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19/11/2014 | FRANCE | N°13-18574

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2014, 13-18574


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité d'agent de fabrication par la société Martinenq, implantée à Ivry-sur-Seine (94) ; qu'ayant refusé de rejoindre le nouveau site de la société, situé à Lieusaint (77), elle a été licenciée ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnités

pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce qu'il résulte de la l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité d'agent de fabrication par la société Martinenq, implantée à Ivry-sur-Seine (94) ; qu'ayant refusé de rejoindre le nouveau site de la société, situé à Lieusaint (77), elle a été licenciée ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce qu'il résulte de la lettre de licenciement que la salariée ne s'est pas présentée sur son nouveau lieu de travail, qu'elle n'a fourni aucune explication et que le refus de rejoindre son poste est constitutif d'une faute ; qu'en toute hypothèse, nonobstant l'emploi erroné du terme « faute » dans la lettre de licenciement, l'employeur a entendu, dès le début de la procédure, se situer sur le terrain de l'application de l'article 332 de la convention collective de l'imprimerie ; que, dans ces conditions, la salariée ne saurait se prévaloir de cette erreur de plume ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires ne permettant pas de déterminer la nature exacte du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Martinenq aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à voir dire son licenciement privé de cause et à la condamnation de la société MARTINENQ à lui payer la somme de 16.620 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 2.771,22 € au titre de l'indemnité pour licenciement économique irrégulier, et la somme de 5.542,44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit simplement énoncer des motifs de licenciement matériellement vérifiables ; qu'en effet, il appartient au juge d'apprécier la réalité et le sérieux des motifs invoqués qui pourront être ultérieurement précisés et discutés devant lui ; que la SA MARTINENQ soutient qu'elle a exercé son pouvoir de direction en décidant de transférer les salariés affectés sur le site d'Ivry vers celui de Lieusaint ; que ce transfert ne peut s'analyser en un modification du contrat de travail, étant précisé que son contrat ne fait référence à aucun lieu de travail ; que le déplacement de l'entreprise est intervenu à l'intérieur de la région parisienne, dans le même bassin d'emploi ; que le refus de changement de ses conditions de travail par un salarié constitue une faute, le licenciement revêtant ainsi un caractère disciplinaire et non un motif économique ; que le salarié fait valoir que les motifs économiques de la décision de transfert du siège social de la SA MARTINENQ constituent le motif réel du licenciement ; qu'en effet, l'employeur a été contraint de réorganiser l'entreprise sur le nouveau site de Lieusaint pour des raisons de mutations technologiques ; que dès lors, l'employeur aurait dû mettre en oeuvre la procédure applicable au licenciement pour motif économique ; qu'en tout état de cause, la SA MARTINENQ ne précise pas la faute reprochée au salarie dans la lettre de licenciement ; que de surcroît, aucune faute ne peut être invoquée à l'encontre du salarié puisqu'il a été fait application de l'article 332 de la convention collective nationale ; qu'enfin, il ne peut être valablement affirmé que le site de Lieusaint fait partie du même bassin d'emploi ; que la lettre de licenciement adressée le 2 mai 2008 est rédigée dans les termes suivants (¿) ; que l'article 332 alinéa 1er de la convention collective nationale applicable au personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques prévoit qu'en cas de déplacement d'une entreprise n'exigeant pas un changement de résidence de son personnel, le personnel invité par l'entreprise à suivre cette dernière pourra obtenir qu'une période d'essai de 3 mois lui soit accordée afin de savoir s'il peut s'adapter à ses nouvelles conditions de transport, travail et d'existence, étant entendu qu'il ne pourra démissionner avant un mois de présence à son nouveau poste, faute de quoi il perdrait le bénéfice de l'indemnité de licenciement ; que l'alinéa 2 ajoute qu'au cours de cette période, le personnel qui déciderait de renoncer à l'emploi qui lui a été offert ne serait pas considéré comme démissionnaire, mais comme licencié par l'entreprise, à condition qu'il avise l'employeur dix jours avant son départ ; qu'il résulte du courrier de licenciement que Madame X... ne s'est pas présentée sur son nouveau lieu de travail à la date fixée ; que la salariée n'a fourni aucune explication sur ce point dans ses écritures ; qu'ainsi, la salariée ne conteste pas le grief allégué par l'employeur dans la lettre de licenciement ; qu'il s'ensuit que le refus de rejoindre son poste est constitutif d'une faute ; qu'en toute hypothèse, nonobstant l'emploi erroné du terme "faute" dans la lettre de licenciement, l'employeur a entendu, dès le début de la procédure, se situer sur le terrain de l'application de cette disposition conventionnelle ; qu'en effet, le courrier d'information du 7 mars 2008, envoyé à tous les salariés de l'entreprise concernés par ce déménagement, avait décrit précisément la procédure à suivre pour pouvoir bénéficier de ce dispositif spécifique ; que, dans ces conditions, la salariée ne saurait se prévaloir de cette erreur de plume, dès lors qu'elle avait parfaitement connaissance de la teneur de cette procédure, dont elle a sollicité l'application aux termes de son courrier de refus transmis à l'employeur ; qu'il s'ensuit que la salariée sera déboutée de sa demande tendant à voir constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ordonné, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ; que les moyens tirés du licenciement pour motif économique sont inopérants en l'état, la mesure de licenciement ayant été décidée au visa de l'article 332 de la convention collective ; QUE enfin les demandes tendant à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et effectué dans des conditions vexatoires sont devenues sans objet ; qu'il n'y aura donc pas lieu de les examiner ;
ALORS QUE l'employeur ne peut procéder au licenciement disciplinaire d'un salarié qui refuse la modification de son lieu de travail lorsque la convention collective applicable prévoit qu'en cas de déplacement de l'entreprise, le salarié a le droit de refuser le changement de son lieu de travail ; qu'en retenant que refus de la salariée employée à Ivry-sur-Seine de rejoindre son poste à Lieusaint comme constitutif d'une faute nonobstant le droit conventionnel de la salariée de refuser le changement de son lieu de travail, la cour d'appel a violé l'article 332 de la convention collective de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques du 29 mai 1956 et l'article L 1232-1 du code du travail ;
ALORS ENCORE QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige en sorte que le juge ne peut retenir des griefs ou des faits qui ne sont pas énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en décidant que si la lettre de licenciement contient une référence erronée à la faute et il s'agit d'une « erreur de plume » de l'employeur au motif que ce dernier a entendu dès le début de la procédure, se situer sur le terrain de l'application de la disposition conventionnelle dont la salariée a sollicité l'application aux termes de son courrier de refus transmis à l'employeur et que le licenciement a été décidée au visa de l'article 332 de la convention collective, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article L 1232-6 du Code du travail ;
ALORS ENCORE QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la salariée a soutenu que le motif réel et déterminant de son licenciement était le motif économique de la décision de transfert du siège social liée à la nécessité de réorganiser l'entreprise sur le nouveau site en raison de mutations technologiques ; qu'en décidant que les moyens tirés du licenciement pour motif économique sont inopérants au motif erroné que la mesure de licenciement a été décidée au visa de l'article 332 de la convention collective, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard les articles L 1232-6, L 1233-2 et L 1233-3 du code du travail ;
ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE lorsque le contrat de travail ne comporte pas de clause de mobilité, l'employeur peut dans le cadre de son pouvoir de direction changer le lieu de travail du salarié si le nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique que le précédent ; qu'à défaut, le changement constitue une modification du contrat de travail interdisant à l'employeur de se fonder sur le refus du salarié de rejoindre le nouveau lieu de travail pour justifier le licenciement ; qu'en retenant que le refus de la salariée employée à Ivry-sur-Seine de rejoindre son poste sur le site de Lieusaint est constitutif d'une faute au seul motif que les deux sites sont « à l'intérieur de la région parisienne, dans le même bassin d'emploi » sans rechercher, comme il lui avait été demandé, si les deux sites étaient situés dans le même secteur géographique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil et les articles 1221-1 et L 1232-1 du code du travail.
ET ALORS enfin et subsidiairement QUE, même causé, un licenciement peut intervenir dans des conditions vexatoires ; qu'en rejetant la demande formée à ce titre au seul motif que le licenciement était causé, sans rechercher si, comme il était soutenu, les conditions précipitées dans lesquelles il a été prononcé n'étaient pas dommageables, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18574
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2014, pourvoi n°13-18574


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18574
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