l'employeur fait bénéficier le salarié de l'avantage en nature qui constitue la principale contrepartie de son activité ; qu'en l'espèce, en retenant, pour décider que la résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. Y... avait manqué à ses obligations en ne versant pas son salaire à M. X..., tout en constatant que ce dernier bénéficiait sans entrave de la jouissance de la maison convenue comme contrepartie principale des quelques heures de travail hebdomadaire du salarié, et sans caractériser la gravité de ce manquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1235-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le juge qui statue sur une demande en résiliation judiciaire d'un contrat de travail doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de sa décision ; que le règlement des cotisations sociales non versées à l'URSSAF en raison d'une omission de déclaration du salarié préalablement à la décision de la cour d'appel fait disparaître le motif justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en prononçant néanmoins la résiliation du contrat de travail de X... aux torts de M. Y..., après avoir pourtant constaté que le défaut de déclaration et de versement des cotisations sociales à l'URSSAF au titre de son emploi au pair avait été régularisé par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.
3°) ALORS QUE le juge qui prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur doit caractériser des manquements suffisamment graves, imputables à ce dernier ; qu'à cet égard, un simple défaut de délivrance des bulletins de salaires ne constitue pas en soi un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation aux torts de l'employeur ; qu'en l'espèce, en retenant, pour décider que la résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. Y... avait manqué à ses obligations en ne délivrant aucun bulletin de salaire à M. X..., sans caractériser la gravité de ce manquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1235-1 et L. 3243-2 du code du travail ;
4°) ALORS QUE le juge qui prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur doit caractériser des manquements suffisamment graves, imputables à ce dernier ; qu'un tel manquement n'est pas caractérisé lorsque l'obligation inexécutée par l'employeur pouvait également être accomplie par le salarié ; qu'en l'espèce, en prononçant la résiliation du contrat de travail de X... aux torts de M. Y... au motif que ce dernier n'aurait pas déclaré l'accident du travail, quand le salarié pouvait également procéder à cette déclaration, et sans caractériser la gravité de ce manquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article L. 441-2 du Code de la sécurité sociale.