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08/10/2014 | FRANCE | N°13-19303

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 octobre 2014, 13-19303


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er février 1995 par la société Professional General Electronic Products (PGEP) en qualité d'attachée de direction ; qu'après son licenciement pour motif économique le 1er août 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation pour harcèlement moral ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 31 janvier 2013, M. Y...

étant désigné en qualité de liquidateur ;
Attendu que pour rejeter la dema...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er février 1995 par la société Professional General Electronic Products (PGEP) en qualité d'attachée de direction ; qu'après son licenciement pour motif économique le 1er août 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation pour harcèlement moral ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 31 janvier 2013, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée, l'arrêt retient que les attestations versées aux débats par cette dernière ne corroborent pas de prétendus agissements réitérés la visant en qualité de salariée, sont pour la plupart imprécises et ne sont pas probantes sur le sujet, que les pressions quotidiennes exercées sur elle ne sont pour l'essentiel étayées que par ses propres courriers et déclarations, que la preuve n'est pas rapportée que si elle ne participait plus aux réunions en présence de la présidente de la société PGEP, l'interdiction émanait de cette dernière ni que les propos peu amènes à son égard lui étaient adressés en sa qualité de salariée ou bien de tutrice de son père ;
Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., ès qualités, à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE sur le prétendu harcèlement moral, selon l'article L. 1152-1 du code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que pour condamner la société PGEP à payer à Dominique X... des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie a estimé que les tensions qui ont existé entre Dominique X... et Michèle A... résultaient d'une situation familiale, qui n'avait pas à rejaillir sur les relations de travail, l'employeur étant tenu, de par son obligation de sécurité de résultat, de garantir la sérénité des relations de travail dans l'entreprise ; qu'il y avait, en l'espèce, failli et que cela avait eu une indubitable répercussion sur l'état de santé de Dominique X... ; que Maître Y... ès qualités de liquidateur de la société PGEP fait valoir que l'instance introduite par Dominique X..., détentrice de parts dans les sociétés du groupe, ensuite du décès de son père, s'inscrit dans un contexte successoral tendu ; qu'il indique, en effet, que, désigné tutrice de son père, celle-ci a inondé Michèle A... de courriers au ton comminatoire et s'est répandue en réclamations diverses, n'hésitant pas à user de menaces et jouant de ses différentes qualités ou fonctions ; que Dominique X... note, pour sa part, que les relations de travail se sont déroulées dans des conditions normales depuis son embauche, en 1995, puisqu'elle justifie avoir participé au comité de direction, leur dégradation n'étant intervenue qu'en 2008, au décès de Georgette X..., suivi du placement de son père sous tutelle, lui permettant de se substituer à celui-ci dans les actes de gestion et décisions de l'entreprise, puis du décès de celui-ci, créant une situation d'indivision entre les successeurs au sein des sociétés du groupe ; qu'elle fait état de pressions quotidiennes exercées par Michèle A..., qui ne sont, pour l'essentiel, étayées que par ses propres courriers ou déclarations ; qu'ainsi critique-telle :- une lettre que Michèle A... lui a remise en main propre le 5 octobre 2010, lui faisant reproche de son défaut d'encadrement de Cédric C..., employé au service entretien, reproche qu'elle estime injustifié, sans toutefois que ce rappel à l'ordre n'excède l'exercice courant du pouvoir de direction de l'employeur, dont le propos est en l'espèce mesuré et courtois,- de prétendues critiques censées découler d'un courriel du 8 avril 2010 par lequel elle renonce de manière sibylline à désormais assurer la tenue des caisses d'espèces de la société, au prétexte d'un dénigrement de son travail, non étayé,- de prétendues accusations diffamatoires et mensongères proférées lors d'une réunion du comité d'entreprise du 5 novembre 2009, qui résultent de ses seuls dires,- la prétendue agressivité de Michèle A... lors d'une réunion de l'assemblée générale des actionnaires, le 30 juin 2009, qu'elle consigne dans un courrier du 30 novembre 2010, sans apporter aucune pièce pour corroborer son propos,- les propos de Michèle A... qui se serait dite menacée par la famille X..., lors d'une réunion du service commercial, tenue le 28 janvier 2011, et pour lesquels elle a déposé une main courante au commissariat de Mantes la Jolie le 3 février suivant ; que les quelques attestations que Dominique X... verse aux débats, émanant de son époux, de son frère, d'un ancien jardinier de la société PGEP ou de l'assistante de vie de son père, mettent certes en avant une personnalité tranchée de Michèle A..., mais ne viennent néanmoins en aucun cas corroborer de prétendus agissements réitérés visant Dominique X..., en sa qualité de salarié, ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que les nouvelles attestations d'anciens salariés que Dominique X... met aux débats en cause d'appel, pour la plupart imprécises quant aux dates des propos qu'elles relatent, ne sont pas davantage probantes sur le sujet, car, bien que rapportant un changement d'attitude de Michèle A... au décès de sa mère, devenue « très agressive avec tout le monde », selon Jeannine D..., la preuve n'est toutefois pas rapportée que si l'intimée ne participait plus aux réunions en présence de Michèle A..., l'interdiction émanait de cette dernière ou bien encore que ses propos peu amènes à son égard lui étaient adressés en sa qualité de salariée ou bien ès qualités de tutrice de son père et donc de représentant d'un associé ; qu'ainsi, c'est à tort que le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie a fait doit aux demandes indemnitaires de Dominique X... du chef de harcèlement moral, dont il convient, au vu des éléments produits au dossier, de la débouter, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE selon l'article L. 1154-1 du code du travail, la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié, ce dernier devant seulement établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, que les attestations versées aux débats par cette dernière ne corroboraient pas de prétendus agissements réitérés la visant en sa qualité de salariée, ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1152-1 du code du travail, a ainsi fait peser sur cette dernière la charge de la preuve du harcèlement et violé le texte susvisé ;
2°) ALORS QUE la preuve des faits juridiques est libre et peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce où la salariée pouvait apporter librement la preuve des pressions exercées sur elle, la cour d'appel en énonçant, pour la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, qu'elle faisait état de pressions quotidiennes exercées par Mme A..., qui n'étaient, pour l'essentiel, étayées que par ses propres courriers ou déclarations, a violé les articles 1315 et 1353 du code civil ;
3°) ALORS QUE dans son attestation du 17 mai 2011, M. X... témoignait des nombreuses pressions exercées par Mme A... sur Mme X... sur son lieu de travail (insultes devant témoins, intimidations diverses, mises au placard systématiques), indiquant qu'il avait lui-même été accusé devant témoins de préparer des poupées vaudou destinées à lui causer du tort, événement consigné dans une main courante déposée au commissariat de police de Mantes la Jolie, et soulignant les conséquences néfastes et quotidiennes de ce harcèlement systématique sur leur vie familiale et sur celle de leurs deux fils ; qu'en retenant néanmoins, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, que l'attestation de M. X... ne venait en aucun cas corroborer de prétendus agissements réitérés la visant en sa qualité de salariée et ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1152-1 du code du travail, la cour a ainsi dénaturé les termes clairs et précis de cette attestation et, partant, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à énoncer que les attestations versées aux débats par cette dernière ne corroboraient pas de prétendus agissements réitérés la visant en sa qualité de salariée, ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1152-1 du code du travail, sans même analyser le récépissé de déclaration de main courante du 3 février 2011 par lequel la salariée indiquait que Mme A..., qui se permettait de l'insulter et de l'injurier devant le personnel de l'usine et de tenir des propos diffamatoires à son encontre, avait, le 28 février 2011, lors d'une réunion commerciale avec le service commercial, déclaré que M. X... l'avait menacée verbalement au téléphone, qu'elle avait des témoins, que la famille X... lui voulait du mal et qu'elle se sentait menacée par des poupées Vaudou, circonstances d'où il résultait que Mme A... exerçait des pressions sur l'exposante sur son lieu de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en se bornant de la même manière, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à énoncer que les attestations versées aux débats par cette dernière ne corroboraient pas de prétendus agissements réitérés la visant en sa qualité de salariée, ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1152-1 du code du travail, sans même analyser les attestations de M. E... et de Mme F... dans lesquelles ces derniers témoignaient des nombreuses difficultés rencontrées par la salariée à cause du comportement de Mme A... et dont il résultait que cette dernière exerçait de nombreuses pressions sur la salariée, la cour d'appel a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, se doit de prendre toutes les dispositions pour garantir la sérénité des relations de travail dans son entreprise, quand bien même les tensions résulteraient de relations familiales tendues ; que la cour d'appel en se fondant néanmoins, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, sur la circonstance inopérante qu'il n'était pas établi que les propos peu amènes de Mme A... à l'endroit de cette dernière lui étaient adressés en sa qualité de salariée ou bien en qualité de tutrice de son père et donc de représentant d'un associé, a violé l'article L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19303
Date de la décision : 08/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 oct. 2014, pourvoi n°13-19303


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19303
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