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12/02/2014 | FRANCE | N°12-29208

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 février 2014, 12-29208


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 octobre 2012), que Mme X... a été engagée le 27 janvier 2009 en qualité d'employée de vente par la société Chysterac ; que les parties ont conclu le 16 mars 2010 une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de

diverses sommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accue...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 octobre 2012), que Mme X... a été engagée le 27 janvier 2009 en qualité d'employée de vente par la société Chysterac ; que les parties ont conclu le 16 mars 2010 une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que le seul fait que l'accord de rupture conventionnelle ait été conclu plusieurs semaines après le prononcé et l'exécution d'une mise à pied disciplinaire, même injustifiée, ne caractérise pas l'existence, à la date de la signature de l'accord, d'un litige entre les parties sur la rupture du contrat de travail et ne permet pas de déduire que le consentement du salarié à la rupture du contrat de travail a été vicié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'accord de rupture conventionnelle conclu le 16 mars 2010 avait été précédé d'une mise à pied disciplinaire notifiée le 22 février 2010, exécutée les 10,11 et 12 mars 2010 et jugée injustifiée ; qu'en déduisant de ce « contexte » que la salariée n'avait pu donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail ;
2°/ que seuls les différends entre les parties portant sur l'exécution du contrat de travail, qui sont suffisamment graves et persistants pour pousser le salarié à accepter une rupture conventionnelle, peuvent avoir une incidence sur la validité de son consentement à rompre le contrat ; que le seul fait qu'un accord de rupture conventionnelle soit conclu plusieurs semaines après le prononcé et l'exécution d'une mise à pied disciplinaire de trois jours jugée injustifiée ne caractérise pas l'existence, à la date de la signature de l'accord, d'un litige suffisamment grave et persistant de nature à affecter le libre consentement du salarié ; qu'en jugeant que la convention de rupture amiable conclue dans un tel contexte ne permettait pas à la salariée de donner un consentement libre et éclairé, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail ;
3°/ que sous couvert de contrôler le consentement des parties, les juges du fond ne peuvent contrôler le motif de la convention de rupture conventionnelle qui constitue un mode autonome de rupture ; qu'en annulant la convention de rupture conventionnelle au prétexte qu'elle était intervenue après que la salariée ait fait l'objet d'une sanction disciplinaire grave et injustifiée et alors qu'aucune observation ne lui avait été faite jusqu'alors sur son comportement ou son travail, la cour d'appel qui, sous couvert de contrôler le consentement de la salariée, a opéré un contrôle du motif de la rupture conventionnelle, a violé l'article L. 1237-11 du code du travail, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
4°/ que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle ; qu'en appréciant la validité du consentement de la salariée pour signer l'acte de rupture conventionnelle du 16 mars 2010, au regard du caractère injustifié de sa mise à pied antérieure du 22 février 2010 ayant finalement été annulée par jugement du conseil des prud'hommes du 30 janvier 2012, lorsque ce caractère injustifié n'était nullement établi lors de la signature de l'accord de rupture conventionnelle et n'avait pu avoir aucune incidence sur son consentement, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail, ensemble les articles 1108 et 1109 du code civil ;
5°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait, preuve à l'appui, que la demande de rupture conventionnelle émanait de la salariée comme le rappelait la lettre du 8 mars 2010 la convoquant à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture, lettre que la salariée avait contresignée sans en avoir contesté les termes ; qu'en se bornant à relever que ce point était « formellement contesté » par la salariée sans constater qu'elle justifiait en faits cette contestation par des éléments de preuve, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1237-11 du code du travail, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
6°/ que le législateur n'exige pas la tenue de plusieurs entretiens ni ne fixe la durée de ces entretiens pour que soit garantie la liberté du consentement des parties à la rupture conventionnelle ; qu'en déduisant de ce que l'accord de rupture conventionnelle avait été signé au terme d'un « unique entretien » ayant « duré un quart d'heure » la conclusion que la salariée n'y avait pas donné un consentement libre et éclairé, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;
7°/ que la loi ne prévoit aucun formalisme particulier pour la tenue de l'entretien préalable à la signature de l'accord de rupture conventionnelle ; que la liberté du consentement du salariée est garantie dès lors qu'il a pu se faire assister lors de cet entretien par un conseiller, lequel peut décider, tout comme les parties, de compléter le formulaire de rupture conventionnelle d'informations ou de commentaires spécifiques permettant d'apprécier la liberté du consentement de chacun ; qu'en déduisant de ce que, « d'après le conseiller de la salariée », les parties n'auraient pas eu d'échange lors de l'entretien mais se seraient contentées de compléter le formulaire de rupture conventionnelle la conclusion que la salariée n'avait pas donné un consentement libre et éclairé, lorsqu'il appartenait à ce conseiller, garant de la validité du consentement de la salariée, de provoquer des échanges s'il estimait que le consentement de la salariée n'était pas libre et éclairé, ce qu'il n'avait pas fait en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;
Mais attendu que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ;
Et attendu qu'après avoir relevé que l'employeur avait engagé une procédure de licenciement quelques semaines avant la signature de la convention de rupture, qu'il avait ensuite infligé à la salariée une sanction disciplinaire injustifiée et l'avait convoquée à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture du contrat de travail qui n'avait duré qu'un quart d'heure et au cours duquel les parties n'avaient pas eu d'échange, la cour d'appel a souverainement estimé que le consentement de la salariée avait été vicié ;
D'où il suit que le moyen, qui en sa cinquième branche, s'attaque à un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chysterac aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Chysterac à payer à Me Balat la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Chysterac
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nulle la convention de rupture conventionnelle conclue entre les parties le 16 mars 2010 et d'AVOIR en conséquence condamné la société CHYSTERAC à payer à Madame X... la somme de 1.389 euros à titre d'indemnité de préavis, de 138,90 euros au titre des congés-payés correspondants, de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et d'AVOIR confirmé le jugement en ses autres dispositions.
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, la validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail suppose le libre consentement des parties, dont l'autorité administrative doit s'assurer dans le cadre de la procédure d'homologation, et qu'il appartient au juge de vérifier en cas de contestation ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la procédure a été respectée et que Madame X... était assistée lors de l'entretien du 16 mars 2020 ; que ceci-étant, il n'est pas non plus contesté et il résulte des pièces versées aux débats qu'une procédure de licenciement avait été diligentée quelques semaines plus tôt à l'encontre de Madame X..., laquelle avait été convoquée à un entretien préalable par courrier du 29 janvier 2010 ; qu'au cours de cet entretien préalable tenu le 10 février 2010, une liste de griefs avait été présentée à la salariée qui les avait contestés, mettant en cause le comportement de l'employeur à son égard ainsi qu'en atteste le conseiller du salarié ; que le 22 février 2010 a été notifié à Mme X... une mise à pied disciplinaire dont les motifs ont été jugés trop généraux et non justifiés par le Conseil des Prud'hommes qui a annulé la sanction, ce que ne remet pas en cause la Société Chysterac ; qu'avant même l'exécution de la mise à pied qui devait avoir lieu les 10,11 et 12 mars, l'employeur a convoqué Madame X... par courrier du 8 mars 2010 à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture, indiquant que la demande de rupture conventionnelle émanait de la salariée, ce qui est formellement contesté ; que la signature de la convention a eu lieu au terme de l'unique entretien tenu le 16 mars 2010, qui a duré un quart d'heure et au cours duquel d'après le conseiller du salarié, les parties n'ont pas eu d'échange, se contentant de compléter le formulaire de rupture conventionnelle ; qu'au vu des seuls éléments objectifs figurant au dossier, il apparaît que la conclusion de la convention de rupture conventionnelle a eu lieu dans un contexte où, sous le coup d'une sanction grave et injustifiée alors qu'aucune observation ne lui a été faire jusqu'alors sur son comportement ou son travail, Madame X... ne pouvait donner un consentement libre et éclairé ; que dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer sur ce point le jugement entrepris, et de constater la nullité de la convention de rupture conventionnelle ; que la rupture s'analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il sera fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis dont le montant a été exactement calculé, et au vu des éléments d'appréciation dont dispose la Cour le préjudice résultant pour la salariée de la rupture injustifiée de son contrat de travail sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 8.000 euros .
1° - ALORS QUE le seul fait que l'accord de rupture conventionnelle ait été conclu plusieurs semaines après le prononcé et l'exécution d'une mise à pied disciplinaire, même injustifiée, ne caractérise pas l'existence, à la date de la signature de l'accord, d'un litige entre les parties sur la rupture du contrat de travail et ne permet pas de déduire que le consentement du salarié à la rupture du contrat de travail a été vicié ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'accord de rupture conventionnelle conclu le 16 mars 2010 avait été précédé d'une mise à pied disciplinaire notifiée le 22 février 2010, exécutée les 10,11 et 12 mars 2010 et jugée injustifiée ; qu'en déduisant de ce « contexte » que la salariée n'avait pu donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle, la Cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du Code du travail.
2° - ALORS QUE seuls les différends entre les parties portant sur l'exécution du contrat de travail, qui sont suffisamment graves et persistants pour pousser le salarié a accepter une rupture conventionnelle, peuvent avoir une incidence sur la validité de son consentement à rompre le contrat; que le seul fait qu'un accord de rupture conventionnelle soit conclu plusieurs semaines après le prononcé et l'exécution d'une mise à pied disciplinaire de trois jours jugée injustifiée ne caractérise pas l'existence, à la date de la signature de l'accord, d'un litige suffisamment grave et persistant de nature à affecter le libre consentement du salarié ; qu'en jugeant que la convention de rupture amiable conclue dans un tel contexte ne permettait pas à la salariée de donner un consentement libre et éclairé, la Cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du Code du travail.
3° - ALORS QUE sous couvert de contrôler le consentement des parties, les juges du fond ne peuvent contrôler le motif de la convention de rupture conventionnelle qui constitue un mode autonome de rupture ; qu'en annulant la convention de rupture conventionnelle au prétexte qu'elle était intervenue après que la salariée ait fait l'objet d'une sanction disciplinaire grave et injustifiée et alors qu'aucune observation ne lui avait été faite jusqu'alors sur son comportement ou son travail, la Cour d'appel qui, sous couvert de contrôler le consentement de la salariée, a opéré un contrôle du motif de la rupture conventionnelle, a violé l'article L. 1237-11 du Code du travail, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile.
4° - ALORS QUE la validité du consentement doit être appréciée au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle ; qu'en appréciant la validité du consentement de la salariée pour signer l'acte de rupture conventionnelle du 16 mars 2010, au regard du caractère injustifié de sa mise à pied antérieure du 22 février 2010 ayant finalement été annulée par jugement du Conseil des prud'hommes du 30 janvier 2012, lorsque ce caractère injustifié n'était nullement établi lors de la signature de l'accord de rupture conventionnelle et n'avait pu avoir aucune incidence sur son consentement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du Code du travail, ensemble les articles 1108 et 1109 du Code civil
5° - ALORS QU'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait, preuve à l'appui, que la demande de rupture conventionnelle émanait de la salariée comme le rappelait la lettre du 8 mars 2010 la convoquant à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture, lettre que la salariée avait contresignée sans en avoir contesté les termes (cf. ses conclusions d'appel, p. 6, § 7 et s) ; qu'en se bornant à relever que ce point était « formellement contesté » par la salariée sans constater qu'elle justifiait en faits cette contestation par des éléments de preuve, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1237-11 du Code du travail, ensemble l'article 9 du Code de procédure civile.
6° - ALORS QUE le législateur n'exige pas la tenue de plusieurs entretiens ni ne fixe la durée de ces entretiens pour que soit garantie la liberté du consentement des parties à la rupture conventionnelle ; qu'en déduisant de ce que l'accord de rupture conventionnelle avait été signé au terme d'un « unique entretien » ayant « duré un quart d'heure » la conclusion que la salariée n'y avait pas donné un consentement libre et éclairé , la Cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du Code du travail.
7° - ALORS QUE la loi ne prévoit aucun formalisme particulier pour la tenue de l'entretien préalable à la signature de l'accord de rupture conventionnelle ; que la liberté du consentement du salariée est garantie dès lors qu'il a pu se faire assister lors de cet entretien par un conseiller, lequel peut décider, tout comme les parties, de compléter le formulaire de rupture conventionnelle d'informations ou de commentaires spécifiques permettant d'apprécier la liberté du consentement de chacun ; qu'en déduisant de ce que, « d'après le conseiller de la salariée », les parties n'auraient pas eu d'échange lors de l'entretien mais se seraient contentées de compléter le formulaire de rupture conventionnelle la conclusion que la salariée n'avait pas donné un consentement libre et éclairé, lorsqu'il appartenait à ce conseiller, garant de la validité du consentement de la salariée, de provoquer des échanges s'il estimait que le consentement de la salariée n'était pas libre et éclairé, ce qu'il n'avait pas fait en l'espèce, la Cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-29208
Date de la décision : 12/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 09 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 fév. 2014, pourvoi n°12-29208


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29208
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