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27/10/2014 | FRANCE | N°14-CRD012

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 27 octobre 2014, 14-CRD012


COUR DE CASSATION14 CRD 012 Audience publique du 29 septembre 2014 Prononcé au 27 octobre 2014

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Chauchis, conseiller référendaire, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL PARTIEL du recours formé par M. A...
X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Paris en dat

e du 20 janvier 2014 qui lui a alloué une indemnité de 12 000 euros en répara...

COUR DE CASSATION14 CRD 012 Audience publique du 29 septembre 2014 Prononcé au 27 octobre 2014

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Chauchis, conseiller référendaire, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL PARTIEL du recours formé par M. A...
X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Paris en date du 20 janvier 2014 qui lui a alloué une indemnité de 12 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 3 790 euros sur le fondement de l'article 149 du code précité ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 29 septembre 2014, l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Bobetic, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat ;
Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;
M. X... ne comparaît pas personnellement. Il est représenté à l'audience par Me Bobetic conformément aux dispositions de l'article R. 40-5 du code de procédure pénale ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Chauchis, les observations de Me Bobetic, avocat représentant le demandeur et celles de Me Meier-Bourdeau, avocat représentant l'agent judiciaire de l'Etat, les conclusions de Mme l'avocat général Le Dimna, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 20 janvier 2014, le premier président de la cour d'appel de Paris, saisi par M. A...
X... d'une requête en réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire effectuée du 2 juillet 2009 au 4 mai 2012, pour des faits pour lesquels il a bénéficié, le 7 décembre 2012, d'une décision d'acquittement, devenue définitive, l'a déclaré recevable en sa requête et lui a alloué la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 3 790 euros au titre de ses frais d'avocat, outre une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que M. X... a formé, le 21 février 2014, un recours contre cette décision, par lequel il sollicite la somme de 80 000 euros au titre du préjudice moral, celles de 30 000 euros en réparation du préjudice matériel et 12 000 euros au titre du préjudice financier lié aux frais d'avocat engagés dans le cadre de la détention, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que l'agent judiciaire de l'Etat s'est opposé au recours en faisant valoir que, s'agissant du préjudice économique invoqué, M. X..., qui ne dispose que de peu d'expériences professionnelles après avoir interrompu sa scolarité à l'issue de la classe de troisième, ne justifie pas de sa situation professionnelle antérieurement ou postérieurement à son incarcération ni des démarches qu'il aurait entreprises pour trouver un emploi ; que, concernant le préjudice lié aux frais de défense, les pièces produites sont insuffisantes pour justifier de revenir sur l'indemnisation allouée en première instance ; qu'enfin, le préjudice moral, qui doit résulter directement de la détention injustifiée et non de l'incarcération effectuée pour autre cause, a été réparé dans son intégralité en première instance ;
Attendu que l'avocat général a conclu au rejet des demandes de M. X..., estimant que le premier juge a justement évalué son préjudice ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu, en premier lieu, que, pour solliciter une indemnisation au titre de la perte de chance de travailler et percevoir des salaires ou de suivre une scolarité, M. X..., ayant interrompu ses études à la fin du collège et ne justifiant d'aucun contrat de travail au moment de son incarcération, établit qu'il a obtenu, en détention, un diplôme d'accès aux études universitaires et produit une promesse d'embauche du 15 février 2012 pour un poste d'agent d'entretien mais ne justifie nullement d'une embauche depuis sa sortie ; qu'ainsi, l'existence d'un préjudice à ce titre n'est pas suffisamment caractérisée de sorte que la demande présentée de ce chef ne peut être accueillie ;
Attendu, en second lieu, que les frais de défense, qui incluent les honoraires d'avocat, ne sont pris en compte au titre du préjudice causé par la détention que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté ; qu'il appartient au demandeur d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur pour satisfaire aux dispositions de l'article 12 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, avant tout paiement définitif d'honoraires, détaillant les démarches liées à la détention, notamment les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour la faire cesser par des demandes de mise en liberté ; qu'au soutien de la demande formulée à ce titre, M. X... produit une facture du 19 mars 2014 établie pour les besoins de la procédure et destinée à pallier les insuffisances d'une facture pro-forma rejetée par le premier juge ; qu'aucune de ces factures ne peut, dès lors, être retenue, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur l'indemnisation accordée à M. X... en première instance en considération des deux seules factures du 15 avril 2011 et du 1er août 2001 dont il n'est pas contesté qu'elles peuvent être prises en compte ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que M. X..., qui avait déjà connu une période de dix mois de détention provisoire en 2004 et était détenu pour autre cause depuis trois mois au moment de la délivrance du mandat de dépôt, fait valoir qu'il a subi, d'une part, un traitement injustifié en détention lié à un transfèrement contre lequel il a exercé un recours qui a été rejeté, d'autre part, des sanctions disciplinaires qui sont, néanmoins, liées à son comportement en détention ; qu'il a subi des violences qui ne sont, cependant, pas établies par la seule production d'un certificat médical constatant des lésions superficielles au niveau du visage et reprenant les déclarations de l'intéressé, non corroboré par d'autres éléments ; qu'il aurait été détenu sans titre du 26 janvier au 4 mai 2012, situation qui, étant de nature à mettre en cause la responsabilité de l'Etat, ne peut trouver réparation devant la présente juridiction ; qu'il invoque, enfin, une perte de chance d'obtenir un aménagement de la peine prononcée à son encontre en janvier 2009 qu'il exécutait au moment de la délivrance du mandat de dépôt dans la présente affaire ; qu'il convient de constater que M. X... s'est trouvé dans l'impossibilité de présenter une requête visant à un aménagement de peine alors qu'il pouvait se prévaloir d'éléments favorables de nature à valoriser ses chances d'en obtenir le bénéfice, justifiant de garanties de stabilité familiale, de l'obtention d'un diplôme durant sa détention, d'une promesse d'embauche et de l'octroi d'une permission de sortie ; que, dans cette mesure, il convient de considérer que son préjudice s'en est trouvé aggravé ;
Que l'indemnisation du préjudice moral doit également tenir compte du fait que M. X... était marié et père de deux jeunes enfants, âgés de deux et trois ans au moment de l'incarcération ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de la durée de la détention, il convient d'accueillir partiellement le recours de M. X... et d'évaluer son préjudice moral à la somme de 15 000 euros ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il y a lieu d'allouer à M. X..., à ce titre, la somme de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLANT partiellement le recours de M. A...
X..., et statuant à nouveau ;
Lui ALLOUE la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) en réparation de son préjudice moral ;
REJETTE le recours au titre du préjudice économique et du préjudice financier lié aux frais d'avocat ;
ALLOUE à M. A...
X... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 27 octobre 2014 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 14-CRD012
Date de la décision : 27/10/2014
Sens de l'arrêt : Accueil partiel du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice moral - Appréciation - Critères

Le préjudice moral de la personne placée en détention provisoire, alors qu'elle exécutait, par ailleurs, une peine antérieurement prononcée, est aggravé par l'impossibilité en résultant de présenter une requête aux fins d'aménagement de ladite peine, alors qu'elle pouvait se prévaloir d'éléments favorables, valorisant ses chances d'en obtenir le bénéfice


Références :

Sur le numéro 1 : articles 149 à 150 du code de procédure pénale

articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire
Sur le numéro 2 : articles 149 à 150 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 27 oct. 2014, pourvoi n°14-CRD012, Bull. civ. criminel 2014, Commission nationale de réparation des détentions, n° 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2014, Commission nationale de réparation des détentions, n° 6

Composition du Tribunal
Président : M. Straehli
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: Mme Chauchis
Avocat(s) : Me Bobetic, Me Meier-Bourdeau

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:14.CRD012
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