LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 septembre 2012) que M. X... a été engagé le 1er août 2006 en qualité de directeur de magasin par la société Bati-Calade dont le dirigeant est son beau-père ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 18 juillet 2009 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande indemnitaire, alors, selon le moyen :
1°/ que seule l'obligation de loyauté subsiste durant la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l'accident ; que ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté la menace même virulente de porter à la connaissance de l'inspection du travail ou du médecin du travail des agissements que le salarié considère comme anormaux ni celle de saisir la juridiction prud'homale ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ que pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ; qu'en jugeant que le licenciement fondé sur des propos tenus par le salarié durant la période de suspension de son contrat de travail repose sur une cause réelle et sérieuse, sans constater que les paroles du salarié ont causé un préjudice à l'entreprise, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
3°/ que sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'en retenant que la menace par le salarié de plainte auprès de l'inspection du travail et de saisine de la juridiction prud'homale justifiait le licenciement pour faute sans caractériser en quoi les propos du salarié caractérisaient un abus de sa liberté d'expression, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
4°/ que la menace de porter à la connaissance de l'inspecteur du travail des agissements de l'employeur qu'il considère comme anormaux ou de saisir la juridiction prud'homale ne constitue pas en soi une faute de la part du salarié ; qu'en retenant néanmoins que le licenciement disciplinaire était justifié par les menaces d'une plainte auprès de l'inspection du travail et de saisine de la juridiction prud'homale sans caractériser la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ensemble l'article L. 1331-1 du même code ;
5°/ que La lettre de licenciement fixe les limites du litige et interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux motifs et au juge d'examiner des griefs non invoqués dans ladite lettre ; qu'en retenant à l'encontre du salarié le grief tiré de « la menace de soustraire ses enfants à toutes relations avec leurs grands-parents, les époux Y... » quand ce motif n'était pas visé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
6°/ que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse imputable au salarié ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que même s'il n'est pas établi que le salarié a proféré à l'encontre de son employeur l'expression « je vais t'éclater la tête aux prud'hommes, tu vas cracher », il est très vraisemblable qu'elle l'a été au cours de la discussion « animée » du 6 juillet ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article L 1232-1 du code du travail et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans excéder les limites du litige et sans statuer par un motif hypothétique, que les menaces proférées de manière virulente à l'encontre de son employeur afin de le contraindre à accepter ses conditions d'une rupture du contrat de travail, traduisaient une dégradation irréversible de la relation de travail et la volonté du salarié de se placer en dehors du lien de subordination, la cour d'appel a pu décider que le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté qui subsiste lorsque le contrat de travail est suspendu ;
Que le moyen, irrecevable en ses deuxième, troisième et quatrième branches comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme Terrier-Mareuil, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Hervé X... repose sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'appelant rappelle à juste titre que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le juge saisi d'une contestation relative au bien-fondé du licenciement ne peut fonder sa conviction sur l'existence de faits fautifs qui n'ont pas été visés dans la lettre de licenciement et qui n'ont été invoqués par l'employeur qu'en cours de procédure ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave en date du 18 juillet 2009 énonce deux griefs :- carences professionnelles à l'origine d'une insuffisance de résultats mettant en péril l'avenir de la société ;- comportement inadmissible de la part d'un cadre, caractérisé par des propos fallacieux et menaçants à l'égard de l'entreprise et de son dirigeant, en vue d'extorquer des sommes d'argent, le lundi 6 juillet 2009 ; que s'agissant du premier grief, il est constant en droit que l'insuffisance de résultats ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle est imputable à une carence avérée du salarié et ne procède pas d'une situation de marché défavorable ou d'erreurs de gestion ou de stratégie de l'employeur ; qu'or en l'espèce force est de constater que si la lettre de licenciement fait état de données chiffrées non sérieusement contestées relative à une baisse de chiffres d'affaires depuis 2008, qui s'est aggravée sur le premier quadrimestre 2009 au point de réduire à néant l'espérance d'un résultat bénéficiaire pour l'année, elle s'abstient en revanche de définir de manière circonstanciée les carences professionnelles imputées au salarié comme étant à l'origine de l'insuffisance des résultats ; qu'étant rappelé le contexte de crise économique qui a entraîné un ralentissement brutal d'activité dans de nombreux secteurs et des mesures de chômage partiel et de licenciement fin 2008 début 2009, les explications fournies par l'employeur dans ses écritures imputant à une liaison extra-conjugale du salarié un prétendu manque d'implication de celui-ci dans l'entreprise à l'origine de la baisse des résultats ne peuvent sérieusement emporter la conviction ; que ce grief a donc été légitimement écarté par les premiers juges ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE s'agissant en revanche du second grief, il résulte clairement de la lettre de licenciement et du déroulement de la procédure que la décision de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail procède du comportement adopté par Monsieur Hervé X... à l'égard de son beau-père, dirigeant de la société, Monsieur Y..., le lundi 6 juillet 2009, à la suite du refus de ce dernier de céder à ses exigences concernant le versement d'une indemnité transactionnelle de rupture de 30 000 € en sus du préavis et des congés payés et de l'indemnité légale de licenciement ; que Monsieur Hervé X... ne conteste pas formellement dans ses écritures les propos qui lui sont attribués dans la lettre de licenciement telles que les menaces de plaintes auprès de l'inspection du travail et du médecin du travail et il reconnaît que la discussion a été animée, niant toutefois avoir tenu des propos injurieux ; que de fait la lettre de licenciement ne lui reproche pas des propos injurieux, tels que ceux rapportés par les témoins A... et Z..., mais seulement des propos menaçants, lesquels peuvent s'entendre comme des menaces de plaintes, de procédures judiciaires, ou encore de soustraire ses enfants à toutes relations avec leurs grands-parents, les époux Y... ; que les termes de cette lettre de licenciement ne font pas état explicitement de menaces de porter atteinte à l'intégrité physique de l'employeur, l'expression rapportée par Monsieur Z..., dont il n'est pas réellement établi qu'elle ait été proférée en sa présence, mais dont il est très vraisemblable qu'elle ait été au cours de la discussion « animée » du 6 juillet « je vais t'éclater la tête aux prud'hommes, tu vas cracher » ne constitue pas bien évidemment une menace de violences physiques et doit être entendue au sens figuré ; que ces violences verbales avérées ne peuvent caractériser une faute grave, compte tenu du contexte familial, propice à la familiarité et aux excès de langage ; qu'elles n'en traduisent pas moins le caractère irréversible de la dégradation des relations entre les parties et la volonté du salarié de se placer en dehors du lien de subordination, en tentant d'imposer à l'employeur les conditions de la rupture, par des moyens contestables ; qu'un tel comportement, incompatible avec son maintien dans l'entreprise à un poste de responsabilité, constituait à l'évidence une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la circonstance que les faits reprochés se soient produits pendant une période de suspension du contrat de travail n'est pas de nature à conférer une quelconque immunité au salarié, lequel reste tenu de son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur même en période de suspension du contrat de travail, et peut être sanctionné par ailleurs pour des faits relevant de sa vie privée qui sont de nature à avoir des répercussions négatives sur le fonctionnement de l'entreprise ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré, par substitution de motifs ;
ALORS QUE, D'UNE PART, seule l'obligation de loyauté subsiste durant la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l'accident ; que ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté la menace même virulente de porter à la connaissance de l'inspection du travail ou du médecin du travail des agissements que le salarié considère comme anormaux ni celle de saisir la juridiction prud'homale ; qu'en jugeant le contraire, la Cour viole l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en toute hypothèse, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ; qu'en jugeant que le licenciement fondé sur des propos tenus par le salarié durant la période de suspension de son contrat de travail repose sur une cause réelle et sérieuse, sans constater que les paroles du salarié ont causé un préjudice à l'entreprise, la Cour prive son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, et en tout état de cause, sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'en retenant que la menace par le salarié de plainte auprès de l'inspection du travail et de saisine de la juridiction prud'homale justifiait le licenciement pour faute de Monsieur X... sans caractériser en quoi les propos du salarié caractérisaient un abus de sa liberté d'expression, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, et de toute façon, la menace de porter à la connaissance de l'inspecteur du travail des agissements de l'employeur qu'il considère comme anormaux ou de saisir la juridiction prud'homale ne constitue pas en soi une faute de la part du salarié ; qu'en retenant néanmoins que le licenciement disciplinaire de Monsieur X... était justifié par les menaces d'une plainte auprès de l'inspection du travail et de saisine de la juridiction prud'homale sans caractériser la mauvaise foi du salarié, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail ensemble l'article L. 1331-1 du même code ;
ALORS QUE, DE CINQUIEME PART, la lettre de licenciement fixe les limites du litige et interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux motifs et au juge d'examiner des griefs non invoqués dans ladite lettre ; qu'en retenant à l'encontre de Monsieur X... le grief tiré de « la menace de soustraire ses enfants à toutes relations avec leurs grands-parents, les époux Y... » quand ce motif n'était pas visé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel viole l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ET ALORS ENFIN, et en toute hypothèse, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse imputable au salarié ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de Monsieur X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse, la Cour retient que même s'il n'est pas établi que le salarié a proféré à l'encontre de son employeur l'expression « je vais t'éclater la tête aux prud'hommes, tu vas cracher », il est très vraisemblable qu'elle l'a été au cours de la discussion « animée » du 6 juillet ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques, la Cour viole l'article L. 1232-1 du Code du travail et méconnaît les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.