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05/03/2014 | FRANCE | N°12-28774

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2014, 12-28774


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 octobre 2012), que l'inspecteur du travail de Dordogne, estimant que la société Monoprix exploitation ne disposait d'aucune dérogation pour faire travailler ses salariés le dimanche dans son magasin de Périgueux, a saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner, sous astreinte, la fermeture le dimanche de ce magasin ; que l'union départementale syndicale Force ouvrière (UD-FO) est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu qu

e la société Monoprix fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, al...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 octobre 2012), que l'inspecteur du travail de Dordogne, estimant que la société Monoprix exploitation ne disposait d'aucune dérogation pour faire travailler ses salariés le dimanche dans son magasin de Périgueux, a saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner, sous astreinte, la fermeture le dimanche de ce magasin ; que l'union départementale syndicale Force ouvrière (UD-FO) est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu que la société Monoprix fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que seule la violation flagrante d'un texte non susceptible d'interprétation peut constituer un trouble manifestement illicite ; qu'en ayant retenu que l'ouverture du magasin exploité par la société Monoprix le dimanche matin constituait un trouble manifestement illicite quand l'appréciation du caractère « principal » de l'activité alimentaire, justifiant la dérogation à la règle du repos hebdomadaire en vertu de l'article R. 3132-8 du code du travail, nécessitait l'interprétation de ce texte et un choix parmi les critères d'appréciation du caractère prépondérant de cette activité qui relevait des juges du fond, la cour d'appel a outrepassé les pouvoirs du juge des référés et violé l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges sont tenus d'indiquer la nature et l'origine des documents de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en ayant retenu, pour juger que le personnel du magasin n'était pas principalement occupé par l'activité alimentaire, que les deux personnes affectées aux livraisons dépendaient d'une autre société, sans mentionner aucune pièce étayant cette affirmation, cependant que la société Monoprix avait au contraire invoqué et produit les contrats de travail et le livre de paie démontrant que ces personnes étaient bien employées par elle au sein du secteur alimentaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en s'étant fondée, pour juger que le personnel du magasin n'était pas principalement occupé par l'activité alimentaire, sur la circonstance que les deux salariées affectées aux livraisons ne travaillaient pas le dimanche, quand la dérogation revendiquée par la société Monoprix avait précisément pour but de leur permettre de travailler le dimanche, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
4°/ que les dérogations légales au repos dominical sont appréciées au regard de l'activité principale de l'entreprise, qui est celle à laquelle les salariés consacrent principalement leur travail ; qu'en s'étant bornée à affirmer que le personnel dédié à l'activité alimentaire n'était pas aussi nombreux qu'allégué par la société Monoprix, dans la mesure où les neuf salariées comptées dans les caisses alimentation pouvaient encaisser également les autres rayons, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si, compte tenu du temps de travail effectivement consacré par ces caissières à encaisser des produits de la gamme alimentaire, le nombre total de salariés occupés par l'activité alimentaire n'était pas majoritaire au sein du magasin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en s'étant fondée, pour refuser à la société Monoprix le bénéfice de la dérogation à la règle du repos dominical pour les établissements commercialisant des denrées alimentaires, sur la circonstance que l'activité de son magasin ne correspondait pas à un « supermarché classique », la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas et a ainsi violé les articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en s'étant fondée, pour refuser l'ouverture du magasin exploité par la société Monoprix le dimanche, sur la circonstance que cette ouverture avait été unanimement rejetée par les organisations syndicales, quand le bénéfice de la dérogation à la règle du repos dominical, qui jouait de plein droit, n'était nullement subordonné à l'accord des organisations syndicales, la cour d'appel a de nouveau ajouté à la loi une condition qu'elle ne renferme pas et a ainsi violé les articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
7°/ qu'en s'étant fondée, pour retenir que l'ouverture le dimanche du magasin exploité par la société Monoprix constituait un trouble manifestement illicite, sur la circonstance que cette ouverture créerait une distorsion de concurrence à l'égard des magasins de vêtements, des parfumeries et autres bazars du centre-ville pour lesquels l'ouverture est prohibée, quand la dérogation légale à la règle du repos dominical, qui jouait de plein droit, était exclusive de l'illicéité d'un tel trouble, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'il appartient au juge des référés, saisi en application de l'article L. 3132-31 du code du travail par l'inspecteur du travail d'une infraction au repos dominical, d'appliquer la loi même si elle requiert interprétation ;
Attendu, ensuite, que le bénéfice de la dérogation de droit prévue par l'article L. 3132-13 du code du travail, au repos dominical ne s'applique, selon l'article R. 3132-8 du même code, qu'aux établissements dont l'activité exclusive ou principale est la vente de denrées alimentaires au détail ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a estimé que l'activité principale de la société Monoprix exploitation, dans son établissement de Périgueux, ne concernait pas la vente de denrées alimentaires au détail, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait bénéficier de la dérogation revendiquée ;
D'où il suit que le moyen inopérant pour le surplus, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Monoprix exploitation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Monoprix exploitation et condamne celle-ci à payer à chacun des défendeurs la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Monoprix exploitation
Il est reproché à l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, d'avoir ordonné la fermeture le dimanche du magasin situé 10, place Bugeaud à Périgueux exploité par la société Monoprix, sous astreinte de 1.000 euros par dimanche et par salarié illégalement employé ;
Aux motifs que « l'activité principale telle que mentionnée dans l'article R. 3132-8 du code du travail doit être appréciée au cas par cas, sur la base de différents critères, le chiffre d'affaires réalisé dans les divers rayons, les surfaces occupées et l'effectif employé dans ces rayons (¿) ; que la surface de vente consacrée au non alimentaire s'établit à moins de 40 % de la surface du magasin (¿) ; que le personnel strictement dédié à l'alimentaire n'est pas aussi important que prétendu (24) : en effet, les 9 salariées comptées dans les caisses d'alimentation réalisent de l'encaissement pour tous les rayons, les 2 personnels affectés aux livraisons dépendent d'une autre société et font un travail d'ordre général en ne travaillant pas le dimanche ; que le chiffre d'affaires de l'alimentaire dans lequel est comptabilisé d'ailleurs celui des produits ménagers (entretien) est d'environ 45 à 48 % du chiffre d'affaires global ; qu'ainsi l'activité du magasin exploité (¿) ne correspond pas à un supermarché classique qui présente une activité alimentaire clairement prépondérante et donc principale mais donc à celle d'un magasin mixte de centre-ville ; que l'ouverture de ce magasin le dimanche, outre qu'elle a été unanimement rejetée par les organisations syndicales, crée une distorsion de concurrence à l'égard des magasins de vêtements, des parfumeries et autres bazars du centre-ville pour lesquels l'ouverture est prohibée » ;
Alors que 1°) seule la violation flagrante d'un texte non susceptible d'interprétation peut constituer un trouble manifestement illicite ; qu'en ayant retenu que l'ouverture du magasin exploité par la société Monoprix le dimanche matin constituait un trouble manifestement illicite quand l'appréciation du caractère « principal » de l'activité alimentaire, justifiant la dérogation à la règle du repos hebdomadaire en vertu de l'article R. 3132-8 du code du travail, nécessitait l'interprétation de ce texte et un choix parmi les critères d'appréciation du caractère prépondérant de cette activité qui relevait des juges du fond, la cour d'appel a outrepassé les pouvoirs du juge des référés et violé l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors que 2°) les juges sont tenus d'indiquer la nature et l'origine des documents de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en ayant retenu, pour juger que le personnel du magasin n'était pas principalement occupé par l'activité alimentaire, que les deux personnes affectées aux livraisons dépendaient d'une autre société, sans mentionner aucune pièce étayant cette affirmation, cependant que la société Monoprix avait au contraire invoqué et produit les contrats de travail et le livre de paie démontrant que ces personnes étaient bien employées par elle au sein du secteur alimentaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors que 3°) en s'étant fondée, pour juger que le personnel du magasin n'était pas principalement occupé par l'activité alimentaire, sur la circonstance que les deux salariées affectées aux livraisons ne travaillaient pas le dimanche, quand la dérogation revendiquée par la société Monoprix avait précisément pour but de leur permettre de travailler le dimanche, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors que 4°) les dérogations légales au repos dominical sont appréciées au regard de l'activité principale de l'entreprise, qui est celle à laquelle les salariés consacrent principalement leur travail ; qu'en s'étant bornée à affirmer que le personnel dédié à l'activité alimentaire n'était pas aussi nombreux qu'allégué par la société Monoprix, dans la mesure où les 9 salariées comptées dans les caisses alimentation pouvaient encaisser également les autres rayons, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si, compte tenu du temps de travail effectivement consacré par ces caissières à encaisser des produits de la gamme alimentaire, le nombre total de salariés occupés par l'activité alimentaire n'était pas majoritaire au sein du magasin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors que 5°) en s'étant fondée, pour refuser à la société Monoprix le bénéfice de la dérogation à la règle du repos dominical pour les établissements commercialisant des denrées alimentaires, sur la circonstance que l'activité de son magasin ne correspondait pas à un « supermarché classique », la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas et a ainsi violé les articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors que 6°) en s'étant fondée, pour refuser l'ouverture du magasin exploité par la société Monoprix le dimanche, sur la circonstance que cette ouverture avait été unanimement rejetée par les organisations syndicales, quand le bénéfice de la dérogation à la règle du repos dominical, qui jouait de plein droit, n'était nullement subordonné à l'accord des organisations syndicales, la cour d'appel a de nouveau ajouté à la loi une condition qu'elle ne renferme pas et a ainsi violé les articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors que 7°) en s'étant fondée, pour retenir que l'ouverture le dimanche du magasin exploité par la société Monoprix constituait un trouble manifestement illicite, sur la circonstance que cette ouverture créerait une distorsion de concurrence à l'égard des magasins de vêtements, des parfumeries et autres bazars du centre-ville pour lesquels l'ouverture est prohibée, quand la dérogation légale à la règle du repos dominical, qui jouait de plein droit, était exclusive de l'illicéité d'un tel trouble, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3132-13 et R. 3132-8 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 octobre 2012


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 05 mar. 2014, pourvoi n°12-28774

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Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 05/03/2014
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12-28774
Numéro NOR : JURITEXT000028708573 ?
Numéro d'affaire : 12-28774
Numéro de décision : 51400490
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-03-05;12.28774 ?
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