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05/02/2014 | FRANCE | N°12-28897

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2014, 12-28897


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par contrat du 21 juin 1999 en qualité d'agent de collecte par la Fondation pour le développement des techniques de suppléance des fonctions vitales « Aider Bourgogne », était affecté en dernier lieu au poste d'ouvrier des services logistiques ;
Attendu que pour dire le licenciement justifié par une faute grave et débouter le salarié de l'

intégralité de ses demandes l'arrêt retient que la livraison et la récupérati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par contrat du 21 juin 1999 en qualité d'agent de collecte par la Fondation pour le développement des techniques de suppléance des fonctions vitales « Aider Bourgogne », était affecté en dernier lieu au poste d'ouvrier des services logistiques ;
Attendu que pour dire le licenciement justifié par une faute grave et débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes l'arrêt retient que la livraison et la récupération de produits au domicile de patients sous dialyse, prévues par le contrat de travail, constituaient ses missions essentielles et que l'impossibilité pour lui de réaliser sa prestation de travail du fait de la suspension de son permis de conduire justifiait la rupture immédiate du contrat de travail ;
Attendu cependant qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié s'était vu retirer son permis de conduire à la suite d'infractions au code de la route commises en dehors de l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la Fondation pour le développement des techniques de suppléance des fonctions vitales « Aider Bourgogne » aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la Fondation pour le développement des techniques de suppléance des fonctions vitales « Aider Bourgogne » à payer à la SCP Didier et Pinet la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de monsieur X... justifié par une faute grave et débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la fondation pour le développement des techniques de suppléance des fonctions vitales Aider Bourgogne ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre du 9 septembre 2008, informant David X... de son licenciement est rédigée comme suit : « Nous vous avons reçu le mardi 02 septembre 2008. Vous avez souhaité être assisté par monsieur Robert Y..., salarié de la fondation transplantation qui a pris des notes de notre échange. A l'occasion de cet entretien, vous avez été invité à apporter toutes explications sur le motif de cette démarche disciplinaire. Pour rappel, la faute est la suivante : suite à un accident de la circulation en date du 3 août 2008, vous vous êtes vu retirer votre permis de conduire jusqu'au 3 janvier 2009 (sanction dressée sur le champ). Mais, le passage au tribunal, dont la date ne vous a pas encore été notifiée, laisse craindre, compte tenu des circonstances et des conséquences de votre accident une sanction encore plus lourde. Ainsi donc : 1- Vous n'êtes plus en mesure de satisfaire un élément substantiel et déterminant de votre contrat de travail, à savoir : « livraison et récupération des produits sur les lieux de traitement ». Or, il s'agit du coeur de votre fonction. Vous n'êtes pas sans savoir que la vocation même de notre institution est d'apporter le service le plus efficace aux patients qui nous font confiance. De fait, vous n'êtes plus en mesure de remplir la mission pour laquelle vous avez été embauché (cf. Cass. Soc. 02 déc. 03). 2- De plus, la pharmacie à usage intérieur à laquelle vous êtes rattaché connaît déjà de fortes difficultés de fonctionnement avec deux salariés absents sur un effectif de cinq, toute possibilité de maintenir un salarié sur un poste sédentaire est donc exclue. D'autant que cela risquerait d'entraîner des défaillances dans l'approvisionnement des médicaments, ce qui est impossible dans le cadre du traitement de l'I.R.C. Et pour finir, nous introduirions des inégalités entre salariés sur le même poste, ce que n'accepte pas la fondation. 3- Enfin, depuis votre embauche, vous avez déjà connu un épisode de retrait de permis. Vous connaissez donc parfaitement les conséquences de ce manquement à vos obligations contractuelles (être en possession de votre permis de conduire comme vous l'écriviez déjà dans votre lettre de candidature au poste). Nous ne pouvons plus prolonger notre tolérance dès lors que vous mettez en cause la responsabilité de votre employeur. Sur tous ces points, vous n'avez pu apporter d'explications convaincantes. Nos efforts pour vous ramener à une attitude respectueuse de vos engagements étant demeurés vains, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Cette sanction prend effet à compter de la première présentation de ce courrier par la poste. Ce caractère de faute grave est privatif d'indemnité de licenciement, et rend le maintien dans votre poste impossible, en conséquence de quoi vous n'avez pas à effectuer de période de préavis (qui ne fera pas l'objet de compensation financière). Nous vous adresserons, dans les meilleurs délais, les documents relatifs à votre départ : solde de tout compte, document Assédic, certificat de travail, bulletin de salaire » ; qu'il est constant, qu'à la suite d'un accident de la circulation automobile, le permis de conduire de David X... a fait l'objet d'une mesure administrative de suspension, à compter du 2 août 2008 jusqu'au 2 janvier 2009 ; que, par jugement du 1er décembre 2008, le tribunal correctionnel de Dijon a prononcé, à titre de peine complémentaire, la suspension du permis de conduire de David X... pendant la durée de cinq mois ; que cette peine a été exécutée du 2 août 2008 au 2 janvier 2009 ; que le contrat de travail, stipule que les attributions de David X... sont les suivantes : réception des produits pharmaceutiques des laboratoires, préparation des livraisons aux patients, livraisons et récupérations des produits sur les lieux de traitement, travaux de réparation courants dans les locaux de la fondation transplantation ; que l'article 5 de cette convention précise que David X... exerce son activité sur les sites de la fondation transplantation, qu'il reconnaît comme inhérents à sa fonction les déplacements nécessités par l'exercice de son activité et qu'il s'engage à ne refuser aucun d'eux, sauf motif légitime ; qu'il est acquis aux débats que l'avenant du 15 février 2005, n'a pas modifié les tâches confiées au salarié ; qu'il résulte du récapitulatif des transports effectués par l'appelant, des justificatifs de ses frais de déplacements, des carnets de bord des véhicules utilisés, que David X..., entre le 1er avril et le 1er août 2008, a effectué trente neuf déplacements chez des clients de la FDTSFV Aider Bourgogne, sur des distances pouvant excéder trois cents kilomètres aller et retour ; qu'il s'ensuit que la livraison et la récupération de produits au domicile de patients sous dialyse, prévues par le contrat de travail, constituaient les missions essentielles de David X... ; qu'en conséquence, ce dernier n'était plus en mesure de réaliser sa prestation de travail du fait de la suspension de son permis de conduire ; qu'en ce qui concerne la durée de cette impossibilité, le seul élément certain connu de l'employeur, lors du licenciement, était que la suspension avait été décidée par l'autorité administrative pour cinq mois ; que les premiers juges ont justement retenu que, pendant une période aussi longue, la diminution de l'effectif affecté aux livraisons ne pouvait être compensée par un accroissement des déplacements d'autres salariés ; que, dans ces conditions, la suspension du permis de conduire de David X... justifiait la rupture immédiate du contrat de travail ; que le licenciement pour faute grave était, donc, fondé ; que le salarié doit être débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et en versement de dommages et intérêts ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'ainsi l'employeur énonce comme motif de licenciement de monsieur X... le retrait immédiat de permis de conduire consécutif à l'accident de la circulation du 3 août 2008, et ceci jusqu'au 3 janvier 2009 ; qu'il rappelle ensuite un précédent qui a été toléré ; que si monsieur X... ne conteste pas que cet événement de sa vie privée puisse affecter la relation salariale et être invoqué par son employeur, il discute toute répercussion de celui-ci sur sa prestation de travail ; que si l'article 3 de son contrat, qui définit ses attributions, ne vise pas exclusivement une activité de livraison, cette fonction par la présentation et le libellé de la disposition apparaît comme l'aboutissement des missions qui s'enchaînent et précèdent celle-ci ; qu'ensuite, l'article 5 de la même convention qualifie « d'inhérents à sa fonction les déplacements nécessités par l'exercice de son activité et s'engage à ne refuser aucun d'eux, sauf motif légitime », caractéristiques que le salarié s'engage à reconnaître ; que cette précision, certes relatives au lieu du travail, met en valeur le caractère fondamental des transports qui doivent être accomplis par le salarié aide magasinier pour répondre à la finalité de sa mission ; que plus largement il s'agit pour lui de satisfaire l'objet de la fondation, à savoir permettre la dialyse de malades restés à domicile, depuis la réception des produits jusqu'à leur livraison et retour de ceuxci ; que bien évidemment le retrait de permis de conduire ne peut constituer un motif légitime ; qu'il s'agit donc bien d'une faute qui affecte la prestation de travail due par monsieur X... ; qu'il y a lieu de souligner que l'examen de l'attestation du pharmacien de la fondation produite aux débats met bien en évidence la notion d'urgence à laquelle la fondation peut être confrontée en raison de son objet qui doit répondre à des besoins vitaux de ses « clients » ; qu'ensuite que le rappel d'un précédent retrait permet à l'employeur de caractériser la persistance d'un comportement de nature à mettre en cause sa responsabilité, s'il y a rupture des livraisons ou accident de la circulation ; qu'il sert également à soutenir l'impossibilité de le maintenir dans l'entreprise ; qu'enfin que l'évocation de la convocation devant le tribunal correctionnel ne peut faire grief, puisqu'il s'agit par là de rappeler que monsieur X... s'est bien rendu coupable d'une infraction pénale et que les suspensions judiciaires par lui encourues peuvent être effectivement supérieures à la rétention administrative mise en oeuvre immédiatement ; qu' il est à noter que l'évènement litigieux a pris place en période d'effectif réduit ; qu'à cet endroit aucune pièce des débats ne permet de retenir qu'une faute de l'employeur a été à l'origine de cette circonstance et qu'il a été en mesure de gérer plus parfaitement cette pénurie, dont on ignore l'ancienneté ; qu'en revanche la fondation se devait d'anticiper une éventuelle prolongation d'une indisponibilité de monsieur X... au-delà de six mois pour apprécier le trouble objectif à son organisation ; que force est de rappeler que le précédent retrait décidé à l'encontre du salarié n'avait duré que deux mois ; qu'ensuite, il transparaît à la lecture de l'état des déplacements du service auquel appartient monsieur X... la fréquence quasi quotidienne de ceux-ci, et l'importance de leur durée en raison de la domiciliation de certains clients parfois à près de cinq cents kilomètres ; que monsieur X... a ainsi effectué trente-neuf transports dans les quatre mois précédant son accident de la circulation ; que dès lors, quelque soit le nombre des déplacements de l'intéressé, une diminution de l'effectif affecté aux livraisons sur une période longue de six mois ne peut être aisément compensée par l'accroissement des sorties d'autres salariés, et encore moins en l'espèce par le report de celles-ci ; qu'en somme il résulte de ce qui précède que la faute de monsieur X... était de nature à affecter l'exécution de son contrat de travail et à avoir des répercussions sur la marche de son service ; qu'elle doit être qualifiée de faute grave ; que le licenciement de monsieur X... était donc pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QU' un motif tiré de la vie privée du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s'il caractérise un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie privée, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne constitue pas une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ; que la cour d'appel, après avoir relevé que l'accident de la circulation ayant entraîné la suspension du permis de conduire de monsieur X... constituait un événement de sa vie privée, a néanmoins retenu que, ne pouvant plus accomplir sa prestation de travail de ce fait, le salarié avait commis une faute grave ; qu'en statuant de la sorte, quand cet accident de la circulation ne caractérisait pas un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail ;
2°) ALORS (SUBSIDIAIREMENT) QU 'à supposer non adoptés les motifs du jugement, la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher si la suspension du permis de conduire ne constituait pas un fait relevant de la vie privée du salarié exclusif de tout manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail ;
3°) ET ALORS QUE l'employeur ne peut se prévaloir de la répétition d'un fait qu'il a toléré, sans y puiser un motif de sanction, pour établir la faute grave du salarié ; qu'en retenant que le licenciement pour faute grave de monsieur X... était fondé, quand elle constatait que l'employeur avait toléré une précédente suspension du permis de conduire du salarié, ce dont il s'induisait que l'employeur s'était prévalu de la répétition d'un fait qu'il avait toléré par le passé pour justifier le licenciement de l'intéressé, la cour d'appel a violé l'article L.1234-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-28897
Date de la décision : 05/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 24 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2014, pourvoi n°12-28897


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.28897
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