LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Polygone Est auto à compter du 1er mars 2004 en qualité de vendeur de véhicules neufs et d'occasion par contrat de travail à durée indéterminée ; qu'ensuite son contrat a été transféré à la société Polygone sport auto puis à la société Polygone évolution ; qu'en dernier lieu, il occupait les fonctions de vendeur véhicules neufs et d'occasion, selon contrat de travail du 1er juin 2005 ; que le 6 mars 2008, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant notamment le non-paiement des heures supplémentaires et le non-respect du SMIC ; que le 2 avril 2008, il a saisi la juridiction prud'homale afin de faire juger que cette prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il est de principe en droit du travail que la rémunération versée par l'employeur chaque mois doit correspondre au salaire minimal conventionnel pour ce mois sans possibilité pour l'employeur de compenser d'éventuels excédents mensuels avec les insuffisances constatées pour d'autres mois ; que lorsqu'une convention collective déroge à ce principe et établit une situation moins favorable pour le salarié, le droit commun prévaut sur le droit conventionnel ; qu'en se fondant sur la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile prévoyant le lissage des rémunérations sur six mois, pour décider que l'employeur, qui avait versé après compensation d'un mois sur l'autre, sur la moyenne des six derniers mois, une rémunération correspondant au salaire minimum conventionnel, avait rempli son obligation de payer le salaire mensuel minimum, la cour d'appel a violé les articles L. 3242-1 et L. 1231-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le montant du SMIC ne peut être substitué au salaire conventionnel que si le salaire minimum conventionnel est inférieur au SMIC ; qu'en énonçant que le salarié avait été rempli de ses droits au motif que pour les mois de novembre 2007 à février 2007 le salarié avait perçu un salaire supérieur au SMIC, sans constater que le SMIC était supérieur au salaire minimum garanti la cour d'appel a encore violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
3°/ qu'en tout état de cause, le montant du SMIC ne peut être substitué au salaire conventionnel que si le salaire minimum conventionnel est inférieur au SMIC ; qu'en énonçant que le salarié avait été rempli de ses droits au motif que pour les mois de novembre 2007 à février 2007 le salarié avait perçu un salaire supérieur au SMIC, sans constater que le SMIC était supérieur au salaire minimum garanti la cour d'appel a encore violé l'article L 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu que la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981 étendue par arrêté du 30 octobre 1981, prévoit, en son article 6, un lissage des rémunérations sur une période de six mois dans les conditions suivantes : lorsque la rémunération d'un mois donné n'atteint pas le minimum garanti, une vérification est effectuée sur le mois en cours et les cinq mois payés qui précèdent, et s'il apparaît que la moyenne des salaires versés sur ces six mois est inférieure à la moyenne du salaire minimum garanti en vigueur des mois considérés, un complément spécifique minimum garanti, égal à la différence constatée, doit être ajouté au titre de ce mois ;
Et attendu qu'ayant constaté, au vu des bulletins de salaires des mois de novembre 2007 à février 2008, d'une part, que ces dispositions avaient été respectées, le salarié ayant perçu le salaire minimal conventionnel sur la moyenne des six derniers mois et, d'autre part, que son salaire mensuel avait été supérieur au SMIC durant les mois considérés, la cour d'appel a exactement retenu que le manquement allégué de l'employeur quant au versement de la rémunération mensuelle due n'était pas établi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire que le manquement de l'employeur à son obligation de payer les heures supplémentaires n'est pas établi, l'arrêt relève que le salarié se borne à affirmer que ses horaires de travail correspondaient aux heures d'ouverture de la concession automobile et que le décompte forfaitaire établi sur cette base ne permet pas de considérer qu'il a étayé sa demande à ce titre ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit le décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées, auquel l'employeur a répondu qu'il convenait de distinguer le temps de présence au sein de la concession et le temps de travail effectif, sans contester la présence de l'intéressé pendant les heures d'ouverture de la concession automobile, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du chef du préavis en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Polygone évolution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Polygone évolution et condamne celle-ci à verser la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur Patrice X... le 6 mars 2008 produisait les effets d'une démission et de l'avoir en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes
Aux motifs que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 mars 2008, par laquelle Monsieur Patrice X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail est motivée par quatre manquements qu'il reproche à l'employeur et qu'il résume lui-même dans ses conclusions oralement reprises devant la cour par les termes suivants ; -la dégradation de ses conditions d'emploi et leur incidence sur sa rémunération mensuelle ;- le manquement de l'employeur au versement de la rémunération mensuelle due ; - la rémunération des heures supplémentaires ; - la rémunération dérisoire des heures durant les périodes de dérogation au repos dominical ou durant les jours fériés ; sur le manquement relatif à la dégradation des conditions d'emploi et leur incidence sur sa rémunération mensuelle ;il ressort du contrat de travail du 1er juin 2005 que Monsieur Patrice X... bénéficiait d'une rémunération fixe de 850¿ bruts par mois et d'une rémunération variable en fonction des objectifs fixés mensuellement, composée d'une part d'un pourcentage sur la marge restante qui lui sera communiquée par son chef des ventes et, d'autre part , de primes de réalisation d'objectif, de financement et d'accessoires ; Monsieur Patrice X... fait valoir que son salaire dépendait ainsi des moyens mis à sa disposition par l'employeur pour réaliser ses ventes ; il soutient à cet égard que la gamme de véhicules de SSANYONG qu'il était en mesure de proposer à la clientèle intéressée était limitée , absente pour certains modèles et exclusivement constituée de véhicules de démonstration et que les moyens commerciaux mis à sa disposition étaient totalement dérisoires et sans commune mesure avec ceux dont disposaient les vendeurs exploitant, la marque SKODA qui partageaient les locaux ; il n'apporte cependant aucun élément de nature à démontrer un manquement de l'employeur à cet égard susceptible de justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de celui-ci ; il n'établit pas que l'employeur n'aurait pas mis à sa disposition une surface de vente et un nombre de véhicules suffisants pour lui permettre d'exercer son activité de vente dans des conditions raisonnables ; que l'employeur a quant à lui , fait état de ce que quatre véhicules étaient exposés en magasin et que deux à trois véhicules étaient exposés sur le petit parc de la concession ; que le salarié ne démontre pas la fausseté de ces éléments ; que par ailleurs l'employeur qui a aussi fait état de ce que Monsieur X... disposait d'un stock de véhicules SSANGYONG suffisant pour procéder aux ventes soit environ une douzaine de véhicules, ce qu'il a démontré par les pièces versées aux débats, l'état des stocks des modèles SSANGYONG à la date du 25 février 2008 ; ainsi la réalité de ce manquement invoqué par le salarié n'est pas démontrée ; sur le manquement relatif à la non-rémunération des heures supplémentaires (¿ ) pour étayer ses demandes à ce titre Monsieur X... se borne à affirmer que ses horaires de travail correspondaient aux heures d'ouverture de la concession automobile soit du mardi au vendredi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures , soit 9 heures par jour et le samedi de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures soit 7 heures alors que son contrat de travail prévoyait un horaire hebdomadaire de 35 heures ; il a ainsi mis en compte forfaitairement 43 heures de travail par semaine soit 8 heures supplémentaires par semaine ; cependant de tels éléments, un décompte forfaitaire d'heures supplémentaires , ne sont pas de nature à permettre de considérer qu'il a étayé sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; ce manquement de l'employeur invoqué par le salarié n'est ainsi pas davantage établi ; par ailleurs la demande de Monsieur X... tendant à la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 4725, 38¿ bruts à titre d'heures supplémentaires doit être rejetée ; sur le manquement de l'employeur quant au versement de la rémunération mensuelle due ; Monsieur X... fait valoir à cet égard que depuis le mois de novembre 2007, il ne percevait plus une rémunération équivalente au salaire minimum conventionnel prévu par la convention collective ; il soutient à cet égard que pour les mois de novembre et décembre 2007, ainsi que janvier et février 2008, il a perçu une rémunération brute mensuelle inférieure au salaire minimum conventionnel, que ce minimum conventionnel doit s'apprécier par mois et que c'est à tort que l'employeur soutient que ces minima conventionnels s'apprécient sur la moyenne des 6 derniers mois en vertu de la convention collective des services de l'automobile ; l'employeur a versé aux débats les bulletins de paie du 1er juillet 2007 au 31 mars 2008 ; la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981 étendue par arrêté du 30 octobre 1981 prévoit en son article 6 un lissage des rémunérations dans les conditions suivantes : lorsque la rémunération d'un mois donné n'atteint pas le minimum garanti une vérification est effectuée sur le mois en cours et les 5 derniers mois payés qui précèdent et s'il apparaît que la moyenne des salaires versés sur ces 6 mois est inférieure à la moyenne du salaire minimum garanti en vigueur des mois considérés, un complément spécifique minimum garanti égal à la différence constatée doit être ajouté au titre de ce mois ; l'examen des bulletins de salaires produits par l'employeur révèle que les dispositions de la Convention Collective relatives au minima conventionnels ont été respectées eu égard à l'appréciation qu'elle autorise et qui n'est pas contraire aux dispositions des articles L 3231-1 et suivants du code du travail, de ces minima conventionnels sur la moyenne des six derniers mois, le salarié ayant par ailleurs perçu pour les mois de novembre 2007 à février 2008 un salaire mensuel supérieur au salaire minimum de croissance prévu par l'article L 31231 -1 et suivants du code du travail ; ce manquement de l'employeur invoqué par le salarié n'est pas davantage établi ; la demande tendant au rappel de rémunération pour la période de novembre à février 2008 pour un montant de 952,92¿ bruts doit elle aussi être rejetée ; sur le manquement relatif à la rémunération dérisoire des heures de travail durant la période de dérogation au repos dominical ou durant les jours fériés chômés ; Monsieur X... fait grief à l'employeur de ne lui avoir versé pour les trois journées « portes ouvertes » des 1er, 6 et 17 mai 2007 qu'une rémunération de 97,62¿ bruts, soit 35¿ par jour que l'employeur ne conteste pas le montant de cette rémunération mais fait valoir que Monsieur X... a bénéficié des mêmes conditions de rémunération que ses collègues selon les usages applicables au sein de l'entreprise et qu'il ne peut dès lors se prévaloir d'une quelconque discrimination ; si cette rémunération est effectivement dérisoire, elle ne peut cependant justifier à elle-seule en l'absence de gravité suffisante la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié produit les effets d'une démission
1) Alors que la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe pas au salarié ; qu'il lui incombe seulement d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que la production aux débats d'un décompte établi par la salarié compte tenu des heures d'ouverture de l'établissement dans lequel il a travaillé , constitue un élément suffisamment précis de nature à étayer sa demande et auquel l'employeur peut répondre ; que la cour d'appel qui a relevé que Monsieur X... indiquait que ses horaires de travail correspondaient aux heures d'ouverture de la concession automobile et qu'il avait ainsi travaillé 9 heures par jour du lundi au vendredi et 7 heures le samedi , ce qui correspondait à un horaire de 43 heures par semaine , et qui a décidé que ce décompte forfaitaire n'étayait pas la demande de paiement d'heures supplémentaires si bien que le manquement de l'employeur invoqué par le salarié ayant pris acte de la rupture, n'était pas établi, a violé l'article L 3171-4 du code du travail et l'article L 1231-1 du code civil
2) Alors qu'il est de principe en droit du travail que la rémunération versée par l'employeur chaque mois doit correspondre au salaire minimal conventionnel pour ce mois sans possibilité pour l'employeur de compenser d'éventuels excédents mensuels avec les insuffisances constatées pour d'autres mois ; que lorsqu'une convention collective déroge à ce principe et établit une situation moins favorable pour le salarié, le droit commun prévaut sur le droit conventionnel ; qu'en se fondant sur la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile prévoyant le lissage des rémunérations sur 6 mois, pour décider que l'employeur qui avait versé après compensation d'un mois sur l'autre, sur la moyenne des 6 derniers mois, une rémunération correspondant au salaire minimum conventionnel, avait rempli son obligation de payer le salaire mensuel minimum, la cour d'appel a violé les articles L 3242-1 et L 1231-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil
3) Alors que en tout état de cause, le montant du SMIC ne peut être substitué au salaire conventionnel que si le salaire minimum conventionnel est inférieur au SMIC ; qu'en énonçant que le salarié avait été rempli de ses droits au motif que pour les mois de novembre 2007 à février 2007 le salarié avait perçu un salaire supérieur au SMIC, sans constater que le SMIC était supérieur au salaire minimum garanti la cour d'appel a encore violé l'article L 1231-1 du code du travail
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Patrice X... à payer la somme de 1549¿ au titre du non respect du préavis
Aux motifs que lorsque la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Monsieur X... produit les effets d'une démission, le salarié est tenu de verser à l'employeur au titre du non-respect du préavis d'un mois, une indemnité correspondant à un mois de salaire, soit en l'espèce la somme de 1.549 ¿ ;
Alors que la cassation qui interviendra sur le premier moyen de cassation du chef de la prise d'acte de rupture, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du chef du préavis en application 625 alinéa 2 du code de procédure civile