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12/06/2014 | FRANCE | N°13-14712

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2014, 13-14712


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 15 juillet 1998 en qualité de chef de projet informatique marketing par la société Lu France ; qu'au dernier état de la relation de travail, il occupait le poste de chef de produits « biscuits tradition » au sein de la direction marketing ; qu'à la suite de son refus d'être affecté aux fonctions de « sales developper gâteaux moelleux » au sein de la direction commerc

iale, il a été licencié le 3 avril 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 15 juillet 1998 en qualité de chef de projet informatique marketing par la société Lu France ; qu'au dernier état de la relation de travail, il occupait le poste de chef de produits « biscuits tradition » au sein de la direction marketing ; qu'à la suite de son refus d'être affecté aux fonctions de « sales developper gâteaux moelleux » au sein de la direction commerciale, il a été licencié le 3 avril 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la proposition de l'employeur portait sur un poste au même niveau de responsabilité et au même degré de subordination hiérarchique que celui occupé par le salarié et requérant les mêmes compétences managériales et aptitudes personnelles ; que le changement d'affectation ne constituait qu'une simple modification des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié selon lesquelles le poste proposé à la direction commerciale ne le privait pas en fait d'une partie des fonctions exercées en qualité de chef de produit au sein de la direction marketing, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;Condamne la société Lu France aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lu France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Sébastien X... de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société Lu France ; AUX MOTIFS QUE M. X... fait valoir que la société Lu France ne peut se prévaloir de la clause de mobilité prévue au contrat de travail pour justifier une décision tendant à modifier unilatéralement ses fonctions et soutient que les précédents changements de poste ayant tous été régularisés par un avenant, les parties ont entendu donner valeur contractuelle aux fonctions qu'il occupait ; qu'il ajoute que le changement de poste constituait un déclassement évident d'autant que la prétendue insuffisance professionnelle invoquée n'est en rien démontrée ; que l'article 11 du contrat de travail prévoit en effet que le salarié est susceptible d'être affecté dans une autre fonction au sein de l'entreprise ou d'une autre société du groupe avec, éventuellement, un changement de résidence en France ou à l'étranger ; qu'il s'agit donc d'une clause de mobilité à la fois géographique et fonctionnelle que l'employeur n'a pas expressément invoquée à l'appui de sa proposition de changement de fonction sans modification du lieu d'exécution du contrat de travail formulée dans son courrier du 14 février 2007 ; que les changements de postes précédents qui ont donné lieu chacun à avenant au contrat de travail n'ont pas non plus été opérés sur le fondement de cette clause de mobilité fonctionnelle, les avenants des 1er juin 2001, 2 janvier 2003 et 1er mai 2005 formalisant l'accord entre le salarié et l'employeur sur chaque changement de poste ; que quoiqu'il en soit, la mobilité fonctionnelle au sein de l'entreprise prévue au contrat de travail reste licite tant qu'elle ne s'accompagne pas d'une mobilité géographique qui ne saurait être imposée au salarié comme n'étant pas délimitée en aucune façon aux termes du contrat ; qu'il ne peut non plus se déduire du fait que l'employeur n'ait pas mis en jeu la clause de mobilité fonctionnelle figurant au contrat de travail pour les changements de poste intervenus dans la carrière de M. X... au sein de la société que la modification des fonctions du salarié constituait nécessairement une modification du contrat de travail et non pas une modification des conditions de travail, en effet, si l'employeur qui propose une modification du contrat de travail doit obtenir l'accord du salarié pour la mettre en oeuvre, en revanche, le changement des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l'employeur et ne nécessite pas l'accord du salarié ; qu'il convient donc d'examiner si la proposition faite à M. X... de réintégrer son poste de commercial au poste de « Sales développer gâteau moelleux » qu'il occupait jusqu'en mai 2005 constituait une modification du contrat de travail ou une modification des conditions de travail ; que la société Lu France soutient que le poste de « Sales développer gâteau moelleux » était de même niveau dans la classification des emplois au sein du groupe, que les conditions salariales étaient inchangées de même que le lieu et la durée du travail ; qu'elle établit par les pièces figurant au dossier que la définition des fonctions de chef de produit senior et celle du catégorie manager promo induit le même niveau de responsabilité, les deux métiers nécessitant les mêmes compétences managériales et aptitudes personnelles et se situant au même degré de subordination hiérarchique ; que c'est donc à tort que M. X... soutient que le poste de commercial était d'un niveau inférieur en terme de responsabilité et de positionnement au poste de chef de produit qu'il occupait depuis 2005 ; qu'il fait encore valoir que le domaine d'activité du poste de « Sales développer gâteau moelleux » était réduit par rapport à celui qu'il gérait auparavant, le chiffre d'affaires de cette activité étant cinq fois moins important que l'activité « biscuit tradition » qu'il gérait en dernier lieu et ne lui offrait aucune possibilité de management ; qu'il ne démontre pas cependant cette différence en terme de possibilité de management ; qu'au regard des responsabilités comparables des deux postes, la seule comparaison entre le chiffre d'affaires des deux secteurs d'activité n'est en l'espèce pas suffisante pour caractériser une modification du contrat de travail ; que c'est donc dans l'exercice de son pouvoir de direction que la société Lu France a proposé à M. X... de réintégrer le poste qu'il occupait précédemment ; que M. X... soutient encore que l'employeur a fondé sa décision sur une prétendue insuffisance professionnelle, lui reprochant, d'une part, de ne pas avoir atteint l'objectif qui portait sur la rapide montée en puissance sur son poste et le développement d'une expertise et d'une vision marketing, et ce alors que ses plans d'action et d'avancement avaient été validés par sa hiérarchie et que la marque « Petit Lu aux fruits » lui a été retirée après trois mois de fonction pour être confiée à un salarié qui avait davantage d'ancienneté dans le marketing, et, d'autre part, une performance globale insuffisante constatée en conclusion de la revue de développement et de performance de 2006 ; que la bonne foi de l'employeur qui modifie les conditions de travail d'un salarié est présumée et qu'il appartient à ce dernier de démontrer que l'employeur a pris une décision exclusive de la bonne foi contractuelle ; qu'il résulte de la revue de développement et de performance datée de novembre 2006 et effectuée au titre de l'évaluation de l'année 2005 6 que le salarié lui-même indique que le « constat sur la prise de poste est partagé : prise de poste plus lente que prévue/attendue, avec notamment un déficit dans l'exécution des projets et le leadership attendu sur ces derniers » et demande à bénéficier d'un bilan de compétence en exprimant un souhait de mobilité vers l'international ; qu'au vu de l'ensemble des éléments ressortant de cette évaluation, et notamment du constat que M. X... n'avait pas acquis l'autonomie nécessaire pour évoluer dans le poste de marketing qui lui était confié, il apparaît que l'employeur a loyalement utilisé son pouvoir de direction en proposant au salarié de réintégrer le poste qu'il occupait précédemment ; que dès lors, le licenciement intervenu en raison du refus du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse ; ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur qui touche à l'économie fonctionnelle du contrat de travail modifie celui-ci et doit recueillir l'accord du salarié ; qu'en considérant que la modification des tâches de M. X... ne constituait pas une modification de son contrat de travail, mais une simple modification de ses conditions de travail, tout en constatant que la modification litigieuse portait sur le contenu de son poste, puisque qu'occupant un poste dans le domaine du marketing il était appelé à réintégrer le poste de commercial qu'il avait occupé jusqu'en 2005 (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5), ce dont il résultait que c'était l'économie de la convention qui se trouvait totalement modifiée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du code civil et l'article L.1221-1 du code du travail ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE la modification du contrat de travail est caractérisée lorsqu'elle porte sur un élément contractualisé par les parties ; que dans ses écritures d'appel (conclusions p. 10 à 12), M. X... faisait valoir que ses fonctions avaient été contractualisées puisque, à chaque modification de celles-ci, les parties avaient conclu un avenant au contrat de travail (avenants des 1er juin 2001, 1er janvier 2003, 1er mai 2005) ; qu'en résumant brièvement la thèse du salarié (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 8), puis en éludant le débat au profit d'une analyse de la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail, qui constituait pourtant un problème différent, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas répondu au moyen de M. X... tiré de la contractualisation de ses fonctions, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, ENFIN, QU' en constatant qu'à la suite de l'évaluation du salarié au titre de l'année 2005, l'employeur avait considéré que M. X... « n'avait pas acquis l'autonomie nécessaire pour évoluer dans le poste de marketing qui lui était confié » et qu'il était dès lors nécessaire de le réintégrer dans le poste de commercial qu'il occupait précédemment (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), puis en énonçant, pour écarter la thèse de la modification du contrat de travail, que le poste de commercial dans lequel M. X... se trouvait réintégré et le poste initialement occupé induisaient « le même niveau de responsabilité, les deux métiers nécessitant les mêmes compétences managériales et aptitudes personnelles » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5), cependant qu'elle ne pouvait logiquement affirmer à la fois que les deux postes de « chef de produits » et de « commercial » requièrent les mêmes compétences et aptitudes et que M. X..., qui n'aurait pas les compétences et les aptitudes pour occuper le premier, serait parfaitement apte à occuper le second, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction et a violé ce faisant l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14712
Date de la décision : 12/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2014, pourvoi n°13-14712


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14712
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