LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai 30 mars 2012), que Mme X... a été engagée dans le cadre de contrats d'avenir par le lycée Edouard Branly du 1er septembre 2008 au 31 octobre 2009 pour exercer les fonctions d'assistante administrative au sein de l'école maternelle Charles Perrault ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ces contrats en un contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que le lycée Edouard Branly fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une indemnité de préavis, une indemnité de requalification, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; que le salarié sous contrat d'avenir qui, invité par l'employeur à bénéficier de la possibilité qui lui est offerte de suivre une formation gratuite, même pendant le temps de travail, auprès d'un organisme de formation agréé, s'est abstenu de donner une quelconque suite à une telle proposition, manque à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et ne saurait dès lors se prévaloir du manquement qu'il reproche à l'employeur dans l'accomplissement de son obligation de formation ; qu'en l'espèce, le lycée Edouard Branly faisait valoir dans ses conclusions d'appel que Mme X... avait été invitée à se rendre au Greta pour bénéficier des opérations de formation financées par le conseil général, qu'elle ne s'y était jamais rendue, et que l'employeur ne pouvait se substituer à la carence du salarié, ne pouvant contraindre un salarié à se former, de sorte que Mme X..., à laquelle il appartenait de participer aux opérations de formation dispensées au Greta qui lui avaient été proposées et étaient intégralement financées, ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude pour soutenir qu'il y aurait eu une défaillance de l'employeur dans son obligation de proposer au salarié des actions de formation ; que, pour retenir néanmoins un manquement de l'employeur à l'obligation de formation, la cour d'appel a énoncé que, si une lettre circulaire du 10 septembre 2009 avait avisé la salariée de la possibilité qui lui était offerte de bénéficier de formations qualifiantes auprès du Greta ou d'un autre centre de formation agréé par le conseil régional, menées sur le temps de travail ainsi que sur le temps libre et prises en charge gratuitement dans le cadre de cent heures données par la région pour les formations, le lycée Edouard Branly ne pouvait utilement invoquer l'invitation ainsi faite à la salariée de suivre les formations dont elle disposait ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions du lycée Edouard Branly, si Mme X... avait invoqué de bonne foi la défaillance de son cocontractant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, L. 5134-47 du code du travail, et du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 1243-3 et L. 1245-1 du code du travail que le contrat d'avenir, à durée déterminée, conclu au titre de dispositions législatives destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, doit remplir les conditions prévues à l'article L. 5134-47 du code du travail alors applicable, à défaut de quoi il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ; que selon ce dernier texte, le contrat d'avenir prévoit des actions de formation et d'accompagnement au profit de son titulaire qui peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci ; qu'il en résulte que c'est à l'employeur qu'il appartient d'engager les actions prévues par l'article L. 5134-47 du code du travail ;
Et attendu qu'ayant constaté, d'une part, que le contrat de travail du 29 août 2008, à effet du 1er septembre suivant, ne mentionnait aucun dispositif de formation et que celui du 10 juillet 2009, à effet du 1er juillet 2009, se bornait à indiquer que la salariée s'engageait à suivre des actions d'accompagnement et de formation, et, d'autre part, qu'aucune de ces actions n'avait été concrètement mise en oeuvre par le lycée Branly, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que ces contrats à durée déterminée devaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le lycée Edouard Branly aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne le lycée Edouard Branly à payer à la SCP Gatineau et Fattaccini la somme de 3 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la somme versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Georges, avocat aux Conseils, pour le lycée Edouard Branly
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il renvoyait Mme X... à mieux se pourvoir quant à ses demandes indemnitaires, et, l'infirmant sur ce point, condamné le lycée Edouard Branly à payer diverses indemnités à Mme X...,
AUX MOTIFS QUE lorsque la requalification de contrats d'avenir en un contrat à durée indéterminée ne tend qu'à la réparation du préjudice résultant de la rupture, comme en l'espèce, la juridiction judiciaire est compétente tant pour prononcer une requalification que pour statuer sur ses conséquences ; qu'en matière de contrat d'avenir, une obligation active dans le domaine de la formation pèse sur l'employeur ; qu'en l'espèce, il y a eu manquement à l'obligation de formation, ruinant le contrat d'avenir de sa spécificité et justifiant la requalification en contrat à durée indéterminée de la relation contractuelle entre Mme X... et le lycée Edouard Branly du 1er septembre 2008 au 31 octobre 2009, la rupture, intervenue sans autre motif que l'arrivée du contrat à son échéance du 31 octobre 2009, devant être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le lycée Edouard Branly fait valoir qu'il n'était que l'un des deux "centres mutualisateurs" du Pas-de-Calais habilités à conclure les contrats de travail en qualité d'employeur et souligne qu'il n'a jamais profité des services de Mme X..., affectée dès l'origine dans une école maternelle ; que cette situation révèle en effet la difficulté pour l'établissement public qui contracte pour un autre établissement n'ayant pas la capacité de le faire, de veiller au respect des obligations de l'employeur ; que, toutefois, le salarié n'a pas à supporter les conséquences de la complexité et du caractère hasardeux d'une telle construction, alors qu'il est légalement dépendant d'un employeur dont il peut légitimement mettre en jeu la responsabilité en cas de manquement aux obligations prévues par le loi encadrant ce type de contrat (arrêt attaqué, pp. 2, 3 et 4) ;
ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée ; qu'il appartient ainsi au juge de déterminer, au-delà des apparences et des indications pouvant figurer sur le contrat de travail, le véritable employeur du salarié ; qu'en l'espèce, le lycée Edouard Branly faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il n'était qu'un simple « établissement mutualisateur » de contrats aidés, ne choisissant pas de recruter du personnel sous couvert de tels contrats, lesquels lui étaient imposés par le conseil général du Pas-de-Calais, prescripteur des contrats de Mme X..., et ne servait que de gestionnaire de contrats et de support juridique en tant qu'employeur, pour des contrats qui lui étaient imposés par le département au profit d'écoles maternelles ou primaires n'ayant pas la personnalité morale ; que le lycée Edouard Branly en concluait que, dès lors que le conseil général était le prescripteur de ces contrats et l'émetteur de la convention cadre déterminant les modalités d'accompagnement dans l'emploi, c'était au département de supporter les conséquences financières d'une requalification du contrat de travail ; que la cour d'appel, tout en reconnaissant « la difficulté pour l'établissement public qui contracte pour un autre établissement n'ayant pas la capacité de le faire, de veiller au respect des obligations de l'employeur », s'est bornée, pour éluder la question posée de la détermination de l'employeur, à énoncer que « le salarié n'a pas à supporter les conséquences de la complexité et du caractère hasardeux d'une telle construction alors qu'il est légalement dépendant d'un employeur dont il peut légitimement mettre en jeu la responsabilité en cas de manquement aux obligations prévues par la loi encadrant ce type de contrat » ; qu'en se déterminant par une considération qui ne pouvait légalement la dispenser d'accomplir la recherche lui incombant dès lors que lui était posée la question de la détermination du véritable employeur, la cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du code du travail, ensemble les dispositions, applicables au litige, des anciens articles L.5134-35 et L.5134-38 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné le lycée Edouard Branly à payer à Mme X... une indemnité de préavis et congés payés afférents, une indemnité de requalification, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail devait prévoir, aux termes de l'article L.5134-47 du code du travail, des actions de formation ou d'accompagnement au profit du salarié ; que le formulaire sur lequel ont été établies les conventions comprennent un chapitre "actions d'accompagnement et de formation prévues par l'employeur" ; qu'il convient de constater que ce volet n'est pas renseigné dans la convention préalable au contrat du 1er juillet 2008 ; que celle qui précède le contrat du 10 juillet 2009 mentionne une formation programmée d'adaptation au poste assurée en interne ; que le contrat de travail du 29 août 2008, à effet du 1er septembre, ne mentionne aucun dispositif de formation ; que celui du 10 juillet 2009, à effet du 1er juillet, précise que la salariée s'engage à suivre des actions d'accompagnement et de formation ; que le lycée Edouard Branly invoque une lettre circulaire du 10 septembre 2009 adressée aux personnels sous statut de contrat aidé dans les écoles par l'agent comptable de l'établissement, qui rappelle à ces derniers qu'ils ont la possibilité de s'inscrire, de manière volontaire et personnelle, à des formations qualifiantes via le Greta ou un autre centre de formation agréé par le conseil régional ; qu'il est précisé que ces formations peuvent être menées sur le temps de travail ainsi que sur le temps libre et sont prises en charge gratuitement dans le cadre des 100 heures données par la Région pour les formations ; qu'il est également rappelé que suivre une formation est un des critères de renouvellement des contrats ; que le lycée Edouard Branly en déduit que son obligation de formation, qui est une obligation de moyens dont les contours n'ont pas été définis par le législateur, a été respectée dès lors qu'il ne pouvait contraindre la salariée à suivre des actions de formation qui lui étaient ouvertes ; que, toutefois, si la formation dispensée dans le cadre du premier contrat aidé, qui consistait en une "initiation à l'informatique et à internet" ainsi qu'en atteste le courrier du Greta à Mme X... du 28 janvier 2008, caractérise une action de formation de nature à faciliter l'insertion sociale et professionnelle de sa bénéficiaire, le lycée Edouard Branly ne pouvait légitimement considérer que les obligations de l'employeur en matière d'insertion étaient remplies au motif qu'une formation avait été dispensée au cours d'un contrat antérieur ; que, de même, ne peut-il s'abriter derrière un avis donné à la salariée peu avant la fin de la relation de travail, l'informant de la possibilité de suivre une formation de sa propre initiative ; qu'en effet, le dispositif prévu par la loi avait pour objet de faciliter l'insertion de son bénéficiaire en lui assurant formation et accompagnement ; que la nature et la durée des actions en ce sens devaient être prévues dans la convention aux termes de l'ancien article R.322-17-5 du code du travail ; que l'ancien article R.322-17-8 du code du travail prévoit qu'en cas de non-respect des dispositions de la convention par l'employeur, le président du conseil général peut la dénoncer ; qu'il résulte de ce dispositif que pèse sur l'employeur, dans le domaine de la formation, une obligation active, contrepartie de l'aide financière consentie par la puissance publique ; que le manquement à l'obligation de formation ruine le contrat d'avenir de sa spécificité et impose de requalifier en un contrat à durée indéterminée celui du 29 août 2008 à effet du 1er septembre 2008 ; qu'il en résulte que la rupture de la relation de travail, survenue sans autre motif que l'arrivée à son terme du contrat à échéance du 31 octobre 2009, doit être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que la relation contractuelle entre Mme X... et le lycée Edouard Branly a duré du 1er septembre 2008 au 31 octobre 2009, soit 14 mois (arrêt attaqué, pp. 3 et 4) ;
ALORS QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi et nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; que le salarié sous contrat d'avenir qui, invité par l'employeur à bénéficier de la possibilité qui lui est offerte de suivre une formation gratuite, même pendant le temps de travail, auprès d'un organisme de formation agréé, s'est abstenu de donner une quelconque suite à une telle proposition, manque à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et ne saurait dès lors se prévaloir du manquement qu'il reproche à l'employeur dans l'accomplissement de son obligation de formation ; qu'en l'espèce, le lycée Edouard Branly faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pp. 7 et 8) que Mme X... avait été invitée à se rendre au Greta pour bénéficier des opérations de formation financées par le Conseil général, qu'elle ne s'y était jamais rendue, et que l'employeur ne pouvait se substituer à la carence du salarié, ne pouvant contraindre un salarié à se former, de sorte que Mme X..., à laquelle il appartenait de participer aux opérations de formation dispensées au Greta qui lui avaient été proposées et étaient intégralement financées, ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude pour soutenir qu'il y aurait eu une défaillance de l'employeur dans son obligation de proposer au salarié des actions de formation ; que, pour retenir néanmoins un manquement de l'employeur à l'obligation de formation, la cour d'appel a énoncé que, si une lettre circulaire du 10 septembre 2009 avait avisé la salariée de la possibilité qui lui était offerte de bénéficier de formations qualifiantes auprès du Greta ou d'un autre centre de formation agréé par le Conseil régional, menées sur le temps de travail ainsi que sur le temps libre et prises en charge gratuitement dans le cadre de 100 heures données par la Région pour les formations, le lycée Edouard Branly ne pouvait utilement invoquer l'invitation ainsi faite à la salariée de suivre les formations dont elle disposait ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions du lycée Edouard Branly, si Mme X... avait invoqué de bonne foi la défaillance de son cocontractant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, L.5134-47 du code du travail, et du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.