LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été engagé par la commune de Saint-Leu dans le cadre d'une succession de contrats emploi consolidé et d'accompagnement dans l'emploi du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2006 ; que la commune de Saint-Leu ayant mis fin à la relation contractuelle à l'issue du terme du dernier contrat, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ces contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec effet rétroactif au 1er décembre 2003 et le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes du salarié la cour d'appel, après avoir relevé qu'il sollicitait la requalification de son contrat d'avenir en contrat à durée indéterminée, retient que l'action de formation prévue par la convention conclue entre l'Etat et l'employeur, s'inscrivait dans un processus d'adaptation au poste dont la finalité est de permettre au salarié d'acquérir une expérience suffisante pour être en mesure de réaliser au quotidien les tâches pour lesquelles il a été embauché, que le fait qu'il ait été maintenu dans ses fonctions d'agent d'entretien durant toute la période du contrat, sans qu'il se plaigne de l'absence de formation visant à satisfaire son projet professionnel, atteste de ce qu'il a bien été formé pour le poste revendiqué ;
Qu'en statuant ainsi, en se prononçant sur des prétentions qui n'étaient pas celles du salarié lequel sollicitait la requalification de contrats emploi consolidé et de contrats d'accompagnement dans l'emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt rendu le 22 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;
Condamne la commune de Saint-Leu aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la commune de Saint-Leu à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Coutard et Munier-Apaire ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR annulé le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre en raison de la violation du principe du contradictoire et, statuant à nouveau, constaté qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de formation n'est caractérisé et, en conséquence, débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les autres demandes des parties ;
AUX MOTIFS QUE :
« Sur la demande d'annulation des jugements pour non-respect du contradictoire :
En vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, pris en son premier alinéa, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Ce principe exige que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des preuves produites, sans pouvoir se prévaloir d'une absence de contradiction exclusivement imputable à leur propre carence. A contrario, dès lors que l'une des parties justifie d'un motif légitime excusant son absence à l'audience, les juges doivent prendre en compte cette circonstance et prendre toute mesure préservant le principe de la contradiction. En l'espèce, la Commune de Saint Leu sollicite l'annulation pure et simple du jugement rendu le 25/02/10 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre, au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté en première instance. Convoquée devant le Bureau de Jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre au 26/11/09, la Commune soutient qu'en raison de l'absence d'un conseiller prud'homal, l'audience, initialement prévue à 8h30, n'a pu être tenue qu'à compter de 10h30. En raison de ce retard, imputable au Conseil et non aux parties, le conseil de la Commune, attrait à des obligations professionnelles, a dû quitter l'audience à 9h40, heure à laquelle le Conseil de Prud'hommes n'était manifestement pas en l'état de tenir une quelconque audience car insuffisamment composée. Cette situation, au demeurant non contestée par le salarié dans ses conclusions, est confirmée par la note d'audience du 26/11/09 établi par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre, qui fait état des difficultés liées au retard d'un conseiller. En outre, il résulte du courrier de Me Creissen, conseil de la Commune prenant la suite de Me Rabenantoandro, en date du 20/09/11, qu'au cours de l'audience litigieuse, plusieurs dossiers ont fait l'objet d'un renvoi sur l'insistance du Bâtonnier, pour les mêmes motifs que ceux exposés aujourd'hui par la Commune, à savoir un défaut de respect de la contradiction. Toutefois, le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre a retenu le présent dossier, passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime, privant ainsi cette dernière d'apporter une quelconque explication orale à l'audience. La circonstance que le dossier ait fait l'objet de plusieurs renvois, antérieurement à l'audience litigieuse du 26/11/09, est sans incidence dès lors que l'important retard pris par le Conseil est exclusivement imputable à ce dernier, et dès lors que le conseil de la Commune, au demeurant inscrit dans un Barreau extérieur, était présent à l'heure initialement prévue pour l'audience. Il s'ensuit que le Conseil de Prud'hommes, en rendant une décision sur les seuls éléments fournis par le salarié, sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence, a violé le principe de la contradiction, viciant le jugement ainsi entrepris. Par conséquent, la demande de la Commune est fondée, et le jugement déféré sera annulé en son intégralité, en raison de la violation du principe de la contradiction » ;
ALORS QU'un jugement a la force probante d'un acte authentique ; qu'il ressort des énonciations du jugement du Conseil de Prud'hommes de SAINT-PIERRE du 25 février 2010 que la Commune de SAINT-LEU était assistée d'un avocat lors de l'audience de jugement ; qu'en affirmant dès lors, pour prononcer l'annulation de ce jugement, que le Conseil de Saint-Pierre avait retenu le dossier à l'audience en « passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime », la privant ainsi « d'apporter une quelconque explication orale à l'audience », « sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence », en violation du principe de la contradiction, la Cour d'appel, qui a elle-même méconnu les mentions du jugement entrepris, a violé les articles 16, 454 à 457 et 460 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR constaté qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de formation n'est caractérisé et, en conséquence, débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les autres demandes des parties, fait masse des dépens, condamné le salarié à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE :
« Sur la requalification du contrat d'avenir :
Aux termes de l'article L.322-4-11 ancien du code du travail en sa version applicable au litige, la convention liant l'Etat à l'employeur « définit le projet professionnel proposé au bénéficiaire du contrat d'avenir. Elle fixe notamment les conditions d'accompagnement dans l'emploi du bénéficiaire et les actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience qui doivent être mises en oeuvre à son profit dans les conditions prévues à l'article L.935-1 » .Il s'ensuit que les actions de formation ainsi prévues par ladite convention s'imposent à l'employeur. En l'espèce, le salarié sollicite la requalification de son contrat d'avenir en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, en ce que la Commune de Saint Leu n'aurait pas respecté son obligation essentielle liée à la mise en place d'une action de formation. Il invoque à ce titre l'existence, dans la convention liant l'Etat à la Commune, d'une action de formation qui aurait dû respecter par cette dernière. Il résulte en effet de la lecture de ladite convention que la Commune s'était engagée à mettre en place une formation interne au profit de Monsieur Richard Y..., pilotée par un tuteur désigné par l'employeur et devant être exécutée pendant et hors le temps de travail. En revanche, aucune procédure de validation des acquis n'était prévue par la convention Il résulte en outre de la lecture de cette pièce que l'action de formation ainsi prévue s'inscrivait dans un processus d'adaptation au poste. Or, la finalité même de cette formation dite « d'adaptation au poste » est de permettre au salarié d'acquérir une expérience suffisante pour être en mesure de réaliser, au quotidien, les tâches pour lesquelles il a été embauché. Le fait que le salarié ait été maintenu dans ses fonctions d'agent d'entretien durant toute la période du contrat, sans qu'il ne se plaigne, à aucun moment au cours de l'exécution de ce dernier, de l'absence de formation mise en place et visant à satisfaire son projet professionnel, à savoir « agent d'entretien », atteste de ce que le salarié a bien été formé pour le poste revendiqué. Le salarié ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un autre projet professionnel que celui de devenir « agent d'entretien », il y a donc lieu de retenir que l'employeur a satisfait à son obligation de formation telle que visée dans la convention. En conséquence, aucun manquement de l'employeur n'est caractérisé, de sorte que le salarié sera débouté de sa demande de requalification et de ses demandes indemnitaires s'y rapportant. L'intimé, qui succombe, devra supporter les dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du même code » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt que le salarié sollicitait la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée de droit commun pour non-respect par la commune de son obligation essentielle liée à la mise en place d'une action de formation ; que pour le débouter néanmoins de l'intégralité de ses demandes, la Cour d'appel qui s'est référée à la convention que la commune avait conclue à l'égard de M. Richard Y..., tiers au litige , a statué par une motivation inopérante, générale et de pure forme, sans répondre aux moyens précis du salarié, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à statuer sur le seul moyen tiré de la violation de l'obligation liée à la mise en place d'une action de formation, sans répondre aux autres moyens de M. X... qui sollicitait dans ses conclusions d'appel, reprises oralement, la requalification de ses contrats emploi consolidé pour violation par la Commune de son obligation de faire réaliser un bilan de compétence par un organisme spécialisé et la requalification de ses contrats d'accompagnement dans l'emploi, pour méconnaissance des conditions d'accès à ce type de contrats et violation des règles de renouvellement des contrats « aidés » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS, AUSSI, QUE le juge ne peut dénaturer ni les termes ni les pièces du litige ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... avait conclu des contrats emploi-consolidé et des contrats d'accompagnement dans l'emploi dont il demandait la requalification dans ses conclusions reprises oralement; qu'en affirmant que le salarié sollicitait la requalification de son contrat d'avenir, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS, ENFIN, QUE l'article L.322-4-7 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable exige que l'employeur mette en place au profit du salarié une formation particulière, distincte du seul maintien au poste tenu ; que pour retenir que le salarié avait bien été formé au poste revendiqué, la cour d'appel qui a simplement relevé qu'il avait été maintenu dans ses fonctions sans qu'il ne se plaigne de l'absence de formation mise en place et visant à satisfaire son projet professionnel, a méconnu les exigences posées par l'article L.322-4-7 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable.