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02/04/2014 | FRANCE | N°12-25047

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 2014, 12-25047


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 juin 2012) que Mme X... a été engagée à compter de juillet 2002 en qualité de serveuse par Mme Y..., propriétaire exploitante d'un bar ; qu'un contrat de travail à temps partiel a été signé le 7 novembre 2003 prévoyant une durée mensuelle de 52 heures avec un contingent d'heures complémentaires maximum de 5,20 heures ; que Mme X... a été licenciée le 28 décembre 2007 pour inaptitude ; que l'intéressée a saisi la juridiction prud'homa

le aux fins de requalification de son contrat de travail à temps complet et de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 juin 2012) que Mme X... a été engagée à compter de juillet 2002 en qualité de serveuse par Mme Y..., propriétaire exploitante d'un bar ; qu'un contrat de travail à temps partiel a été signé le 7 novembre 2003 prévoyant une durée mensuelle de 52 heures avec un contingent d'heures complémentaires maximum de 5,20 heures ; que Mme X... a été licenciée le 28 décembre 2007 pour inaptitude ; que l'intéressée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de son contrat de travail à temps complet et de diverses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit aux demandes de requalification et de rappel de salaire de la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que si l'absence de contrat écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet, l'employeur qui conteste cette présomption peut rapporter la preuve que l'emploi était à temps partiel en établissant que le salarié connaissait à l'avance ses horaires de travail, n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir en permanence à disposition de l'employeur ; que la cour d'appel a, par motifs adoptés, constaté que le contrat de travail faisait mention d'une communication par affichage des horaires de travail, deux salariés, MM. Z... et A... ayant confirmé que le planning des salariés était exposé sur le lieu de travail ; que, pour faire droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein, en considérant qu'il n'était pas établi par l'employeur que les modifications de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine étaient notifiées à la salariée quand les variations fréquentes des horaires de travail l'ont placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de son employeur et notamment pendant la période estivale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et partant a violé les articles L. 3123-14 et L. 3123-21 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient au salarié engagé à temps partiel de rapporter la preuve qu'il a travaillé à temps complet, ce qui ne résulte pas de la seule exécution d'heures complémentaires au-delà de la limite légale prévue par l'article L. 3123-17 du code du travail ; que, pour faire droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein de Mme X..., en relevant qu'il ressortait des bulletins de paie de la salariée que le plafond contractuel d'heures complémentaires avait été régulièrement dépassé et qu'à l'inverse il n'avait pas toujours été respecté, sans rechercher si Mme X... avait rapporté la preuve de ce qu'elle avait travaillé à temps complet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3123-17 du code du travail ;
3°/ que la cassation qui sera prononcée sur l'une quelconque des deux branches qui précède entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué qui a condamné Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 3 013 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
Mais attendu selon l'article L. 3123-14 du code du travail, que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Et attendu qu'examinant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté, d'une part, que l'employeur ne justifiait pas avoir notifié à la salariée les modifications de la répartition de la durée du travail, et, d'autre part, que les variations fréquentes des horaires de travail avaient placé la salariée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'elle en a déduit à bon droit que le contrat à temps partiel devait être requalifié en contrat à temps plein ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR requalifié en contrat de travail à temps complet la relation de travail unissant Madame Y... et Madame X..., et d'avoir condamné Madame Y... à payer à Madame X... les sommes de 30.132,21 euros à titre de rappel de salaire et de 3.013 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes;
AUX MOTIFS QU' en revanche pour la période postérieure, il ressort de l'examen des bulletins de paye produits que le plafond contractuel des heures complémentaires a été régulièrement dépassé avec un contingent d'heures oscillant entre 72 et 130 heures et qu'à l'inverse l'horaire contractuel mensuel de 52 heures n'a pas toujours été respecté, le bulletin de paie d'octobre 2005 faisant mention de 36 heures payées et celui d'octobre 2006 de 30 heures payées, ceux de mars et février 2006 de 48 heures payées et de janvier 2007 de 30 heures rémunérées; qu'il n'est pas non plus établi par l'employeur que les modifications de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine étaient notifiées à la salariée alors que les variations fréquentes des horaires de travail l'ont placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de son employeur et notamment pendant la période estivale; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein du salarié; que le calcul effectué des salaires dus à Mme X... par la différence entre une rémunération à temps complet et les salaires perçus déduction faite des charges sociales permet de retenir une créance salariale de 30 132,21 euros outre une somme de 3013 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payées afférente au paiement desquelles il convient de condamner Madame Sylvaine Y... avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE Vu les articles L.3123-14, L.3123-17 alinéa 1 et L.3123-21 du Code du travail ; que le défaut de mention au contrat de travail des modalités de communication des horaires de travail, la modification sans délai de prévenance de la répartition hebdomadaire mensuelle du temps de travail et le dépassement du contingent d'heures complémentaires stipulé au contrat ne donnent lieu à requalification du contrat en contrat à temps plein qu'autant que ces manquements ont eu pour effet de placer le salarié dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et l'ont contraint à se tenir constamment à la disposition de son employeur ; que le contrat de travail fait mention d'une communication par affichage des horaires de travail ; que Messieurs Pascal Z... et Yann A... confirment que le planning des salariés était exposé sur le lieu de travail ; mais qu'il ressort de la lecture des fiches de paye de Madame Laurence X... que le plafond contractuel des heures complémentaires a été régulièrement dépassé ; qu'ainsi, selon les bulletins de paie : 132,12 heures ont été travaillées en août 2002, 105,70 heures ont été travaillées en septembre 2002, 167,96 heures ont été travaillées en juillet 2003, 177,67 heures ont été travaillées en août 2003, 96,43 heures ont été travaillées en janvier 2004, 105,20 heures ont été travaillées en février 2004, 87,67 heures ont été travaillées en mars 2004, 96 heures ont été travaillées en mai 2004, 132 heures ont été travaillées en août 2004, 72 heures ont été travaillées en décembre 2004, 78 heures ont été travaillées en janvier et mars 2005, heures ont été travaillées en mai 2005, 108 heures ont été travaillées en juin 2005, 138 heures ont été travaillées en juillet 2005, 126 heures ont été travaillées en août 2005, 114 heures ont été travaillées en septembre 2005, 72 heures ont été travaillées en avril 2006, 102 heures ont été travaillées en juin 2006, 132 heures ont été travaillées en juillet 2006, 144 heures ont été travaillées en août 2006, 102 heures ont été travaillées en septembre 2006, 96 heures ont été travaillées en décembre 2006, 90 heures ont été travaillées en avril 2007 ; qu'à l'inverse l'horaire contractuel mensuel de 52 heures n'a, certains mois, pas été respecté ; qu'ainsi le bulletin de paie d'octobre 2005 ne fait mention que de 36 heures payées, celui d'octobre 2006, de 30 heures payées, ceux de mars et février 2006, de 48 heures payées, celui de janvier 2007, de 30 heures rémunérées ; que par ailleurs Madame Sylvaine Y... ne justifie pas avoir notifié à sa salariée les modifications de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois sept jours au moins avant la date à laquelle elles devaient avoir lieu ; que les variations imprévisibles et massives du volume d'heures travaillées et partant, des horaires de travail, plaçaient la salariée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail ; qu'elles la contraignaient à se tenir constamment à la disponibilité de son employeur ; qu'en conséquence, il conviendra de faire droit à la demande de requalification ; que la créance en résultant est d'un montant égal à la différence entre une rémunération à temps complet et les salaires perçus par Madame Laurence X... ; qu'elle doit être ainsi calculée :
Nombre Salaire d'heures Taux Salaire Temps brut Année Mois travaillées horaire brut versé complet mensuel

2003juin79,567,97634,09151,551207,85573,76

2003Juillet167,967,971338,64151,551207,850

2003Août177,677,971416,03151,551207,850

2003Septembre35,367,97281,82151,551207,85926,03

2003Octobre17,687.97140,91151,551207,851066,94

2003Novembre115,727,97922,29151,551207,85285,57

2003 Décembre96,437,97768,55151,551207,85439,31

2004janvier96,437,97768,55151,551207,85439,31

2004février105,28,77922,6151,551329,09406,49

2004mars87,678,77768,87151,551329,09560,23

2004avril888,74769,12151,553324,55555,43

2004mai9612,811229,76151,551941,36711,6

2004juin7212,81922,32351,551941,361019,04

2004Juillet13212,811960,92151,551941,36250,44

2004Août13212,811690,92151,551941,36250,44

2004Septembre7812,81999,18151,551941,36942,18

2004Octobre3612,81461,16151,551941,361480,2

2004Novembre7212,81922,32351,551941,361019,04

2004Décembre7212,81922,32151,551941,361019,04

2005janvier7812,841001,52151,551945,9944,38

2005février6014,19851,4151,552150,491299,09

2005mars7S12,911006,98151,551956,51949,53

2005avril5412,91697,14151,551956,511259,37

2005mai9612,911239,36151,551956,51717,15

2005juin10812,911394,28151,551956,51562,23

2005Juillet13812,911781,58151,551956,51174,93

2005Août12612,911626,66151,551956,51329,85

2005Septembre11412,911471,74151,551956,51484,77

2005Octobre3632,93464,76151,551956,511491,75

2005Novembre6012,05723151,551826,181103,18

2005Décembre5432,93697,14151,551956,511259,37

2006janvier5412,93698,22151,551959,541261,32

2006février4812,93620,64151,551959,541338,9

2006mars4812,93620,64151,551959,541338,9

2006avril7212,93930,96151,551959,541028,58

2006mai6612,93853,38151,551959,541106,16

2006juin10212,931318,86151,551959,54640,68

2006Juillet13212,931706,76151,551959,54252,78

2006Août14412,931861,92151,551959,5497,62

2006Septembre10232,931318,86151,551959,54640,68

2006Octobre3032,93387,9151,553959,541571,64

2006Novembre7812,931008,54351,551959,54951

2006Décembre9612,931241,28151,551959,54718,26

2007janvier3012,93387,9151,551959,541573,64

2007février4812,93620,64151,551959,541338,9

2007mars6012,93775,8168,872183,491407,69

2007avril9012,931363,7168,872183,491019,79

2007maiMaladie

0

2007juinMaladie

0

2007JuilletMaladie

0

2007AoûtMaladie

0

2007SeptembreMaladie

0

2007OctobreMaladie

0

2007NovembreMaladie

0

2007DécembreMaladie

0

Total restant38805,17;

que déduction faite des charges sociales, évaluées à 22,35 % du salaire brut, le montant net de cette créance salariale s'élève à 30.132,21 € ; que, dans la limite de la saisine, il sera octroyé à ce titre, à Madame Florence X..., la somme de 20.826,00 € nette ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de saisine ;
ALORS QUE si l'absence de contrat écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet, l'employeur qui conteste cette présomption peut rapporter la preuve que l'emploi était à temps partiel en établissant que le salarié connaissait à l'avance ses horaires de travail, n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir en permanence à disposition de l'employeur; que la Cour d'appel a, par motifs adoptés, constaté que le contrat de travail faisait mention d'une communication par affichage des horaires de travail, deux salariés, Messieurs Z... et A... ayant confirmé que le planning des salariés était exposé sur le lieu de travail; que, pour faire droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein, en considérant qu'il n'était pas établi par l'employeur que les modifications de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine étaient notifiées à la salariée quand les variations fréquentes des horaires de travail l'ont placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de son employeur et notamment pendant la période estivale, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et partant a violé les articles L.3123-14 et L.3123-21 du Code du travail;
ALORS encore QU'il appartient au salarié engagé à temps partiel de rapporter la preuve qu'il a travaillé à temps complet, ce qui ne résulte pas de la seule exécution d'heures complémentaires au-delà de la limite légale prévue par l'article L.3123-17 du Code du travail; que, pour faire droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein de Madame X..., en relevant qu'il ressortait des bulletins de paie de la salariée que le plafond contractuel d'heures complémentaires avait été régulièrement dépassé et qu'à l'inverse il n'avait pas toujours été respecté, sans rechercher si Madame X... avait rapporté la preuve de ce qu'elle avait travaillé à temps complet, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.3123-17 du Code du travail;
ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur l'une quelconque des deux branches qui précède entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué qui a condamné Madame Y... à payer à Madame X... la somme de 3.013 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, en application de l'article 624 du Code de procédure civile;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-25047
Date de la décision : 02/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 29 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 2014, pourvoi n°12-25047


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Delamarre, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.25047
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