LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Veolia le 1er mars 2004 ; que son contrat de travail a été transféré à la société GSF ORION ; qu'elle a fait l'objet de deux avertissements et a été licenciée pour faute grave le 28 septembre 2010 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire que la salariée n'a pas été victime de harcèlement moral, la cour d'appel examine successivement chacun des faits avancés par celle-ci comme démonstratifs d'un harcèlement moral, pour les écarter successivement, à l'exception de l'un d'entre eux, en estimant que l'employeur apporte la preuve de leur caractère justifié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute grave ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société GSF Orion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GSF Orion et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Thao X... de sa demande tendant à voir condamner la Société GSF ORION à lui payer la somme de 15. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE sur le harcèlement moral et l'exécution déloyale du contrat, Madame X... dénonce deux séries de faits ; que sur l'exercice abusif du pouvoir disciplinaire et du pouvoir de direction et de contrôle, elle invoque les avertissements qui lui ont été notifiés ; que le premier avertissement en date du 22 juillet 2009 était consécutif à un contrôle de sa responsable effectué la veille ; qu'il était fondé sur le fait que les distributeurs d'essuie-mains dans les toilettes hommes et femmes n'avaient pas été rechargés, fait sur lequel la SAS GSF ORION a affirmé avoir reçu des plaintes du client et que Madame X... a nié avoir commis ; que la " pétition " des 29 au 31 juillet 2009 que Madame X... produit aux débats en pièce 6 de son dossier est émise en des termes généraux ; qu'elle ne permet pas d'exclure que ponctuellement, elle a été défaillante dans l'exécution d'une tâche précise de sa mission ; qu'il ne ressort pas des éléments de l'espèce que la SAS GSF ORION ait commis un abus de pouvoir, que ce soit dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, les modalités d'exécution de celui du 21 juillet 2009 ou la fréquence des contrôles du travail de Madame X... n'étant pas discutées, ou de son pouvoir disciplinaire, l'absence de production du rapport de contrôle ou d'un justificatif des plaintes de la Société SOMFY ne suffisant pas à présumer d'un abus, ce d'autant qu'en page 3 des conclusions prises au nom de Madame X..., il est écrit que son employeur n'avait pas maintenu ses récriminations ; que le second avertissement en date du 29 juillet 2010 est également consécutif à un contrôle de bonne exécution de la prestation de travail de Madame X..., effectué le jour même à 8 heures ; qu'il était fondé d'une part sur le constat que 5 tâches, parmi lesquelles le vidage de certaines poubelles dont des poubelles hygiéniques sanitaires, n'avaient pas été exécutées, d'autre part sur la présence sur son chariot de travail de bonbons et de couverts de la Société SOGERES, prestataire assurant le service de restauration chez SOMFY ; que la Cour observe que ces deux faits ne sont pas contestés par Madame X..., qui tente de les légitimer ; qu'elle ne peut justifier le second de ces faits en invoquant l'attitude d'une collègue ; qu'outre le fait que cette dernière dénie avoir déposé les bonbons et couverts SOGERES sur le chariot de Madame X..., celle-ci n'ignorait manifestement pas leur présence sur son chariot et aurait dû, en toute hypothèse, ne pas les y laisser ; qu'en conséquence, cet avertissement est fondé ; que sur la modification de ses horaires de travail en mai 2010 en réplique à sa contestation du premier avertissement, la Cour observe que cette " réplique " aurait été bien tardive puisque survenue plus de 10 mois après le 29 juillet 2009, sans aucun incident relatif aux conditions d'exécution du contrat dans l'intervalle ; que par ailleurs et surtout, force est de constater que cette modification des horaires n'a pas été imposée à Madame X... qui a même pu discuter le délai de sa mise en oeuvre et en obtenir le report ; que sur le défaut d'information de la direction sur ses congés pavés de fin août 2010, il s'agit là d'une simple omission, réparée lors d'un unique échange de courriers, qui n'est nullement révélatrice d'un abus de pouvoir ; que sur la fouille qu'elle a subie le 28 juillet 2010, cette fouille a été portée à la connaissance de la SAS GSF ORION par le courrier de Madame X... en date du 2 août 2010 ; qu'après avoir mené une enquête interne informelle sur cet événement, elle a expressément admis lors de l'audience que cette fouille mise en oeuvre dans des conditions vexatoires était inadmissible ; que sur l'inattention fautive de l'employeur à sa santé, elle soutient qu'après le changement de ses horaires de travail, sa pause de 8h à 8h30 n'a pas été respectée, d'où l'avis du médecin du travail en date du 17 juin 2010 ; qu'il est certain que cet avis émis seulement 15 jours après l'entrée en vigueur du nouvel horaire de travail attirait l'attention de l'employeur sur la nécessité de respecter le temps de pause ; qu'il ne peut toutefois pas être déduit de ce seul élément que la SAS GSF ORION n'aurait pas respecté cette pause durant les 15 premiers jours de la nouvelle organisation ; que par ailleurs, rien ne démontre que postérieurement au 17 juin 2010, la prescription du médecin du travail n'aurait pas été suivie ; qu'elle reproche à l'employeur son absence de réaction à son courrier du 2 août 2010 ; que ce reproche n'est pas sérieux, dans la mesure où la SAS GSF ORION s'est d'une part informée sur la fouille du 28 juillet 2010 et a d'autre part mandaté le CHSCT afin qu'il diligente une enquête, ce dont Madame X... a été informée dès le 26 août 2010, étant observé qu'initialement, l'employeur avait envisagé une simple information du CHSCT et une réunion collective de travail, modalités de réaction qui lui sont apparues insuffisantes postérieurement aux faits du 23 août 2010 ; que les critiques relatives à la manière dont l'enquête a été réalisée sont, en outre, manifestement excessives, eu égard au nombre (8 sur 13) et à la qualité des personnes entendues, qui n'avaient pas toutes des fonctions d'encadrement ; que plus précisément, Madame X... soutient que la SAS GSF n'aurait pas dû lui laisser reprendre son travail le 23 août 2010, sur le site Garette de SOMFY, eu égard au motif médical de son arrêt de travail du 29 juillet au 15 août 2010 ; que sur ce point, il convient de rappeler que les éléments d'ordre médical n'apparaissent pas sur l'exemplaire d'avis d'arrêt de travail adressé à l'employeur, qui ne disposait nullement à l'époque des faits des pièces médicales produites aux débats ; que par ailleurs, la reprise du 23 août survenait après presqu'un mois de repos, l'arrêt de travail de Madame X... ayant été suivi de congés, et à un moment où tant les sociétés SOMFY que GSF ORION avaient encore une partie de leur personnel en congés payés et donc une activité réduite, circonstances de nature à permettre une reprise du travail par Madame X... dans de bonnes conditions, étant observé que la décision consistant, avant même la fin de l'enquête du CHSCT et dès le premier jour de travail après l'envoi de son courrier du 2 août 2010, à modifier son lieu de travail sur lequel elle était affectée depuis plusieurs années et en fonction duquel elle avait nécessairement organisé certains aspects de sa vie personnelle, pouvait être raisonnablement interprétée comme une " réplique " à l'envoi de ce courrier, tendant à la mettre à l'écart ; qu'il n'est ainsi établi qu'un seul des faits dénoncés par Madame X..., la fouille qu'elle a subie le 28 juillet 2010 ; qu'en conséquence, la Cour retient qu'elle n'a pas été victime de harcèlement moral ; qu'en revanche, à elle-seule, cette fouille constitue un événement exclusif de mesure et de loyauté dans l'exécution de son contrat de travail et comme elle est à l'origine d'un préjudice moral évident, elle suffit à fonder sa demande indemnitaire à laquelle la Cour fait droit à hauteur de 1. 000 euros ;
1°) ALORS QUE lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L 1152-1 du Code du travail, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en décidant que Madame X... n'avait pas été victime d'un harcèlement moral, motif pris que seul un des faits qu'elle avait dénoncés était établi, la Cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral sur la salariée, a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, afin de déterminer s'ils constituent, pris dans leur ensemble, un harcèlement moral ; qu'en se déterminant sur chaque fait allégué par Madame X..., pris isolément, sans rechercher si ces faits, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Thao X... reposait sur une faute grave et de l'avoir, en conséquence, déboutée de ses demandes indemnitaires relatives à la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement est fondé exclusivement sur les faits du 23 août 2010 ; que contrairement à ce que soutient Madame X..., et ainsi que l'avaient retenu les premiers juges, ces faits ne constituent pas uniquement une tentative de suicide ou d'automutilation, celle-ci ayant été précédée d'une tentative d'agression de Madame Z...
C..., dont il est clairement témoigné notamment par Monsieur A..., responsable de production SOMFY, tant lors de son audition par la gendarmerie le jour des faits, que dans son attestation du 3 août 2012 ; que la Cour observe d'ailleurs que dès le 23 août 2010, la Société SOMFY, via Monsieur B..., responsable maintenance bâtiment et sécurité, adressait un courrier à la SAS GSF ORION relatant les faits de la manière suivante : « vers 09h00, en plein atelier de production une salariée de votre société a sortie un couteau pour menacer sa responsable dans un premier temps et essayer par la suite de se tailler les veines », et l'invitant fermement à prendre toute mesure pour que de tels faits ne se reproduisent plus ; que la décision du Ministère public de classer cette affaire sans suite, pour un motif qui n'est d'ailleurs pas explicite, n'empêche nullement la Cour de retenir que le comportement disproportionné et violent adopté par Madame X... le 23 août 2010 est constitutif d'une faute intrinsèquement grave par sa nature et les circonstances dans lesquelles elle a été commise : au temps et sur le lieu de travail, à l'égard d'une supérieure, avec usage d'un couteau ; que les conditions d'exécution du contrat de travail ne peuvent, au regard de ce qui a été jugé ci-dessus, excuser le comportement de Madame X..., dont il convient de rappeler qu'elle reprenait son travail après presque 4 semaines de repos ; qu'en conséquence, sa faute ne peut être ni justifiée, ni disqualifiée en cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré doit donc être infirmé en toutes ses dispositions relatives à la rupture du contrat, sauf celle ayant ordonné la remise à Madame X... d'une attestation Pôle Emploi rectifiée quant à son ancienneté ; qu'en conséquence, Madame X... doit être déboutée de sa demande indemnitaire pour appel abusif ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, du chef de l'arrêt attaqué ayant décidé que Madame X... n'avait pas été victime de harcèlement moral, entrainera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt ayant décidé que Madame X... avait commis une faute grave, et ce en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ; qu'en se bornant, pour décider que Madame X... avait commis une faute grave, à énoncer qu'à la reprise de son travail après quatre semaines de congés, elle avait tenté d'agresser sa supérieure hiérarchique avec un couteau avant de tenter de se suicider et qu'un tel comportement était intrinsèquement grave par sa nature, sans rechercher si le fait que Madame X... avait agi dans les suites d'un arrêt maladie en raison d'un syndrome dépressif qui la contraignait à la prise d'un traitement médicamenteux lourd, était de nature à ôter son caractère de gravité à la faute qui lui était reprochée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.