LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 novembre 2012), que la société Tradition du terroir de Sologne, qui vend des produits de salaison à la grande distribution, a engagé M. X..., le 13 juin 2007, comme chef de secteur, chargé de prospecter et de suivre une clientèle, ainsi que de faire des animations commerciales au sein d'un secteur de dix départements ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence prévoyant "une indemnité de non-concurrence de 300 euros par mois qui sera compensée sur le bulletin de salaire" ; que M. X... a donné sa démission le 30 avril 2010, à effet du 31 mai 2010, et s'est engagé immédiatement auprès de la société concurrente Sologne frais ; que la société Tradition du terroir de Sologne a saisi la juridiction prud'homale de plusieurs demandes à l'encontre de M. X... ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de son action en nullité de la clause de non-concurrence souscrite dans son contrat de travail et, en conséquence, de le condamner à verser à son ancien employeur des sommes à titre de remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et à titre de dommages-intérêts pour violation de cette clause, alors, selon ce moyen, que le paiement pendant la période d'exécution du contrat de travail de la contrepartie financière prévue par une clause de non-concurrence, laquelle porte atteinte au principe fondamental de libre exercice de l'activité professionnelle du salarié, s'analyse en un complément de salaire ; que dès lors les juges du fond qui, pour apprécier le caractère dérisoire de la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence, procèdent par comparaison de cette contrepartie avec le montant du salaire versé pendant l'exécution du contrat de travail, ne peuvent exclure de ce salaire le complément de rémunération ainsi perçu mais doivent comparer les montants respectifs du salaire total reçu pendant l'exécution du contrat de travail -complément de salaire inclus- et de la contrepartie financière qu'il était prévu de verser après la rupture ; qu'en retenant, pour considérer que la contrepartie financière de 300 euros par mois versée à M. X... postérieurement à la rupture n'était pas dérisoire, qu'elle représentait 12,88 % des salaires de la dernière année complète d'activité ou 12,70 % de la dernière période travaillée après déduction des sommes versées mensuellement à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence pendant l'exécution de ce contrat, dont elle avait pourtant constaté qu'elles avaient la nature d'un complément de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu que le pourvoi ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine au terme de laquelle la cour d'appel a jugé que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'était pas dérisoire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Olivier X... de son action en nullité de la clause de non concurrence souscrite dans son contrat de travail du 13 juin 2007 au profit de la Société Tradition du Terroir de Sologne et, en conséquence, condamné ce salarié à verser à son ancien employeur les sommes de 4 800 € à titre de remboursement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence servie de juin 2010 à septembre 2011, 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de cette clause, 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE "Le litige repose sur la validité de la clause de non-concurrence qui, en résumé : lui interdit de travailler pour une entreprise concurrente, ou de s'intéresser, directement ou indirectement, à tout procédé ou fabrication ou vente susceptible de concurrencer l'activité de l'employeur, pendant 2 ans, sur 30 départements, au nombre desquels les 10 de son secteur, moyennant une indemnité de 300 euros par mois ;
QUE cette clause n'est valable que si elle remplit les conditions cumulatives suivantes : être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, être limitée dans le temps et dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi, être assortie d'une contrepartie financière (...) ;
QUE la contrepartie financière¿ est critiquée à deux titres ; que (s'agissant de son paiement avant la rupture), son montant ne peut dépendre « uniquement » de la durée d'exécution du contrat et son paiement ne peut intervenir avant la rupture ; qu'en d'autres termes, si (la contrepartie) n'est payée que pendant la durée d'exécution du contrat et pas après, la clause est nulle ; qu'il reste à déterminer si c'est le cas ; qu'il est prévu une indemnité compensatrice de 300 euros par mois, qui « sera compensée (...) sur le bulletin de salaire » ; que le terme « compensée » est totalement inapproprié et il faut comprendre qu'elle sera mentionnée sur ce bulletin ; que de fait, ces bulletins mentionnent tous les mois, depuis l'embauche, et jusqu'en juin 2010, une somme de 300 euros intitulée prime (puis indemnité) de non-concurrence ; qu'à compter de juillet 2010, la société a continué de payer ces 300 euros et a émis les bulletins de paies correspondants ; que la clause litigieuse (« une indemnité de non-concurrence de 300 euros par mois qui sera compensée sur le bulletin de salaire ») est très générale ; que rien ne permet de dire qu'elle n'était prévue que jusqu'à la rupture et que son paiement ultérieur est une manoeuvre de la société pour se prémunir d'une éventuelle action en nullité ; qu'au contraire, l'annonce de son règlement pendant les ans d'application de la clause, et ce dès le 4 mai 2010, à une date où il n'existait pas encore de litige (la lettre faisant état d'une méconnaissance de la clause n'étant que du 10 mai 2010) constitue un indice en sens contraire ; que la contrepartie étant prévue pendant la durée d'exécution du contrat mais aussi après, pendant la durée de l'interdiction, la clause ne peut être annulée pour ce motif" (arrêt p. 4 in fine, p. 5 alinéas 1 à 3) ;
QUE (cette contrepartie financière) serait dérisoire car elle représenterait moins de 11 % du salaire ; (que cependant) la comparaison sera faite à 2 égards ; que le salaire convenu était de 1.400 euros plus prime d'objectifs ; qu'en ne prenant en compte que les 1.400 euros le taux est de 21,4 % ; que si l'on prend en compte le salaire de la dernière année complète (2009), il est de 31.541 euros dont il convient de retirer les 300 X 12 = 3.600 euros d'indemnités ; il reste 27.941 euros, soit une moyenne de 27.941/12 = 2.328 euros ; le taux est de 12,88 % ; que celui de la dernière période (janvier à mai 2010) est de 13.313 euros dont il convient de déduire 300 X 5 = 1.500 euros ; il reste 11.813 euros soit une moyenne de 11.813/5 = 2.362 euros ; le taux est de 12,70 %. ; que de tels taux ne sont pas dérisoires, surtout par rapport à la réduction de l'interdiction à 5 départements qui permettait au salarié d'exercer une activité semblable dans un secteur géographique assez proche ; qu'en conclusion la clause n'est pas nulle (...)" ;
QUE "(sur) la restitution de la contrepartie (et s'agissant) des sommes perçues pendant l'exécution du contrat, dès lors que son paiement ne peut intervenir avant la rupture, les 300 euros ne constituent plus une telle contrepartie mais un complément de salaire qui ne peut donner lieu à restitution" (arrêt p. 5) ;
ALORS QUE le paiement pendant la période d'exécution du contrat de travail de la contrepartie financière prévue par une clause de non-concurrence, laquelle porte atteinte au principe fondamental de libre exercice de l'activité professionnelle du salarié, s'analyse en un complément de salaire ; que dès lors les juges du fond qui, pour apprécier le caractère dérisoire de la contrepartie financière d'une clause de non concurrence, procèdent par comparaison de cette contrepartie avec le montant du salaire versé pendant l'exécution du contrat de travail, ne peuvent exclure de ce salaire le complément de rémunération ainsi perçu mais doivent comparer les montants respectifs du salaire total reçu pendant l'exécution du contrat de travail ¿ complément de salaire inclus - et de la contrepartie financière qu'il était prévu de verser après la rupture ; qu'en retenant, pour considérer que la contrepartie financière de 300 € par mois versée à Monsieur X... postérieurement à la rupture n'était pas dérisoire, qu'elle représentait 12,88 % des salaires de la dernière année complète d'activité ou 12,70 % de la dernière période travaillée après déduction des sommes versées mensuellement à titre de contrepartie de la clause de non concurrence pendant l'exécution de ce contrat, dont elle avait pourtant constaté qu'elles avaient la nature d'un complément de salaire la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.