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25/09/2013 | FRANCE | N°12-15007

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-15007


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1235-10 du code du travail ;
Attendu qu'en vertu de ce texte seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sodimédical, faisant partie du groupe Lhomann et Rauscher, a soumis à son comité d'entreprise, en octobre 2010, un plan de cessation de son activité ainsi qu'un projet d

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1235-10 du code du travail ;
Attendu qu'en vertu de ce texte seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sodimédical, faisant partie du groupe Lhomann et Rauscher, a soumis à son comité d'entreprise, en octobre 2010, un plan de cessation de son activité ainsi qu'un projet de licenciement économique collectif et un plan de sauvegarde de l'emploi établi à cet effet ; qu'après avoir pris connaissance du rapport de l'expert qu'il avait désigné, le comité d'entreprise a saisi le tribunal de grande instance, pour qu'il soit jugé qu'aucune cause économique ne justifiait l'engagement d'une procédure de licenciement et pour obtenir l'annulation de celle-ci ;
Attendu que pour annuler le plan de sauvegarde de l'emploi présenté le 14 octobre 2010, la cour d'appel a retenu que le juge civil doit veiller au respect de la loyauté des relations entre le chef d'entreprise et les institutions représentatives du personnel dont le contentieux lui est dévolu, et notamment à l'égard du projet de licenciement collectif soumis au comité d'entreprise ; qu'en contrôlant la réalité du motif économique du projet, il s'agit uniquement pour le juge de contrôler la légalité du projet poursuivi ; qu'en effet, une consultation sur un projet présentant comme existant un motif économique qui est en réalité inexistant ne peut caractériser une consultation conforme à ce qui est exigé par le code du travail ; qu'en l'espèce, l'expert comptable désigné par le comité d'entreprise, indique que la transformation de Sodimédical entre 2005 et 2006 en simple sous-traitant du groupe mis en concurrence avec les autres fournisseurs sans aucune marge de manoeuvre est une condamnation pure et simple du site ; que la société Sodimédical n'apportant aucun élément contraire venant à l'appui des motifs pour lesquels la fermeture du site est envisagée, la procédure de licenciement pour motif économique est inexistante ainsi que tous les actes subséquents ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est indépendante de la cause du licenciement et que seule l'absence ou l'insuffisance du plan peut justifier son annulation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le comité d'entreprise de la société Sodimédical aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du comité d'entreprise de la société Sodimédical ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Sodimédical
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la cause économique conditionnant la nécessité d'un plan de sauvegarde et de reclassement avant un procédure de licenciement collectif n'est pas justifiée, et d'avoir en conséquence annulé le plan de sauvegarde de l'emploi proposé le 14 octobre 2010,
AUX MOTIFS PROPRES QU'après l'annulation par jugement du 30 juillet 2010 du tribunal de grande instance de Troyes aujourd'hui définitif d'un précédent plan de sauvegarde, la société Sodimédical a mis en route une nouvelle procédure de consultation du comité d'entreprise sur des projets de fermeture du site et de licenciement collectif pour motif économique et plan de sauvegarde de l'emploi ; que la société Sodimédical soutient que l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi ne peut être prononcée pour absence de motif économique, le contrôle du juge de droit commun, lequel ne peut porter sur le choix effectué par l'employeur entre les diverses solutions possibles pour assurer la sauvegarde et la compétitivité de son entreprise, ne conduisant pas celui-ci à se prononcer sur la cause réelle et sérieuse des licenciements projetés ; que le comité d'entreprise dit que sa consultation en vue d'engager une procédure de licenciement collectif doit être loyale et sincère, ce qui, soutient-il, n'a pas été le cas, car aucune cause économique au sens de l'ancien article L. 1233-2 du code du travail n'existe en l'espèce, alors que c'est par un choix délibéré de la société mère, la société Lohmann et Rauscher, qu'elle est mise en concurrence avec les autres unités de production du groupe, situées en Chine et en République Tchèque où sont délocalisés les emplois ; que le juge civil doit veiller au respect de la loyauté des relations entre le chef d'entreprise et les institutions représentatives du personnel dont le contentieux lui est dévolu et notamment à l'égard du projet de licenciement collectif soumis au comité d'entreprise ; qu'en contrôlant la réalité du motif économique du projet, le juge contrôle uniquement la légalité du projet poursuivi ainsi que l'a fait le tribunal de grande instance de Troyes dans le jugement attaqué ; qu'en effet, une consultation sur un projet présentant comme existant un motif économique qui est en réalité inexistant ne peut caractériser une consultation conforme à ce qui est exigé par le code du travail ; que la société Sodimédical évoque la fermeture de son site aux motifs principaux qui suivent : « confronté à un ralentissement de ses performances sur des marchés très concurrentiels, et plus particulièrement en France où les résultats de ses deux filiales présentes sur le marché (¿) sont très fortement déficitaires, le groupe doit reconsidérer son organisation. C'est pourquoi un plan de réorganisation mondial a été initié au sein du groupe Lohmann et Rauscher avec pour objectifs de rationaliser la production et de développer les économies d'échelles » ; que le rapport de novembre 2010 par la société Ceteris, l'expert comptable désigné par le comité d'entreprise, indique la transformation de Sodimédical entre 2005 et 2006 en simple sous-traitant du groupe mis en concurrence avec les autres fournisseurs sans aucune marge de manoeuvre est une condamnation pure et simple du site ; que la société Sodimédical réplique qu'il s'agit d'une estimation partisane, mais qu'elle ne rapporte aucun élément contraire qui viendrait à l'appui des constatations citées plus haut ; que la procédure de licenciement économique est inexistante ainsi que tous les actes subséquents, et le jugement est confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il a déjà été jugé par la haute cour que le contrôle du plan social par le juge ne conduit pas celui-ci à se prononcer sur la cause réelle et sérieuse des licenciements économiques projetés ; que pour apprécier la validité du plan de sauvegarde, il faut faire application de l'article L. 1235-10 du code du travail ; qu¿il n'appartient pas au tribunal de grande instance d'apprécier la validité de la procédure de licenciements, au contraire du conseil des prud'hommes, à qui la loi attribue compétence pour juger de l'existence d'une cause réelle et sérieuse à la rupture du contrat de travail ; que cependant le conseil des prud'hommes intervient lorsque la perte de l'emploi est devenue définitive et ne laisse alors subsister qu'une possibilité de dédommagement ; qu'il est de la compétence du tribunal de grande instance d'apprécier la validité du plan de sauvegarde ; que l'article L. 1235-10 précité permet d'invalider un plan de sauvegarde en raison de son insuffisance, appréciée au regard des moyens du groupe ; que pour autant un plan contenant des mesures suffisantes ne saurait être validé alors que le motif économique qui le sous-tend serait inexistant ou non justifié ; qu'il tient sa raison d'être d'une cause économique justifiant la restructuration ou la fermeture de l'entreprise et emportant suppression de l'emploi ; qu'un plan de sauvegarde sans motif économique se trouve nécessairement vicié par le détournement de procédure voire la fraude et ne peut être validé quelque soit le degré d'effort fait par l'employeur pour reclasser son personnel et accompagner les transitions d'emploi ; qu'il faut examiner si un motif économique réel a guidé la décision de fermeture de la société Sodimédical ; que la situation économique compromise de la société Sodimédical ne fait pas de contestation ; qu'il a été jugé en juillet 2010 que c'était le résultat de choix de gestion qui mettaient la société sous concurrence des autres sociétés du même groupe ; que cela est confirmé par l'expert désigné par le comité d'entreprise qui conclut à une fermeture programmée et à un redéploiement de l'activité vers d'autres pays, en notant l'absence d'investissement significatif ces dernières années, l'ouverture de sites concurrents dans les pays à bas coûts, la non intégration du site dans le nouveau système d'information et l'absence de recherche crédible d'alternatives ; que c'est un abandon progressif qui est décrit ; que la société Sodimédical évoque des contraintes de concurrence internationale dans un marché mondialisé ; que dans le jugement du 30 juillet 2010, devenu définitif, le présent tribunal a déjà eu l'occasion de dire qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur les choix de réorganisation que le groupe est en droit de faire et qui pourraient effectivement être dictés par une structure mondialisée du commerce ; que néanmoins, pour que ce motif légitime de plan puisse être admis, encore faut-il rapporter la preuve concrète que la restructuration du groupe est effectivement commandée par des contraintes de ce genre ; que le tribunal ne peut se contenter de suppositions tirées de considérations générales sur le commerce mondial ; que cette preuve n'est pas rapportée ; que l'expert missionné par le comité d'entreprise n'a pas eu accès éléments comptables du groupe, lesquels n'auraient d'ailleurs pas nécessairement permis la preuve recherchée ; que cet expert indique que le défaut de compétitivité reproché à la société Sodimédical n'est pas entièrement fondé puisque sur les comparatifs utilisés par l'entreprise elle-même, ses coûts de production restent inférieurs au prix du marché pour deux produits sur quatre ; que si cette fermeture du site a été effectivement mise en oeuvre sous la contrainte d'une concurrence internationale menaçante pour la pérennité du groupe, sa validation pourrait alors être admise ; qu'hormis l'affirmation de la société Sodimédical, aucun document, aucune étude concrète ne le justifie ; que dès lors, le motif économique invoqué par la société Sodimédical, filiale d'un groupe prospère, n'apparaît pas justifié ; que le plan de sauvegarde, bâti pour une procédure de licenciements collectifs, pour un motif économique qui n'est pas justifié, ne peut être validé par le tribunal de grande instance ;
ALORS QUE la procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique du licenciement, la validité du plan et de la procédure étant indépendante de la cause du licenciement ; qu'en annulant le plan social proposé par la société Sodimédical au motif que celle-ci ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un motif économique susceptible de justifier des licenciements, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-10 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-15007
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 03 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2013, pourvoi n°12-15007


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.15007
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