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19/09/2013 | FRANCE | N°11-28076

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 septembre 2013, 11-28076


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été mis à la disposition de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, en qualité de manutentionnaire ou d'opérateur, dans le cadre de cent dix-huit contrats de mission conclus avec la société Manpower, entreprise de travail temporaire, entre le 7 novembre 2003 et le 31 décembre 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification de l'ense

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été mis à la disposition de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, en qualité de manutentionnaire ou d'opérateur, dans le cadre de cent dix-huit contrats de mission conclus avec la société Manpower, entreprise de travail temporaire, entre le 7 novembre 2003 et le 31 décembre 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification de l'ensemble des contrats de mission d'intérim en un contrat à durée indéterminée et le versement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que le remplacement d'un salarié fait partie des cas dans lesquels il peut être recouru à des contrats de travail temporaire, que si M. X... a conclu de nombreux contrats de mission, il n'a en revanche remplacé que peu de salariés, que les contrats sont conformes aux dispositions légales, que divers documents justifient l'absence des salariés remplacés, que s'agissant du remplacement de salariés absents, il n'existe en application de l'article L. 1251-11 du code du travail aucune limitation de durée, ni aucune interdiction de renouvellement et qu'enfin le salarié ne peut soutenir qu'il occupe un poste pérenne dans l'entreprise puisque notamment durant près de trois ans, il a remplacé le même salarié absent dont le poste a été supprimé ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la régularité formelle des contrats successifs et de l'effectivité des absences des salariés à remplacer, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au regard du nombre des contrats de mission successifs, de la nature des postes auxquels le salarié était affecté et des tâches qu'il avait à accomplir, celui-ci n'avait pas en réalité occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine à payer à la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas la somme de 2 500 euros et rejette la demande de la SAS Manpower ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Touffik X... de ses demandes tendant à obtenir la requalification de ses missions d'intérim au sein de la société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE en un contrat à durée indéterminée, et de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification de ce chef, d'un rappel de salaire du 1er juin 2006 au 31 août 2007 outre les congés payés y afférents, ainsi que diverses indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
" Monsieur X... conteste la décision prud'homale qui a rejeté sa demande de requalification en faisant valoir qu'il a aux termes de 120 contrats de mission occupé durant près de 4 ans un même poste de sorte qu'il occupe nécessairement un emploi pérenne et durable ; qu'il dénonce également le fait qu'il a remplacé Monsieur Y... jusqu'au 31 juillet 2007 alors que ce salarié était rayé des effectifs depuis le 1er juin 2007 ; qu'il relève que la société MANPOWER ne justifie pas du nombre et de l'évolution des salariés ; qu'il estime enfin que les deux sociétés doivent être condamnées solidairement dès lors que la société MANPOWER ne peut ignorer les fraudes de son client ; que la société MANPOWER réplique avoir parfaitement respecté la législation alors en vigueur et s'en remet aux écritures de l'entreprise utilisatrice ; qu'elle souligne que les missions de Monsieur X... sont toutes justifiées par le remplacement de salariés absents, et en dernier lieu pour remplacer le salarié jusqu'à la suppression du poste ; que la société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE affirme démontrer que les cas de recours sont légaux et sont, aux termes des pièces justificatives versées au débats, réels ; qu'elle conclut que les motifs pour lesquels elle a eu recours à l'intérim sont autorisés par l'article L. 1251-6 du code du travail ; que l'article L. 1251-5 du code du travail énonce que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'aux termes de l'article L. 1251-6 du code du travail un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que dans des cas limitativement énumérés ; que le remplacement d'un salarié est l'un de ces cas ; que le remplacement d'un salarié est lui-même autorisé dans cinq cas dont l'absence du salarié, et le départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel s'il en existe ; qu'en l'espèce l'ensemble des contrats produits en annexe vise précisément ces deux derniers cas d'utilisation ; qu'il résulte des pièces annexes que si Monsieur X... a conclu de nombreux contrats de mission il n'a en revanche remplacé que peu de salariés ; qu'ainsi il a remplacé : Monsieur Z... en maladie : du 7 novembre au décembre 2003 (2 contrats), Monsieur A... absent suite à un accident du travail du 17 décembre 2003 au 28 juin 2004 puis en détachement jusqu'au 20 octobre 2004 auprès d'une association pour la réinsertion de salariés victimes d'accident du travail (36 contrats), Monsieur Y... en maladie du 21 octobre 2004 jusqu'au 20 mai 2007, puis en congés du 16 au 31 mai et enfin à compter du 1er juin jusqu'au 6 août 2007 en raison de son départ définitif précédant la suppression de son poste (75 contrats), Monsieur B... en congés du 20 au 31 août 2007 (1 contrat), Monsieur C... en détachement du 1er septembre au 31 octobre 2007 (2 contrats) ; que s'agissant du remplacement de salariés chaque contrat précise le nom du salarié absent, le motif de l'absence et s'il s'agit d'un remplacement direct ou par glissement, de sorte que lesdits contrats sont conformes aux dispositions légales ; que les copies des arrêts de travail, des fiches de pointage, ou de mutation, ainsi qu'un tableau récapitulatif justifient de l'absence des salariés remplacés par Monsieur X... ; qu'enfin en application de l'article L. 1251-11 du code du travail il n'existe, s'agissant de remplacement de salarié absent, aucune limitation de durée, ni aucune interdiction de renouvellement ; que les deux remplacements les plus importants sont ceux de Monsieur A... durant 6 mois et demi et de Monsieur Y... durant 2 ans et 10 mois ; que s'agissant ce dernier il est justifié par la production de l'extrait du procès verbal du 31 janvier 2007 de l'information du CE de la suppression, au demeurant non contestée, du poste de Monsieur Y... ; que Monsieur X... ne peut par conséquent soutenir qu'il occupait un poste pérenne dans l'entreprise puisque notamment durant près de 3 ans il a remplacé le même salarié absent dont le poste a été supprimé de sorte qu'il ne s'agit pas d'un emploi pérenne ; que le fait qu'il ait été maintenu sur le poste de Monsieur Y... après que celui-ci ait été rayé des effectifs s'inscrit parfaitement dans les dispositions de l'article L. 1251-6 du code du travail prévoyant le remplacement d'un salarié ayant définitivement quitté l'entreprise jusqu'à la suppression de son poste de travail ; que Monsieur X... a ensuite remplacé un salarié durant les congés d'été puis durant deux mois un salarié en détachement ; que de ces énonciations il s'évince que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de requalification formulée par Monsieur X... ainsi que les demandes qui en découlent tendant au paiement des indemnités de requalification et de rappel de salaire et de congés payés absolument pas explicitées ; que le jugement entrepris est donc confirmé, et ce en toutes ses dispositions ; sur les demandes nouvelles à hauteur de cour ; qu'en l'absence de requalification en contrat à durée indéterminée le salarié est titulaire d'un contrat de mission intérim ; que Monsieur X... justifie par la production d'un courrier de la CPAM du 21 décembre 2007 que celle-ci a reconnu le caractère professionnel de l'accident du travail du 29 septembre 2007 ; qu'à cette date Monsieur X... était toujours lié par un contrat de mission d'intérim, le terme de la mission étant fixé au 31 octobre 2007 ; que cet accident du travail est en l'espèce sans incidence sur l'issue de la mission puisque l'article L. 1251-29 du code du travail dispose que la suspension du contrat de mission du salarié ne fait pas obstacle à l'échéance de ce contrat ; que par conséquent le contrat a pris normalement fin à son échéance le 31 octobre 2007, de sorte qu'il ne saurait être question de licenciement, a fortiori de licenciement nul emportant réintégration du salarié dans les effectifs de la société ARCELOR ; que Monsieur X... ne peut être que débouté de toutes ses nouvelles demandes formulées devant la cour qui sont conditionnées par une requalification qui n'a pas été prononcée, "
ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE
" Monsieur X... Touffik a été détaché par la société MANPOWER auprès de l'entreprise utilisatrice, la société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE par le biais de trois contrats de mission de travail temporaire conclus pour le remplacement de salariés absents ; que bien qu'étant toujours employé de la société MANPOWER et détaché à l'entreprise société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE, Monsieur X... Touffik entend réclamer le paiement d'un rappel de salaire et d'indemnité de requalification ; qu'aucun document émanant de Monsieur X... n'a été transmis à la partie défenderesse, que suivant l'article 15 du NCPC, il est demandé à chacune des parties la communication des pièces, si bien que le contradictoire n'est pas respecté en sa forme ; que le conseil au regard des pièces fournies par la partie défenderesse peut tout de même prendre une décision, et statuer sur le fond du litige ; que les pièces de Monsieur X... ne peuvent être prise en compte dans le débat comme le stipule l'article 16 du NCPC, lequel prévoit que le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications, et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été en mesure d'en débattre contradictoirement ; que par conséquent, les demandes de monsieur X... portant sur un rappel de salaire du 21 octobre 2004 au 24 octobre 2007 ainsi que les congés payés y afférents ne peuvent qu'être rejetées en l'espèce, aucun élément probant n'étayant lesdites demandes formées de ces chefs ; que Monsieur X... sollicite la requalification de ses contrats de mission de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, évoquant le fait des trop nombreux contrats et de leur durée dépassant la durée maximale de 18 mois, renouvellement compris ; que l'article L. 124-2-1 du code du travail définit les cas où l'entreprise utilisatrice peut faire appel aux salariés d'une entreprise de travail temporaire ; que dans cet article figure le cas du remplacement de salariés absents, ce qui est le cas dans cette affaire comme l'atteste les contrats de travail ainsi que les pièces relatives à l'absence pour maladie des salariés nommés dans les contrats ; pièces produites aux débats par la partie défenderesse ; que l'article L. 124-2-2 du code du travail définit quant à lui les durées maximales et les possibilités de renouvellement des contrats de travail temporaire ; qu'en l'espèce, les durées et renouvellement de chaque contrat de mission pris isolément, sont en parfait accord avec l'article L. 124-2-2 du code de travail ; que de ce fait les différents contrats de travail temporaire de Monsieur X... sont parfaitement en accord avec les articles L. 124-2 à L. 124-2-4 qui régissent ce type de contrats de mission ; que par conséquent, le conseil de prud'hommes constate que le recours à un salarié d'entreprise de travail temporaire, en l'espèce Monsieur X..., est régulier et en accord avec les articles L. 124-1 et suivants du code du travail limitant l'utilisation de personnel de travail temporaire, et au regard de ce qui précède, déboute Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ",
ALORS QUE la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ; qu'il en résulte que l'entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre de sorte qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande de requalification formulée à l'encontre de la société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE aux motifs que les missions confiées au salarié s'inscrivaient dans le cadre des dispositions de l'article L. 1251-6 du code du travail en ce qu'elles concernaient, d'une part, le remplacement de salariés absents pour congés ou maladie et, d'autre part, le départ définitif d'un salarié précédant la suppression de son poste, sans même rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Monsieur X... n'avait pas occupé en réalité depuis quatre années le même poste sous couvert de remplacements successifs correspondant à un besoin structurel de l'entreprise et si le recours à 118 contrats de mission de manière systématique avait en réalité pour objet de pourvoir durablement les emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise justifiant le prononcé de la requalification de la relation contractuelle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-28076
Date de la décision : 19/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Metz, 31 janvier 2011, 08/00083

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 31 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 sep. 2013, pourvoi n°11-28076


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.28076
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