LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 avril 2013), que Mme X... a été engagée par la société Perret-Goguet-Ertauran et Paoli, office notarial, à compter du 1er juillet 1996, en qualité de secrétaire puis d'archiviste ; qu'elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 21 juillet 2009 après avoir refusé une proposition de modification de son contrat de travail portant sur le réduction de la durée hebdomadaire de travail de 37,50 heures à 35 heures, avec une diminution proportionnelle du salaire ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que seules des difficultés économiques réelles et sérieuses, et donc persistantes, sont à même de justifier une proposition de modification de contrat pour motif économique et le licenciement fondé sur le refus de telle modification par le salarié ; qu'une réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, les juges devant caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; que toutefois, bien qu'elle ait expressément relevé « le caractère passager des difficultés » économiques invoquées par la SCP GPEP à l'appui de la proposition de modification de contrat faite à Mme X... -ce qui ôtait tout caractère réel et sérieux à ces difficultés et excluait l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise-, la cour d'appel a dit le licenciement consécutif au refus par la salariée de cette proposition, fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant que la proposition de modification du contrat de Mme X... était « de nature à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise », « comme le démontraient le redressement de la situation, dans les mois suivants, et la reprise pour continuité des conditions salariales antérieures des salariés qui avaient accepté la modification », alors que le « redressement de la situation » de l'étude entre le licenciement de Mme X... au mois de juillet, et le mois d'octobre suivant, démontrait seulement que les difficultés invoquées étaient passagères, ne pouvant manifestement résulter de la diminution de la rémunération des salariés de 6,66 % durant quelques mois, la cour d'appel s'est déterminée par un moyen inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'au moment du licenciement, la dégradation de la situation économique de l'entreprise, dans un contexte de crise du secteur immobilier affectant toute la profession notariale, faisait peser une menace sur sa compétitivité et qui a estimé que la modification du contrat de travail qui avait été proposée à la salariée était nécessaire pour sauvegarder cette compétitivité, a pu retenir que le licenciement avait une cause économique, peu important que le redressement de l'entreprise ait été rapide après l'adoption des mesures envisagées par l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, d'AVOIR par suite débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'AVOIR condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE concernant le licenciement, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, soit à une réorganisation lorsqu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et, dès lors que l'entreprise appartient à un groupe, à la condition qu'il s'agisse de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise et que l'existence d'une menace sur la compétitivité soit caractérisée ; que par courrier recommandé avec avis de réception en date du 16 mars 2009, la SCP PGEP a adressé à Madame Laurence X... une proposition de modification de son contrat de travail ainsi rédigée : « Nous faisons suite à nos entretiens au cours desquels nous avons évoqué la situation délicate que connaît désormais notre étude du fait de la récession qui affecte actuellement l'économie et notamment le secteur de l'immobilier. Du fait de la crise actuelle, le nombre des transactions est en forte diminution et le niveau de ces dernières a par ailleurs tendance à s'abaisser très fortement. Dans ces conditions, notre activité étroitement dépendante de la bonne santé du secteur immobilier, se détériore fortement. Nous sommes donc contraints d'envisager de mettre en place un plan de réduction de charges. En ce qui concerne l'emploi, nous souhaiterions, autant que faire se peut, limiter les suppressions de postes. Dans ce cadre, nous proposons à l'ensemble du personnel de réduire sa durée de travail de 6,66 % avec diminution proportionnelle de la rémunération. Nous soumettons en conséquence à votre acceptation que votre horaire de travail soit réduit à effet du 1er mai 2009 de 37,50 h à 35 h hebdomadaires, avec une diminution proportionnelle de votre salaire. Nous vous proposons une telle mesure pour une durée limitée puisqu'au 1er janvier 2010 vous exercerez à nouveau votre emploi dans les conditions antérieures à la prise d'effet du présent avenant. De la même manière, si la situation économique s'améliorait, le terme du présent avenant serait alors anticipé au 31 août 2009, ce dont vous seriez avertie au plus tard le 15 juillet 2009. Dans le cadre de la mesure qui vous est proposée, votre rémunération brute serait alors de 1.751,09 € pour 35 heures de travail hebdomadaires. Nous vous remercions de bien vouloir nous faire part de votre décision d'accepter ou non les modifications précitées du contrat de travail nous liant, soit au plus tard dans le délai d'un mois à dater de la réception de la présente (...) » ; que la salariée a refusé cette proposition par courrier du 11 avril 2009, puis a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception du 21 juillet 2009 au motif ainsi énoncé : « la mesure de restructuration que nous sommes impérativement contraints de mettre en place pour pallier nos difficultés économiques afin de sauvegarder la compétitivité de notre étude » ; que la lettre énonce ensuite : « En effet, notre office notarial vit un moment particulièrement difficile en raison de la récession qui affecte l'économie, notamment le secteur de l'immobilier. Du fait de la crise actuelle, nos transactions sont en forte diminution et le niveau de ces dernières a par ailleurs tendance à s'abaisser très fortement. Dans ces conditions, notre activité étroitement dépendante de la bonne santé du secteur immobilier se détériore jour après jour. Ceci se traduit par une diminution inquiétante de notre chiffre d'affaires; c'est ainsi que sur les six premiers mois de l'exercice 2009, la baisse constatée est de 24,19 % par rapport au 1er semestre de l'année 2008. Au regard des éléments dont nous disposons d'ores et déjà et des perspectives que nous connaissons, cette diminution du chiffre d'affaires pourrait atteindre 28 % sur l'exercice 2009 par rapport à l'année 2008. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes contraints de procéder à la suppression de l'emploi dont vous êtes titulaire au sein de notre entreprise, et par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail nous liant ; en effet, après étude d'éventuelles possibilités de reclassement, il s'avère que ce dernier n'est pas envisageable » ; que la SCP PGEP produit l'attestation délivrée par son cabinet d'expertise comptable le 19 juin 2010 qui fait état, sur le premier semestre 2009, d'une baisse cumulée de l'ordre de 25 % des produits bruts de l'étude ; que l'expert-comptable indique également que les charges de l'étude restent relativement stables ce qui génère une forte dégradation de la rentabilité de l'étude (- 55 % sur le résultat d'exploitation), ajoute « compte tenu de cette situation et de l'absence de lisibilité sur les mois suivants quant à l'évolution de votre activité, il devenait nécessaire d'agir pour réduire les charges de l'étude, que ce soit les charges de structure et la masse salariale » et conclut « je vous rappelle que l'exercice 2009 s'est terminé avec une perte de produits bruts de l'ordre de 18 % et une baisse du résultat d'exploitation de 33,96 % » ; que la réalité de cette situation économique n'est pas contestée, la salariée se bornant, non pas à critiquer les chiffres avancés par l'employeur, mais à faire valoir le caractère passager de ces difficultés, reconnaissant ainsi la réalité de celles-ci ; que de même, la réalité de la crise du secteur immobilier qui a également touché toute la profession notariale est également établie par les pièces produites ; qu'ainsi, la réalité de la dégradation de la situation économique de l'employeur qui a motivé la proposition d'une modification du contrat de travail est donc établie, et justifiait cette proposition et le licenciement de la salariée qui l'a refusée, alors que cette mesure était de nature à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, comme le démontrent le redressement de la situation, dans les mois suivants, et la reprise pour continuité des conditions salariales antérieures des salariés qui avaient accepté la modification, conformément au souhait exprimé par l'employeur lors de la proposition qui indiquait que la modification serait d'une durée limitée ; que le caractère passager des difficultés n'anéantit pas leur réalité au moment de la proposition de modification du contrat de travail et du refus par la salariée de cette modification, et n'anéantit pas la menace qu'elles faisaient peser sur la compétitivité de l'entreprise aux moments de chacune de ces décisions, de sorte que le licenciement avait, à la date de son prononcé, un caractère réel et sérieux ; que dès lors que la proposition de modification du contrat de travail a été faite à tous les salariés de l'entreprise et que seuls les salariés qui l'ont refusée ont été licenciés, l'employeur n'avait pas à mettre en oeuvre l'ordre des licenciements ; que par conséquent, il y a lieu de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE seules des difficultés économiques réelles et sérieuses, et donc persistantes, sont à même de justifier une proposition de modification de contrat pour motif économique et le licenciement fondé sur le refus de telle modification par le salarié ; qu'une réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, les juges devant caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; que toutefois, bien qu'elle ait expressément relevé « le caractère passager des difficultés » économiques invoquées par la SCP GPEP à l'appui de la proposition de modification de contrat faite à Madame X... -ce qui ôtait tout caractère réel et sérieux à ces difficultés et excluait l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise-, la Cour d'appel a dit le licenciement consécutif au refus par la salariée de cette proposition, fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article L.1233-3 du code du travail ;
ALORS encore QU'en retenant que la proposition de modification du contrat de Madame X... était « de nature à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise », « comme le démontraient le redressement de la situation, dans les mois suivants, et la reprise pour continuité des conditions salariales antérieures des salariés qui avaient accepté la modification », alors que le « redressement de la situation » de l'étude entre le licenciement de Madame X... au mois de juillet, et le mois d'octobre suivant, démontrait seulement que les difficultés invoquées étaient passagères, ne pouvant manifestement résulter de la diminution de la rémunération des salariés de 6,66% durant quelques mois, la Cour d'appel s'est déterminée par un moyen inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-3 du code du travail.