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12/02/2014 | FRANCE | N°12-29497

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 février 2014, 12-29497


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2012), que M. X... a été engagé en qualité d'ingénieur par la société Computacenter, par contrat à durée déterminée à effet du 20 août 2007 pour faire face à un surcroît d'activité ; qu'il a par lettre du 1er octobre 2009 démissionné de son emploi en invoquant l'absence de réponse de son employeur à ses demandes relatives à son statut contractuel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tant au titre de l'exécution de son contrat

de travail qu'au titre de la rupture de celui-ci ;
Sur le premier moyen :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2012), que M. X... a été engagé en qualité d'ingénieur par la société Computacenter, par contrat à durée déterminée à effet du 20 août 2007 pour faire face à un surcroît d'activité ; qu'il a par lettre du 1er octobre 2009 démissionné de son emploi en invoquant l'absence de réponse de son employeur à ses demandes relatives à son statut contractuel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tant au titre de l'exécution de son contrat de travail qu'au titre de la rupture de celui-ci ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de reclassification du salarié à la position 3.2 coefficient 210 de la convention collective Syntec, alors, selon le moyen :
1°/ que l'annexe II à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dispose que la position 2.3, inférieure à la position 3.2 revendiquée par le salarié, est réservée aux ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de ce métier ; qu'en accueillant la demande de reclassification du salarié à la position 3.2 après avoir pourtant relevé que celui-ci ne disposait pas d'une pratique de six années en cette qualité, la cour d'appel a violé cette disposition conventionnelle ;
2°/ que l'annexe II à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dispose que le cadre classé à la position 3.2 assume une responsabilité complète sur son équipe, contrairement au cadre positionné 3.1 dont la responsabilité de l'équipe revient à son supérieur hiérarchique ; qu'en accueillant la demande de reclassification de M. X... à la position 3.2, cependant qu'il ressortait de ses constatations que celui-ci était placé sous les ordres de M. Y..., responsable de production, sous l'autorité duquel il contrôlait le travail d'une équipe de sorte que le salarié n'assumait pas une responsabilité complète et permanente, la cour d'appel a violé cette disposition conventionnelle ;

3°/ que l'annexe II à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dispose que la position 3.2 est réservée aux ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés ; que cette position implique un commandement sur une équipe composée de plusieurs collaborateurs et cadres ; qu'en accueillant la demande de reclassification du salarié à la position 3.2, cependant qu'il ressortait de ses constatations que M. X... n'avait sous ses ordres qu'un seul et unique cadre, la cour d'appel a violé cette disposition conventionnelle ;
Mais attendu, d'abord, que l'annexe II de la convention collective ne prévoit pas, pour la position 3.2 la nécessité de remplir, outre les conditions prévues pour celle-ci, celles relatives à une autre position ; que le bénéfice de la position 3.2 n'est donc pas subordonné à la condition d'une pratique de six années requise pour l'obtention de la position 3.1 ;
Attendu, ensuite, que sous couvert de prétendues violations de la convention collective, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond, lesquels ont constaté que les fonctions réellement exercées par le salarié correspondaient à celles exigées par le texte conventionnel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la démission du salarié s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que pour dire que la démission de M. X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait attribué au salarié une classification inadaptée à ses fonctions réelles et à ses responsabilités et qu'il ne lui aurait pas réglé le salaire correspondant ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par application de l'article 624 du code de procédure civile, celle des dispositions ayant condamné la société Computacenter au versement de l'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
2°/ et en tout état de cause, que seuls les faits rendant impossible la poursuite des relations contractuelles justifient que le salarié prenne acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié poursuit volontairement l'exécution de son contrat de travail postérieurement à sa prise d'acte de la rupture ; qu'en considérant que la démission du salarié devait être requalifiée en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu'il ressortait de ses constatations que M. X... avait spontanément offert d'exécuter son préavis de trois mois et l'avait effectivement accompli de sorte que le manquement de l'employeur, à le supposer établi, n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que si la prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n'est pas tenu d'exécuter un préavis, la circonstance que l'intéressé a spontanément accompli ou offert d'accomplir celui-ci est sans incidence sur l'appréciation de la gravité des manquements invoqués à l'appui de la prise d'acte ; que le moyen, devenu sans objet en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Computacenter aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Computacenter à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Computacenter
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR accueilli la demande de reclassification de M. X... à la position 3.2 coefficient 210 de la convention collective Syntec et D'AVOIR, en conséquence, condamné la société Computacenter à lui verser les sommes de 23.310,14 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2008, de 2.331 euros au titre des congés payés y afférents, de 25.177,92 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2009 et de 2.517 euros au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QU'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, le juge doit rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert ; qu'il résulte du contrat que M. X... a été engagé en qualité de superviseur, catégorie ingénieurs et cadres, position 1, niveau 1, coefficient 95 de la convention collective des bureaux d'études techniques ; que si la société Computacenter admet que M. X... aurait dû bénéficier, à compter du mois d'août 2009, de la position 2.1, coefficient 115, puisqu'il était alors âgé de plus de 26 ans et avait au moins deux ans de pratique au sein de la société, ce dernier réclame pour sa part le coefficient 210 ; que la classification des ingénieurs et cadres résultant de la convention collective précitée, indique que : la position I, 1.1, coefficient 95 correspond à un débutant (collaborateur assimilé à un ingénieur ou cadre occupant un poste où il met en oeuvre des connaissances acquises) ; la position II, 2.1, coefficient 115, correspond à un ingénieur ou cadre ayant au moins deux ans de pratique de la profession, coordonnant éventuellement les travaux des techniciens et âgé de vingt-six ans au moins ; la position III, 3.1, coefficient 170, correspond à un ingénieur ou cadre placé généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exerce des fonctions dans lesquelles il met en oeuvre, non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans ses fonctions une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à son chef ; la position III, 3.2, coefficient 210, correspond, elle à un ingénieur ou cadre ayant à prendre, dans l'accomplissement de ses fonctions, les initiatives et responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés ; que cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature ; qu'en l'occurrence, des pièces versées aux débats (courriers électroniques, objectifs 2008 de M. X..., programmes de réunion, compte rendu d'entretien annuel de M. Z..., technicien informatique), il ressort que M. X... gérait l'équipe affectée au contrat de la caisse d'épargne ; qu'interlocuteur de la caisse d'épargne sur ce projet, il était désigné SDM (service delivery manager) et gérait plusieurs collaborateurs de quatre services différents (administrateurs, équipe technique, service hotline, SDM comprenant un cadre) dont il organisait le travail ; qu'il gérait ainsi les plannings, organisait les réunions, émettait un avis sur les recrutements, procédait aux entretiens annuels et donnait toutes instructions utiles, y compris au cadre placé sous son autorité ; qu'il en résulte donc, que sous l'autorité de M. Y..., responsable de production, M. X... orientait et contrôlait le travail d'une équipe composée de plusieurs collaborateurs, dont un cadre, et que dans l'accomplissement de ses fonctions, il prenait les initiatives et responsabilités qui en découlaient ; que dès lors et indépendamment du fait que M. X..., au regard de son curriculum vitae, n'avait pas les six ans de pratiques exigée par la position II, 2.3 précédant l'accès à la position III, 3.2, coefficient 210 de la convention collective Syntec ;
ALORS, 1°), QUE l'annexe II à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dispose que la position 2.3, inférieure à la position 3.2 revendiquée par le salarié, est réservée aux ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de ce métier ; qu'en accueillant la demande de reclassification du salarié à la position 3.2 après avoir pourtant relevé que celui-ci ne disposait pas d'une pratique de six années en cette qualité, la cour d'appel a violé cette disposition conventionnelle ;
ALORS, 2°), QUE l'annexe II à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dispose que le cadre classé à la position 3.2 assume une responsabilité complète sur son équipe, contrairement au cadre positionné 3.1 dont la responsabilité de l'équipe revient à son supérieur hiérarchique ; qu'en accueillant la demande de reclassification de M. X... à la position 3.2, cependant qu'il ressortait de ses constatations que celui-ci était placé sous les ordres de M. Y..., responsable de production, sous l'autorité duquel il contrôlait le travail d'une équipe de sorte que le salarié n'assumait pas une responsabilité complète et permanente, la cour d'appel a violé cette disposition conventionnelle ;
ALORS, 3°, QUE l'annexe II à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dispose que la position 3.2 est réservée aux ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés ; que cette position implique un commandement sur une équipe composée de plusieurs collaborateurs et cadres ; qu'en accueillant la demande de reclassification du salarié à la position 3.2, cependant qu'il ressortait de ses constatations que M. X... n'avait sous ses ordres qu'un seul et unique cadre, la cour d'appel a violé cette disposition conventionnelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la démission de M. X... s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, D'AVOIR, en conséquence, condamné la société Computacenter au paiement de la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de licenciement, 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la démission est un acte unilatéral par lequel un salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou, dans le cas contraire d'une démission ; qu'en l'espèce, si M. X... a qualifié sa lettre de « lettre de démission », il ressort des termes mêmes de son courrier qu'il n'a pris la décision de rompre le contrat de travail qu'en raison du manquement qu'il impute à son employeur en matière de classification et de paiement du salaire correspondant ; qu'il convient donc de l'analyser en une prise d'acte de la rupture ; que dans la mesure où la société Computacenter a effectivement attribué au salarié une classification inadaptée à ses fonctions réelles et à ses responsabilités, et ne lui a pas réglé le salaire correspondant audites fonctions, et ce malgré une réclamation formulée par le salarié dès le début de son contrat (courrier électronique de réponse par M. Y... du 14/03/08), il s'agit d'un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte du salarié ; qu'une telle rupture, imputable à un manquement de l'employeur, constitue un licenciement de fait et il y a lieu de confirmer les sommes allouées à M. X..., à l'exception de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, puisque le salarié a spontanément offert d'exécuter son préavis de trois mois, l'a effectivement accompli et a perçu la rémunération correspondante, le rappel de salaire portant sur l'intégralité de la période travaillée, préavis compris ;
ALORS, 1°), QUE pour dire que la démission de M. X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait attribué au salarié une classification inadaptée à ses fonctions réelles et à ses responsabilités et qu'il ne lui aurait pas réglé le salaire correspondant ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entrainera, par application de l'article 624 du code de procédure civile, celle des dispositions ayant condamné la société Computacenter au versement de l'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE seuls les faits rendant impossible la poursuite des relations contractuelles justifient que le salarié prenne acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié poursuit volontairement l'exécution de son contrat de travail postérieurement à sa prise d'acte de la rupture ; qu'en considérant que la démission du salarié devait être requalifiée en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu'il ressortait de ses constatations que M. X... avait spontanément offert d'exécuter son préavis de trois mois et l'avait effectivement accompli de sorte que le manquement de l'employeur, à le supposer établi, n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-2 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-29497
Date de la décision : 12/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 30 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 fév. 2014, pourvoi n°12-29497


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29497
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