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02/12/2014 | FRANCE | N°13-21722;13-21723;13-21724;13-21725;13-21726;13-21727;13-21728

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2014, 13-21722 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 13-21.722, F 13-21.723, H 13-21.724, G 13-21.725, J 13-21.726, K 13-21.727 et M 13-21.728 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués statuant en référé (Paris, 30 mai 2013), que des agents des sociétés Electricité réseau distribution France (ERDF) et Gaz réseau distribution France (GRDF), ont attrait leurs employeurs devant la juridiction prud'homale afin d'obtenir la prise en charge par ceux-ci des frais de nettoyage de leurs vêtements professionnels de protection

individuelle à compter du 1er janvier 2005 et jusqu'au 1er décembre 20...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 13-21.722, F 13-21.723, H 13-21.724, G 13-21.725, J 13-21.726, K 13-21.727 et M 13-21.728 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués statuant en référé (Paris, 30 mai 2013), que des agents des sociétés Electricité réseau distribution France (ERDF) et Gaz réseau distribution France (GRDF), ont attrait leurs employeurs devant la juridiction prud'homale afin d'obtenir la prise en charge par ceux-ci des frais de nettoyage de leurs vêtements professionnels de protection individuelle à compter du 1er janvier 2005 et jusqu'au 1er décembre 2008, outre des dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés ERDF et GRDF font grief aux arrêts d'infirmer les ordonnances de référé, sauf en ce qu'elles ont dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'indemnité d'entretien formées par chacun des salariés à leur encontre, de dire que le non-respect des dispositions de la directive n° 89/391 du 12 juin 1989, telle que transcrites en droit interne par l'article L. 4122-2 du code du travail, constitue un trouble manifestement illicite, de les condamner en conséquence à verser à chacun des salariés des sommes à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par chacun des salariés du fait du non respect de ces dispositions communautaires et de les condamner à verser à chacun des syndicats intervenants des sommes à titre de provision sur dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence des tribunaux judiciaires ; que lorsque sa validité est sérieusement contestée, le juge judiciaire est tenu de surseoir à statuer jusqu'à la décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en faisant droit aux demandes des salariés en écartant l'application, pour la période antérieure au 1er décembre 2008, des dispositions de l'article 3 j) de la circulaire Pers 633 au profit des dispositions de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, constatant ainsi le caractère sérieux de la difficulté soulevée quant à la légalité de la circulaire en cause, alors qu'il lui appartenait d'inviter les parties à saisir la juridiction administrative pour qu'elle se prononce sur la légalité de cette circulaire, et en s'abstenant de surseoir à statuer jusqu'à la décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée, la cour d'appel a méconnu l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ qu'à la différence du règlement, la directive est, en principe, dépourvue de tout effet direct, et ne peut être invoquée par des parties en litiges devant une juridiction nationale qu'à condition qu'elle soit claire et précise, que le délai de transposition soit expiré et qu'elle n'ait pas été transposée en droit interne ; qu'en faisant une application directe de l'article 6 § 5 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, pour dire que l'article 3 j) de la circulaire Pers 618 complétée par la circulaire Pers 633 devait être considéré comme ne pouvant pas faire obstacle à son application, alors que cette directive avait fait l'objet d'une transposition en droit français, à l'article L. 4122-2 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ancien article 249 du Traité instituant la Communauté économique européenne (TCE) et ancien article 189 du Traité CEE ;
Mais attendu que par arrêt du 17 juin 2014 (n° 368867) le Conseil d'Etat a jugé que le point j) de l'article 3 de la circulaire « Pers. 618 » du 19 octobre 1973 modifiée par la circulaire « Pers. 633 » du 24 juin 1974 de la direction du personnel d'Electricité de France et de Gaz de France est illégal en tant qu'il met à la charge des personnels les frais d'entretien et de nettoyage des vêtements de travail imposés pour des raisons d'hygiène, de sécurité et de santé au travail ; qu'il en résulte que le moyen est devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Gaz réseau distribution France et Electricité réseau distribution France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne également à payer à M. X... et au syndicat CGT énergie Cergy la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens communs produits, aux pourvois n° E 13-21.722 à M 13-21.728, par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Gaz réseau distribution France et Electricité réseau distribution France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir infirmé les ordonnances de référé entreprises, sauf en ce qu'elles ont dit n'y avoir lieu à référé sur chacune des demandes d'indemnité d'entretien, formées par chacun des salariés à l'encontre des sociétés ERDF et GrDF, d'avoir dit que le non-respect par les société ERDF et GrDF des dispositions de la directive n° 89/391 du 12 juin 1989, telle que transcrites en droit interne par l'article L.4122-2 du Code du travail constitue un trouble manifestement illicite, d'avoir condamné en conséquence les sociétés ERDF et GRDF à verser à chacun des salariés les sommes de 1.000 euros (600 euros pour Monsieur Nicolas Y...) à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par chacun des salariés du fait du non respect des dispositions communautaires susvisées, se répartissant en 500 euros à la charge de la société ERDF et 500 euros à la charge de la société GRDF (300 euros à la charge de la première et 200 euros de la seconde, pour Monsieur Nicolas Y...), et 400 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur de 200 euros à la charge de chacune des deux sociétés susvisées, et d'avoir condamné les sociétés ERDF et GRDF à verser à chacun des syndicats intervenants les sommes de 600 euros à titre de provision sur dommages-intérêts, à hauteur de 300 euros à la charge de chacune des deux sociétés susvisées et 400 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur de 200 euros à la charge de chacune des deux sociétés susvisées ;
Aux motifs que le litige porte sur la prise en charge financière par les sociétés ERDF et GrDF, pour la période antérieure au 1er décembre 2008, date d'entrée en vigueur des dispositions issues de la note DP des sociétés ERDF et GrDF, susvisée du 3 novembre 2008, des frais entraînés par l'entretien des tenues vestimentaires dont sont dotés les agents desdites sociétés, dont les conditions d'attribution et d'entretien sont fixées par le statut national du personnel des industries électriques et gazières pris dans son ensemble, y compris les différentes notes dites DP susvisées ; que, sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et la demande de question préjudicielle à la juridiction administrative, c'est en vain que les sociétés intimées prétendent qu'il s'agit en l'espèce d'un problème de conformité entre un acte administratif, le statut personnel des IEG dont s'agit, avec la loi française, l'article L.4122-2 du Code du travail et non d'un conflit de normes ou même d'un problème de conformité entre le statut des IEG et le droit de l'Union européenne ; qu'en effet, l'article L.4122-2 du Code du travail, qui dispose que « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » résulte de la transcription de la directive n° 89/CEE/391, qui, relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs, dispose que « les mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail ne doivent en aucun cas entraîner de charges financières pour les travailleurs » ; que la circonstance que la transcription de la directive précitée par la loi du 31 décembre 1991 n'a pas été identique dans la mesure où l'article L.4122-2 du Code du travail n'a pas repris le terme « hygiène » est inopérante à cet égard alors qu'en tout état de cause la question posée par les vêtements de travail en cause concernent essentiellement la santé et la sécurité au travail des agents des sociétés concernées ; qu'enfin, c'est à tort que les sociétés intimées prétendent que l'article 3 j) du statut n'est pas contraire à l'article L.4122-2 du Code du travail en ce qu'il n'entraîne aucune charge financière pour les salariés des IEG qui doivent en tout état de cause entretenir leurs propres vêtements alors que, s'agissant de vêtements de travail, l'intéressé doit l'entretenir selon les consignes qui lui sont données par les employeurs, ce dont il résulte que les frais d'entretien en cause sont étroitement liés auxdits vêtements de travail, interdisant ainsi aux sociétés employeurs de se prévaloir de la nécessité pour l'intéressé d'entretenir ses propres vêtements ; que, dès lors, dans la mesure où il ressort de ces constatations que l'article L.4122-2 du Code du travail est manifestement la mise en oeuvre en droit interne de la directive CEE précitée, il y a lieu de faire application de la jurisprudence du Tribunal des conflits, en date du 17 octobre 2011, aux termes de laquelle le juge judiciaire, tenu d'assurer sa pleine effectivité au principe de la primauté du droit de l'Union européenne, n'est pas tenu de saisir préalablement la juridiction administrative d'une question préjudicielle dans le cas où serait en cause, devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne, ce qui est manifestement le cas en l'espèce ; que, dès lors, afin d'assurer sa pleine effectivité à la norme communautaire édictée par l'article 6-5 de la directive précitée du 31 décembre 1989, l'article 3 j) de la circulaire Pers 633 doit être considéré comme ne pouvant faire obstacle à l'application du principe de prise en charge des frais d'entretien des vêtements de travail dont le port est obligatoire dans les deux entreprises en cause pour des motifs de santé et de sécurité au travail, tel que résultant de l'article 6-5 de la directive CEE précitée du 12 décembre 1989 qui s'impose au juge nationale, y compris en matière de référé ; qu'il en résulte que, sans avoir à apprécier la légalité de la disposition litigieuse du statut du personnel des IEG et donc sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer pour que soit posée à la juridiction administrative la question préjudicielle de la légalité de l'article 3 j) du statut du personnel des IEG, il y a lieu de laisser inappliquée cette disposition statutaire comme manifestement contraire aux normes européennes en matière de santé et de sécurité au travail ;
Alors, de première part, que la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence des tribunaux judiciaires ; que lorsque sa validité est sérieusement contestée, le juge judiciaire est tenu de surseoir à statuer jusqu'à la décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en faisant droit aux demandes des salariés en écartant l'application, pour la période antérieure au 1er décembre 2008, des dispositions de l'article 3 j) de la circulaire Pers 633 au profit des dispositions de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, constatant ainsi le caractère sérieux de la difficulté soulevée quant à la légalité de la circulaire en cause, alors qu'il lui appartenait d'inviter les parties à saisir la juridiction administrative pour qu'elle se prononce sur la légalité de cette circulaire, et en s'abstenant de surseoir à statuer jusqu'à la décision des juridictions administratives sur la question préjudicielle ainsi soulevée, la Cour d'appel a méconnu l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Alors, subsidiairement, de seconde part, qu'à la différence du règlement, la directive est, en principe, dépourvue de tout effet direct, et ne peut être invoquée par des parties en litiges devant une juridiction nationale qu'à condition qu'elle soit claire et précise, que le délai de transposition soit expiré et qu'elle n'ait pas été transposée en droit interne ; qu'en faisant une application directe de l'article 6 § 5 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, pour dire que l'article 3 j) de la circulaire Pers 618 complétée par la circulaire Pers 633 devait être considéré comme ne pouvant pas faire obstacle à son application, alors que cette directive avait fait l'objet d'une transposition en droit français, à l'article L.4122-2 du Code du travail, la Cour d'appel a violé l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ancien article 249 du Traité instituant la Communauté économique européenne (TCE) et ancien article 189 du Traité CEE ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné, en conséquence du non-respect par les société ERDF et GrDF des dispositions de la directive n° 89/391 du 12 juin 1989, telle que transcrites en droit interne par l'article L.4122-2 du Code du travail, constituant un trouble manifestement illicite, ces sociétés ERDF et GRDF à verser à chacun des salariés les sommes de 1.000 euros (600 euros pour Monsieur Nicolas Y...) à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par chacun des salariés du fait du non-respect des dispositions communautaires susvisées, se répartissant en 500 euros à la charge de la société ERDF et 500 euros à la charge de la société GRDF (300 euros à la charge de la première et 200 euros de la seconde, pour Monsieur Nicolas Y...), et 400 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur de 200 euros à la charge de chacune des deux sociétés susvisées, et d'avoir condamné les sociétés ERDF et GRDF à verser à chacun des syndicats intervenants les sommes de 600 euros à titre de provision sur dommages-intérêts, à hauteur de 300 euros à la charge de chacune des deux sociétés susvisées et 400 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur de 200 euros à la charge de chacune des deux sociétés susvisées ;
Aux motifs que, sur la demande de dommages-intérêts formée par la salarié et le syndicat, le non-respect par les deux sociétés employeurs des dispositions susvisées issues de la directive CEE n° 89/391 du 12 juin 1989, et ce pendant une longue période depuis la transcription de la directive précitée par la loi du 31 décembre 1991 par l'adoption de l'article L.4122-2 du Code du travail, a nécessairement causé un préjudice au salarié dans la mesure où il a dû assumer lui-même la prise en charge des frais d'entretien de ses vêtements de protection individuelle ; que, compte tenu des éléments de la cause, la Cour estime que le préjudice subi par le salarié suffisamment réparé par l'allocation de la somme totale de 1.000 euros à titre de provision sur les dommages intérêts de ce chef qui lui sera versée à hauteur de 500 euros par chacune des deux sociétés employeurs ; que le même manquement aux dispositions communautaires susvisées a causé un préjudice certain aux intérêts collectifs de la profession, représentés par le syndicat, intervenant volontaire ; que le préjudice allégué sera suffisamment réparé par la condamnation des deux sociétés susvisées à verser la somme totale de 600 euros à titre de provision sur dommages-intérêts, qui sera versée à hauteur de 300 euros par chacune des deux sociétés concernées ;
Alors que, n'ayant pas caractérisé pour les salariés l'existence d'un préjudice indépendant du retard au paiement apporté par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21722;13-21723;13-21724;13-21725;13-21726;13-21727;13-21728
Date de la décision : 02/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2014, pourvoi n°13-21722;13-21723;13-21724;13-21725;13-21726;13-21727;13-21728


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.21722
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